A aucun moment Annie ne fit le rapprochement entre l'éblouissante et inattendue forme qu'elle perçût dans l'avion et la Porte qu'elle venait de franchir. Mais malgré la logique imparable qu'il s'agissait bel et bien de la même chose, son esprit se tournait ailleurs.
Dès la Porte franchie, l'émerveillement poussa la rage sans ménagement. A moitié aveuglée, Annie constata d'abord qu'elle venait bel et bien de pénétrer dans un nouvel univers. Une brouille de couleurs, de sons, de formes et un éclat blanc. Mais lorsque son trouble de vision dû à la trop forte luminosité qu'émanait la Porte s'estompa, la jeune fille hurla de désarroi.
Une poignée d'archipels savamment érigés se brossaient devant son regard ahuri, et ils flottaient au milieu des nuages, maintenus par un équilibre invisible. Solidement ancrées sur ces merveilles, d'impensables architectures s'ensanglantaient sous la rougeur du soleil levant. Sculptées dans le diamant ou le cristal, surplombées d'arbres sans pudeur, à moitié englouties par une brume dense et crémeuse, le plus créatif personnage au monde n'aurait pu les décrire parfaitement. De ses structures émanait un chatoiement éblouissant, qui émaillait le matin d'une palette de couleurs pâlottes.
Annie jura silencieusement contre les nuages qui enlaçaient ces archipels avec langueur. Ils lui troublaient la vue, mais rendaient le spectacle encore plus captivant.
Une ébauche de sourire lui tordit les lèvres. La saveur de la scène était exquise, et actuellement, Annie était incapable de s'en détacher.
Comme pour s'accorder à son étrange beauté, le vol des pégases se faisait fluide, lent et gracieux, presque hypnotique. Transie, les membres tremblants, la jeune fille se laissa bercer par leur danse aérienne, les yeux rivés sur sa destinée. De gifles, le vent lui caressait onctueusement les joues. Il gonflait ses vêtements d'un nouvel espoir, d'un sentiment insaisissable. Mais à chaque gracieux mouvement d'ailes, un taux plus consistant d'angoisse montait en Annie.
Nom d'une soupière, que faisait-elle dans ce merveilleux univers ?
Tandis qu'elle était en proie à mille sentiments plus contradictoires les uns que les autres, Ambud esquiva dédaigneusement une masse d'oiseaux piailleurs qui se mouvaient admirablement dans la brise. Annie en resta coite. Des colombes, des rossignols, des mésanges, des perruches, des perroquets louvoyaient sans crainte autour d'elle, ainsi que de telles créatures ailées qu'elle se demandât si elle ne faisait pas affaire à une masse de phénix.
Son cœur refréna aussitôt son amertume. Il chanta. La joie, forte émotion si juteuse, si épicée et si insaisissable sévissait en son âme. Annie coinça une mèche de cheveux dans son sourire béat, presque triste. Son appréhension avait beau être écrasée par l'hébétude, sa pomme d'Adam demeurait lourde dans sa gorge. Mais pour le moment, c'était le cadet de ses soucis. Ses yeux lui piquaient, et son cou se tordait à force de vouloir s'approprier toute la poésie lyrique des lieux.
Avec un battement d'aile si vigoureux qu'il pulsa dans tout le corps de la jeune fille, Ambud atteignit un îlot seigneurial, ruisselant d'édifices monumentaux. L'architecture la plus impressionnante était une assortie de tours, la plus haute d'entre elles frappée d'un cadran doré. Gigantesque écrin dont les parois vertigineuses revêtaient le lait, l'ombre de ce palais dominait toute la cité.
Bouche bée, les larmes cramponnées à ses cils, Annie admira le magistral atterrissage d'Ambud. Hauata secoua ses ailes à ses côtés, et ses yeux caressèrent la jeune fille qui descendait laborieusement de son perchoir.
- Fait attention, les rebords des cités sont de véritables glissoires. Ne t'y aventures pas trop. Dissimules le mieux que tu peux tes cheveux sombres, souris aux membres de la noblesse, n'engages jamais la conversation, fais en sorte que l'attention générale ne se centre pas sur toi et surtout...
- Quoi ? Murmura Annie qui, à force d'osciller la tête, avait un peu le tournis.
- Sois prudente.
Hauata effleura son front de ses naseaux, lui renvoya un dernier regard de diamant et s'effaça. Ambud fit claquer ses sabots en s'avançant à son tour. Annie le trouvait davantage impressionnant lorsqu'il se trouvait en face d'elle, et non pas sous elle. Avec son invraisemblable musculature, son pelage laiteux, son œillade d'ambre et ses ailes dépliées, il la culminait de deux têtes au moins.
- Apprends vite les politesses, insecte. Si jamais tu as un quelconque problème, envoies un messager à Aveklaire, quatorzième nid d'or. C'est ma résidence. Tu t'en souviendras ?
Annie soupira afin de dissimuler l'affolement de son cœur. Elle pourrait presque s'évanouir de fascination devant cet immense cheval ailé. Rien que sa respiration la faisait trembler.
- Je m'en souviendrais.
Il renâcla.
- J'espère bien.
Les pégases, silhouettes chevalines tout en plumes, poils, pureté, grandeur et souffles chauds lui tournèrent le dos pour étirer leurs ailes. Quelques ébrouements plus tard, ils disparaissaient dans le ciel, laissant derrière eux cinq plumes duveteuses et une silhouette élancée, qui passait presque inaperçue.
C'était son objectif. Ne pas se faire repérer.
*
Elle marchait.
Ses Docs Martens martelaient le sol sableux, ses jambes vacillaient, son ventre gargouillait, ses bras pendaient lamentablement, un torticolis douloureux la taraudait, sa bouche soufflait, son nez éternuait et ses yeux s'émerveillaient.
Les pavés de la Wolken étaient à peine esquissés et pourtant, ils offraient au spectacle une impression de surréaliste. Jamais Annie n'avait vu des tours aussi hautes, des toitures aussi artistiques, des vents aussi purs, des arbres aux branches aussi tortueuses et de sable aussi doux.
Les échos de ses pas se mêlaient aux autres bruits des alentours. Les piailleries infernales des oiseaux qui fourmillaient de partout. Les grincements protestants des vieilles portes qu'on ouvrât et qu'on refermât sans arrêt. Un crissement de roues dans le lointain. Les claquements méticuleux des miroirs de poche, ou de montres à gousset dont on rabat le couvercle avec sévérité. Des rires lunaires lui parvenaient d'un balcon. Des flûtes de champagnes qui s'entrechoquaient.
Elle marchait.
Et s'interrogeait. Elle était visiblement vivante grâce à une prophétie, une prophétie dont elle ne connaissait que l'existence. Son innocence non plus ne devait pas être hasardeuse. Elle soupira. Le trafic de ses réflexions, entremêlements de suppositions et spirales d'idées alourdissait ses pieds. Désespérée par sa compréhension beaucoup trop lente, Annie promena un regard morne autour d'elle.
Les gens se retournaient sur son passage en chuchotant entre eux. Des gens pourvus de splendeurs vestimentaires, de peaux à la teinte pittoresque et de tignasses merveilleusement colorées. Beaucoup indiquaient les Docs Martens d'Annie en riant. Cette dernière serra les mâchoires au point de les rompre. C'était plutôt leurs accoutrements qui suscitaient le questionnement.
L'homme le plus méprisant de tous disposait d'un visage acéré prolongé d'une calvitie, qui contrastait superbement avec sa longue crinière de tresses azurées. Une barbiche tout aussi bleuâtre lui mangeait le menton et il avait retroussé les manches de son costume princier avec raffinement. Ses mains, qui possédaient par ailleurs plus de bagues que de doigts se crispèrent à la vue de l'adolescente, tout comme les orteils de ses pieds nus.
Plus loin, un étrange garçonnet au teint vert ortie la montra du doigt en riant.
Accoudée à la rambarde d'un balcon de marbre, une femme l'observait sans aucune gêne, son gloussement au bout des lèvres. Sa sublime robe dorée soulignait indécemment son obésité. De son décolleté jaillissait une peau sordidement violette, et ce devait être là le fruit de sa fierté car elle ne cessait de se la lisser fièrement.
Annie ignorait superbement l'attroupement de moqueries qui se formait autour d'elle, et sa salive qui refroidissait d'hébétude.
Elle marchait.
L'archipel était en fait bien plus grand qu'il ne le paraissait vu de loin. Après une heure de marche, Annie ne l'avait pas entièrement visité. Bien que cela fût à de nombreuses reprises tentant, elle ne s'engagea non plus dans les édifices étincelants de luxe. Elle se contentait de ralentir son allure pour mieux contempler leurs hautes fenêtres en rosasse, leurs toitures en pointe, leurs balcons tortueux, leurs colonnes torsadées et les mignonnettes aux robes froufroutantes qui y sortaient ou y pénétraient fièrement.
«Ne pas se faire repérer.»
C'était une mission proche de l'impossible. Annie avait coincé tout ses cheveux dans son pull, pressé ses pas, assuré sa marche et sourit au moindre passant, mais personne ne lui rendait son sourire. Les personnages blêmissaient, détournaient le regard, toussaient avec embarras, crachaient parterre, fronçaient le nez, déglutissaient ou encore, l'ignoraient superbement.
Alors Annie marcha.
Son instinct lui criait de fuir ce lieu à la population prétentieuse, de se cacher derrière cet immense arbre, d'éclater en sanglots ou de réclamer une aide à une personne à l'aspect un peu plus sympathique que les autres... Depuis quand déambulait-elle de boulevards en boulevards, l'esprit à l'envers ? Depuis quand frissonnait-elle sous le regard scrutateur des passants ? Depuis quand les pégases l'avaient-elles abandonné ? Depuis quand marchait-elle ?
Pourtant, elle poursuivit sa progression sans broncher.
Et essuyait ses yeux humides dans sa manche. Elle avait envie de retrouver Mr Limitrof et sa majestueuse favorite. Elle désirait rire intérieurement lorsque cette moustache bondissait spectaculairement. Elle voulait souffler sur les nuages qu'accouchait sa pipe. Elle voulait boire un café for amer accompagné de chocolat, pour la «remplumer», comme le disait si bien son cher directeur.
Annie adressa un sourire las à ses bras aussi squelettiques qu'opalescents. Hélas, toute cette routine ne sera bientôt qu'un agréable souvenir. Jamais plus personne ne compatira avec elle, jamais plus personne ne lui offrira des petites confiseries, jamais personne ne prendra jamais garde à son extrême maigreur.
Éperdue de nostalgie, elle trébucha contre une immense racine d'arbre. Déboussolée, elle essaya de se rattraper à un réverbère de cristal noir, enraciné non loin de là. Mais son équilibre avait décidé de l'abandonner. Avec un petit cri de surprise, elle chancela et tomba face contre terre, au beau milieu de l'allée. Son auriculaire émit un craquement sinistre. Gémissante, elle cracha de la poussière. Sa tête tournait. Elle sentit progressivement des ricanements l'encercler.
- Une Rosenoire maladroite ? Quelle boutade !
- Une sacrée bonne boutade, oui !
- Quelle bourride !
Annie trembla, tenta de se relever. Retomba. De nouveaux rires tranchèrent l'air. Malgré la douleur cuisante à ses genoux et l'humiliation qu'elle subissait, la jeune fille ne put s'empêcher de noter l'étrange accent de ces gens. Ils aspiraient leurs «h», forçaient leurs «m» et ne prononçaient à peine leurs «n». Puis les pieds nus qui s'étaient avancés, lassés du spectacle, dégoûtés du manque de cran de leur victime, commencèrent à s'éloigner lentement. Jurant, la jeune fille se redressa difficilement sur ses coudes. Malgré la potion de Kadambini, elle restait en position de vulnérabilité et après une heure de marche non interrompue, elle n'avait aucune envie de reprendre route maintenant.
- Tu veux un p'tit coup de main ?
Une main longue et orangée, mince et vernie se déploya sous son nez. La voix de son interlocutrice, elle, avait beau être rieuse, nulle trace de moquerie ne bernait cette gaieté.
Ce fut à tout cela qu'Annie songea en glissant ses doigts effilés comme des lames dans cette paume chaude et avenante. Comme d'habitude, elle frissonna au contact physique, toucher quelqu'un était vraiment redoutable.
La poigne la hissa avec une force sous-estimée. Désarçonnée, Annie atterrit gracieusement sur ses pieds engourdis, en prenant bien garde à ne pas tituber de nouveau. Elle fixa quelques instants ses Docs Martens empoussiérés, puis risqua un timide coup d’œil à sa sauveuse. Les précautions intimées par les pégases lui échappèrent. Très vite, son coup d’œil se transforma en véritable observation.
En réalité, c'était un rayon de soleil pourvu d'un corps et de traits formidablement délicats qui lui faisait face. Frappé d'un sourire lumineux, son visage orangé débordait de bienveillance. Une avalanche de boucles roussies par l'heure matinale dégringolaient jusqu'à ses épaules menues, voilant la majeure partie de ses joues enfantinement arrondies.
Leur jeune propriétaire n'avait pas lâché sa main. De l'autre, elle caressait amoureusement le plumage d'une perruche perchée sur son bras. La tendresse de ses gestes illustrait parfaitement l'affection qu'elle lui portait.
Merveilleusement coloré, l'oiseau rendit à Annie son regard scrutateur. Il secoua ses ailes rugueuses avant de s'exclamer d'une voix criarde :
- ROSENOIRE !
Hallucinée, Annie bredouilla confusément un charabia intraduisible. Mais sa bienfaitrice boucha le bec de sa perruche de deux doigts délicats, sans cesser de sourire. Sa peau était si orange qu'Annie n'arrivait pas à en détacher ses yeux.
- Tais-toi, Pudubec ! De quoi j'ai l'air, maintenant, hein ? On ne se régale pas de la situation critique de nos prochains !
Elle rejeta sa tête en arrière pour rire chaleureusement. Les innombrables voilettes qui dissuadaient son décolleté suivirent le mouvement. Sa robe était vraiment phénoménale. Un écoulement d'étoffes fines et colorées, de rubans et de taffetas, de breloques qui retombaient jusqu'à ses genoux. Annie ne put s'empêcher de trouver ce vêtement indécent, en sachant que cette jeune fille devait avoir à peu près son âge, sinon plus.
La malice imprimée aux lèvres, cette dernière tentait justement de remettre de l'ordre dans l'agencement de sa robe.
- Excuse-le, c'est un véritable moulin à parole ! Il n'y a qu'un seul moyen pour qu'il cesse ses piailleries : lui couper la langue. Mais personne ne s'y est jamais risqué.
Elle leva vers Annie de grands yeux d'un noisette savoureusement pétillant... et captivant.
- Trêve de bavardage, je m'appelle Xia. Xia, et je demeure à Scintillam. Et toi, c'est quoi ton p'tit nom ?
- Annie, lâcha l'apostrophée d'un filet de voix.
Xia joua avec l'une de ses boucles brunies. Amusement, curiosité, intelligence, douceur et audace lisaient dans l'éclat exotique de son regard aérien.
- Comment ?
- Annie, répéta la jeune fille en forçant sur ses cordes vocales.
- Annie, radota-elle. Quelle originalité ! J'ai toujours prié mes parents de me donner un prénom moins cohérent. Xia, c'est sensationnellement banal ! Ou du moins, dans les coutumes AvekleSôles, on en croise à chaque boulevard ! Mais je compatis avec ma mère. Quitter son pays natal n'est jamais simpliste, je comprends très bien qu'elle eût voulu garder une part de ses origines avec elle.
Époustouflée par son débit de parole, Annie ne releva pas tout de suite qu'elle lui tendait un paquet. Aussi bouillonnante qu'une marmite, aussi souriante qu'un papillon, Xia gagnait déjà sa sympathie.
- Tiens, tu as oublié ce sac, tout à l'heure. Ambud te l'avait posé par terre mais tu n'as pas semblé le remarquer.
Elle agita le paquet sous son nez. Annie fronça les sourcils en le saisissant, mais lorsque la mémoire lui revint, elle s'illumina.
- Ma sacoche !
C'était bel et bien sa sacoche en bandoulière, celle qu'elle avait gardé contre elle lors de son accident d'avion, celle qui contenait ses trésors matériels. Elle l'ouvrit avec précipitation et faillit pleurer en découvrant son béret et Lys entrelacés. Ses lèvres se fendirent d'un sourire réjoui. Même si elle était paumée dans ce monde dont elle ne connaissait rien, elle ne serait pas séparée des débris de son atroce enfance.
Bouleversée, Annie étouffa son dû contre sa poitrine.
- Merci, merci du fond du cœur !
Xia rosit de plaisir, tout en enfouissant ses doigts dans le plumage de Pudubec. Son sourire éblouissait sur des kilomètres à la ronde.
- Mes aïeux ! S'exclama-elle en secouant ses bouclettes. Jamais je ne me serai doutée que tu savais sourire ! Le contenu de cette sacoche doit être d'une valeur inestimable.
Elle plissa les yeux vers cette dernière, déjà enroulée autour d'Annie, comme à l'accoutumée. La jeune fille réprima un rire. Xia devait sûrement s'attendre à une impensable somme, à un bijou hors prix ou à une étoile qui eût trouvé le moyen de dégringoler du ciel. Nul ne s’attendrait à une poupée à moitié déchiquetée et à un béret informe.
Annie ignora son plissement d'yeux de plus en plus insistant pour la questionner :
- Comment as-tu su que cette pégase s'appelait Ambud ?
Xia étouffa son irrassasiable curiosité pour éclater de rire. Ses cheveux s'envolèrent sous la brise légère, sa bouche laissa entrevoir une rangée de dents éclatantes, ses voilettes tourbillonnèrent et ses breloques tintinnabulèrent prestement.
- Qui ne le sait pas ? Ambud est l'hippouranos le plus connu du Monde des Nuages ! Étalon de la Paix et idole de la Wolken, il a dans la société une conséquente position... Il a gagné à de nombreuses reprises le Prix Plume de Diamant, et la Course Farouche. Quiconque espère pouvoir un jour ne serait-ce que frôler sa toison de neige...
Annie comprit immédiatement d'où provenait l'arrogance d'Ambud. Avec une popularité aussi développée, pas étonnant qu'il éprouvât une telle fierté ! Interloquée, la jeune fille réalisa qu'elle s'était prise d'affection pour ce gros balourd bien charpenté. Elle se remémora quelques instants ses naseaux chauds, son crin d'argent, ses sabots immaculés, son regard ombreux et plus que tout, la pureté de ce blanc sertissant son dos et ses ailes.
Des milliards et des milliards de gens devaient la jalouser d'avoir passé ses doigts cisaillés sur cette merveilleuse fourrure, d'avoir dormi sur ce large dos et d'avoir même échangé avec cette voix infiniment puissante. Xia était bien la première de ses envieuses. Les yeux brillant d'un nouvel éclat et les pommettes plus saillantes et oranges que jamais, elle s'exclama d'une voix où se devinait le désir :
- Comment t'as réussi à le convaincre de te laisser monter sur son dos ?! Explique-moi ça tout de suite !
- Tout de suite ! renchérit Pudubec en roucoulant sur les syllabes.
- Du calme, je...
Annie ne comprenait plus rien à Xia. Du charmant et agréable rayon de soleil, elle était devenue une éruption volcanique. Dans ses yeux autrefois adorablement pétillants dansait une flamme inquiétante.
- T'as rien à perdre, Annie ! Affirma-elle en lui saisissant le poignet. Avec un tel accoutrement et cette façon de te déplacer, tu n'es sûrement rien d'autre qu'une mendiante, une partisane de Schyama qui t'as renié de sa cité. Et...
Le reste de ses paroles fut noyé dans une clameur assourdissante. Au-dessus de leurs têtes, le cadran doré avait jugé le moment propice pour dévoiler ses talents de chanteur. La plus petite de ses aiguilles métalliques accusait un « 9 » formé avec élégance.
Annie plaqua sa main encore libre sur son oreille, ce qui servait strictement à rien. Xia desserra son emprise, un rictus dégoûté aux lèvres. Visiblement, cette fille avait pour habitude d'être obéie et son expression illustrait absolument bien sa frustration.
- Bien, émit-elle lorsque le cadran ne pût davantage puiser dans ses cordes vocales. Au revoir, Annie. Je fus ravie de faire ta connaissance.
Ses breloques cliquetèrent et ses voilettes bruissèrent avec orgueil tandis qu'elle s'éloignait dans l'allée, sa perruche fidèlement accrochée à son épaule. Annie ne sut jamais pourquoi mais à chaque cliquetis, à chaque bruissements, à chaque ondoiements, à chaque pas, elle sentait son cœur se déchirer un peu plus.
Elle revoyait ses pâles doigts dans la chaleureuse paume de Xia. Elle réentendait ses sourires rayonnants et son rire délicat. Elle revoyait cet échange et elle se voyait, de plus en plus rassurée par cette jeune fille ensoleillée. Une larme s'échappa de son œil sans y être invitée. Sans réfléchir, Annie hurla :
- Ne me quitte pas, Xia ! Je ne sais pas pourquoi Ambud m'a porté sur son dos, je te le jure ! Je suis humaine, tu m'entends ? HUMAINE !
Lentement, très lentement, Xia se retourna. La brillance de son regard interpella l'Annie ahurie d'avoir laissé échappé la lourdeur de son secret. Honteuse, elle baissa la tête lorsque Xia la détailla entièrement, de ses Docs Martens à la raie de ses cheveux sombres. Son regard passa sur le lait de sa peau, sur ses traits trop fins et sur sa maigreur sans ciller.
Puis, avec une douceur irréelle, son visage grava un sourire lumineux.
- Si tu me mens, chair terrienne, tu pourras dire adieu à ton nez. Mais si tu me dis la vérité, suis-moi. Quelque chose me dit que ton histoire est digne d'être confessée.
C'est un chapitre intéressant ou l'on découvre ce nouveau monde et un personnage très étrange qui pour ma part me fait plutôt peur et j'ai peur qu'elle n'apporte que des bricoles à notre héroïne... Elle semble avoir un pouvoir particulier sur l'humeur non pour que Annie lui livre son secret aussi facilement ?
Bon sinon quelques remarque sur le fond :
Il me semble que les femmes n’ont pas de pommes d’adam ? Donc soit ta phrase est mal formulé et je ne comprend pas de qui tu parles soit c’est une erreur anatomique de ta part !
Pour tes descriptions je trouve que tu utilise trop d’adjectif, c’est jolie mais alourdit le texte. C’est d’ailleurs quelques choses que tu fais tous au long de ton récit, tu écris de très belles et longues phrases, c’est vraiment très poétique et si cela est agréable parfois ça fait un peu perdre de vue la ou tu souhaite en venir et encore une fois cela ralentit le rythme de ton histoire.
"Ses Docs Martens martelaient le sol sableux, ses jambes vacillaient, son ventre gargouillait, ses bras pendaient lamentablement, un torticolis douloureux la taraudait, sa bouche soufflait, son nez éternuait et ses yeux s'émerveillaient.
Les pavés de la Wolken étaient à peine esquissés et pourtant, ils offraient au spectacle une impression de surréaliste. Jamais Annie n'avait vu des tours aussi hautes, des toitures aussi artistiques, des vents aussi purs, des arbres aux branches aussi tortueuses et de sable aussi doux. »
-> Voilà un exemple concret. C’est agréable à lire, c’est bien tournée, la dessus il n’y a pas de problème mais tu fais cela vraiment très souvent et du coup cela perd de son impact je trouve. Il faudrait garder cela pour des moments vraiment spéciaux et enlever là ou ce n’est pas l’essentiel pour donner plus de rythme à l’histoire. Tu envisage d’envoyer en ME ? Si oui, je pense que ce conseil pourra t’être utile, mais attention ce n’est que mon avis et aussi un peu de mon expérience ^^
« Cette dernière serra les mâchoires au point de les rompre. » drôle de phrase ici on comprend qu’elle se fracture la mâchoire et je ne pense que tu voulais en arriver à cet extrême.
J'espère t'aider un peu :)
A bientôt
Effectivement, ça faisait longtemps, et je suis absolument contente de te retrouver par ici ^^ Beaucoup de lecteurs sont du même avis côté "trop plein", j'ai vraiment un sérieux problème avec les métaphores, descriptions et figures de style, tellement elles me fascinent^^ Ayant finalement compris qu'en caser un peu partout n'arrangerait pas l'état brut de mon roman, j'ai arrêté d'en utiliser tant. Au fil du récit, donc, cette particularité devrait s'atténuer... ;)
A bientôt, j'espère !
Pluma.
Et bien écoute je devrais donc le remarque au fil de ma lecture :)
Je vais continuer de te lire pas d’inquiétude mais juste ne t'inquiète pas si cela prend un peu de temps :)
J'aime aussi comment tu tortures la langue en inventant de nouvelles expressions ou en détournant le sens de certains mots. Au final, tu évites la maladresse et le résultat est plutôt beau, créatif. Bravo !
Je ne corrige pas les éventuelles fautes de style ou de grammaire, j'en suis bien incapable. Je lis la suite.
Désolée pour le retard mais avec la rentrée et tout et tout ;)
J'ai pas mal d'impressions par rapport à ce chapitre.
Comme d'habitude, tes descriptions sont magiques et envoûtantes. J'adore les détails de chaque scènes. Cela donne un effet réaliste et onirique à la fois. Lire ce chapitre, c'était vivre un rêve !
Par contre, je n'ai pas compris pourquoi les pégases ont laissé Annie toute seule... Enfin elle est humaine et sûrement en état de choc. Je m'étais attendue à une séparation avec plus d'éléments.
Ensuite, pourquoi Annie ne se pose pas plus de questions ? L'effet de surprise sur elle est peut-être passé trop vite...
Toutefois, le personnage de Xia m'intrigue. Je ne sais pas si c'est un personnage sympa ou méchant ^^ mais elle rappelle Médiana dans le tome 3 de la Passe-Miroir
Allez, à très bientôt !
Merci beaucoup ;) Cette phrase, "Lire ce chapitre, c'était vivre un rêve !" me réchauffe abondamment le coeur ! <3
En effet, c'était volontaire que les pégases abandonnent Annie sans plus d'éléments, mais comme tu n'es pas la première à me relever ce moment, j'essayerais tout au mieux de le rendre plus subtil ;)
Haha, ce que tu dis sur Xia m'enchante ! J'avais justement envie que le lecteur se pose la question de son "camp" dans l'histoire... Et Médiana ? Bah ! J'ai en fait crée le personnage de Xia bien avant d'avoir lu la Passe-Miroir ! Mais peut-être m'a-t-elle légèrement influencée...
Cette première expérience avec la cité dans les nuages est intéressante. Mais je ne comprend pas le comportement d'Ambud. Il lui sauve la vie, mais ensuite, il abandonne Annie dans un monde totalement inconnu pour elle sans lui donner aucune instruction sur la marche à suivre. Elle ne sait même pas où dormir ou manger.
Orthographe et accords :
- qu’elle perçût dans l’avion: qu'elle avait perçut dans l'avion (se passe dans le passé par rapport à la narration elle même au passé).
- A : À (les majuscules prennent les accents également).
- ne t'y aventures pas : l'impératif des verbes du premier groupe ne prend pas de s à la deuxième personne du singulier (ne t'aventure pas).
- qu’on ouvrât et qu’on refermât : qu'on ouvrait et qu'on refermait (indicatif ici).
- oranges : les adjectifs de couleur ne s'accordent pas quand ils sont tiré d'un objet existant : orange (sans s).
- Je fus ravie de faire ta connaissance : je suis ravie (les gens parlent au présent, c'est la narration qui est au passé).
Le texte :
- savamment érigés : savamment implique que la disposition est volontaire. Même si c'est le cas, comment Annie peut-elle le savoir. Et érigé est-il le bon mot ?
- arbres sans pudeur : c'est quoi un arbre sans pudeur ? Quelle différence avec un pudique ?
- De gifles, le vent lui caressait onctueusement les joues. Je ne comprend pas le sens de cette phrase (son début en fait, des gifles).
- sévissait en son âme : sévir à un sens négatif. Or j'ai l'impression que les effets sur Annie sont positifs.
- était une assortie de tour : il manque un mot.
- les rebords des cités sont de véritables glissoires : cela me semble bien imprudent de n'avoir pas sécurisé les bords de la cité.
- laiteux : bien qu'il soit beaucoup galvaudé (principalement à cause de mauvaises traductions de l'anglais), laiteux à aussi un sens péjoratif. Utilise plutôt des matériaux nobles : ivoirin, d'albatre, etc.
- Les claquements méticuleux ... qui s’entrechoquaient : commen Annie identifie-t-elle tous ces bruits sans voir leur source ? Elle n'a certainement pas eu l'expérience des miroirs de poche et des flutes à champagne dans son orphelinat.
- sordidement violette : en quoi le violet est-il sordide. De plus, tu abuses un peu des adverbes. "Violette" suffit amplement à qualifier la couleur de la femme.
- mignonnette : ce mot désigne plein de choses (une bouteille, une poupée), mais en tout cas pas une personne.
- dissuadaient son décolleté : j'ai du mal à imaginer ce que cela signifie.
J'espère que la suite te plaira ;)
Alors à la première lecture, je note quelques répétitions dans le premier paragraphe (bel et bien).
« Mais lorsque son trouble de vision dû à la trop forte luminosité qu'émanait la Porte s'estompa » = Cette phrase est bizarre. On ne dit pas la luminosité « qui » émanait de la porte ? - et c’est peut être le « dû à » qui alourdit légèrement la phrase.
Pareil : une poignée d’archipels savament érigés : on érige des bâtiments, mais pas des archipels savament aménagés ?
« De gifles, le vent lui caressait onctueusement les joues » mal formulé ? Le vent ne peut pas lui caresser les joues s’il lui met des gifles, ou alors il est passé des gifles à une douce caresse, dans ce cas c’est mal dit.
Je trouve aussi que tu utilise beaucoup d’adjectifs pour décrire (magistral, etc, parfois ce n’est pas la peine d’en mettre trop, si ton personnage regarde les choses « l’air ébahi », on se doute que ce qu’elle voit est spécial/extraordinaire).
L’avertissement de Huauta nous plonge dans un univers, dans ses codes, sa société… C’est bien de l’avoir mis directement comme ça !
Les grincements incessants des vieilles portes qu’on ouvrait et refermait, plutôt que "ouvrât et refermât".
On se demande pourquoi elle ne veut pas se faire repérer, d’autant qu’apparemment tout le monde se moque de son apparence… Et pourquoi marche-t-elle ? Que cherche-t-elle ? Je ne comprends pas bien ce qui guide ses actions. Si elle avance parce qu'elle ne sait pas quoi faire d'autre, peut-être que ça pourrait tout simplement être dit, ou bien si elle cherche quelqu'un qui pourrait la renseigner. Même si elle se contente d'avancer au hasard parce qu'elle ne sait pas quoi faire, tu pourrais le dire.
Je trouve ça cool que Xia interprète à sa manière d’où pourrait bien venir Annie. Apparemment elle n’a aucune idée de là où elle vient réellement.
« Je fus ravie de faire ta connaissance » = j’aurai mis « j’ai été ».
Ah ça y est, elle a compris d'où venait Annie... Du coup les dernières phrases aiguisent ma curiosité !
Bon sinon, c'est un beau chapitre, ton univers devient de plus en plus intriguant. Je me demande si on reverra quand même l'orphelinat d'Annie après...
En espérant que la suite te plaira...
Sinon Xia à l'air bizarre, mais bon, c'est un univers totalement différent ahah. J'espère qu'elle ne se révélera pas être un oiseau de mauvaise augure pour elle au final.
J'espère que la suite te plaira <3
Tu penses donc qu'avant l'arrivée de Xia, le passage est à retravailler ?
J'aime la découverte de ton univers ! Tu prends le temps et on comprend vite de quoi il s'agit :)
Xia est un personnage intéressant et les réactions d'Annie sont bien décrites. On est vraiment dedans !
A plus !
Ton histoire est... magique ! J'aime beaucoup les noms des villes et des personnages (Pudubec :'D). Je pense que tu devrais insister sur le côté brut du nouveau monde, de l'archipel (pavés, etc, comment sont habillés ses habitants). Il y a beaucoup de choses que j'ai aimé. C'est plutôt bien narré.
Et, comment fais-tu pour avoir tant de vocabulaire ? A chaque fois que je te lis, je suis époustouflée par la maîtrise dont tu fais preuve !
Xia est vraiment bien décrite (moralement, en tout cas, j'ai toutefois eu du mal à me la représenter : a-t-elle réellement la peau orange ? Auquel cas, pourquoi Annie n'est-elle pas surprise ?)
Pitites coquilles et remarques :
*nouveau univers -> nouvel univers (il me semble)
*parterre -> par terre (parterre n'a pas la même signification que par terre)
*café for amer -> fort, non ?
*Il n'y a pas de majuscule après les répliques ( "- Tout de suite ! (R)enchérit Pudubec en roucoulant sur les syllabes. " -> r)
*"Même si elle était paumée dans ce monde dont elle ne connaissait rien, elle ne serait pas séparée des débris de son atroce enfance." -> le début est redondant, il faudrait le retravailler, je pense.
Malgré cela, j'accroche beaucoup à cet univers. Globalement, j'ai beaucoup aimé le rythme du récit.
Je lirai la suite avec beaucoup de plaisir !!!
J'ai pris note de mes coquilles.
Je vais plus forcer la description brut des pavés, etc. Comme le décor de ce monde est déjà tout clair dans ma tête, j'ai pas tilté que VOUS, vous ne saviez rien ! (bande d'innocents !)
J'avoue que pour la peau de Xia... J'aurais peut-être dû faire en sorte qu'Annie soit impressionnée; (la flemme, sans doute ;))
Contente que cette histoire te plaise, j'y ai mis tout mon cœur !
Que tes rêves s'accrochent aux étoiles pour ne plus les quitter !
Plume.