J'ai 18 ans, l'âme un peu lasse,
Je me perds dans un si grand espace.
J’ai toute la vie devant moi, c’est vrai,
Mais cette idée vient me glacer.
Je ne veux pas qu’on éteigne mon feu,
Ni que la vie me vole mes vœux.
Je refuse l’ombre de l’esclavage,
Je hais les chaînes, je fuis la rage.
Mais c'est bien ce qui va se passer, j'en ai bien peur ;
Je serai esclave de mes employeurs.
Prisonnière de ma liberté,
Un comble cruel, il faut l’avouer.
Je suis libre d’agir, mais pas de penser,
Et mes rêves m’ont déjà tout montré.
Je vois ma vie, juste un instant :
Tomber amoureuse, follement,
Puis m’écrouler, blessée, meurtrie,
Et tout reprendre, à chaque sursis.
Peut-être un jour je me marierai,
Un bonheur fragile qui se déliterait.
Un enfant viendrait calmer mes tourments,
Et l’amour tiendrait, pour un moment.
Puis il fuirait mes cicatrices,
Mon corps vieilli, ma joie qui glisse.
Il prendrait une maîtresse un jour,
Pour retrouver ses rêves d’amour.
Et moi, je brûlerais de colère,
Mais à quoi bon, sinon me taire ?
Le quitter ? Refaire ce chemin ?
Et là, surprise : un second bambin.
Les disputes rongeraient nos cœurs,
Mais nous resterions par pudeur.
Pour nos enfants, pour ces chimères,
Pour reculer l’éclat amer.
Puis un jour, le mariage s’enfume,
Ses vestiges sombrent dans la brume.
Un mur s’élève entre lui et moi,
Nous divorçons, c’est notre choix.
Je verrais grandir mes enfants chéris,
Avec tendresse, mais sans répit.
Mon monde restera plat, sans éclat,
Un vide immense sous chaque pas.
Ils grandiront, fonderont leurs familles,
Et je sombrerai dans l’ombre tranquille.
Ne remontant qu’à de rares instants,
Pour garder leurs enfants, calmement.
Et j’éteindrai enfin ma flamme,
Devenue une vieillarde sans âme.
Entourée de mes dix félins,
Pour seule chaleur dans ce destin.
Voilà pourquoi je voulais mourir,
Avant qu’à tout cela il me faille courir.
À seulement 18 ans, fuir ce chemin,
Échapper à ce futur sans lendemain.
Je vois les joies, mais elles sont brèves,
Un orage de peines leur succède sans trêve.
Alors je m'interroge, lasse et tremblante,
À quoi bon une vie si écrasante ?