Voyage

Par Nascana

– Tu vas voir ! Y a moyen de se faire de l’argent, avec un talent tel que le tien…

Royness se frotta les mains. Elle, cela faisait longtemps qu’elle ne l’écoutait plus. À quoi bon, puisqu’il répétait toujours les mêmes choses ? Parfois, elle en venait à se demander pourquoi elle l’avait suivi ? Sans doute parce qu’elle désirait voyager et que lui-même avait une charrette tirée par des chevaux.

– J’imagine déjà les pièces.

C’était un peu mal venu de sa part puisque c’était elle qui ferait tout le travail.

– Sûr que ses idiots de zombies auront des travaux à te fournir. Ensuite direction…

– Et si ce n’est pas le cas ? l’interrompit-elle.

Le gnome tourna ses immenses yeux vers elle.

– Impossible ! Ils ont sans doute des bijoux à sertir.

– Pourquoi n’auraient-ils pas leurs propres artisans ?

– Ils sont tellement gauches que je les imagine mal réussir à le faire eux-mêmes, ricana Royness.

Elle ne l’écouta que d’une oreille, les méchancetés qu’il prenait plaisir à dire la fatiguaient. Nielle n’était jamais venue dans cette contrée, et aurait préféré la découvrir par elle-même. Au lieu de ça, elle s’imaginait déjà de longues heures à travailler, enfermée dans un atelier, sans vraiment pouvoir quitter les lieux. La rançon de la gloire, sans doute.

– Tiens, tu vois là-bas ? C’est leur village. Ils restent ici, parce que c’est là que se trouvent les plants dont ils ont besoin pour leur élixir. Sans lui, ils pourrissent sur place. À moins de dévorer de la chair fraîche, bien sûr. Cela explique pourquoi ils n’ont que peu de visites. Enfin, je ne risque rien surtout avec toi, à mes côtés.

La jeune femme haussa les sourcils.

– Je croyais qu’ils n’étaient pas agressifs ?

– C’est le cas. Mais je ne sais pas ce qu’il se passe dans la tête de ces primitifs…

Roy se montrait toujours aussi sympathique. Voilà qu’elle devenait garde du corps, en plus d’être là pour lui faire gagner de l’argent. À croire qu’il vaudrait mieux qu’elle économise pour se payer à son tour, une charrette. Ensuite, elle pourrait fausser compagnie à cet homme qui ne cherchait qu’à l’exploiter.

– Que vas-tu leur vendre ? Les tissus que tu as obtenus chez les Arachnées ?

Il secoua la tête.

– Ils sont beaucoup trop précieux. Je consentirai à en vendre quelques-uns, juste pour fidéliser le client.

Nielle haussa les épaules. Après tout, cela ne l’intéressait pas. Son attention se dirigea vers le petit village. Les maisons étaient aussi simples que possible en pierre avec du bois apparent, elles avaient un toit fait de tuiles de terre cuites. De la fumée s’échappait des différentes cheminées. D’ici, ils ne paraissaient pas y avoir d’habitations plus grandes que les autres, ce qui sembla étrange à Nielle.

– Le village est petit. Est-ce que c’est là toute leur population ?

– À ce qu’on dit, il se reproduise très lentement. Sûrement, parce que leur espérance de vie est longue. En même temps, ils prennent peut-être des mesures. Après tout, ils n’ont aucun intérêt à être trop nombreux.

– Comment cela ?

Roy se tourna vers elle, avec un grand sourire aux lèvres. La jeune femme détestait quand il la regardait comme ça. Il la prenait pour une idiote. C’était vrai qu’elle n’avait pas ses connaissances, mais cette façon de faire la blessait.

– Ils ne peuvent pas se permettre d’être trop nombreux, puisqu’ils sont dépendants de leur élixir. Il faut qu’ils puissent en produire pour tout le monde.

Nielle reporta tristement son attention sur le village.

– Comment faire dans ce cas ? murmura-t-elle, en craignant d’imaginer la réponse.

– Y a pas beaucoup de solutions : soit on évite la conception d’enfant, soit on s’occupe de ceux à venir. À moins qu’on se débarrasse des plus vieux…

Cette idée n’avait rien de plaisant, même si elle en comprenait la logique.

– Ne prends pas cette mine dégoûtée ! Je croyais que les tiens n’avaient aucun scrupule à dévorer leurs enfants.

Elle lui jeta un regard en coin.

– N’importe quoi, souffla-t-elle.

Il l’énervait à croire tout savoir.

– Parce que tu vas me dire que jamais aucun des tiens n’a mangé un bébé ?

Nielle ne lui répondit pas, pensant qu’il finirait par se lasser.

– Au siège de Tarnun, aucune des femmes n’avait d’enfants en bas âge…

– Et alors ? Peut-être qu’aucune n’avait de bébé.

– C’est ça, ta justification ?! Je suis sûr que tu en sais plus que tu ne veux bien l’avouer.

La jeune femme haussa les épaules, feignant l’innocence. Elle ne voulait pas lui avouer que les femmes de son espèce pouvaient avaler leur enfant quand il était petit, pour le régurgiter une fois en sécurité. Cela avait l’avantage de leur laisser les mains libres pour se battre. Le plus gros défaut de cette technique était que si la mère venait à décéder, son bébé la suivait dans la tombe.

– Je n’ai même pas encore de mâle alors les enfants, ça reste une vague idée pour moi.

– Ce n’est sûrement pas ici que tu en trouveras un, de mâle.

– Je te rappelle que c’est toi, qui m’a amenée ici ! Pourtant, tu connaissais mon objectif premier.

– Je ne comprends pas ton empressement. Rêves-tu tellement de t’accoupler ?!

Le rouge lui monta aux joues.

– Ce n’est pas ça, mais c’est dans l’ordre des choses de rechercher la personne avec laquelle on passera sa vie…

Il la coupa rapidement dans son élan romantique.

– Tu en trouveras plein des mâles, une fois que tu seras riche.

Elle leva les yeux au ciel. Apparemment, il ne comprenait rien à la situation.

– Je ne vois pas en quoi ça changera quelque chose… Il faut juste que je le ressente et que je me dise que c’est lui.

– Et s’il ne veut pas de toi ?

Nielle fronça les sourcils. Que voulait-il dire ?

– Bien sûr qu’il voudra de moi. Ce sera mon mâle.

Roy lui jeta un petit regard en coin, avec un sourire hypocrite sur le visage.

– Pourquoi es-tu donc sur les routes ? Il n’y a pas de mâle chez toi ?

Elle soupira.

– Aucun d’eux n’est le mien. Je n’ai rien ressenti de spécial à leur contact et eux non plus d’ailleurs.

Il la dévisagea à nouveau sans un mot.

– Quoi ?

– Rien. Rien.

– Parle donc puisque tu as envie de le faire.

– Rien, je me demandais si c’était avec ce corps que tu souhaitais les séduire ?

La méchanceté de la réplique la frappa de plein fouet.

– Je ne vois pas le problème… répliqua-t-elle plus touchée qu’elle ne l’aurait voulu.

– C’est bien ça, le souci…

Elle baissa la tête. Les cahots de la route la secouaient, cependant, elle n’en avait plus conscience.

– Avec de l’or, ils seront tous fous de toi, reprit son compagnon. Tu peux me croire.

– Tu… Tu ne sais rien de mon espèce.

Sa voix trembla, sous le coup de la colère. Elle se sentit malheureuse et malchanceuse.

– Cesse donc de bouder comme une enfant. Tu ne trouveras pas ton mâle dans ce village, mais au moins, ton talent sera reconnu à sa juste valeur. Fais donc un joli sourire et pense à toutes ses pièces qui n’attendent que toi.

Nielle prit sur elle, pour se redonner une contenance. Mieux valait paraître accueillant lorsque l’on rencontrait d’autres espèces.

Après un court échange entre Roy et les gardes, la porte pivota. La jeune femme fixa les zombies. Ils ressemblaient en tout point, aux humains. Ils montraient moins rapides et adroits dans leurs gestes, sinon il aurait été difficile de les différencier.

– Nous allons nous entretenir avec les personnalités du lieu. Sois sage et laisse-moi parler.

À comprendre qu’elle n’était que les mains et lui la tête. Au fond, cela l’arrangeait. Être ici, la décontenançait. Nielle ne savait pas se présenter aux inconnus. En général, elle se contentait de montrer ses créations et ensuite, elle faisait ce qu’on lui demandait en acceptant la rémunération qu’on lui donnait. Tant qu’elle avait suffisamment pour vivre, c’était l’essentiel.

Une attitude qui outrait Roy. On pouvait dire qu’il avait pleinement conscience de son potentiel en tant qu’artisane. Pour le reste, elle en doutait fortement.

Ils s’arrêtèrent sur une place, et le gnome l’invita à descendre.

– Tu salues et tu te tais, lui rappela-t-il.

Elle leva les yeux au ciel, mais ne dit rien, se contentant de lui emboîter le pas.

Roy frappa et attendit patiemment que la porte s’ouvre. Sans savoir pourquoi elle se sentit mal à l’aise. Peut-être n’aurait-elle pas dû venir ici ?

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Lydasa.
Posté le 18/07/2020
Coucou
Ce n'est clairement pas une histoire de zombie banal comme Warms body ou les autres. Je suis vraiment intrigué de savoir de quel espèces elle est. Cette histoire d'âme soeur, car c'est plus ou moins ça elle cherche son mâle le seul qui la complairait. Je trouve ça beau et tellement pur.

Je passe a la suite hihi
Nascana
Posté le 19/07/2020
Oui, ils sont dans un monde avec des créatures fantastiques. Les zombies y sont une espèce parmi tant d'autres.

Elle ne peut aimer d'une seule personne. Comme tout ceux de son espéce.

J'espère que la suite te plaira.
kujiu
Posté le 22/03/2020
Intéressant, tout ce que je me suis imaginé sur l'univers vole en éclats ici. Il va falloir nous écrire une suite :) Et si Dasno n'est pas loin, je suppose (peut-être à tort) qu'il s'agit ici de son village.
Nascana
Posté le 22/03/2020
Je me demande ce que tu t'étais imaginé ^^.

La suite va venir, ne t'en fais pas.

C'est bien le village de Dasno.

A bientôt pour la suite.
Ra(p)ture
Posté le 20/03/2020
Je pensais également voir Dasno, mais je ne suis pas déçu de ce chapitre ; on en apprend un peu plus sur Nielle et sur son espèce. De plus, je trouve que les informations qu'on y apprend donnent une importance et une profondeur nouvelle au chapitre précédent, c'est très appréciable :)

Si j'avais une remarque à faire (mais c'est vraiment du pinaillage) ce serait sur cette phrase à la fin :
"Sans savoir pourquoi elle se sentit mal à l’aise." --> "Sans savoir pourquoi, elle se sentit mal à l’aise."
L'ajout de la virgule permet de mieux cerner le sujet (Nielle), alors que sans ce petit détail de ponctuation, on peut penser à première vue que le sujet est Roy -du moins c'est comme ça que je l'ai ressenti à la lecture.

Sinon, j'ai hâte d'en découvrir davantage !
Nascana
Posté le 20/03/2020
Il n'est pas loin Dasno ^^.

Je suis contente que le chapitre t'es plu.

Je prends note de la remarque, c'est vrai que c'est mieux comme ça.

Merci beaucoup pour ton passage.
Nascana
Posté le 20/03/2020
Il n'est pas loin Dasno ^^.

Je suis contente que le chapitre t'es plu.

Je prends note de la remarque, c'est vrai que c'est mieux comme ça.

Merci beaucoup pour ton passage.
Espelette
Posté le 16/03/2020
Je pensais lire la rencontre entre Nielle et Dasno. Je devrais encore attendre un peu semble-t-il :-P C'est excitant ce récit par bribes dans le désordre.
A nouveau, quelques propositions de correction de coquilles :
- les méchancetés qu’il prenait plaisir à dire LA FATIGUAIENT
- Nielle n’était jamais venue dans cette contrée, et aurait voulu pouvoir la découvrir par elle-même. --> Je suggère "aurait préféré la découvrir par elle-même
- Au lieu de ça, elle s’imaginait déjà de longueS heureS à travailler, enfermée dans un atelier. --> L’enchaînement n'est peut-être pas très précis. Le fait qu'elle travaille l'empêche de découvrir la région mais pas de la découvrir par elle-même.
- Cela explique pourquoi ils n’ont que peu de visite. --> J'écrirais "visites". Il y en a peu mais il y en a quand même.
- Mais je ne sais pas ce qu’il se passe dans la tête de Ces primitifs…
- À croire qu’il vAudrait mieux qu’elle économise pour se payer à son tour, une charrette
- Je consentirais à en vendre quelques-uns --> Futur simple : je consentirai
- Cette idée n’avait rien de plaisante -> Cette idée "n'était pas plaisante" ou "n'avait rien de plaisant"
- Je suis sûr que tu sais que tu en sais plus que tu ne veux bien l’avouer. --> trop de "tu sais" ? Ou c'est voulu ?
- Je te rappelle que c’est toi, qui m’a amenéE ici
- Les cahots de la route la secouAIENT
- FaiS donc un joli sourire
- Ils ne montraient que moins rapides et adroits dans leurs gestes, sinon ils auraient été difficiles de les différencier --> Ils se montraient moins rapides et adroits dans leurs gestes, sinon il aurait été difficile de les différencier (ou ils auraient été difficiles à différencier) ?
Nascana
Posté le 16/03/2020
Merci, je suis contente que cela te plaise. On en saura un peu plus sur leur rencontre prochainement.

Merci pour tes corrections.
Nascana
Posté le 16/03/2020
Merci, je suis contente que cela te plaise. On en saura un peu plus sur leur rencontre prochainement.

Merci pour tes corrections.
Nascana
Posté le 16/03/2020
Merci, je suis contente que cela te plaise. On en saura un peu plus sur leur rencontre prochainement.

Merci pour tes corrections.
Vous lisez