Oren et Elijah s'étaient chamaillés sur le chemin, ils se défiaient, pariant sur lequel vomirait son petit déjeuner en traversant le portail. Aucun d'eux ne l'avait jamais franchi, les occasions d'aller visiter les autres mondes étaient finalement assez rares. Azénor et Nour étaient impatientes, la jumelle avait emporté un carnet pour y noter toutes ses impression et croquer les paysages. Pour Méroé aussi c'était une première. Nour constata qu'elle n'en menait pas large à la manière que la damona avait de pincer les lèvres, de remettre sans cesse sa besace en place. Les enfants l'avaient pourtant facilement convaincu de les accompagner en Fandari. D'abord, Méroé sembla contrarié que des enfants aient déjà des pistes pour savoir ce qu'était le médaillon alors qu'elle piétinait. Puis, l'enthousiasme l'emporta, trop prise par sa fonction elle ne voyageait guère. Et puis, n'avait-elle pas promis d'aider Nour ?
Le portail était en vue. Alignés côte à côte, personne n'osait faire le premier pas. Du coude, Elijah poussa Oren, qui râla avant de le pousser à son tour. Ils finirent par éclater de rire.
– Ca m'étonne quand même de vous voir copains. Chez moi, les dernières années sont pas très sympa avec les plus jeunes, expliqua Nour.
– Oh je te rassure, enfin façon de parler, c'est pareil ici, lui expliqua Azénor. Mais il se trouve qu'avec Oren, nous nous sommes trouvé une passion commune.
– Vous aussi vous tricotez ? demanda Nour après quelques secondes de réflexion.
Les jumeaux s'exclaffèrent d'un même rire moqueur, qui dura un certain temps, sous l'oeil fâché d'Oren et du regard désolé de Nour.
– Oh non, s'exclama enfin Elijah. Je suis trop jeune pour m'ennuyer autant.
– Oui, c'est un peu différent, mais nous te montrerons bientôt, fit enfin Azénor l'oeil pétillant.
– Bon allez Timéo nous attend, grogna Oren avant d'inspirer une grande bouffée d'air et d'avancer.
Le gardien du Grand-portail était un homme charmant. Il fut ravi d'enfin rencontrer la terrayenne.
– Vous avez de la chance, j'ai pas encore eu de consigne concernant le passage des enfants de la part du Conseil, mais ce ne serait tarder. Méroé, c'est toi l'adulte responsable de ces enfants, si leur arrive quoi que ce soit ce sera ta faute, tu en es consciente ?
– Tout se passera bien, répondit-elle pas totalement convaincue.
– Oui y'a pas de raison, ceux de Fandari sont assez spéciaux mais pas violent pour un sou.
Puis, le garde les encouragea chaleureusement à bien s'amuser en Fandari tout en prenant bien garde de ne pas faire honte à An Domhan.
Passer le portail fut comme se rerouver dans le tambour d'un machine à laver. Il ne se passa qu'un instant, un instant où Nour sentit son corps se désarticuler, se disloquer en mille minuscules morceaux, pour se reformer immédiatement. Un flot intense de couleurs défila devant ses yeux laissés ouverts par les forces cosmiques. Un vacarme infernal régnait, comme si les milliards de milliards d'habitants de l'univers criaient à l'unisson.
Quand le calme revint, et que ses pieds s'ancrèrent de nouveau sur le sol ferme, elle était dans un monde nouveau. Encore. Sans la regarder, Oren lui pinça le bras.
– Mais aïeuu.
– Désolé, je voulais être sûr de pas rêver.
– Alors c'est ton bras que tu aurais dû pincer, rétorqua Nour.
De ce côté ci, des majestueux cerisiers certainement millénaires, aux troncs énormes, bordaient l'allée qui reliait la ville principale au portail. De grosses grappes de fleurs roses les recouvraient presque entièrement. Bon nombre d'entre elles étaient emportées par le vent, et virevoltaient comme de la neige, pour retomber mollement au sol, formant un tapis végétal. C'était tout simplement féérique.
– Whaou s'exclama Méroé tout aussi émerveillée que les enfants.
Timéo apparu sur le chemin. Il portait des vêtements traditionnels de Fandari, qu'il troquait d'ordinaire pour les sobres tenues d'An Domhan. Sa tunique bariolée aux couleurs de l'arc en ciel et son pantalon violet étaient parfaitement assortis.
– Bienvenu chez moi, fit-il souriant, en ouvrant ses bras.
– C'est vraiment beau ici, commenta Elijah. Mais j'avais jamais vu autant de couleurs sur une même personne, ajouta-t-il en détaillant Timéo de la tête aux pieds. Ca brûle un peu les yeux.
– Nour, est-ce qu'Elijah se moque de moi ? demanda Timéo.
– Dans le doute, dis-toi toujours qu'Elijah se moque de toi, répondit franchement Nour.
– Ah merci, c'est bon à savoir. Maintenant suivez-moi sans traîner.
Fandari était verdoyant, et grandiose. Les bâtiments mesuraient des dizaines de mètres de haut, ils se réfléchissaient sur leur soleil, une structure en métal doré créée depuis trop longtemps pour s'en souvenir. Les vêtements des habitants étaient confectionnés dans les plus beaux tissus de la galaxie, et les hommes d'armes, nombreux, arboraient de rutilantes armures.
– Ce sont des oiseaux dans le ciel ? demanda Nour, intriguée par la forme triangulaire et surtout l'aspect brillant des volatiles.
– Non ce sont nos vaisseaux de transport. Tu apprendras à l'école que Fandari est une terre assez mince, tout en longueur, et extrèmement escarpée. Aller d'une ville à l'autre à cheval prend des jours, c'est pourquoi nous utilisons ces machines volantes depuis des centaines d'années maintenant. Cela a changé la vie de mon peuple.
– C'est extraordinaire, s'extasia Oren. C'est décidé je veux piloter une de ces machines.
– Je pensais que tu voulais confectionner des bonnets d'hiver personnalisés, ricana Elijah.
– C'est toujours une bonne idée, rétorqua Oren.
– Il y a six mois tu voulais devenir professeur d'arts martiaux, dit Azénor.
– Oui bah ça va, s'agaça Oren. Vous savez peut-être tous ce que vous voulez faire plus tard ?
– Diplomate, s'exclama Timéo.
– Géographe, répondit Elijah.
– Etre membre du Conseil, fit Azénor.
Oren fronça les sourcils, déçu.
– Moi non je sais pas ce que je veux faire plus tard, tenta de la rassurer Nour.
– Faut pas vous imquiéter vous avez tout le temps, affirma Méroé.
Oren et Nour échangèrent un regard complice tandis qu'ils pénétraient enfin dans l'enceinte du palais. De larges coursives à colonnes encadraient une grande place où se dressait des fontaines. Ici, les bâtisses étaient plus basses mais richement décorés de mosaïques colorées. Timéo marchait au pas de course, ses yeux furetaient comme s'il guettait quelque chose.
– C'est là que tu vis ? demanda Elijah, subjugué.
– Oui, tous les ministres vivent à demeure avec leurs familles. Là-bas, il y a le jardin zoologique, montra-t-il du doigt, là les appartements royaux, et ici la salle de réception.
A cette heure de la matinée, les jardiniers s'affairaient autour des arbustes taillés en forme humanoïde. Des guirlandes de fleurs artificielles pendaient langoureursement d'arbres en arbres.
– Le soir, ces fleurs s'illuminent, confia Timéo. Ingénieux n'est-ce pas ?
Dans la bouche de Timéo ce n'était pas une question. Ils continuèrent leur progression en longeant le jardin d'hiver, et enfin débouchèrent sur un bâtiment carré et plutôt bas, sans fris et sans charme.
– Les archives vont très profondément sous terre, expliqua Timéo. Il ne faudrait pas qu'un incendie ou un tremblement de terre détruisent tout. Ce serait une perte colossale pour la galaxie.
Des pas résonnèrent alors derrière eux, des pas précipités, comme si on cherchait à les ratrapper. Azénor se retourna la première. Fébrile, le reste de la troupe l'imita.
– Je pensais rééllement que tu mentais, fit un jeune homme.
– C'est mon grand frère, Octi, bougonna Timéo.
– Alors il y a en a un autre comme toi, commenta Elijah.
– J'ai cinq autres frères, se lamenta Timéo.
Mais seul Octi était le portrait craché de Timéo, quelques centimètres en plus. Mais surtout cet air prétentieux de monsieur-je-sais-tout. Malgré tout il a y avait deux différences flagrantes entre eux, Octi avec le regard fuyant des fourbes, et il tenait ses coudes constamment pliés, laissant ses mains pendre devant sa poitrine dans une posture ridicule.
– Ca paraissait si dur à croire que j'ai des amis ?
– Oui. Les gens n'aiment pas ceux qui leur sont supérieurs, au mieux ils se moquent d'eux, ou les utilisent. Tes amis ne peuvent être que Fandarii. Qu'attendez-vous de lui ? demanda-t-il au reste du groupe.
– Timéo est gentil et très intéressant, répondit Nour, fâchée.
– Il est toujours honnête, ajouta Oren.
– Et il nous fait rire, même s'il le fait pas exprès, renchérit Elijah.
– C'est normalement le rôle d'un grand frère de s'assurer que son cadet soit à l'aise en toutes circonstances, répliqua Méroé, le regard noir.
– Je suis pas dupe vous savez, vous manigancez quelque chose, dit Octi en les regardant de haut. Heureusement pour vous, je n'en ai rien à faire. Timéo, ne sois pas en retard pour le souper, tu sais que mère déteste ça.
Les mains toujours tombantes devant lui, il les quitta et partit du côté opposé.
– Il est encore pire que toi, fit Elijah en secouant la tête. Ca donne pas envie de rencontrer vos parents.
La sobriété des archives dénotait franchement avec le luxe tapageur du palais. Le silence régnait. Les enfants se faisaient rares en ces lieux et les quelques adultes présents les saluèrent avec politesse et intérêt, ravis de croiser des adolescents visiblement pétris de connaissance. Les regards s'attardaient surtout sur la damona, pour de tels érudits la large bande noire qui couvrait ses yeux ne laissait aucun doute sur sa fonction ni du monde duquel elle venait.
Ils descendirent au dixième sous-sol des archives, l'escalier en colimaçon était abrupt et la concentration était plus que nécessaire pour éviter de sa casser la figure. Timéo s'arrêta enfin devant une pancarte où il était écrit : contes et légendes galactiques. Et en plus petit : étage interdit aux enfants.
L'archiviste avait un air avenant. Il était chauve sur le dessus du crâne, mais deux touffes de cheveux hirsutes, noirs et bouclés, se dressaient sur les côtés, lui donnant un air de clown.
– Monsieur Pat, voici mes camarades de classe.
– Ah Timéo, voilà une belle surprise, le salua l'homme en le regardant la tête légèrement penchée, avec attendrissement. Doradéa, s'exclama-t-il. J'admire tellement vos dons, et vous chère demoiselle vous êtes une damona, n'est-ce pas ?
– C'est exact, répondit pudiquement Méroé. Nous sommes réellement enchantés par notre visite.
– Je leur ai dit que nos archives sont les plus complêtes qu'ils auront l'occasion d'étudier, intervint Timéo.
– Ah ça, y a pas plus grandiose dans toute la galaxie, répondit l'archiviste.
– J'ai jamais vu un peuple aussi humble, se moqua Elijah.
– Je te remercie bien Elijah, il est vrai que nous n'aimons pas nous vanter. Nous aimons les faits et seulement les faits.
– Incroyable, fit Oren en levant les yeux au ciel.
– Vous avez lu la pancarte, s'excusa presque l'homme. Je n'ai pas le droit de vous faire entrer. Voyez-vous, les adolescents ont la facheuse tendance à ne pas être soigneux. Les documents à cet étage sont très ancien, et ont une valeur inestimable, mais allez savoir pourquoi ils attirent énormément les enfants. Timéo est le seul que j'accepte car je sais son intérêt et son respect pour ces lieux.
Les mines défaites des visiteurs ne laissaient aucun doute sur leur déception.
– Puisque vous avez fait un long chemin, et que Timéo vous accompagne, je vous laisse aller explorer les allées, fit-il visiblement ravi de faire plaisir. Soyez discrets, et n'hésitez si vous avez besoin d'aide.
Dans un premier temps, quelque peu impressionnés par les lieux, ils déambulèrent à leur gré entre les bibliothèques mais sans rien toucher.
– Les contes du premier temps, la légende de l'Addanc, Séléné et le premier elfe, énuméra Azénor. Tu les a tous lu Timéo ?
– Oui, ils sont tous passionnants, répondit Timéo en équilibre sur une échelle. Ca y est, j'ai trouvé ce que je cherchais, fit-il alors victorieux. La légende de Méry et Idan. Approchez- vous.
Tous se mirent à l'écart et imitèrent Timéo quand il s'assit à même le sol. Il feuilleta l'ouvrage en vitesse, concentré sur sa tâche.
– Voilà, fit-il en leur souriant à tour de rôle. Ceci est la gravure du médaillon de Méridan, aussi connu comme le médaillon des Tamlin, descendants direct des sœurs Méry et Idan.
– Qu'est ce que tu viens de dire ? demanda Azénor en criant presque.
Nour su qu'elle avait bien entendu quand son cœur s'emballa.
– Tu plaisantes ? s'exclama Oren.
– Bien sûr que non, rétorqua Elijah. T'as déjà vu Timéo faire une blague ?
– Non c'est vrai, désolé, admit Oren. Ca peut pas être les Tamlin de la famille de Mahaut Tamlin ?
– Nour, ôte-moi d'un doute, fit Timéo en refermant doucement le livre, tu n'es quand même pas en possession de ce médaillon ?
Nour devint blême. Avait-elle un lien avec cette femme que tout le monde haïssait en An Domhan ? Ce serait la cata. Elle lança un regard teinté d'appréhension du côté de Méroé et ce qu'elle y vit ne la rassura pas du tout.
J'adoooore le passage dans le vortex :D avec les voix des mondes et la matière qui s'atomise, ce passage-là était très réussi.
Octi est parfaitement ridicule et désagréable. Il voit le mal partout, ce qui est signe qu'il n'a pas toujours de bonnes intentions lui-même.
Elijah, il n'en manque pas une pour être désagréable sous couvert d'humour, aussi, je ne sais pas si je l'apprécie beaucoup. D'autant qu'Oren était vraiment vexé quand Nour a demandé s'il tricotait aussi. Et puis Timéo ne comprend pas le second degré. Se moquer de lui parce qu'il est différent, ça va bien un peu, mais quand ça devient systématique, c'est un peu gênant. Ça donne envie de le remettre à sa place. Du coup le personnage est bien dessiné, ça montre aussi que tout n'est pas noir ou blanc - parmi les "amis" de Nour il y en a qui ne sont pas tout à fait exemplaires ni pétris de bonnes intentions. Après, j'aimerais bien qu'il lui tombe quelque chose sur le coin du nez, à celui-là.
D'autre part, je me suis demandé, à la fin : comme Timeo savait exactement où trouver ses sources et ce qu'elles disaient du lien entre le médaillon et Mahaut, pourquoi faire le chemin jusqu'ici ?
Coquillettes et crustacés :
- Méroé sembla contrarié => riée
- mais ce ne serait tarder => cela ne saurait tarder
- Timéo apparu => rut
-d'arbres en arbres => au singulier
A vite, vite !
Ahh cool, je suis contente que ce chapitre te plaise. J'essaie que mes persos soient pas catalogués gentil ou méchant. Pour Elijah j'aimerais bien que le lecteur se dise qu'il peut vraiment dérapé à tout moment.
Très bonne question pour Timéo. Dans un chapitre précédents il dit qu'il a déjà vu le dessin et où mais qu'il ne se souvient plus de ce qu'il veut dire. C'est vrai que c'est un prétexte pour qu'ils se rendent tous en Fandari (il aurait pu le faire tout seul c'est sûr)
A très vite :)
J'aime bien ce chapitre, la découverte d'un nouveau monde est sympa et le scénario avance avec les informations sur le médaillon, c'est chouette.
Globalement les descriptions de Fandari sont bonnes. Elles donnent une vision colorée du pays, assez agréable et plutôt originale. On a envie d'y aller !
La fin est aussi bien amenée (le dialogue pourrait être un peu plus percutant), mais les les dernières lignes donnent une bonne tension, on a vraiment envie de tourner la page.
Je suis un peu surpris que l'archiviste laisse rentrer le groupe aussi facilement par contre, il pourrait au moins leur donner quelques consignes de précaution de plus, ils sont tout de même une sacrée bande ^^ (une sympathique bande néanmoins, j'aime bien l'assemblage qu'ils sont et leurs dialogues avant de passer le portail par exemple).
Je ne sais pas trop quoi attendre du frère de Timéo pour l'instant, on verra ce qu'il devient...
Quelques remarques en plus en vrac :
- "une structure en métal doré créée depuis traop longtemps pour s'en souvenir" => ce n'est pas clair de quoi il faudrait se souvenir.
- "répondit Timéo en équilibre sur une échelle" -> le paragraphe commence en disant qu'ils ne touchent à rien et on retrouve Timéo en équilibre sur une échelle, cela me perd un peu.
- "imquiéter" -> petite coquille ^^
À bientôt pour la suite, dont je suis assez curieux maintenant.
Contente que ce chapitre te plaise, à partir de là c'est vraiment du premier jet. Les aventures vont réellement commencer, j'espère que ça te plaira.
Pour l'archiviste je me suis aussi posé la question, je vais donc revoir ça.
Merci de rester dans les parages, à bientôt :)