- VII -

Notes de l’auteur : Update 04/12/24 : je viens de remanier le chapitrage en fusionnant / séparant les chapitres, parce que je me suis rendue compte que certains passages d'un chapitre à l'autre n'étaient pas toujours pertinents, et je me dis, zut, il va y avoir certains lecteurs qui auront manqué un ou plusieurs épisodes et qui seront perdus. Je suis vraiment désolée pour la gêne occasionnée, parce qu'il va peut-être vous falloir retourner un peu en arrière...

Le soleil se couchait dans sa barbe rose. Il ressemblait à un jaune d’œuf. Elena le contemplait d’un œil morne, alors qu’elle était assise sur le rebord de la fenêtre, en haut de la tour ouest. C’était là qu’elle allait, tous les soirs, avec Bell pour regarder les reflets de l'astre colorer la lisière du monde. Presque tous les soirs, quand sa sœur n’était pas abattue par les traitements à répétition et qu’elle pouvait se lever. Elles avaient l’habitude de s’y retrouver toutes les deux face à face ou côte à côte et de s’y confier d’inépuisables secrets. Ce soir-là, Elena était seule. Elle avait bien d’autres sœurs : Éléonore, Adélaïde et Laurine. Mais Éléonore et Adélaïde auraient roulé des yeux à la seule idée de passer la soirée à fixer l’horizon. Laurine, quant à elle, avait ses propres occupations et demeurait introuvable. De toute façon, cela n’intéressait pas Elena de passer du temps avec quelqu’un d’autre que Bell.

La lettre de Bell, la fillette l’avait lue plusieurs fois, jusqu’à la connaître par cœur. Bell y expliquait son besoin de rompre avec la vie qu’elle avait eue jusque là, d’explorer de nouveaux chemins, de reprendre le contrôle de sa vie, quitte à ce que cela ne dure que quelques jours. Elena l’avait lue et relue, et avait compris deux choses. D’abord, que cela ne suffisait plus, à Bell, de passer ses journées avec sa petite sœur. Ensuite, que Bell risquait de ne pas revenir. Elena en pleurait encore de rage quand elle y repensait.

À l’annonce de sa disparition, ses parents et ses autres sœurs avaient à peine froncé les sourcils. Elle ne peut pas aller bien loin, elle rentrera, disaient-ils, et des yeux s’agrandissaient, des épaules se soulevaient. Elena était d’abord restée interdite devant l’inertie de sa famille. Elle ne sentit sa colère qu’après s’être mise à crier, les accusant de froideur, de ne pas se soucier de Bell, de ne pas l’aimer. Et alors, c’était pire. Les yeux s’écarquillaient, encore plus grands, on se précipitait pour la faire taire. Dans la famille, on savait contrôler ses émotions. Elle était indécente. Elena n’en hurla que plus fort.

― Allez, sèche tes larmes, arrête de vociférer, t’es pas belle, quand t’es comme ça, tu nous fais mal aux oreilles.

Et, devant la mine déconfite et sans couleur de la petite, on ajoutait :

― On va attendre quelques jours, pour voir. Et puis on commencera les recherches.

― Pour voir quoi ?

― Si elle revient. Elle va vite se rendre compte qu’elle n’est pas faite pour l’aventure.

― Mais… elle… Bell ne veut pas revenir.

Les sanglots se pressaient dans sa gorge. On essaya de la réconforter. Elena ne voulait pas être réconfortée.

― Raison de plus pour la laisser faire ce qu’elle a envie ! Elle est grande.

― Vous l’abandonnez.

― Pas du tout, qu’est-ce que tu vas chercher là ? C’est elle qui est partie.

Il y avait toujours eu un malaise autour de Bell, dans le palais. Les médecines étaient hasardeuses. La mort rôdait autour des enfants et pouvait les emporter à tout moment. Certains mouraient sans qu’on s’y attende. Au contraire, on n’avait cessé d’annoncer que Bell ne survivrait pas, et elle était encore là. Le roi et la reine avaient perdu plusieurs enfants, avant Bell. Ils confiaient à présent leurs filles à des gouvernantes et se méfiaient de l’attachement.

Tout juste après Bell était née Éléonore. Grande, solide, Éléonore avait la voix forte et un port de reine. On n’avait jamais eu peur que celle-ci faiblisse, et Bell avait été libérée de toute attente, de toute exigence, par le seul fait que cette sœur altière, qu’elle connaissait mal, concentrait toute l’attention. Involontairement, Eléonore avait permis à Bell de s’échapper.

Cette nuit-là, Elena dormit à peine, elle ne cessait de tourner et de retourner sa colère et sa tristesse, et dans quelque sens qu’elle les mette, elle trouvait que ça n’allait pas.

L’aube pointa derrière les rideaux. Elena ne dormait pas. Elle enfila ses chaussures, sa robe la plus simple, un manteau léger, et partit sans prévenir personne. Elle emprunta le même chemin que sa sœur, traversa la forêt d’un pas si décidé qu’elle n’eut pas le temps d’avoir peur, de douter, ni d’observer. Quand elle arriva au pied du pont qui menait au village, elle aperçut le Pic de la Sorcière qui devenait visible dans la lumière du matin. Qui connaissait Bell mieux qu’Elena ? Elle était au courant de l’existence de la zylocéline. Bell lui en avait parlé. Seulement, Elena avait cru qu’au moment où sa sœur se serait mise en route, elle l’aurait prévenue, elles seraient parties toutes les deux.

Il y avait plusieurs jours de marche avant de rejoindre Bell, et la fillette n’avait rien pris avec elle, rien mangé depuis la veille. Le village commençait à se réveiller et son estomac aussi.

La porte d’une boulangerie était ouverte. On aurait dit que la lumière du soleil y entrait aussi bien qu’elle en sortait. Il y avait un chat près de la porte. Un gros matou aux longs poils blancs qui faisait la sieste tout en maintenant de son corps paresseux la porte grande ouverte. Elena s’accroupit face au chat pour le saluer d’une caresse.

― Eh bien, Flappy, tu t’es fait une amie ? questionna une voix chaleureuse, qui surgit de l’intérieur de la boulangerie.

Elena leva les yeux. C’était une femme replète au visage rayonnant.

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Carmen
Posté le 03/11/2024
Ok Jeff, il va te falloir au moins 3 chapitres pour te rattraper, pcq déjà tu attaques le loup auquel je suis beaucoup trop attachée émotionnellement (j'imagine tellement une peluche à son effigie !) et en plus tu dis qu'il est gros et que Bell est pas éduquée :/ Mais j'espère que sa fille va bien pcq je sens qu'un papa triste ça va me briser le cœur mdr
Baladine
Posté le 06/11/2024
Hello Carmen !
Haha ! je vois bien le loup gris en peluche, avec son foulard rouge autour de la patte ! Alors Jeff est certes un peu mal bourru, mais ce n'est pas lui, le cinglé au fusil qui a tenté de l'attaquer ^^
A très vite, je vais répondre à tes petits messages <3
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