Vœux et étoiles filantes

Je me rappelle avec acuité de ce jour-là. En apparence c’était un jour comme un autre, maman m’avait demandé d’aller chercher Ganelon pour qu’on passe à table. Comme d’habitude, il était allongé sur un tas de foin.

— Alors petit frère, encore à regarder le ciel ?

— Tu verras Godefroy, un jour, j’observerai des étoiles filantes et mes vœux se réaliseront…

— Tu crois encore à ce genre de sornettes ? Les étoiles filantes qui réalisent les vœux, ce n’est que de la superstition !

— Ne me traite pas comme un gamin ! J’ai 13 printemps ! Et puis, tu devrais comprendre que je ne parle pas de vraies étoiles filantes, mais des exilés dont la magie résiduelle se disperse dans toutes les directions lorsqu’ils percutent le bouclier qui entoure…

— C’est pas vrai ! Tu as encore été traîner chez ce dingue d’Eusæbius !

— Il n’est pas dingue ! c’est un érudit !

— Si papa l’apprend, tu vas encore avoir droit à une correction, et tu ne l’auras pas volé ! Non, mais franchement, qu’est ce que tu t’imagines ? Que tu vas pouvoir t’emparer de l’un de ces éclats divins et mener la grande vie ?

— Cela n’a rien de divin, c’est de la magie cristallisée ! Et tout le monde peut s’en emparer et l’utiliser !

— Redescends sur terre ! Même si un dieu déchu atterrissait dans le coin, il ne faudrait que quelques minutes pour que cela grouille de sorciers se téléportant partout pour tout récupérer, déclarais-je en appuyant mes propos de grands gestes. Et si par malheur, tu arrivais à trouver un éclat avant eux, ils te tueraient avant même que tu aies le commencement d’une idée sur comment utiliser un tel pouvoir ! Ce genre de vie n’est pas pour les gens comme nous !

— J’ai déjà commencé à apprendre ! Tu ne te rends pas compte de ce dont je serais capable si j’avais à ma disposition plus de puissance magique !

— C’est vraiment ce que tu veux ? Demandais-je en m’asseyant par terre, passer ta vie à regarder par-dessus ton épaule en ayant peur qu’un sorcier plus puissant ne s’attaque à toi pour te voler le pouvoir que tu auras accumulé ? Avec quelles perspectives ? Traquer les sorciers plus faibles de peur que l’un d’eux ne devienne suffisamment fort pour s’en prendre à toi ? Ne peux-tu pas te contenter d’une vie simple ? Sans magie ? Ne te rends-tu pas compte de toutes les complications que la magie apporte ? Les sorciers ne s'intéressent pas aux gens du commun, pourquoi le feraient-ils ? Voler notre nourriture ? Il leur est si facile de faire apparaître un festin d’un claquement de doigts, nous n’avons rien qu’ils ne puissent créer sans efforts, c’est pour ça que nous ne risquons rien.

— Personne ne t’a prévenu ? Pour la ferme des Pouilles…

— Quoi ? De quoi tu parles ? Le pressais-je en me relevant.

— Tes sorciers «gentils» car nous n’avons rien d’intéressant à voler… Ils ont «joué» avec la mère Pouilles et ils ont enlevé Frénégonde.

— Tu ne réalises probablement pas la cruauté de ta façon de m’apprendre ces tristes nouvelles, répondis-je en retenant mes larmes. Et tu restes naïf, tu veux jouer les protecteurs ? Tu crois être le premier ? Si tu t’engages sur cette voie, tu finiras comme eux.

Je me suis éloigné, éloigné du tas de foin, éloigné de la maison, éloigné de cette vie.