— Le spectre est entré par une fenêtre du haut, expliqua Lolita. Il fonçait droit là-bas comme s’il savait ce qu’il visait. J’ai crié, mais le temps qu’on réagisse c’était déjà trop tard. Ça allait tellement vite, on aurait rien pu faire.
— C’est la première fois qu’on voit un truc pareil, approuva Serge à côté d’elle.
Strada ne répondit rien. Il regardait le couloir des limbes sans le quitter des yeux.
— Plus qu’une minute selon le chrono, annonça Samuel.
Strada sentit l’angoisse lui serrer un peu plus la gorge. Ses poings crispés tremblaient. Une silhouette se dessina au portail. Par réflexe, il prit son arme.
— Un, deux, trois, compta Serge. Ils ne sont que trois. Camille est perdu.
Strada plissa les yeux pour mieux voir. Chris arrivait au bout du couloir. Elle sauta sur le monte-charge. Camille était dans ses bras. Les deux récupérateurs les escortaient.
— C’est bon, leur cria l’un d’eux tandis que la plateforme redescendait. Il n’est plus infecté et toujours en vie.
— On a vu le spectre, ajouta l’autre. Elle l’a achevé.
— Sortez la civière ! ordonna Strada.
— Non, pas besoin, gémit Camille. Je vais bien…
Il se redressa légèrement, mais sa tête retomba sur l’épaule de Chris. Il n’avait jamais eu aussi mal au crâne et ses jambes tremblaient. Sans parler de la douleur au torse… Est-ce que Chris lui avait cassé quelques côtes en le libérant ? Il peinait à respirer.
Il fit un effort pour se ressaisir tandis que Chris arrivait au niveau de la Brigade. Elle allait avoir besoin de lui. Elle le déposa sur le sol, mais comme il ne tenait plus debout, elle l’aida à se déplacer jusqu’à l’arrière du fourgon et l’y assit.
— Comment tu te sens ? demanda Strada.
— Vivant. Bon, écoutez-moi, s’imposa Camille en levant la main pour obtenir l’attention de tout le monde. Je comprends bien qu’entre vous, chef, et Chris, c’est la guerre depuis trois ans.
Il grimaça, respirer était douloureux.
— Il est arrivé un truc, je ne sais pas quoi, ça vous ronge tous les deux, mais c’est du passé. Je ne sais pas qui d’entre vous doit des excuses à l’autre, les deux, sans doute, mais ça ne peut plus durer.
Strada ouvrit la bouche et Camille le coupa d’un petit signe du doigt.
— Je ne remets pas du tout en cause vos choix et vos compétences, vous êtes le seul homme à avoir la poigne nécessaire à assumer la place de chef de la Brigade. Mais que vous le vouliez ou non, Chris est la meilleure exploratrice que vous aurez jamais. Il faut la laisser y aller. Si vous acceptez, je vous promets qu’on n’aura plus le moindre secret pour vous. On n’en aura plus besoin.
— Je peux pas laisser…
— Ça fait trois ans qu’elle le fait, insista Camille.
Il toussa. Il était au bout du rouleau, là… mais il devait faire un effort, pour Chris.
— Vous ne croyez pas qu’elle sait où elle met les pieds ? Elle n’a pas loupé une seule fois l’ouverture des limbes. Pas une seule !
— Laisse-moi en placer une, répondit Strada avec une voix très mesurée par rapport à d’habitude. On a appris que vous rameniez des trucs des limbes, des trucs qui n’auraient jamais pu arriver en ville par les échanges. Si ça finit par se savoir à l’extérieur, ça va nous attirer des ennuis. On essaie de jouer franc jeu avec eux depuis le départ pour notre sécurité à tous.
— Sauf que dehors, ils ne jouent pas franc jeu avec vous, mais c’est une autre histoire, répondit Camille. Laissez Chris faire son job, foutez-lui la paix, et je vous jure que tout passera par vous désormais.
Strada pinça les lèvres, mutique.
— Je préfèrerais ne pas prendre parti d’un côté ou de l’autre, commença Lolita. Mais faut être honnête, enfermer Chris ne nous servira à rien. C’est avec nous qu’elle est utile.
— Je ne veux plus travailler pour Strada, intervint Chris. Il ne veut pas plus que je travaille pour lui. Il ne l’a jamais voulu de toute façon. Alors, n’essayez pas, ça ne rime à rien.
— C’est faux ! se défendit-il.
— Stop, reprit Camille. Il ne s’agit pas de travailler pour Strada, mais avec la Brigade. Ça ne peut fonctionner que si c’est moi qui gère les missions de Chris. Vous vous en rendez compte, n’est-ce pas ?
Nouveau silence. Strada serrait des poings.
— Nous avons décrypté les limbes, continua Camille. Nous savons désormais comment s’y retrouver, où aller pour trouver ce que l’on cherche et la modélisation du labyrinthe n’est plus qu’une question de temps parce que Chris m’a rapporté un super ordinateur qui en est capable. Ces avancées ne sont possibles que grâce à toutes les données, celles que vous m’avez confiées et celles de trois ans d’explorations secrètes de Chris. C’est un travail d’équipe, le boulot de tout le monde sur des années !
Et comme Strada ne disait toujours rien, il ajouta :
— Peut-être qu’elle n’est pas sous votre contrôle comme vous le souhaitez, chef. Mais elle n’est pas non plus assise toute seule dans un coin à se bourrer la gueule.
— Je ne veux pas la contrôler ! se défendit-il.
— Si, intervint Chris. Si, c’est exactement ce que tu veux. Si c’est pas sous tes ordres, je n’ai même pas le droit de respirer.
— Ce n’est pas ce que je veux, râla-t-il.
Il soupira.
— C’est pas la peine de discuter de ça comme ça, capitula-t-il. On va commencer par réparer les dégâts, ranger tout ça, répondre aux appels. Nous sommes la Brigade des limbes, j’en suis peut-être à la tête, mais de toute évidence, je ne suis pas apte à décider.
— Chef… soupira Camille.
— On prendra la décision tous ensemble, ce soir. Réunion exceptionnelle. Tâchez d’y être ou vous serez considérés tous les deux comme des criminels.
— Bien.
Chris tendit la main à Camille.
— Tu peux marcher ?
— Non, admit-il. J’ai l’impression d’avoir couru un marathon.
— C’est un peu le cas, répondit-elle. Tu étais conscient ? Tu te souviens de ce qu’il s’est passé exactement ?
Il hocha la tête.
— Pardon de t’avoir tiré dessus. Pardon à tous.
— C’est pas grave, soupira Strada. Montez, je vous ramène.
Assis dans le fourgon, Camille se pencha vers Chris.
— On sait maintenant qu’un spectre peut se venger.
— Hein ? Pourquoi ?
— C’est celui de Bellem qui m’a infecté. Il m’avait prévenu. Il l’a fait.
Elle grimaça.
— Il n’en a pas eu le temps.
— Oui… merci.
Il tendit la main vers la sienne et serra ses doigts dans les siens. Elle ne bougea pas, mais se racla la gorge, surprise.
— Tu devrais vraiment mettre ton armure. J’en peux plus d’avoir peur pour toi comme ça.
— Ok, fit-il étrangement docile. Si c’est pour ça, je veux bien.
J'avais plein de théories mais elles sont mortes à ce chapitre. Jj'ai cru sue Camille savzit devenir un spectre, sue ce su'il avzit récupéré guérissait... le timing de l'infection tombe fort à propos.
Je suis satisfait d'avoir ce dénouement, c'est top ! (Je veux dire le conflit Chris / Strada).
Merci pour le partage et à bientôt !
Merci une fois encore pour tes précieux retours ! Et à très bientôt 💕