Six mois plus tard.
Samedi 20 h 17, la sonnerie de mon portable retentit et me sort de ma léthargie. Confortablement installée dans mon fauteuil jaune d’or tout neuf et moelleux juste à point, je m’étais assoupie, comme bien souvent, devant le journal télévisé. Je jette un œil sur l’écran de mon téléphone pour savoir qui m’appelle : c’est Maryse. Comme nous devons nous voir le lendemain pour l’aider et Michel à mettre leurs grosses plantes en pot à l’abri, peut-être veut-elle nous dire quelque chose en prévision de notre venue. Sans doute a-t-elle déjà appelé son fils, allongé sur le canapé de l’autre côté du salon, qui, tout autant endormi que moi, n’a pas entendu son téléphone sonner.
Je décroche, intriguée. Après les premiers échanges d’usage, elle en vient au sujet de son appel.
— Tu m’avais dit avoir découvert que mon arrière-grand-père Benoît Trontin avait un demi-frère, Étienne, qui s’était marié dans les environs. J’aimerais bien savoir où il est enterré et s’il a eu une descendance qui serait encore vivante aujourd’hui. Il y a quelques mois, tu m’avais dit qu’on pourrait chercher à en savoir plus. Tu as avancé depuis ? Tu pourrais t’en occuper ?, m’interroge Maryse, pleine d’entrain. Ou sinon m’aider à le faire, j’ai un peu de temps devant moi maintenant que l’hiver ne va pas tarder.
C’est alors que notre conversation qui commence à remonter me revient à l’esprit. Ouh là, j’avais complètement mis cette généalogie de côté, comme toute autre généalogie d’ailleurs.
— Je pensais que vous appeliez à propos d’arbres pour demain… mais pas celui-ci, m’exclamè-je. Vous faites-bien de me le rappeler, parvenant tout juste à ajouter que je n’ai pas eu le temps de m’en occuper.
Avant que je n’aie le temps de continuer, elle me signifie qu’elle va téléphoner lundi prochain à la mairie de Saint-Didier-au-Mont-d’Or. Elle voudrait en effet savoir si une sépulture au nom de son ancêtre existerait dans le cimetière. Elle a également fait des recherches dans l’annuaire et a trouvé une femme dans un village voisin qui porte son nom, et elle aimerait bien l’appeler. Surprise par cette demande qui arrive maintenant, je parviens à lui répondre toute bredouillante.
— Je me souviens bien vous avoir dit que Benoît avait un frère utérin, en effet, mais je ne me rappelle plus des détails…
Je lui explique alors qu’il faudrait que je me replonge dans mes notes, et que reprendre son acte de naissance ensemble permettrait de revoir toutes les informations qu’il contient et ce qu’on peut en tirer. Je lui promets de lui envoyer un courriel dans la soirée pour faire le point sur ce qu’on sait.
— D’accord, on fait comme ça, Lucie. J’attends ton mail, réplique-t-elle, enthousiaste. Et on en reparle demain de vive voix, ça sera plus simple.
Nous nous séparons sur ces échanges. Je me tourne vers Vincent et lui fais part de ma surprise de voir sa mère enfin vouloir se plonger dans sa généalogie depuis le temps qu’elle nous dit être intéressée. Tout ce que je lui avais raconté il y a six mois à propos du demi-frère de son arrière-grand-père avait dû drôlement la marquer, on le serait à moins, pour qu’elle se souvienne avec autant d’acuité de nombreux détails, alors que moi qui avais fait les recherches, j’en avais oublié la moitié.
— On a plutôt l’habitude de faire de la généalogie ascendante. Mais là, elle a déjà son plan de bataille pour trouver la descendance du frère de ton arrière-arrière-grand-père !
— Elle doit avoir envie d’agrandir la famille avec des vivants plutôt que d’aligner le nom de morts, me répond Vincent. Profites-en pour lui enseigner les b.a-ba des recherches, elle sera contente, et toi aussi. Et de mon côté, quitte à ce que tu me rebattes les oreilles avec tes recherches, autant qu’elles portent sur ma famille !, conclut-il en rigolant.
Prenant la dernière remarque de Vincent au second degré comme il le fait si souvent, je n’attends pas la fin du journal, titillée par ces perspectives généalogiques. J’espère d’ailleurs que Maryse n’a pas poireauté pendant des mois que j’avance dans ces recherches sans oser m’en reparler. Je rejoins mon bureau et j’allume mon ordinateur, attendant avec frémissement de redécouvrir ce que j’avais trouvé concernant Étienne et que je n’avais sans doute rapporté que partiellement à Maryse.
J'ai été surprise par le laps de temps, pourquoi autant ? Étonnée aussi que la narratrice vouvoie Maryse mais non l'inverse, personnellement ce genre de dissymétrie me met mal à l'aise.
J'aime bien la phrase de Vincent : "Elle doit avoir envie d’agrandir la famille avec des vivants plutôt que d’aligner le nom de morts". Joli trait d'esprit.
Enfin, ce chapitre me laisse un peu sur ma faim du coup, on n'en apprend pas beaucoup plus. Tant pis, j'attendrais :) Mais je pense que tu peux étoffer ce passage en expliquant pourquoi Maryse se remet soudainement à penser à Benoît.
À bientôt pour la suite :)
Encore merci de ce commentaire.
Effectivement, j'ai de quoi étoffer ce court chapitre.
Ah, Vincent est philosophe à ses heures perdues :-), mais pas que ;-)...
Un chapitre beaucoup plus court cette fois-ci, où je comprends quelque chose que je n'avais pas compris lors du premier chapitre mais qui a toute son importance : Maryse continue ses recherches de sont côté également !
Je me demande si ça ne serait pas une bonne idée de le faire comprendre dès le premier chapitre, parce que là, quand j'ai lu "dix mois plus tard", je me suis demandée ce qu'il se passait et j'ai trouvé ça bizarre.