Tension sino-américaine au Congo autour de l’exploitation du Lithium, Enième massacre en Ancienne Russie, Construction de nouveaux Climastères en Inde, Trafic humain sur les routes de la soie, Commémoration des 50 ans de la guerre civile française, Ouverture dans une semaine de l’exposition universelle à Los Angeles présidés par les frères Ballards
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Quelles sont les nouvelles nationales ?
Résolution des tensions à Eskisehir entre deux principaux cartels, Déplacement du président de la province semi autonome du Kurdistan à Istanbul, Inauguration dans 1 mois de la cité Dédale 9ème ville scaphandrière, Premier déplacement de la Sultane Asena depuis son couronnement aux Etats-Unis pour l’exposition universelle
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C’est bon, tu peux t’arrêter Andrew.
Je suis anxieux à l’approche du déplacement d’Asena. Il est millimétré depuis longtemps pourtant. Je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter car cet événement sera crucial pour sa légitimité internationale. Elle n’a pas voulu m’en parler plus en détails et je n’ai toujours pas reçu une invitation officielle. Je devrais être convié pour ce genre d’évènement, l’y suivre. Peut-être est-ce le fait que je n’ai pas encore une MUSE ? Peut-être m’a-t-elle remplacé ? Elle ne ferait jamais cela. Mes pensées sont erratiques aujourd’hui. Je n’arrive pas à me concentrer sur cette tâche simple. Je voudrais parler de mon déplacement et de la mort de ma mère. Lina fait partie de l’actualité, de mon actualité. Ce séisme dans ma vie privée perturbe ma perception des événements historiques. L’histoire a toujours constitué ma vie privée. Tel déplacement d’Asena, telle commémoration d’Asena composaient à la fois l’actualité et ma vie privée. La mort de ma mère n’est pas d’ordre nationale pourtant Asena est touchée. La mort de ma mère est d’ordre privé. C’est une des premières fois de mon vivant que ce que je vis n’intéresse personne, que je ne peux pas le raconter à l’antenne, qu’il n’est pas d’importance pour tous. Soudain, je me sens seule. Il n’y a que moi et Asena pour porter le deuil de Lina mais la sultane ne l'affiche pas et je le porte mal. Je me questionne encore sur la justesse de ma tristesse ce matin. Je ne suis pas correctement affligé. Je ne pleure pas sur la banquette de la voiture, je suis pensif. Ce n’est pas très cinématique, il n’y a pas de passion, juste l’apaisement et le silence du véhicule. Il est vrai que nous n’étions plus si proches ces dernières années mais c’est ma mère. Je sais que ce n’est pas une question de proximité. Si Dilara venait à périr, je ne verserais pas non plus une larme. C’est comme si ces nouvelles manquaient de sensationnalisme. Elle ne passe pas sur nos écrans et je suis le seul juge de leur appréciation. Je n’avais jamais perçu cela comme une responsabilité d’être le seul témoin d’un événement. Ne pas voir la mort de Lina être répliqué mille fois sur vidéo revient à faire de ce moment un non-évènement. J’ai entendu parler de personnes n’écoutant plus l’actualité, n’ayant pas d’AIP. Il y en a sûrement dans les terres que nous traversons actuellement avec Andrew. Comment font-ils pour vivre ? La mort d’un proche doit être un événement comme dans ces vieux films. Le mariage de leur enfant doit être un jour de fête. Je célèbre les élections, les grands discours, les matchs de football, un film. Je lève mon verre lorsque mes voisins font de même. Je sais en voyant leur sourire que je dois moi aussi être heureux. Là, je ne sais pas. Lina est morte et dans les films, il est dit de pleurer quand sa mère meurt mais il n’y a personne d’autres que moi pour la pleurer alors je ne sais pas si je dois le faire. Je considère cette incertitude comme mystérieuse. La banalité est aujourd’hui le comble du fantastique. Je rêvais ce matin de la ville tandis que j’étais bercé dans mon illusion. C’est un constat intrigant. Je n’ai pas bu pour me prendre à cette philosophie de comptoir et pourtant me voilà à déblatérer une perte de temps. Qu’importe, pour une fois, j’en ai à revendre pendant 3 heures de trajet. Il y a un charme à prendre la voiture. Il n’y aura bientôt personne pour le faire. Qui a besoin de voyager lorsque l’on passe notre temps dans le virtuel ? Qu’il y a les agences de voyage Marco Polo ? Je me déplace rarement dans le monde. Mon dernier voyage remonte à bien 10 ans. Oh je me suis bien baladé dans les rues de Séoul et Hong Kong, il y a deux semaines avec Dilara. Nous avons programmé des vacances à l’agence Marco Polo. Leur technologie est à la pointe et fait parler toute l’Europe. Nous avions même le choix de vivre un décalage horaire si nous le souhaitions. Encore quelques années et tout le monde y aura accès. Évidemment, les restaurateurs ne sont pas gagnants mais au moins Istanbul fleurit grâce à cette invention made in Turkiye et les hologrammes étant capables d’échanger avec les locaux peuvent acheter des souvenirs qui leur sont envoyés par téléportations cloniques. Nous comptons de plus en plus de touristes qui s’enferment dans ces agences de voyages virtuelles. Je suis fier de faire partie des actionnaires de Marco Polo. C’est l’avenir. En attendant, j’ai encore à me déplacer pour visiter la maison de ma mère. Ils n’ont évidemment pas encore cartographié les maisons de particuliers et les coins reculés. Cela viendra. J’ai le sentiment d’explorer les derniers vestiges du passé avant de revenir à Istanbul, dans le futur. Peut-être que c’est mon dernier voyage, vrai voyage. Cette phrase n’a pas de sens. Il est aussi vrai de voyager avec Marco Polo que dans la réalité. C’est d’ailleurs des concepts qui devraient être renommés. La réalité n’a plus rien de réelle à mes yeux. MUSE l’est beaucoup plus même si je refuse encore de m’y plier. Je vais devoir un jour. Je choisirai en rentrant. Je crois que je dis adieu à quelque chose en voyageant jusqu’à Izmir. Ma mère était la dernière parcelle du monde offline que j’avais. Voilà c’est mieux de qualifier la réalité de monde offline, c’est plus proche de la vérité. Ma mère était le fil qui me raccrochait sans que j’en ai conscience à la vie offline. Désormais, j’en suis pleinement libéré et peut m’épanouir pour toujours dans le monde online, dans le monde tout court.
Pendant cet ultime voyage, je dois dire Au revoir au monde passé. C’est fou que, sans en avoir conscience, la perception de mon environnement s’est autant altérée. Nous avons changer la Terre. La Terre n’existe plus finalement. Nous nous en sommes émancipés. Et si je la regardais une dernière fois. Ce serait comme observer une grand-mère. Elle n’est pas encore morte, elle agonise, déjà son squelette émerge de son oubli. Je pourrais y jeter un coup d'œil rapide. Je n’y passerais pas beaucoup de temps, je ne veux pas perdre mes racines dans le Monde. C’est curieux, cette perspective m’attire de contempler cette morte, la mort. Je n’aurais pas de lunette de MIRAGE obstruant ma vision quand je serais enterré ou inhumé, mon âme ( si j’en ai une) vagabondera sans doute sur cette terre. Finalement, la Terre c’est le monde des morts, MIRAGE et ATMOS sont le monde des vivants. Je pourrais m’éclipser quelques instants et avoir un aperçu de ce qui m’attend, de là où est ma mère. Je pourrais couper ATMOS. Est-ce que je peux même faire cela ? Je ne crois pas. Andrew affichera une réplique du monde des morts. Ce serait peut-être un futur business à monter : Descente en Enfer, Découvrez la Terre. J’y réfléchirai plus tard.
Une invention de plus, comme la MUSE
Sans Andrew, avec MUSE, je serais de nouveau seul mais j’aurais une connaissance infuse, commune. C’est le début de la télépathie, les prémices. Je pense qu’après cela, on prendra plus de risques, notamment dans le domaine de la téléportation clonique. Je ne sais pas si c’est ce que je veux. Ce sera évidemment plus simple pour moi de savoir quand je dois être heureux ou triste. Cela me rassure mais je ne veux pas perdre Andrew. A qui parlerais-je pendant la route ? Je parlerais beaucoup moins. Il y aura plus de silence. C’est peut-être au mieux. Je n’y ai pas réfléchi. C’est une décision de couple en tout cas. Il n’est pas possible de maintenir un mariage si une seule des personnes a la MUSE. On serait trop différent avec Dilara. Il faudra accepter, il faudra accepter de devenir des mentats. J’ai peur car je ne sais pas, c’est une peur irrationnelle. Ma mère avait peur de MIRAGE, des lunettes connectés qui transforment le monde à notre guise et d’ATMOS, les espaces de réalité virtuelle. Elle est morte loin, elle est morte seule - sans mon père. Je ne dois pas avoir peur de MUSE pour mourir entouré de mes enfants, de leur mère. Je voudrais avoir des enfants. J’en parlerai avec Dilara… on parlera de MUSE aussi.