Les rares nuits qu’ils s’accordaient, elle les passait à caresser le torse du paumé. C’était un moyen pour elle d’exprimer sa tendresse et de surveiller le nombre de cicatrices sur sa peau. À chaque fois, elle en découvrait de nouvelles. À peine certaines commençaient-elles à disparaître qu’il y en avait d’autres.
Les traces de griffes se croisaient sur sa poitrine. Elle y voyait des destins. Des dizaines de vies, courtes, qui se rejoignaient, se séparaient et s’achevaient.
Un soir, elle lui avait demandé « Laquelle de ces lignes tu crois que nous sommes ? ». Il n’avait pas répondu. Avait fait mine de ne pas l’entendre. Elle en avait déduit que sa métaphore ne l’intéressait pas. Que sa question serait oubliée. Pourtant, parmi toutes les cicatrices qui suivirent, et au milieu de toute la détresse qu’elles hurlaient, il en restait toujours une. Une coupure qu’il ne laissait pas disparaître. Qu’il retraçait toujours minutieusement. Et qu’il faisait toujours passer consciencieusement près du cœur. Un destin qu’il ne laissait pas s’effacer.