Je suis une mauvaise herbe.
Je m’étends partout, là où il ne faudrait pas. Je pousse ma voix quand on me demanderait de me taire, je mange des yeux ce que je ne devrais pas voir et surtout, surtout, du bout de mes stylos et de mes feutres, je fais croître des formes qui ne sont qu’à moi, qui sont moi. Il y a tout et n’importe quoi. Des couleurs en pagaille et des symboles par tronçons, des tentacules qui courent le long de la page et envahissent la table, le mur, des personnages aux yeux troués qui tombent par gouttes entières du ciel et englobent les feuillets.
Mon dernier roman graphique, le deuxième à être publié, raconte l’histoire d’une femme-pieuvre qui n’en peut plus de s’étaler. Elle grandit et grandit encore, et encore, ses appendices gluants n’en finissent pas de se multiplier, de s’imposer, un vrai marasme de bleus tirant sur les violets, de matières déformées et de puanteur. Désespérée par l’état des choses et du monde autour d’elle, la femme-pieuvre cherche par tous les moyens à se défaire de ses tentacules. À rapetisser.
Évidemment, elle n’y arrive pas très bien. Se couper soi-même, c’est facile, mais gare à la repousse.
Je suis une mauvaise herbe, ceci dit je n’ai pas de tentacules. Seulement deux mains, des stylos et des feutres. Mon dernier roman graphique n’est pas tout à fait le dernier, bien qu’il soit terminé et déjà publié. En réalité, ceci, là, ce mot-ci et puis celui-là aussi, est l’embryon de mon troisième roman. Le futur dernier roman graphique. Je ne parviens pas à suivre les conventions, je couche sur le papier un texte entier, presque littéraire, avant de me plonger dans les formes et les couleurs. Je crois que pour cette histoire-ci, je vais en avoir besoin. Elle est beaucoup plus frontale.
[ Note d’écriture : Ne pas oublier, ne pas oublier, ne pas oublier que ceci est un brouillon qui reflète la réalité. Ne pas se perdre dans les lignes, croire que tout ceci n’est que fiction. ]
Pour la raconter, je vais mentir un peu. Pas grand-chose, un simple retour en arrière. Je suis à Soleuze, dans la chambre du troisième étage. J’aimerais profiter du matin calme, du soleil qui émerge devant moi, posé sur le port comme une luciole égarée dans un tableau. Sur mon bureau, les carrés de lumière découpent les planches de dessin proprement dispersées. Je dessine encore La pieuvre éphémère, le roman n’est pas achevé. Je ne suis pas sûre qu’il le soit un jour.
Je n’ose pas regarder mon téléphone. Parce qu’y lire les nouvelles du monde, de mes amis, me distrairait. Et puis parce que je ne veux pas, ne peux pas lire le dernier message de mon éditrice. Elle s’impatiente. Pour l’instant elle reste bienveillante, à l’écoute, me donne des conseils par petites touches, mais je sais que ça ne durera pas. Je travaille beaucoup trop lentement, La pieuvre éphémère n’avance pas – un comble, pour une héroïne qui subit une croissance démesurée.
Je rouvre les yeux. Je ne suis pas en train de dessiner, mais de frotter le dos de ma grand-mère avec un gant ensavonné.
— Ça va, je fais pas trop fort ?
— Tu peux y aller, ma belle. J’aime bien quand ça gratte.
Alors je frotte plus vigoureusement. Sous mes paumes, la peau de ma grand-mère se tend et se détend dans un bruit de ventouses.
— Tu diras à ta fille que j’irai la voir à Paris, bientôt. Tu lui demanderas pour l’appartement, hein. S’il faut, je louerai une chambre.
Je ne dis rien. Elle est en train de me confondre avec ma mère.
— L’autre fois, je m’étais bien entendue avec la concierge. Faudra aller la revoir, la concierge. Tu lui diras, « Nellie, la mamie de Victoire, elle vous invite à passer quelques jours de vacances à Soleuze ». Avec ça, si elle… si elle… si…
Avec ça, si elle refuse de me louer une chambre pour le week-end, trois petits points. J’ai déjà eu cette conversation avec ma grand-mère. Inutile de rappeler que la concierge n’a pas la main sur les locations. À Paris, ça ne marche pas comme ça.
Le dos de ma grand-mère se crispe. Elle s’étonne de mon silence et tente de se tourner vers moi. Sa peau se craquelle, ses taches de vieillesse forment une constellation perturbée et ses bourrelets font comme des vagues remuant sur le sable. Je lui réponds avant qu’elle se torde le cou.
— C’est pas Mathilde, mamie, c’est Victoire. C’est moi qui m’occupe de toi, en ce moment.
— Ah. Et elle est où, Mathilde ?
Je hausse les épaules, dis que je n’en sais rien. Je laisse entendre qu’elle rentrera bientôt. Mes mots sont imprécis. Je n’ai aucune idée de la marche à suivre : est-ce qu’il vaut mieux lui faire entrer la vérité dans le crâne, lui rappeler et lui rappeler encore que sa fille a disparu du jour au lendemain, évaporée, avec un mot très froid en guise d’au revoir ? Ou bien la laisser nager dans l’ignorance, lui faire croire que ma mère est simplement partie faire des courses ?
Il pourrait lui être arrivé quelque chose de grave. À ma mère. Pour qu’elle parte comme ça, il y a plus d’un mois – d’ailleurs, elle n’est peut-être pas partie, pas vraiment. J’ai l’imagination débordante, mais pas au point de visualiser un cambriolage ou un enlèvement. C’est déjà ça. Non, plus réaliste. Elle voulait partir un jour ou deux, se reposer, s’éloigner de Soleuze et de sa vie trop compliquée. Et là, un accident. De voiture. Ou bien une crise cardiaque. Un imprévu, un truc qui saisit la vie et l’empêche de continuer sur sa route toute tracée.
Il a dû lui arriver quelque chose de grave. Autrement, elle serait déjà rentrée. Non ?
Je tourne le robinet et agite le pommeau de douche. L’eau chasse la mousse mais la peau de ma grand-mère reste la peau de ma grand-mère. Et moi je reste là, engluée dans mes pensées, à imaginer le pire et à ne rien faire. Jamais.
Mais qui fait ça ? Qui s’enfuit sans raison, sans prévenir ? Son départ paraît glacial, calculé. Le frigo était rempli. La bicoque, impeccablement rangée. Les draps de Nellie étaient propres, les fenêtres, fraîchement lavées et les factures, évidemment payées. En ordre et vide. La maison était salement en ordre et démesurément vide. Ma mère n’est donc pas partie sur un coup de tête. Elle n’a pas non plus subi l’intrusion d’un parfait inconnu qui l’aurait menacée, un flingue sur la tempe. Elle est partie de sang-froid. Elle a tout manigancé, elle a préparé le terrain. Et puis, quand ça l’a arrangée, elle a écrit son mot, elle a appelé Jacob, elle a pris les clefs de sa voiture, elle a fermé la porte derrière elle. Et elle est partie.
Qu’elle aille au diable. Qu’elle parte loin, qu’elle aille vivre sa meilleure vie, ailleurs. Et par pitié qu’elle devienne quelqu’un d’autre, qu’elle arrête de tout ranger derrière elle, de tout préparer devant elle. Qu’elle arrête d’être convenable et polie, convenue et attendue, et surtout qu’elle parle, mais qu’elle parle, rien que d’imaginer sa tête, ses cheveux courts qui encadrent son visage fermé, ses yeux fins, ses lèvres cousues, jamais un mot plus haut que l’autre, j’ai envie, mais qu’est-ce que j’ai envie de la frapper. De la presser. De mes dix doigts, extraire d’elle tout ce qu’elle contient de noir, de pus, tout ce qu’elle a engrangé en silence sans jamais rechigner, toujours tendre l’autre joue, se montrer forte, courageuse, résiliente, ce patron qui l’a harcelée, et mon père qui s’est barré, et ses frères et sœurs qui l’ont exploitée, et cet assureur qui l’a roulée dans la farine, la frapper et la presser et la vider jusqu’à ce qu’elle hurle que ça ne va pas, qu’elle ne tiendra pas, qu’elle a besoin de… d’autre chose.
— C’est trop chaud !
Je sursaute, retire le pommeau de douche et m’excuse. Je me suis trompée de robinet, ma grand-mère préfère l’eau froide. Je l’enveloppe d’une serviette propre.
Je suis une mauvaise herbe.
Quel plaisir de retrouver cette écriture si fluide, si précise, impitoyable... Ahlàlà.
Bref, c'est vraiment un excellent premier chapitre, très beau, très intriguant surtout. Je me répète à chacun de tes textes, mais tu as vraiment un don pour capter l'attention de tes lecteurices.
Les notes qui me passent par la tête :
Les prénoms des personnages sont très bien choisis, à eux seuls ils racontent déjà beaucoup de ce qu'on peut comprendre de ces femmes.
"Je fais pas comme tout le monde" : J'aime pas les gens qui disent qu'ils font pas comme tout le monde, ça me crispe. Il y a un petit côté "Not-Like-Other-Girls" (j'imagine que tu connais ce meme ?).
Globalement, la narratrice n'est pas très sympathique, dans ce premier chapitre, mais je pense que c'est fait exprès (et sinon, c'est pas grave, le fait que Victoire me donne envie de lever les yeux aux ciel ne change rien au fait que j'ai envie de lire la suite).
C'est tout, à plus pour le prochain chapitre !
Je vois tout à fait pour le côté "je fais pas comme tout le monde", et tu as raison ! Je vais corriger ça, tourner plutôt sur le mode "je ne respecte pas les règles d'écriture et tant pis". Surtout que Victoire n'est censée crisper les lecteurices, haha... !
Je suis tombée sur ton histoire par hasard et j'ai adoré ce premier chapitre ! Ton style d'écriture réussit à créer un équilibre entre ce moment touchant entre cette grand-mère et sa petite fille et les sentiments de cette dernière. J'ai hâte d'en savoir plus.
À bientôt
(Désolée pour le temps de réponse, j'ai été accaparée par la parution d'un précédent roman et je me replonge tout juste dans Soleil bleu...)
Merci beaucoup pour tes mots et ton passage par ici ! C'est toujours assez délicat de trouver le bon équilibre dans les premiers chapitres, ou tout se met en place.
C'est avec grand plaisir que je découvre ton premier chapitre ! (Ou plutôt, ton monologue intérieur de mauvaise herbe.)
Le texte explore les thèmes de l'identité, de la famille, de la disparition et des relations intergénérationnelles avec une émotion profonde et poétique. Tu as un style très évocateur et plein d'émotions qui décrit avec talent et sensibilité les pensées tourmentées de cette "mauvaise herbe". Ce sentiment d'être hors de sa place, de ne pas correspondre aux attentes et de grandir de manière incontrôlable est représenté métaphoriquement avec beaucoup de douceur et de beauté.
La description de la relation entre les personnages est bien écrite, touchante : la détresse du narrateur face à la disparition de sa mère et son désarroi quant à la façon de gérer la situation avec sa grand-mère atteinte de démence... J'ai trouvé ça dur et beau. Authentique.
Il y a quelque chose de symboliste, aussi, dans ton écriture.
Par moments, le texte passe de la première personne au passé au présent. Autant, parfois je ne trouvais pas ça gênant, autant, ça m'est arrivé de tiquer. Ta narration, aussi, quoique pensée pour être évasive, comme une longue réflexion interne qu'on suivrait comme on suit une barque, manque parfois un chouia de clarté. Certains événements dans le texte, comme le départ de la mère du narrateur, sont évoqués de manière un peu vague et ambiguë.
En tout cas c'est un texte fort, plein d'émotions et de poésie. J'ai hâte de me plonger dans ta prose par le biais des prochains chapitres !
A bientôt, donc.
J'aime que tu parles de symbolisme - c'est un courant que j'ai surtout en tête s'agissant de la peinture, et beaucoup d’œuvres m'ont marquée.
Je note pour l'ambiguïté autour de la temporalité des évènements, je tâcherai de corriger ça. J'adore jouer avec les temporalités, faire des va-et-vients en me servant des flots de pensée des personnages, mais c'est vrai que ça peut perdre (surtout pour un premier chapitre)
En revanche, pour une situation d'exposition, je trouve qu'il y a trop d'enchaînements et que certaines choses pourraient être racontées plus doucement et moins directement (show don't tell, tell the truth but tell it slant, ce genre de choses). Par exemple je suis plus sensible à une ou plusieurs scènes qui montrent l'impact du départ de la mère, son absence, etc qu'une narration interne expliquant tout cela au lecteur, avec au passage une description physique. Ça me paraît moins naturel et moins fluide. De même, la transition qui nous amène du roman graphique à la situation familiale est certes dynamique et efficace dans l'idée, mais je trouve que ça a le risque d'alimenter un effet "catalogue". Ça ne m'aurait pas dérangée d'apprendre dans un chapitre seulement la situation familiale, puis la profession de la narratrice dans un autre chapitre, par exemple. Mais ce n'est que mon avis :)
Je ne peux que recommander Pas pleurer de Lydie Salvayre, une pépite... Et en tant que lectrice, je suis moi-même une grande adepte des narrations non fiables ! (Elena Ferrante, Magda Szabo...).
Je note que pour toi l'enchaînement des situations est un peu lourd dans ce chapitre. Pour une intro à la première personne un peu in medias res, difficile de trouver le bon équilibre... Mais c'est très important !
Et très heureuse que ce premier chapitre te happe. J'espère que la suite te plaira tout autant si tu t'y attardes !
C'est génial, on en apprend déjà beaucoup sur le personnage et ça donne envie de la voir en action, j'ai hâte de continuer !
A la prochaine, Liné !
Décidément, tu es la digne représentante des Tentacules c'est bien ça !!
J'ai bien aimé ce premier chapitre, on virevolte dans l'esprit de Victoire, de pensée en pensée, de moments en moments, on est valdingué et c'est agréable !
C'est confus comme dans sa tête, et c'est joli en même temps !
La fin est très intense, avec toutes ces pensées noires sur sa mère, mêlées pourtant d'amour un peu désespéré parce qu'on sent qu'en fait elle veut la voir se libérer ? Bref, très beau !
A plus tard ;)
A viiiite :D
Très heureuse de découvrir ton commentaire, moi qui apprécie tant ta plume !
Le nom de Victoire n'a pas été choisi par hasard, tu vois juste ;-)
A bientôt !
Et WOW ! Quel premier chapitre. Ce style, cette voix... Vraiment très agréable à lire. Il y a un vrai rythme dans les mots et leur agencement. En un seul chapitre, on en sait déjà beaucoup. Tu plantes le décor habilement sans que rien ne soit plaqué. Chapeau bas !
Une mini remarque sur une phrase où je trouve le rythme un peu cassé :
"Évidemment, elle n’y arrive pas très bien. Se couper soi-même, c’est facile, mais gare à la repousse."
Je proposerai bien "Se couper soi-même, c'est facile. Mais gare à la repousse."
Le mais en tête de phrase n'est pas conventionnel, mais je trouve que ça marquerait le ton.
Maintenant que j'y pense, il y a un ton presque théâtrale. Je trouve que c'est un texte qui se prêterait bien au jeu de l'interprétation sur scène.
Bravo pour cette belle entrée en matière !
J'aime que tu décrives le ton comme étant théâtral : je n'ai pas cherché une sur-dramatisation, mais avant d'écrire Soleil bleu je me suis beaucoup questionnée sur l'oralité possible d'un texte littéraire. Comment rendre vivante et réaliste la "voix" de quelqu'un-e tout en restant dans une fiction travaillée, avec des "jolis" mots ?
Merci pour la remarque ! A la première version, le "gare à la repousse" composait une phrase séparée. Y'a moyen que je retourne à cette proposition...
J'ai vraiment adoré. Le style superbe, le choix narratif de s'adresser au lecteur, cette symbolique autour de la pieuvre qui contraste avec Victoire qui se sent toute rapetissée, engoncée, coincée... Ces longues phrases pleines de mots amers à la fin du chapitre, quand Victoire parle de sa mère, ces pensées qui tourbillonnent...
Je continuerai à lire sans faure !
Je suis très, très contente que ce début te parle. Si tu reviens te dorer sous ce soleil, j'espère que la suite te plaira tout autant !
MAIS C'EST UNE OBSESSION MA PAROLE
Je trouve d'une ironie extrême que cette histoire commence sur l'histoire imaginée par un personnage d'une femme-pieuvre qui veut devenir plus petite mais déborde malgré elle, compte tenu de ton précédent texte, et de ce que je sais de toi... y a une espèce de motif, pas que dans l'animal, mais aussi dans la symbolique et ce pattern de choses qui débordent malgré soi. Y a un truc qui tout de suite m'a accroché ; évidemment c'est superbement bien écrit ; c'est peut-être cette proximité instantanée avec le personnage, ou mon insconscient qui sait que tu vas aborder des thèmes qui vont me parler et que je peux te faire confiance sur la qualité du texte... Je ne sais point. Je suis simplement subjugué, en mode imbécile (pas si) heureux (puisque je sais que te lire ne sera pas une promenade de santé).
Plein de bisous !
MAIS QUE DANS LA VRAIE VIE J'AIME PAS TROP TOUS CES TRUCS GLUANTS
Tu commences à me connaître, toi... En plus, pour bien tout relier, la première histoire que j'avais postée sur PA (j'étais au lycée) s'appelait Les Larmes éphémères... Tiiin-tiiin...
Alors je rassure tout de suite, j'écris Soleil bleu en me disant qu'il faudrait quand même que ce soit moins dark que les deux précédents romans... Même pour moi. Ceci dit, on change pas un chat en poulpe aussi facilement, je continue de parler de sujets qui me tiennent énormément à cœur, que je trouve trop absents par ailleurs, et sans faire de concession (la dentelle, ça je tente mais les concessions... moins !).
Merci de ton passage par ici ! Et si jamais tu veux continuer cette lecture, et si jamais tu appréhendes un peu, sache que je peux tout à fait spoiler des trucs si on me le demande. J'ai un plan, et je préfère largement favoriser le confort des lecteurices... !
Poulpement vôtre,
Liné
Wow, sacré incipit. "Je suis une mauvaise herbe". J'adore cette phrase, répétée en fin de chapitre. La métaphore est hyper parlante et dit beaucoup de la narratrice avant même que tu aies commencé à la présenter. J'ai trouvé les premiers paragraphes magnifiques, la pieuvre qui ne cesse de grandir est aussi une belle image.
La scène avec la grand-mère qui perd un peu la mémoire m'a aussi interpellée. C'est vrai que c'est parfois difficile de savoir quel comportement adopter : scander la vérité ou laisser passer sans répondre...
Le mystère de la disparition de la mère est bien amené et le paragraphe où on montre tout ce qu'elle a dû subir donne encore plus envie de savoir ce qui lui est arrivé.
Bref, j'ai beaucoup aimé et je continue ma lecture !
Je suis ravie que les images parlent, moi qui ai tendance à beaucoup verser dans l'imaginaire des personnages, leur côté très coloré, les métaphores qui risquent de perdre du sens aux yeux des autres... Au final, ce qui se passe dans la tête de Victoire me paraît paradoxalement très spécifique mais aussi universel. Du coup, passer le cap de "c'est compréhensible et ça parle à tout le monde" me pose toujours questions !
Je m'attaque enfin à une nouvelle histoire de toi.
Tout se lit bien s'enchaîne à la perfection, mais la disparition m'effraie. Encore plus lorsque Victoire commence à dresser le portrait de sa mère à qui elle reproche d'avoir trop encaissé. Cela sonne tellement juste, et je ne peux m'empêcher de penser à certaines issues, surtout une. Quand on a tellement encaissé, qu'on a appris à ne pas faire de bruit, il y a des fins que l'on orchestre pour déranger le moins possible, s'assurer que la vie continue pendant que l'on interrompt la sienne.
Mais ce n'est qu'une théorie. Il est aussi possible que le besoin de vivre son existence sans subir était trop fort, qu'il ait poussé la mère à fuir un quotidien peut-être trop compliqué. Puis il y a tous les non-dits et sans doute les secrets qui empêchent ou plutôt poussent à élaborer un tas de scénario tentaculaire, sans savoir lequel sera le bon...
Je me suis concentrée sur la disparition parce que ce départ a résonné en moi. Je ne saurais même pas dire pourquoi. Cela ne m'empêche pas d'avoir été touché par le reste, la description de ce roman graphique, puis la décision d'un troisième pour finalement s'ouvrir au monde... Une envie de dire qui elle est, peut-être ? Parler pour ne pas agir comme sa mère ? Pour ne pas disparaître ? Ou autre chose ?
Peut-être que j'analyse déjà trop, mais avec toi, je ne peux m'en empêcher. Tes écrits résonnent en moi comme peu le font. Bref une histoire à déguster et à suivre avec grand intérêt.
Entre ce premier commentaire et le deuxième que tu m'as écrit dans la foulée, je te sens assez inquiète et je ne voudrais pas que les thématiques abordées ou les parcours des personnages te rongent trop. Si tu en ressens le besoin, n'hésite pas à me demander des spoils, vraiment ! J'ai travaillé cette histoire en prenant le plan à bras-le-corps, je sais exactement où je vais et ce qui arrive à mes personnages. Et je n'aurais aucune réticence à spoiler certains éléments à la demande.
Quoiqu'il en soit, je suis très contente de te retrouver ici parce que je connais maintenant ton regard, de lectrice comme d'autrice, et la pertinence de tes questionnements !
J'aime vraiment comment tu introduis cette histoire, avec une courte présentation du personnage (et de sa pieuvre) et une plongée rapide dans le passé qui nous explique la situation : la grand-mère un peu sénile, la mère disparue et la façon dont sa fille vit cette disparition (colère mais aussi compréhension de pourquoi elle a put "peter les plombs))
Ah, ah, j'aimerais bien lire cette pieuvre éphémère, ça donne envie, cette description.
A très vite pour la suite !
Je garde la pieuvre éphémère sous le coude ;-)
Magnifique également, le passage plein d'émotions entre la grand-mère et Victoire sa petite fille. L'une et l'autre avec leurs fragilités. Ce moment pourtant banal de la toilette devient si fort et révélateur d'humanité <3
Tu tisses si bien tous les aléas de l'esprit ! Ainsi que les liens parfois bien complexes au sein d'une famille. Ici, de l'amour, de la protection, mais aussi tant de colère à l'endroit de cette mère mystérieusement disparue. Les questions infusent, mais c'est encore et toujours les grands mouvements poétiques de ta plume qui me charment.
Je poursuis !
Alala, je sais pas ce que j'ai, je peux pas m'empêcher de mettre des animaux dans mes histoires. J'adore l'idée de la pieuvre, et en même temps, si j'en vois une en face de moi, je grimace...
Je suis d'autant plus touchée par tes mots que je sais ton expérience dans le théâtre, et donc dans le vivant et la langue. Merci aussi de comparer les premières phrases à de la poésie ! Je me suis essayée une ou deux fois à l'écriture en vers, c'était un échec. Je me cantonne depuis à la prose, je m'y sens définitivement plus à ma place.
je me suis reconnue dans la mère... je suis de celleux aussi qui sont polies, résilientes et qui engrangent en silence, jusqu'à ce que je disparaisse en laissant juste un mot un peu froid, parce que je n'ai pas su hurler que ça ne va pas. Oh ouah, tellement bizarre de se voir décrire soi-même comme ça x'D
De fait j'ai une forme d'empathie très forte pour la mère plus que pour l'héroïne pour l'instant, mais c'est tellement personnel que ça ne veut rien dire pour la suite ^^"
Magnifique entrée en matière comme d'habitude, tellement juste, tellement fort, ça promet pour la suite ♥
J'ai pense parfois à toi en écrivant Soleil bleu, et si tu lisais, je me suis demandé comment tu percevrais Victoire et son rapport au dessin/à la création. Au final, que tu te sentes plus proche de la mère à ce stade me va très bien : je ne comptais pas donner une image négative de ce personnage qui, d'après moi, à quand même ses raisons... !
Merci beaucoup !
Le texte m’a noué la gorge à plusieurs reprises. Entre cette grand-mère confuse et vulnérable, cette mère qui est partie si j’ai bien compris, la rancune bien légitime de Victoire… C’est si triste. Beaucoup de peines dans une demeure qui en apparence est bien toute propre, bien rangée.
J’ai été emporté par tes phrases. Elles sont fluides et pleines d’émotions sans jamais en faire trop. Tout plein d'images pleines de poésie portent l'ensemble. L’idée de répéter certaines phrases en mode litanie, ça fonctionne super bien aussi pour rendre ces idées qui sont là, à travailler si fort les personnages.
Et "Je suis une mauvaise herbe"… la pauvre. Son imagination semble la déborder, et c’est à la fois un don, cette créativité, qu’une souffrance apparemment.
D’ailleurs que peut bien raconter au passage le roman graphique de Victoire ? Ça titille mon intérêt. La symbolique de cette pieuvre surtout, quand on sait ce qu’elle vient de confier sur le foisonnement dans sa tête, à double tranchant. En tout cas me voilà de suite en empathie avec ces personnages cassés et curieux de leur histoire.
Je peux parfois m'emporter dans le style. Là, je profite de la première personne pour calmer un peu le jeu, tenter des images particulières mais sans tomber dans trop de lyrisme. Heureuse que tu perçoives un "sans en faire trop" !
Je compte semer des petites bribes de créations de Victoire, par ci par là quand ça aura du sens. Après tout, comme tu l'écris, son imaginaire déborde et il peut être intéressant de le voir prendre un peu plus forme, ce roman graphique.
En tout cas, tes impressions correspondent à ce que je voulais susciter !
Je suis rassurée de voir que pour toi, ce premier chapitre remplit bien sa fonction de premier chapitre ! Aucune pression à me lire ;-) Même si, évidemment, je serai très contente d'avoir tes précieux retours.
C'est un personnage qui semble lui aussi déraper dans son imaginaire. Bon, c'est le premier chapitre alors je n'ai pas grand chose à dire, sinon que j'aime beaucoup ce style.
C'est curieux quand même. Victoire reproche à sa mère d'encaisser sans broncher et elle, elle se contente de vivre le moment présent sans se soucier de son propre état émotionnel.
Les chiens ne font pas des chats...
J'ai besoin d'écrire des personnes qui dérapent dans leur imaginaire, comme tu le dis très bien - autrement je m'ennuie. Je suis contente que cet aspect-là ressorte au premier chapitre !
N'hésite pas à pointer du doigt les phrases trop longues ;-) Comme je me concentre sur un style à cheval entre le littéraire et l'oral, pour garder un certain réalisme dans la voix de Victoire, certaines "oralités" sont faites exprès et notamment en termes de ponctuation. Mais je ne tiens pas à ce que ça passe pour des longueurs involontaires.
{*} Les images sont bien là, cette fois-ci, ça déborde, ça dépasse, ça fuse d'adjectifs, adverbes, idées, hypothèses. J'aime bien ce personnage, d'emblée.
{*} Très, très chouette première phrase. Elle marche parfaitement en entrée de jeu, en ouverture de propos. Je ne suis pas convaincue que t'aies besoin de la répéter en fin de chapitre, même si je comprends le côté circulaire.
{*} Tu continues de dire ce que personne d'autre ne dit, dans ce paragraphe sur sortir tous les traumatismes de la mère par la violence. C'est courageux d'écrire des choses comme ça, et toujours aussi inspirant.
Je garde en tête que la première phrase n'a pas obligatoirement à être la dernière. C'est quelque chose que je pratique assez facilement dans les nouvelles, d'instinct, sans que je sache exactement pourquoi je tombe sur cette solution. A méditer...