À la sortie de l’école, Éléonore trouva à nouveau son fils en train de faire signer sa pétition. Cela la mit dans une rage folle. Aube fut aussi surprise que sa mère par l’initiative de son frère. Pourquoi ne lui en avait-il pas parlé ?
« Qu’est-ce qui t’a pris ? » l’interrogea-t-elle du regard.
« Je ne pouvais pas attendre. C’est maintenant qu’il faut aider Jeanne. Pas quand il sera trop tard » put-elle lire dans ses pensées.
— Tu es privé de sortie ! trancha celle-ci à l’adresse de Max. Ça t’apprendra à réfléchir aux conséquences de tes actes et à ne pas respecter mes interdictions. Quand je pense que tu ne m’as pas donné toutes ces pétitions ce matin et que tu en as conservé sans rien me dire. C’était me mentir !
Aube déglutit en regardant son frère.
« Dis-lui que c’est à cause de moi » lui suggéra-t-elle.
« Hors de question » lui fit-il savoir en retour et sans hésitation.
— J’en avais gardé pour les montrer à papa, répondit-il à sa mère en travestissant la réalité plus qu’il ne mentait.
— Et bien, tu peux compter sur ton père pour confirmer ta punition, conclut-elle.
Aube savait que sa mère avait raison. Si son père était moins sévère, il avait un principe clair, il ne remettait jamais en question une décision de leur mère concernant leur éducation. Même lorsqu’il n’était pas d’accord, il gardait le silence et refusait de revenir sur le sujet. Jusqu’à ce que l’orage passe puisqu’il était souvent absent au plus fort de la tempête. Aube sentit que son frère allait continuer à se défendre. Elle savait qu’il ne récolterait que plus d’ennuis. Aucun espoir de voir leur mère changer d’avis. Elle opta une fois de plus pour une tentative de diversion.
— Maman ? intervint-elle. Cet après-midi avec la classe, on est allé nettoyer le parc et j’ai trouvé des seringues.
Éléonore dévisagea sa fille comme si le président de la République en personne venait de la choisir comme Première ministre.
— Des seringues ? répéta-t-elle. Vous avez trouvé des seringues ?
La répétition, c’est parfois un truc pour gagner du temps et remettre de l’ordre dans un cerveau agité par trop de soucis.
— Oui, confirma Aube, plus très sûre de sa stratégie.
Elle commençait à craindre d’avoir parlé de cet épisode au mauvais moment.
— Et comment est-ce que ton institutrice a réagi ? l’interrogea sa mère.
— Je ne lui ai pas dit.
Aube ne pouvait pas mentir, c’était trop important. Elle avait promis à son père de ne jamais toucher une seringue et d’aussitôt prévenir un adulte. Pourtant, en observant les cumulus se bousculer dans les yeux de sa mère, elle se dit qu’un petit mensonge l’aurait tiré d’affaire. Ou qu’elle aurait mieux fait de se taire. Pire, elle s’était enfuie trop vite tout à l’heure : elle aurait dû en parler à son institutrice. Trop tard.
— Mais pourquoi est-ce que tu n’en as pas informé un adulte tout de suite ? fulmina sa mère.
— Pour ne pas qu’elle s’inquiète ni qu’elle se fâche, expliqua-t-elle en croisant les doigts.
— Ah bravo ! Parce que moi, je peux m’inquiéter, c’est plus facile, explosa Éléonore. Je te croyais capable de réfléchir plus vite. Toi aussi, tu es privée de sortie jusqu’à nouvel ordre, jusqu’à ce que tu fasses preuve d’un peu plus de jugeote. Et où sont-elles ces seringues ? Et tu vas avoir une petite conversation avec ton père. Parce que c’est lui qui va devoir s’en occuper maintenant. Non, mais tu imagines si entre temps, ces foutues seringues avaient blessé un enfant ?
Ils rentrèrent en silence à la maison. Max marchait devant, à côté de son vélo. Sa mère lui avait interdit de filer seul. Aube bougonnait et traînait la jambe derrière lui. Les pensées en ébullition. Elle ne supportait pas l’injustice. Son frère puni à cause d’elle. Elle, punie alors qu’elle n’était pas responsable de ces seringues. Et son père qui ne dirait rien même s’il pensait comme elle. Enfin, Éléonore fermait la marche. Si seulement Aube avait prêté un peu d’attention aux pensées de sa mère, elle aurait compris combien celle-ci s’en voulait d’être aussi sévère et aussi seule à se préoccuper de leur sécurité. Mais la fillette était assourdie par ses propres ruminations et Éléonore était obligée de pousser ses enfants devant elle pour ne pas être dépassée par un défilé d’escargots.
Spolier alert : mère au bord de la crise de nerfs. Grosse compassion pour elle qui élève ses enfants presque seule pour le moment. Bien vu de mettre son pdv à la fin.
Laure a raison, comment vont-ils faire sans sortir de chez eux ? Le père va-t-il enfin intervenir ?
A bientôt :)
J'espère que la suite te plaira ! ;-)
Bonjour Michael !
Je salue les cumulus dans les yeux d'Eléonore.
- Même lorsqu’il n’était pas d’accord, il gardait le silence et refusait de revenir sur le sujet. Jusqu’à ce que l’orage passe puisqu’il était souvent absent au plus fort de la tempête.
C'est moi, ou les adultes ne sont pas représentés sous leur meilleur profil dans cette histoire ? Entre madame Claire, maman Eléonore au bord de l'explosion, et papa qui s'enfuit et fait le dos rond, ils sont pas bien gâtés ces enfants !
Pauvre Eléonore, tout de même... Le paragraphe de la fin est très juste, avec ce point de vue surplombant de la voix narrative qui se permet d'excuser la mère. Pour un livre jeunesse, je trouve très bien le fait que les pensées s'entrecroisent, ça éveille l'empathie et l'intelligence émotionnelle des lecteurs jeunes et moins jeunes.
Toujours un plaisir, en tout cas,
A bientôt
Bonjour Claire !
Il y a beaucoup d'adultes négatifs ou pétris de contradiction dans cette histoire... mais d'autres plus constructifs ou qui vont évoluer positivement ! Je voulais éviter les clichés de personnages trop lisses parce que c'est de la littérature destinée à la jeunesse, je voulais des enfants confrontés à des adultes complexes... comme dans la réalité !
Alors je suis ravi que tu trouves que le texte éveille l'empathie ! L'empathie, c'est sans doute un des thèmes centraux sous-jacents à mon écriture !!!
Mille mercis encore pour tes commentaires éclairants et précieux !
A très bientôt !