1-2 : Mal de haine et d'amour

AROUÉZ, à ZAMINE,

Voici le sujet d’un début qui était aussi prometteur.

 

ZAMINE, à YIRGATT.

Si fait que la bagarre fut meilleur !

 

YIRGATT

Vous vous falsifiez vous-même si vous vous croyez forts. Même à deux, je vous prends très facilement.

 

ZAMINE

Quel effronté !! Quel excité !!! Dégainez, monsieur, si vous êtes un homme ! (Tous se mettent en garde.) AROUÉZ, par derrière ! C’est là que tu es le meilleur !!

 

ZYNNTOLI, se propulsant, les griffes de verre pleines de couleurs,

Ne faites pas d’esclandre ! Coupez vos griefs ! Employez vos sabres autrement. Ce n’est que vielle querelle ... (Il les sépare.)

 

TYBÉRONE, frôlant le flanc droit de Zynntoli, tel un chat,

Qui remonte à longtemps ! Ne sens-tu pas le sang foudroyer leur cœur ?! Ou la rage imprégner le sol ! Délie le ruban qui t’occulte !!

 

ZYNNTOLI, à TYBÉRONE

La différence entre toi et moi, Tybérone, c’est que nous ne faisons pas parti du même culte. Je ne veux rien avoir affaire avec toi.

 

TYBÉRONE

Quelles billevesées tu as ! La paix est dans les livres d’histoire alors que la guerre est toujours dans les maisons. Tu es pieds et poings liés, et, tu t’en soucies guère. Paix, ce mot, je le hais. Il n’est que fariboles et argumentations pour les couards. (Le point culminant est de nouveau atteint. Tous les partis sont sur les dents, les griffes cristallines ressorties, à portée de rayons.)

 

PREMIER SOLDAT IMPÉRIAL

Alerte au charivari chamarré entre les Trois Nés ! À l’œuvre, mes comparses, dégainez vos couleurs ! Écrasez cette bataille !

 

(Entrent MIRNÈS,la jambe leste, et LADY LIESKA.)

 

MIRNÈS , fils biologique de Yirgatt,

Qu’ouï-je ? Ô bons messieurs. Allez me donner l’allonge !

 

LADY LIESKA, femme de Yirgatt,

Vous êtes frétillant, garnement mais vous n’allez tâter de rien. Je vous l’assure sur l’effroyable passé.

 

MIRNÈS, au désarroi de sa mère,

Ma chère, tu me désarmes ! Aucune arme ne me sied plus qu’une épée tellement je n’aurais pas peur d’être son fourreau.

 

(Entrent ROER, l’épée à la main, et LADY ZOLINA.)

 

MIRNÈS

À toi, pleutre de fils de chien !

 

Roer, fils biologique de AROUÉZ,

Vil brute !… Il n’y aurait aucune tenue que tu saurais porter dans ton attitude ! Lâchez-moi.

 

MIRNÈS, s’apprêtant à se propulser vers Roer,

Sale Bête ! Attends que je te mettes le licou !!

 

LADY LIESKA

Il suffit !!

 

LADY ZOLINA, femme de AROUÉZ, retenant leur fils,

Tu resteras inchangé, telle une image de rémanence face à lui.

 

(Entre L'EMPEREUR Larxys, avec sa suite.)

 

L'EMPEREUR

Factieux attardés, oublieux de l’éternité! Adorateurs qui pestiférez la nation de votre courroux !… Quelle folie vous prend ?… Vous tous, ne vous comportez pas comme des bêtes. Cessez ce jeu trop puéril pour être séculaire et j’espère extinguible dans la hargne de vos yeux. De pourpre à écarlate, il ne devrait y avoir que des couleurs éthérées. Sous châtiment de coulure, obéissez ! Écoutez le jugement de votre empereur énervé ! (Tous les attaquants se figent.) Viles querelles, nées de positions d’une bataille qui n’est plus que du passé. Celles faites dans les rues, en présence de civiles ne doivent plus être. Par accoutumance d’une faute, mes âmes-frères, brave YIRGATT, preux ZAMINE et sage AROUÉZ, vous la croyez vôtre alors que ce n’est point véritable. C’est celle de vos parents. Acceptez-le maintenant et faites la paix entre vous. La planète Colorewä a l’écho dans vos cœurs de multiples couleurs. Ne laissez pas la haine le gangrener. Si jamais vous l’oubliez, la coulure vous guettera. Ou pire, vous pourrez être considéré tel un Grisangt. Pour cette fois, que tous se retirent. Conseiller AROUÉZ. Venez cette après-midi au palais d’Irisàj, j’aurais à vous entretenir d’une affaire.

 

( Tous sortent, apeurés ou peu touchés par cette menace, excepté ROER, AROUÉZ, LADY ZOLINA et ZYNNTOLI qui flânent sur la rue Lazulito menant à leur manoir, celui des Rotellio. )

 

ROER

Quelle est donc cette infamie qui vous a tous mis dans le début d’une phase d’altération ? Expliquez, mon père, ce qui s’est passé.

 

ZYNNTOLI

Apparemment, encore une dispute entre Zamine et Yirgatt qui a toujours pris à partie Arouéz. Ces trois-là se chamarraient dans une color’ignorance quand j’ai mis à la palette. J’ai franchi les grifvères au clair et brouiller leurs vifs couleurs. Ainsi, le sombre TYBÉRONE est venu brouiller une connivence retrouvée, grifvères toutes sorties. Me soufflant au pavillon : ‘’ de la guerre ! ’’ et trimbalant sa postériorité et sa lame fatale. De peine, j’ai résisté. Trouvant l’insulte, j’ai répliqué. Et l’arc-en-ciel est allé en bordel de panaches.

 

LADY ZOLINA

Oh ! Tant de violence qui n’arrimera jamais un subtil fleuret. EREMNÉO n’était pas là ? ... Par le bonheur, je suis comblé !

 

ZYNNTOLI

Vous savez que les couleurs de l’aurore le font chavirer, Madame. Très tôt, il se délie du rouge pour se parer d’un voile d’or. Le petit coquin de Morphée m’a enlevé de ses bras peu après. Tout en tergiversant dans le forêt d’arboricolores qui s’épand à l’est d’Aeden, mon esprit a été éclairé de centaines de diaprures. J’ai vu votre fils et j’ai gouverné mes pensées vers lui. L’aspect d’un nyctaléscent, il s’est fondu dans les ombres. J’ai fléchi ma fantaisie pour ne pas jouer la curiosité.

AROUÉZ

Bigarrés Coloreys, Blancs Ivoreys ou Noirs Nyctals ? Ce sont les trois. Voici qu’il se prend pour ce qu’il n’est pas. Que ses larmes d’esprit ne ternissent pas le coloréscent de son âme et ne reste pas dans une nuit éternelle. Que la fraîche rosée de la matinée donne du rose à ses joues. Que le soleil vivifie son pouvoir, dans les sphères les plus basses des Sources Colorifères. À ne pas tirer sur la cruche nourricière qui est emplie de ses eaux, mon fils va vite dépérir. Il ne se fait que de se cloître dans sa chambre, et c’est bien malheureux. Aucun serviteur ne peut entre pour l’infuser. Ah ! Ça va troubler ses humeurs. Si quelqu’un avait une bonne voix pour la faire entendre.

 

ZYNNTOLI

J’aimerais connaître quelle voie il emprunte d’abord ?

 

AROUÉZ

Je n’en ai aucun éclat de vision. Mon fils n’a dit mot.

 

ZYNNTOLI

L’avez-vous fait tendre jusqu’à ce qu’il se plie.

 

AROUÉZ

Voyons !! Je n’ai point de viles façons comme Zamine ou Yirgatt. J’ai emprunté des chemins détournés par des approches amicales voir familières. Néanmoins, il est seul avisé de ses pulsions. Il se terre dans son jardin secret. Il est aussi fermé qu’une huître à la recherche de sa perle. Les voies du cœur sont impénétrables dit-on. Pour moi, je clame qu’elles sont peu sages.

 

ROER

Je n’ai pas à en faire l’examen mais que le bouton vestal flétri par la rouille avant de briller, ce serait dommage. Sa beauté d’éphèbe fanerait avant l’heure !

 

LADY ZOLINA

Je ne peux point me résoudre à perdre mon enfant ainsi ! Que je sache ses plaies, je les panserai de mes baisers maternelles !!

 

(EREMNÉO paraît à distance.)

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