Chapitre 0.2 - P2

Le dos plaqué sur son lit double, Aaron s'impatientait. Cela faisait des jours qu'elle l'avait prévenu de sa visite imminente.

Des jours qu'il éloignait son épouse, Margot, afin qu'elle ne se doute de rien.

Des jours qu'il faillissait à ses devoirs pour ne pas rater sa venue.

Des jours qu’il ne pensait à rien d’autre.

Des jours qu'il patientait sagement, se tortillant sur ses draps en flanelle sans en apprécier leur douceur un seul instant.

Mais elle n'arrivait pas.

Était-ce là sa définition d'imminente ?

Il comprenait que le voyage puisse être long pour des êtres aussi insignifiants que l'Isorian de base, mais sa magie de déplacement lui offrait des possibilités que seul un faible nombre d'élus pouvaient concevoir.

Cela le frustrait immensément de ne pas savoir pourquoi elle traînait ainsi.

Il devait savoir si sa mission était une réussite. Il le devait ! Autrement sa santé mentale continuerait de se dégrader. Son inquiétude finirait de le ronger jusqu'à ce qu'il ne reste plus une once de rationalité dans son esprit dérangé.

En tant que seigneur des quatre duchés, elle aurait pu faire preuve d'un peu plus de respect envers lui ! Il était l'homme le plus puissant d'Isoria et elle le considérait encore comme le premier venu.

Il frappa du poing sur la couverture. C'est incroyable ce que cette bonne femme pouvait l'énerver ! Elle semblait avoir un véritable talent pour cela.

Pourquoi fallait-il que ce sale gosse lui ait filé entre les doigts dans l'Autre Monde ? N'aurait-il pas pu sagement mourir plutôt que de le tourmenter de la sorte ? Plutôt que de lui agiter sa désagréable existence sous le nez.

Aaron se leva, bouillant d'une rage contenue. Il voulait enfoncer son poing dans le mur mais il se ravisa rapidement, anticipant la douleur. Frapper les draps était une chose, mais il fallait préserver les apparences. S’il s’abîmait les phalanges, quelqu’un pourrait le remarquer. Il ne pouvait pas non plus perdre contenance devant elle si elle se montrait soudainement à son balcon.

Il allait hurler de frustration lorsque ses rideaux se mirent à flotter, comme si le vent avait cherché à traduire son humeur en envoyant subitement une bourrasque.

« Tu as mis le temps ! Qu’est-ce que tu fichais !?

— C’est vrai, j’ai été plus longue que prévu, mais ça valait le coup, dit-elle. M’échapper du Tapéinótita, surtout sans magie, ne fut pas une partie de plaisir. Cette fois-ci, c’est la bonne. On en est débarrassé.

— Vraiment ? Ça fait des nuits que je surveille l'horizon sans aucune garantie que tu ne te pointes. Des NUITS, tu m’entends ?

— Le garçon est mort, Aaron. Il repose au fond de l'Océan Chaud à l'heure qu'il est. Personne ne pourrait survivre à ce que je lui ai fait. Tu devrais être content.

— Content ? Et que fais-tu des rumeurs qui circulent ? Les Isorians racontent à qui veut bien l'entendre qu’un des meilleurs navires du royaume a été attaqué par un Zeaurageux. Et ce n'est pas tout ! Deux phénix ont combattu la bête ! Des phénix, te rends-tu compte ? Toute la cour ne parle plus que du retour des Sentinelles après vingt ans d’absence…

— Depuis quand te soucies-tu des rumeurs Aaron ? Tu n'as qu'à les balayer d'un revers de main... Tu es le roi.

— Tu as d’ailleurs tendance à l’oublier.

— Tu sais bien que ça n’a aucune importance pour nous. Devant la déesse, qu’importe que tu sois un roi ou n’importe qui d’autre. Tu es Aaron, c’est tout ce qui compte.

— Tu crois qu’elle est contente de notre travail ? Qu’elle est fière de nous ?

— Si elle est contente ? On est en train d’achever un projet que nous portons depuis plus de mille-sept cents ans, comment voudrais-tu qu’elle ne soit pas heureuse ? Bientôt, elle se sentira revivre, et c’est nous qu’elle remerciera pour ça. Je te le garantis. Bientôt Aaron

Nous réécrirons l’Histoire. »

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