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21 janvier 2020
— Tu sais tout, maintenant.
Les mains serrées autour de sa tasse pleine, Frankie s’efforce de soutenir le regard pénétrant de son stalker-cambrioleur, papillonne des cils, fixe son nez pointu, cille encore et renonce.
Le discours abracadabrant d’un cinglé, voilà ce qu’on lui a servi ; mais le plus fou, c’est la facilité avec laquelle Frankie s’y est laissée aspirer, le naturel avec lequel elle a servi le café au conteur, la nervosité mêlée de plaisir qu’elle a ressentie lorsque ses doigts ont frôlé son gant contre la céramique tiède. La justesse de son prénom, surtout, qui résonne à ses oreilles et roule sur sa langue : Levi, Levi, parfait, complet, réconfortant.
Mais ça n’a aucun sens. Les vortex ? L’icosaèdre ? Ivan Sanderson et l’U.S. Army ? La soi-disant coalition de Levi et Frankie pour revenir dans cette dimension ? Rien de ce qu’il a dit, rien de ce qu’elle ressent n’a de sens.
— Pourquoi vous me racontez tout ça ?
— Frankie…
Elle frémit. Depuis la première fois qu’il a prononcé ces deux syllabes, dans le couloir, quand elle l’a surpris à tenter de forcer sa nouvelle serrure après l’avoir vu rôder pendant des jours de la rue au bar, c’est devenu presque douloureux à entendre. L’intimité est douloureuse. Le fantôme de l’affection plus encore.
Mais pas effrayant, ce qui est effrayant en soi.
— Non, dites-moi. À quoi ça rime ? Pourquoi vous me filez le train partout où je vais ? Pourquoi être entré chez moi par effraction ?
Il soupire. Elle a l’impression de le décevoir, parce qu’elle ne comprend pas, même si la sensation de clarté se fait plus pressante que jamais. Insupportable d’absurdité. Plus déplacée que Levi ne l’est lui-même.
— Tu ne te souviens toujours pas, dit-il finalement. Peut-être que mon visage t’a paru familier à quelques reprises, parce que j’étais là aussi souvent que possible.
Elle refuse de penser au touriste collant de l’île de Pâques, à celui de Grenoble, au visage dans la foule des Irlandais.
— Je ne pouvais rien changer au chemin qui t’a conduite jusqu’à l’icosaèdre en 2011, car on ne change pas le passé. Après ça, après ton retour, j’ai essayé de raviver ta mémoire pour que tu puisses m’aider, sans succès. Peut-être que ton enquête sur le Collectif Sanderson, c’est ta façon inconsciente de le faire, mais je n’ai plus le luxe d’attendre que le déclic s’opère.
« La date approche. D’ici un peu plus de deux mois, nos autres versions quitteront l’icosaèdre et la boucle sera bouclée. Et si je ne peux rien faire pour annuler notre crime, je peux tenter d’en limiter les conséquences. On doit les limiter, ensemble, voilà pourquoi je te raconte tout ça.
Elle regrette déjà sa question :
— Quel crime ?
Et ses yeux noirs la harponnent.
— On a détruit les mondes, Frankie.
Mais en tout cas, je suis trop contente d'en être arrivée jusque-là, d'avoir tous les fils en main (enfin, à vue de nez) et de pouvoir profiter de cette BOMBE que tu nous lâches maintenant. Détruit les mondes !! Ça laisse augurer encore plein de scènes haletantes, ça ! Je trouve qu'on est vraiment "poussé" de partie en partie par le même désir de comprendre qui anime Frankie. La narration que tu as choisie est super à ce niveau-là, on est avec elle quoi.
J'ai vraiment hâte de découvrir la suite <3 Merci pour ce voyage !
Une petite apocalypse, ça relance toujours le suspense :p Merci beaucoup pour ta lecture et tous tes retours au fil de cette partie, c'est vraiment super enrichissant ! Et je suis ultra contente que ça t'ait plu, j'espère que la suite ne te décevra pas ♥
petite coquille je crois :
Les mains serrées autour de sa tasse pleine, Frankie s’efforce de soutenir le regard pénétrant (de) son stalker-cambrioleur,
Bon y'a plus qu'à se ronger les ongles d'impatience avant la 3e partie :D
A+