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Par Dan

14

 

8 mars 2014

 

Une brise chaude soulevait les rideaux qui dansaient comme des spectres et enflaient comme des voiles de bateau. Le soleil entrait dans la chambre en cascades de poussière, en bouffées de tiaré, en échos de rires, de trilles d’oiseaux et de notes de country. Les yeux entrouverts, Frankie se raccrochait aux derniers lambeaux du sommeil.

Un courant d’air balaya alors la pièce et Frankie ouvrit complètement les paupières en basculant sur le dos. Dressé dans l’encadrement de la porte, Levi lui adressa un sourire sans joie.

— J’ai frappé à l’entrée. Lève-toi.

Frankie s’assit dans le lit en remontant les draps sur sa poitrine, mais Levi ne la regardait plus.

— Les avant-postes de la porte du bassin ont détecté des signes d’activité, reprit-il. On va bientôt avoir de nouveaux invités. Au travail.

— J’arrive.

Il acquiesça et disparut, mais Frankie resta longtemps immobile, tripotant nerveusement les pendentifs de pierre qui avaient imprimé leur forme dans la peau de son sternum. Elle avait pris l’habitude de dormir à poil ou presque – ainsi que celle, incontrôlable, de baver copieusement. Quoi que Levi ait vu, ça ne devait pas être très reluisant.

Frankie se frotta la joue en quittant le lit, puis se frotta les mains pour en chasser la démangeaison persistante. Certainement un effet secondaire des activités extrascolaires d’Edward, qui la réquisitionnait à la cueillette et au jardinage à la moindre occasion. Frankie expédia la douche et le café, ajouta une bouteille d’eau au sac à bandoulière qu’elle gardait empaqueté en prévision de ce genre d’événement, et prit le chemin des garages.

Le ciel avait à peine commencé à virer au violet, mais les habitants du camp n’attendaient plus la foudre silencieuse pour se mettre en mouvement : si le nombre de rescapés avait drastiquement chuté depuis la disparition de l’U.S. Army, la gestion matérielle des basculements demandait quant à elle de plus en plus d’organisation. Car avec l’ère moderne étaient arrivés les bâtiments monstrueux, les machines destructrices et les marées noires.

Le conseil se montrait particulièrement vigilant vis-à-vis des vortex situés dans les océans de la sphère, où la plupart des avions et la totalité des bateaux disparaissaient. Quand trente personnes pouvaient tranquillement traverser en chaloupe au siècle dernier, l’arrivée d’un seul survivant rimait aujourd’hui avec le naufrage d’un cargo tout entier.

Il fallait alors se tenir prêt à aborder les épargnés sans les terrifier, s’assurer de pouvoir prendre les blessés en charge, établir un périmètre discret afin de contenir les potentiels fuyards – et commencer par anticiper le temps de trajet vers des portes parfois distantes de plusieurs centaines de kilomètres, comme c’était le cas aujourd’hui.

— Il y a un problème avec Levi ? demanda Amelia lorsque Frankie grimpa à bord de la Jeep Willys d’Oqruchi.

Un coude sur la portière, le menton dans la paume, le jeune Mongol observait d’un œil morne l’agitation des autres équipes qui se préparaient au départ.

— Quoi ? lâcha Frankie en réalisant que la question lui était adressée.

— Il a l’air préoccupé, fit Amelia alors qu’Oqruchi mettait le contact et manœuvrait un demi-tour. Plus que d’habitude, j’entends.

— Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ? Je suis pas sa BFF.

— Non, mais tu…

— On n’est vraiment pas obligés de parler.

Frankie s’enfonça dans la banquette et tressa distraitement ses cheveux gonflés d’humidité tandis qu’ils ralliaient puis franchissaient les remparts.

Elle se souvenait de la première fois où elle avait quitté le camp sans faire le mur, quelques semaines après son anniversaire inaugural, quand elle avait enfin trouvé le courage d’encaisser son ticket de sortie auprès du « responsable ». Levi lui avait réclamé dix minutes pour boucler son travail, puis l’avait fait monter en voiture et quitter le village par la porte nord.

Très sûr de lui, ou très prudent ? Il pensait sans doute pouvoir la rattraper si Frankie fuguait derechef, ou bien estimer qu’il devait se montrer en position de faiblesse, lui fournir ce gage de confiance, pour que Frankie fasse à son tour un geste dans son sens.

Elle lui était reconnaissante, dans tous les cas. D’avoir cherché et trouvé la bonne manière de l’amadouer ; de lui avoir offert bien plus que le gîte et le couvert, surtout. Les yeux plissés contre le vent, Frankie observait la coiffure excentrique d’Oqruchi, le profil concentré d’Amelia, et il lui semblait enfin comprendre la vraie valeur du véritable cadeau.

— Désolée, dit-elle juste assez fort pour couvrir le sifflement de l’air et le grondement du moteur.

Ils échangèrent un coup d’œil et Amelia répondit en pouffant :

— Allons, pas à nous.

— Je sais pas ce qui se passe avec Levi, reprit Frankie en espérant que la contrition de sa voix passerait pour de la lassitude ou de l’indifférence.

— Il a sûrement besoin de se détendre un peu, glissa Oqruchi, qui n’avait pas prononcé de phrase aussi longue et complexe depuis des semaines.

Aussi gênante, aussi. Et si Frankie rougissait déjà jusqu’au front en échafaudant des scènes plus embarrassantes encore, la suite acheva de lui cuire la tronche :

— Tu veux pas t’en charger, Frankie ?

— Je vois pas de quoi tu parles, parvint-elle à articuler.

Diable, elle était aussi crédible qu’Harry. Et aussi douée pour dissimuler ses états d’âme, apparemment ; à moins qu’elle ait voulu qu’on la démasque ? Qu’on l’encourage ou qu’on la freine avant qu’il soit trop tard ? Qu’on lui explique faute de l’aiguiller, au moins, car elle ne comprenait rien à ce qui lui arrivait.

— Personne n’est dupe. Le Scrabble, sérieusement ? C’est forcément un nom de code.

— Non. Le Scrabble c’est le Scrabble.

— Tu pourrais quand même te sacrifier pour le groupe, insista Oqruchi. Parce que quand il fait la gueule…

Voilà qu’elle avait déclenché une vraie passion, peut-être naturelle chez un ado de quinze ans – même si après plus de sept siècles dans l’icosaèdre, Frankie aurait certainement dû considérer Oqruchi comme un vieux sage.

— Ça serait plus qu’un petit sacrifice, intervint Amelia. On parle plutôt d’un commando tactique et d’une agression frontale, parce que la manière douce, avec lui, ce n’est pas faute d’avoir essayé.

La Jeep franchit l’arête sud au même instant. Descente d’organes totale.

— Quoi ? fit Amelia en scrutant Frankie par-dessus son épaule, un mince sourire au coin des lèvres. Je suis là depuis quatre-vingt-trois ans, je te rappelle.

Frankie frotta ses mains collantes sur son jean, frotta encore, finit par gratter, glapit :

— Qu’est-ce que c’est que ça !

Elle orienta les paumes à la lumière, frictionna encore, referma et rouvrit les poings, mais rien n’y faisait : des arabesques sombres s’emmêlaient toujours au tracé de ses veines.

— Elle est des nôtres, lança Oqruchi avant de replonger dans son habituel mutisme morose, peut-être déçu que la parenthèse grivoise soit déjà close.

Mais toute idée de badinerie avait complètement déserté l’esprit – et le reste du corps – de Frankie : elle n’avait plus d’yeux et d’intérêt que pour les dessins dont les traits se confondaient à ses lignes de cœur et de destin.

Le témoignage. Frankie n’avait pas oublié les mots d’Harry, durant son premier examen ; depuis, elle avait vu Amelia en maillot de bain et admiré les marbrures qui s’étendaient de ses membres à son dos, où elles traçaient de grandes ailes déployées ; elle avait aussi discerné la pigmentation bleu argent du torse imberbe d’Oqruchi, dont les nuances formaient presque un plastron. Pooja, Danai, Harry, Edward et Charles ne pouvaient pas espérer dissimuler les leurs, et ne semblaient pas le regretter, d’ailleurs. Car le témoignage les révélait.

— Ça a mis le temps, constata Amelia en observant les mains de Frankie.

L’icosaèdre avait-il compris des choses qui lui échappaient ? Qu’allait-elle découvrir ou confirmer en interprétant les motifs dont sa peau se parait ? Et que signifiait le retard qu’Amelia évoquait à demi-mots ?

— Accrochez-vous.

Frankie dut se détacher de ses tatouages pour se cramponner à la poignée. Ce n’était pas le moment de se laisser distraire : elle aurait besoin de tous ses réflexes si leur bolide faisait une sortie de route malheureuse.

L’état des infrastructures construites puis abandonnées par l’U.S. Army laissait souvent à désirer et, si les rescapés entretenaient les voies desservant le camp, les pistes moins utilisées tombaient parfois en décrépitude totale. Leurs rangs ne comptant aucun ingénieur en génie civil, le pont qui liait le continent à la péninsule méridionale paraissait aujourd’hui moins résistant qu’une passerelle de cordes.

Les roues quittèrent la terre boueuse pour le revêtement métallique et Frankie vissa le regard à l’autre rive alors qu’ils franchissaient le bras de mer, des dizaines de mètres en contrebas. Le grincement lugubre des armatures ne semblait pas inquiéter Oqruchi, dont la conduite souple parvenait presque à rassurer ses passagères. Frankie se découvrit tout de même une fameuse crampe aux fesses lorsqu’ils atteignirent enfin la côte opposée et qu’elle s’autorisa à reprendre son souffle.

L’air sec lui libéra les bronches de la chaleur visqueuse et, aussi subitement que la forêt avait remplacé la jungle au nord de la porte des statues, la garrigue lui succéda dans une volte de vent salé. L’odeur épicée des pins, de la poussière et des herbes blondes entraînait cependant Frankie vers des recoins de sa mémoire qu’elle ne voulait plus visiter, et elle passa les deux heures suivantes à dresser des pronostics sur leurs imminents invités pour résister aux flots de la mélancolie.

Avion ? Navire ? Sous-marin ? Commercial ou militaire ? Et combien de rescapés ?

Ils longèrent une étendue de dunes chantantes et le bassin d’un lac asséché, puis la zone de passage arriva enfin en vue, marquée en son point culminant par deux statues blanches chaussées de coques et de carcasses rouillées. Ils profitèrent de leur avance sur la caravane médicale pour faire le tour et se garer à bonne distance du sommet où cinq des faces de l’icosaèdre se rejoignaient.

Maintenant débutait l’attente. Oqruchi s’était de nouveau affalé contre la portière tandis qu’Amelia préparait l’entrée dans le registre en consignant leurs noms, leur position et le matériel emporté ; puis, munie de sa montre, elle se prépara à relever l’heure exacte de la traversée. Assise sur le capot, son vieux casque à arceau sur une oreille, Frankie entama pour sa part le minutieux nettoyage de leurs armes.

— Ça se rapproche, indiqua Amelia après une demi-heure.

Frankie leva les yeux vers le mauve du ciel. Les éclairs s’étaient manifestés puis multipliés, agitant leurs bras comme les filaments d’une énorme lampe à plasma. Le tableau aurait semblé apocalyptique s’il n’avait pas été si silencieux.

Elle imaginait la porte, là-haut – s’il fallait vraiment visualiser l’icosaèdre comme un mobile suspendu à l’intérieur du monde par douze fils –, prête à s’ouvrir comme la bonde d’une baignoire et à aspirer tout ce qui se trouvait dans le périmètre du vortex. Elle espérait presque qu’ils assistent au basculement d’un bateau : d’après les anciens, ceux-ci surgissaient dans des gerbes et des geysers au milieu des prairies ou des déserts avant de s’échouer en épaves ruisselantes.

Frankie faillit manquer l’instant fatidique en descendant de son perchoir pour distribuer les revolvers, mais le craquement monstrueux de l’ouverture capta son attention à temps : dans un flash de lumière, une forme oblongue émergea de l’éther, blanc strié de rouge et de bleu, énorme, hurlante, piquant vers le sol à la vitesse d’une ogive.

— Heu, dites, les gars… qu’est-ce qui se passe s’il nous tombe dessus ?

Frankie avait reculé contre la Jeep tandis que l’avion poursuivait sa chute, le nez pointé dans leur direction, la distance se réduisant au point de pouvoir distinguer la silhouette des pilotes derrière les vitres du cockpit. Un coup de manche dévia finalement sa course et l’appareil frôla les statues avant de s’écraser sur le ventre à moins de cent mètres de leur poste. Métal gémissant contre la roche. Immenses ailes fauchant les arbres. Quand le mastodonte s’immobilisa enfin dans le grondement assourdissant des réacteurs et les plaintes de la carlingue, Oqruchi et Amelia n’avaient toujours pas bougé.

— Pas mal, constata le premier en descendant de voiture tandis que la seconde finissait de remplir le journal de bord.

Frankie, foudroyée, observait le corps rompu de l’avion dont s’échappaient déjà des panaches d’un noir de suie. Sur son flanc, au-dessus de la ligne de hublots qui dissimulaient certainement un chaos sans nom, une inscription en lettres stylisées indiquait « Malaysia ».

— Airbus A300 ? fit Oqruchi.

— Boeing 777, corrigea Amelia. Frankie, appelle Harry. Je crois qu’on va avoir sérieusement besoin de… Merde ! On lui a déjà dit de ne pas s’approcher en voiture !

Un 4x4 s’était élancé vers le fuselage éventré et Harry en descendit en compagnie de deux apprentis infirmiers. La vue du premier corps sanguinolent tira finalement Frankie de sa torpeur : le cœur battant, elle glissa son arme à sa ceinture, s’empara de la trousse de premiers secours et se précipita à son tour vers la face adjacente.

Les vapeurs du kérosène lui cramèrent les poils du nez dès qu’elle atteignit l’énorme sillon creusé par le crash. Enfouissant le visage dans le col de son t-shirt déjà trempé de sueur, Frankie se jeta à genoux auprès d’un homme qui peignait les graviers de deux lignes écarlates en traînant ses moignons de jambes derrière lui.

— Monsieur… hé !

Un border collie aux poils coagulés par le sang claqua des dents tout près des mains de Frankie quand elle les posa sur épaules du blessé.

— J’essaye de l’aider, grogna-t-elle, vaguement consciente de s’adresser à un clébard.

Qui se mit à japper dès que Frankie parvint à basculer son maître sur le dos.

— Un coup de main ! cria-t-elle à Pooja qui, débarquée avec une autre équipe, arpentait le carnage en sondant les décombres.

Si elle avait porté un bob et des bottes en caoutchouc, on aurait pu la croire partie à la pêche aux crabes. Pooja finit d’examiner le contenu d’une valise avant d’orienter son regard évaporé sur Frankie.

— Ceux qui doivent survivre survivront, dit-elle finalement.

Frankie éprouva une brusque et vive envie de l’étrangler dans son chapelet, mais l’amputé avait soudain cessé de ramper, de gémir, peut-être même de respirer, et son chien pleurait en poussant sa tête du bout de la truffe. Frankie s’empressa de défaire sa ceinture et celle du blessé pour les nouer en garrots sur ses cuisses et, quand elle aperçut le pantalon déchiqueté et la bouillie rouge et blanche sous les genoux, elle dut serrer les dents pour s’empêcher de vomir.

— Frankie !

Elle sursauta en reconnaissant la voix d’Harry, dont le visage encrassé émergeait à peine des volutes de chaleur et des colonnes de fumée. Le chien aboya lorsque Frankie quitta son maître, mais tous deux désertèrent son esprit dès qu’elle parvint au chevet de la patiente d’Harry, dont le bras gauche portait une entaille assez profonde pour en dénuder l’os.

— Frankie va s’occuper de vous, fit Harry. Essayez de vous calmer.

Et il s’en fut gérer des cas plus urgents, alpaguant au passage Edward et ses assistants tandis qu’aux abords des ruines fumantes, d’autres de leurs amis pillaient les bagages et les coffres éclatés des compartiments. Quelque part dans le vacarme des réacteurs et des hurlements, le chien aboyait encore.

— Comment vous vous appelez ? lança Frankie dans l’espoir de distraire la blessée alors qu’elle dégainait un flacon d’alcool.

— Ma… Mazlin. Je m’appelle… ARGH !

— C’est fini, Mazlin, mentit Frankie en s’emparant de l’agrafeuse.

— C’est eux ! C’est de leur faute !

Frankie s’immobilisa. Nouvel aboiement.

— Eux ? répéta-t-elle, fébrile.

Eux ?

— J’ai entendu les stewards et les hôtesses… Leurs machines… Ils ont embarqué des machines dans la soute, et le commandant de bord… C’est de leur faute si on s’est crashés !

Frankie ne faisait pas encore partie du gang quand ils avaient sévi dans la région – elle n’était même pas née –, mais aujourd’hui, elle en savait assez au sujet de Sanderson et des soldats pour se méfier des scientifiques qui embarquaient leur matériel sur le chemin des vile vortices.

Mazlin s’était évanouie quand Frankie ramena les yeux sur sa plaie, et le chien n’aboyait plus.

 

 

Le chien était une chienne – Dottie, d’après son collier –, et après avoir bondi à l’arrière de la Jeep, trottiné jusqu’à son bungalow et fait son nid sur le lit de Frankie, cette dernière avait rendu les armes. Menton sur ses genoux relevés, elle caressait sa truffe blanche et nouait les doigts dans les poils agglutinés de son poitrail quand les cauchemars l’agitaient.

— J’ai frappé à l’entrée.

Dottie entrouvrit à peine un œil fatigué quand Frankie envoya valser Walkman et cassettes en remontant le drap sur ses hanches. Paniquée, elle cherchait encore son short parmi les monceaux de chaussettes sales quand Levi s’assit au bord du matelas, à distance respectable, certes, mais plus loin dans l’intimité de Frankie qu’il ne l’avait jamais été.

— Tout va bien ? osa-t-elle comme il ne disait rien.

Il garda les yeux fixés sur la chienne pendant quelques secondes, assez longues pour que Frankie remarque d’infinis détails, des choses dérisoires qui avaient toujours existé mais qu’elle découvrait à peine : le tout petit bourrelet qui naissait au-dessus de sa ceinture, le triangle de peau glabre dans le col déboutonné de sa chemise, l’ombre prononcée des os saillants à ses poignets. Elle avait envie de tout avoir, de tout toucher. Et qu’on la touche aussi, une paume près de sa bouche et l’autre sur sa poitrine pour dissiper les cris et la douleur qui bouillonnaient.

Car Frankie avait encore dans le nez l’odeur du métal, de l’essence et des corps carbonisés ; encore dans les yeux l’image de ses amis qui regardaient Harry se démener pour sauver des gens que les dieux n’avaient pas choisis.

— J’ai lu votre rapport sur le vol MH370, lâcha finalement Levi.

Frankie détacha le regard de tout ce que ses mains n’osaient pas prendre. Elle nota alors la terre sur les rangers de Levi, les auréoles de sueur au pli de ses bras, le vernis dont l’une et l’autre enduisaient ses avant-bras aux muscles nerveux. Elle ouvrait la bouche sans savoir encore quoi dire quand Levi reprit d’une voix à peine plus claire qu’un soupir :

— Frankie… tu veux toujours partir d’ici ?

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EryBlack
Posté le 06/06/2021
Après le dernier chapitre, j'espérais justement voir la relation entre Frankie et Levi évoluer et en voyant la date, j'ai craint que ce soit passé en ellipse, mais finalement non. J'adore ta façon de décrire tout ça, sur le fil. Je trouve ça très réussi !
Cette scène de passage me fait de nouveau furieusement penser à Lost, et c'est toujours une bonne chose en ce qui me concerne. Très intrigant de nouveau, ces histoires d'appareils, qu'est-ce qui se trame encore ? Et ces dessins sur les mains de Frankie ? Ça me rappelle quelque chose issu de la première partie, même si c'est un peu flou dans ma mémoire. Ça aiguise bien la curiosité, en tout cas.
Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi à la dernière scène entre Levi et Frankie. J'adore la tension entre eux ("Elle avait envie de tout avoir, de tout toucher." et "Frankie détacha le regard de tout ce que ses mains n’osaient pas prendre." c'est tellement puissant !), mais j'ai l'impression de louper quelque chose. Est-ce que Levi craque et pose cette question qui dévoile plus ou moins ses sentiments à Frankie, ou bien est-ce qu'il pose cette question parce que quelque chose dans le rapport lui a donné l'impression qu'elle voulait toujours partir ? Je cherche peut-être trop loin, mais je n'ai pas pu me défaire de la sensation d'avoir peut-être laissé échapper quelque chose de leur interaction.
Je n'ai rien trouvé à relever, sauf cette phrase : "Le chien était une chienne – Dottie, d’après son collier –, et après avoir bondi à l’arrière de la Jeep, trottiné jusqu’à son bungalow et fait son nid sur le lit de Frankie, cette dernière avait rendu les armes." Je crois que formulé ainsi, ça signifie c'est Frankie qui a bondi, trottiné et fait son nid. Je suis toujours incertaine avec ce type de formulation mais je crois que le sujet de ces participes devrait être le même que celui de la proposition principale, d'un point de vue grammatical. (ce qui pourrait être réglé en écrivant "le chien était une chienne, et après qu'elle ait bondi..." ; moins fluide, cela dit) Mais j'ai des doutes : c'est peut-être juste une manie personnelle... Du coup je livre cela à ta sagacité !
Je continue à adorer ce que je lis, en tout cas ! <3
Dan Administratrice
Posté le 13/08/2021
Aw merci, c’était vraiment galère à écrire alors je suis soulagée, surtout que c'est une part importante de l'histoire ^^

Eh oui, Lost is everywhere, j’ai repoussé le crash d’avion autant que possible, pourtant x’D

Ah pour la dernière scène, je sais pas trop si je dois clarifier ou pas, c’est délicat. Il y a effectivement un flou voulu sur les sentiments/l’attitude de Levi, mais s’il pose la question c’est justement à cause du rapport (et des machines embarquées qui y étaient citées) et c’est normal à ce stade de ne pas complètement comprendre quel déclic Levi y a vu. En fait c'est tout l'objet de la partie III. Je sais pas si je suis claire x’D Mais je crois pas que t’aies manqué quelque chose, c’est juste moi qui retombe dans mes travers de crypticisme excessif.

Et merci pour la phrase un peu foireuse, faudra que je reprenne ça à tête reposée !
Kevin GALLOT
Posté le 19/05/2021
Salut Dan ! Pouah toujours aussi cool cette suite ! Assister à un basculement en direct, c'était une scène attendue je l'avoue, puis ces relations entre les personnages, ces doutes, ces peurs, toujours un régal.

Ce passage en particulier m'a vraiment fait bien marrer, très explicite :

"— Il a sûrement besoin de se détendre un peu, glissa Oqruchi, qui n’avait pas prononcé de phrase aussi longue et complexe depuis des semaines.

Aussi gênante, aussi. Et si Frankie rougissait déjà jusqu’au front en échafaudant des scènes plus embarrassantes encore, la suite acheva de lui cuire la tronche :

— Tu veux pas t’en charger, Frankie ?

— Je vois pas de quoi tu parles, parvint-elle à articuler."

J'ai aussi une petite observation physique a faire sur les lois physiques, justement, de l’icosaèdre. Notamment les arêtes et les sommets. Nous sommes d'accord pour dire que ce sont des endroits ou des gravités différentes se croisent ? Par conséquent, ce sont des endroits où la matière devrait s'accumuler, non ? L'eau également (la pluie par exemple). En altitude, le plan qui sépare 2 gravités, le long d'une arête, devrait accumuler une grosse quantité d'eau et créer une rigole, un ruisseau, voire une rivière à terme. Ou a défaut, des marécages. Enfin c'est un détail physique peu essentiel pour l'histoire, c'est juste une experience de pensée :D

En tout cas c'est toujours aussi cool cette histoire, remarquable, merci.

Bises

Kevin
Dan Administratrice
Posté le 22/05/2021
Hello !

J'ai un peu tardé pour te répondre, désolée. Contente (et soulagée) que ça te plaise toujours autant !

Haha, oui, je ne rate jamais une occasion de glisser un peu de caca pipi pwetpwet, c'est un des mes plaisirs. Mais ça me rassure vraiment pour les relations entre les personnages, et le reste v.v

C'est intéressant, cette réflexion sur les arêtes ! C'est vrai que je décris assez peu ce qui s'y passe, hormis le changement de gravité que les personnages perçoivent. Dans mon idée, c'était plutôt que la gravité disparaissait le long de ces lignes. Je crois que je décris un truc avec l'eau dans le chapitre flashback de Danai, mais rien de très clair (et rien de très plausible x'D). Ça mériterait d'être creusé, oui, et j'aime bien tes hypothèses. Après, pour les sommets, comme ils correspondent aux portes et que personne ne s'aventure exactement à ce point, je sais pas bien ce qui s'y passe ? Ça peut potentiellement être hyper dangereux j'imagine. En tout cas, ça serait marrant à montrer. Bref, y a matière à cogiter, merci !

Et merci comme toujours pour ta lecture et tes retours !
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