Badass

— La voisine m’a donné du rab, prévint Camille à la cantonade en rentrant à la maison. Oh… c’est l’heure, on dirait, fit-il en se dépêchant d’aller ramener ses provisions. 

Les trois explorateurs ressortaient de leurs chambres en tenue et armés avant de se précipiter jusqu’au toit. Camille se hâta de passer son coup de fil à la Brigade. Il s’était fait installer un téléphone directement sur la terrasse pour pouvoir signaler à Irvine où ils se dirigeaient sans les perdre de vue. Et ce matin, comme il n’avait plus peur, sa tâche terminée, il dévala la pente pour les rejoindre. 

Chris était arrivée juste après la fourgonnette. Le monte-charge était prêt. Elle allait se rendre de ce côté lorsqu’elle se rendit compte que quelqu’un se tenait dessus. 

— Tony ! s’exclama-t-elle. Tu es déjà debout ? 

— En forme, répondit-il avec un petit sourire. Je prends la moitié de ta tâche ? Qui vient avec moi ? 

— Je reste avec la tueuse de démons, affirma Sam. 

— Ça me va, approuva Didier. Je ferai un comparatif… ajouta-t-il amusé. 

— Bon courage, salua Strada tandis que le monte-charge les emmenait vers le couloir. 

Après les explorateurs, les récupérateurs grimpèrent sur la plate-forme pour entrer à leur tour, puis le calme revint. Strada avait encore l’air pâle et nauséeux. Là, ce matin, tandis qu’il regardait les guerriers partir au front, il regrettait sincèrement d’avoir suivi le conseil de Camille. Il était trop vieux pour ça, ça faisait trop longtemps qu’il avait la Terreur. Il ne pouvait pas être guéri, il fallait qu’il s’y fasse… 

Les sirènes se taisaient enfin, toute l’équipe commença à dresser la barricade dans le couloir pour empêcher les molosses de passer, puis ils redescendirent sur la place et se préparèrent à intercepter les intrus. Strada repéra un mouvement du coin de l’œil et vit Camille approcher en marchant vite. 

— Qu’est-ce que tu fous là, petit ? demanda-t-il un peu brusque. C’est dangereux, même sans Terreur. 

— Justement, répondit Camille en arrivant à son niveau. Je viens proposer mon aide. J’ai pas la trempe pour entrer dans les limbes, mais si vous avez besoin d’un coup de main ici…

Strada lui sourit, radouci. 

— Tu es vraiment un bon gars, tu sais, dit-il. Je suis crevé aujourd’hui, j’ai pas mes réflexes, alors je te garde avec moi au cas où, mais… t’inquiètes pas, on gère. Préserve ton temps pour tes recherches, c’est déjà très bien. 

Camille hocha la tête et se posta à côté de lui. 

— Ça ne vous réussit pas, le traitement ? 

— Non… je me sens patraque, répondit-il. Je crois qu’il n’y a pas d’espoir pour moi. C’est pas grave, je vis avec depuis des années, ça ne se remarque même plus ! Sors ton arme, j’aimerais voir comment tu t’en sers. 

Camille obéit. Il eut droit à un véritable cours de tir de la part du chef qui rectifia précisément chez lui tout ce qui donnait l’impression qu’il était un amateur pour faire de lui un vrai guerrier. Du moins dans l’apparence. Il repensait toujours au danger que représentait Layla avec un pistolet à la main, la façon dont elle avait mitraillé dans tous les sens et il se demandait sérieusement s’il n’était pas de ce genre-là. 

— Bon, conclut Strada au bout d’un moment très calme. Je vais te faire passer un test. Tu le réussis, je t’inclus volontiers dans l’équipe de la barricade. 

Il se pencha sur le sol pour ramasser trois petits cailloux. 

— Prépare-toi, vise sans te stresser, prévint-il. Et attention à ce qui se trouve derrière ton champ de tir pour ne blesser personne. 

— Oui, souffla Camille tendu. 

Strada propulsa ses trois pierres en hauteur, Camille les loupa toutes les trois. 

— Presque ! s’exclama-t-il. Tu n’es pas loin, mais tu es trop crispé. 

— À mon tour de le tester, intervint Lolita. Vous lancez trop fort chef, c’est un débutant. Il n’a pas le temps de viser. 

— Passe en tir large, Camille, plaisanta Samuel depuis le camion où il bricolait des masques au rebut. 

L’ambiance était légère, la place était calme. Lolita lança ensuite pour Strada pour qu’il fasse une démonstration. Le chef était doué et n’en loupait pas une. Camille s’amusait bien. C’était lui qui visait quand quelque chose bougea à l’extrémité de son champ de vision. 

— Attention ! cria-t-il. 

Il se retourna et tomba nez à nez avec Strada juste à l’instant où un spectre le traversait sans en ressortir. 

— Recule, Camille ! prévinrent tous les membres de l’équipe en faisant cercle autour de Strada, l’arme pointée sur lui. 

Strada restait immobile, comme sous le choc. Camille rejoignit les rangs, braquant son pistolet sur le colosse. 

— On… on est mal, s’inquiéta Lolita. Lequel d’entre vous veut tenter de plaquer le chef au sol ? 

Un silence tendu lui répondit. Il était évident pour tout le monde qu’aucun d’entre eux n’était capable de faire bouger ce colosse d’homme, quelle que soit la force du coup. 

— On va peut-être attendre le retour des explorateurs, suggéra Serge. Chris ou Sam ou Tony, ils seront peut-être un peu plus de taille… 

— Bon, tempéra Strada en tâchant de reprendre ses esprits. On se calme… Je vais bien, j’ai les idées claires alors je… je vais… 

Il respira profondément. Tous les brigadiers autour de lui se tendirent de plus belle. Sous leurs regards médusés, il crispa tout ses muscles au point que les veines se mirent à saillir sur son cou et il poussa un cri de guerre si puissant qu’il dû s’entendre dans toute la vallée. Sous les yeux ébahis de l’équipe, le spectre fut expulsé et mourut sous les tirs croisés. 

— Alors ça, balbutia Lolita. C’était… Wahou ! 

— Impressionnant, approuva Samuel qui n’avait pas bougé de la fourgonnette. 

— Chef, vous êtes une force de la nature ! s’exclama Camille. Pour avoir été infecté, je sais que ce n’est pas banal ce que vous venez de faire. 

Strada se mit à rire. Il n’avait plus l’air malade du tout. Il jubilait même si son visage était rouge de l’effort qu’il avait produit. 

— C’est incroyable ! dit-il. C’est tout bonnement incroyable… Le spectre n’avait aucune prise sur moi ! Soit je suis tombé sur le gringalet de la bande, soit le traitement que j’ai subi fait des miracles !

— Pitié, chef, soupira Lolita en reportant sagement son attention sur le couloir, ne faites pas de tests pour vérifier si vous pouvez le refaire. 

— Ce n’est pas dans mes intentions. Nous avons manqué de vigilance, les enfants. Restez concentrés ! 

 

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Raza
Posté le 09/08/2025
Indeed, badass !
Je ne sais pas ce que c'est que ce traitement mais il est du tonnerre !
Camille apprend vraiment à tirer en si peu de temps ? Si ce n'est pas nécessaire tu pourrais diminuer cet aspect là à mon avis très subjectif.
À bientôt !
Solamades
Posté le 27/08/2025
Non, Camille n’apprend pas vraiment à tirer. Il sait tenir l’objet et faire illusion, mais lui-même sait qu’il a tout intérêt à ne pas s’en servir.
Ok, je note. Merci !
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