Je la perdais souvent.
Dans la rue, sur les marchés, sur les marchés de Noël, dans la maison, dans les musées, les aquariums, les parcs à thèmes, les fêtes foraines, dans les parkings, les salles des fêtes, les espaces verts, dans les galeries commerciales, les supermarchés, sur les aires d'autoroutes, en balade à la campagne, les magasins de jouets, les magasins, dans un train, le jardin, à un mariage, chez les copains, sur la plage, à la gare, dans les campings, dans les toilettes publiques, les cinémas, sur une piste de ski, à la piscine, dans la forêt, dans les allées des cirques, les travées des églises, dans les escalators, les escaliers, dans les rayons des librairies, dans un camion de déménagement, à la kermesse, dans la foule, dans la mer dans la houle, dans le métro, dans un placard dans mes manteaux, dans des buissons, dans un zoo, dans un resto, dans un mcdo, au défilé, au carnaval.
Je la perdais quelques minutes, et tout s'effondrait, tout s'explosait dans mon ventre. Je me voyais déjà vivant sans elle – vivante sans elle – une vie morne le cœur creusé. Je me mordais déjà les joues au sang, coupable, buvais mon jus. Pleurais d'avance. À la pensée de rentrer seule, de dire à son père :
_ Elle s'est perdue. Je l'ai perdue.
Pour ne pas dire on l'a enlevée, me l'a enlevée des bras comme un goûter. Ne pas lui dire on ne la reverra jamais.
Et puis elle surgissait toujours, je rugissais toujours. Bramant dans son col :
_ Je te croyais morte.
Et elle riait, et nous riions.
Elle jouait juste à se perdre.