C’est alors qu’arrivèrent Catherine et Sophie , portant Martha dans ses bras.
- Alors les garçons, on plaisante entre bons amis ?
Les garçons ne répondirent pas.
Serge les rejoignit à son tour.
- Alors, on se plait dans sa résidence de vacances ? Dit-il en plaisantant.
- Mais comment pouvez-vous dire çà, espèce de crétin ! Répliqua Catherine, exaspérée par le détachement du conducteur. Non mais, regardez dans quel piège, vous nous avez entrainés ! Quand pourrons-nous sortir d’ici, maintenant ?!
Le chauffeur accueillit l’appréciation de sa passagère en soupirant, sans s’énerver.
- Il faut voir les choses du bon côté. Répondit-il calmement. Nous avons une chambre, un lit, un cabinet de toilette et de quoi manger pour plusieurs jours. Il y a certainement eu une panne au niveau du réseau. Demain, tout sera rétabli et quelqu’un viendra nous sortir d’ici et tout sera fini.
Serge n’en pouvait plus de ces passagers mécontents qui l’injuriaient toute la journée, alors qu’il ne pouvait jamais leur répondre.
- Vous êtes mariée, madame ? Demanda Marcellin à Catherine pour changer de sujet.
- Vous pouvez m’appeler Catherine. Répondit-elle épuisée par sa propre colère.
Je l’ai été.
Elle fit une pause.
- Je ne le suis plus aujourd’hui mais c’est moi qui suis à l’origine de notre séparation.
- Vous vous êtes disputés avec votre mari ? Questionna-t-il, s’intéressant, en connaisseur, aux cas de discorde des autres familles.
- Pas exactement. Répondit-elle avec lassitude. J’empêchais simplement mon mari de vivre. Je suis extrêmement jalouse. Dés qu’il regardait passer une fille, dés qu’il me faisait un commentaire sur l’une de ses collègues ou l’une de mes amis, j’avais tellement peur qu’il parte avec elle que je lui faisais une crise. Un jour, où j’étais allée trop loin, il est parti pour de bon, alors qu’il ne m’avait jamais trompée et qu’il m’aimait. J’ai tout foutu en l’air, par bêtise. Chez moi, la jalousie est une maladie incurable.
Marcellin eut un sourire gêné.
- Et toi, Sophie es-tu mariée ? Demanda Philippe en se tournant vers la maman.
- Oui, depuis deux ans mais mon époux a dû partir en mission à l’étranger, juste avant la naissance de la petite. Répondit-elle simplement. Il est attaché d’ambassade et il ne revient à la maison que tous les 3 mois.
- Tu as dû élever la petite toute seule, alors? Questionna Théo. Cà a dû être difficile !
- Difficile, n’est pas le bon mot. Ça a été éreintant, exténuant, … obsédant ! Après la naissance de Martha, j’étais épuisée et ce petit ange, qui avait toujours faim, a pleuré toutes les nuits durant, au moins, les deux premiers mois. Depuis sa naissance, ce petit être innocent s’est approprié ma vie et je n’existe plus vraiment, maintenant, qu’à travers elle. J’ai l’impression que je ne reverrai plus jamais la couleur de ma vie d’avant.
Théo observa la petite Martha, assise comme une grande sur la chaise et qui paraissant très sage.
- N’est-ce pas, ma petite Martha, que tu m’as tout pris de mon ancienne vie ! Et quand me la rendras-tu ?
Sophie baissa la tête, souhaitant cacher son émotion restée encore vive.
Edmond sortit alors de sa chambre ; il paraissait exceptionnellement enjoué.
- Ah mais vous êtes déjà tous là ?!
- Quel talent d’observation ! Répondit Théo.
Edmond dévisagea Théo.
- Je t’ai fait quelque chose pour que tu me parles comme çà ?
- Je ne peux pas saquer les banquiers ! Répondit Théo. Ce sont des arnaqueurs. Sous leur costume bien taillé, qui leur donne une apparence d’honnêteté, ce sont des pickpockets. Ils vous font les poches jusqu’à la dernière pièce.
- Tu as le droit d’avoir cet avis. Répondit Edmond. Je n’ai pas inventé le métier de banquier et je ne l’ai même pas choisi.
- Comment peut-on travailler dans une banque sans avoir choisi ce métier ? Eructa Théo.
- En étant le fils du Directeur, c’est tout.
- Ton père est le Directeur de la banque où tu travailles ?
- Puisque je te le dis. Et si tu crois que c’est plus facile, tu te trompes. Je n’ai jamais voulu être banquier. Déjà petit, je détestais les chiffres, même les tables d’addition me terrorisaient. J’aimais la nature, les arbres, les animaux, tout ce qui n’avait aucun intérêt économique pour mon richissime père. J’ai dû suivre les filières économiques, commerciales, financières mais chaque soir, après la classe, je vomissais. Je n’ai même pas pu choisir la banque où j’allais travailler. Je devais avoir ma place dans Sa banque, arnaquer Ses clients, présurer Ses fournisseurs et adouber Ses employés pour pouvoir créer une dynastie du vol légal et généralisé. Et ce n’était jamais suffisant, il fallait faire toujours mieux. Il me brusquait, m’aboyait dessus, m’humiliait pour que je suive sans réfléchir Ses mêmes méthodes douteuses. Il m’a pris mes goûts, mon esprit, ma vie pour Son ambition mégalomaniaque. Alors, ton avis sur les banquiers, il est surement mille fois plus positif que le mien !
Un corbeau passa soudain, en croassant, au dessus de la muraille grise.
C'est intriguant, ils sont étonnemment calme malgré ce qui leur arrive et en même temps tellement humains.
Hâte de découvrir la suite !