Chapitre 11 : Sursis

Par Lilisa
Notes de l’auteur : Salut à toi cher lecteur !
Les commentaires sont la bienvenue du moment qu'ils sont constructifs.
Bonne lecture !

Le surlendemain du jour de l’envoi de la lettre de convocation, Falès arriva une heure en avance, vêtu des plus beaux vêtements qu’il possédait.

Il avait mis une large tunique pourpre, retenue à une épaule par un médaillon en or portant le blason de sa famille, une rivière et une flamme entrecroisées.

Falès caressa le médaillon, réfléchissant à l’histoire de ce médaillon.

Sorena l’avait fait refaire quelque temps après la mort de leur parents, la rivière symbolisant Sorena et la flamme son frère. De fait, Falès n’avait jamais vu le médaillon de ses parents.

Soudain, un grand nain à la fourrure brune, habillé de blanc, entra dans la luxueuse salle d’attente où Falès se trouvait depuis plus d’une heure, et appela d’une voix grave :

- Le nain dénommé Falès Orazu est prié de se rendre dans la salle d’audience. Sa Majesté le roi Manouk III l’attend.

Falès déglutit bruyamment et entra lentement dans la salle d’audience.

Magnifique. Ce fut le premier mot qui lui traversa l’esprit. La salle d’audience était une vaste pièce, à moitié installée dans une caverne, à moitié creusé dans la roche.

Des colonnes s’élevaient de part et d’autres de l’allée principale, des colonnes gravées avec minutie puis recouverte de feuille d’or.

Sur certaines de ces colonnes, on reconnaissait des figures illustres, telles que le tout premier roi du monde des nains ou le plus grand prêtre que la religion myrnienne ait jamais connu. D’autres, moins connus, apparaissaient aussi, tels que plusieurs scientifiques, plus ou moins connus, mais remarqués par le roi de leur temps.

Falès enregistra tout cela en une fraction de secondes, avant de se tourner vers le roi et de s’agenouiller devant lui.

- Relève-toi, Falès Orazu, dit le roi de sa voix grave au bout de quelques instants.

Falès se releva très lentement afin de marquer son respect à la personne installée en face de lui.

Le trône était installé dans un renfoncement de la roche. Immense, il s’élevait jusqu’au plafond de la caverne, tout en fioritures, sculptures, gravures et dorures.

Enfoncé dans son manteau rouge vif, couleur royale dans le monde nain, un nain au pelage épais l’observait de ses grands yeux bleus. Manouk III commençait à se faire vieux, et sa fourrure blanchissait aux extrémités, teintant de neige son poil caramel et faisant ressortir ses yeux saphir.

- Sortez, indiqua le roi à tous ceux qui se trouvaient dans la pièce, ne laissant avec lui que deux garde royaux.

Falès s’était longuement demandé pourquoi le roi l’avait convoqué en personne. Pourquoi pas un de ses proches conseillers ?

Le roi, d’un geste, lui accorda la permission de poser la question qui le démangeait.

- Sire, pourquoi m’avoir convoqué en personne ? demanda le jeune nain.

- Parce que le sujet dont j’avais à te parler était trop important pour que je prenne le risque de déférer cette rencontre à l’un de mes conseillers.

Falès écarquilla les yeux. Un sujet important ? Lui ? Il ne voyait pas. A moins que … Il déglutit. Comment était-ce possible ? Il n’avait pourtant laissé aucune trace. Mais quel autre sujet important le concernait ?

- Souviens toi de la pluie de scorpions, commença le roi.

Falès savait qu’il ne servait à rien de fuir.

- Des dizaines de scorpions ont chuté d’une grotte surplombant la Caverne.

Des dizaines de soldats barraient l’accès.

- Plus d’une vingtaine de jeunes nains prometteurs sont morts.

Et puis, même s’il parvenait à fuir le palais, où se cacher ?

- Nous sommes une espèce en disparition. Ces nains représentaient l’avenir.

Il connaissait certes les souterrains comme personne, mais le roi disposait de moyens colossaux.

- Nous pleurerons longtemps ces pertes.

- Si je puis me permettre, Votre Majesté, intervint Falès d’une voix douce, quel est le rapport avec moi ?

- Tu as perdu ta cousine dans l’accident. Tu dois haïr plus que jamais ces scorpions qui t’ont pris ta cousine, non ?

Falès acquiesça en se tordant nerveusement les doigts.

- Et si ce n’était pas un accident, poursuivit le roi, si quelqu’un avait voulu tuer ces lycéens, comment réagirais-tu ?

- Mais, pourquoi, Sire ?

- Précisément. Tu détestais ces nains qui t’harcelaient, n’est-ce pas ? Tu t’es disputé avec ta cousine juste avant, non ? Tu as un don avec les animaux, je me trompe ? Et tu as été vu. Ta cousine elle-même nous a révélé la vérité sur son lit de mort ! tonna le roi en se levant.

- Elle n’aura jamais perdu une occasion de me nuire, murmura Falès en toisant le roi. Tout au long de sa courte vie, elle se sera au moins employée à ça.

- Je t’interdis de dire du mal des morts, Falès Orazu ! s’étouffa le roi.

- Pardonnez-moi, Votre Altesse, mais je ne fais que dire la vérité, difficile à entendre ou pas.

- Tu oses me contredire ? Dans ma propre salle d'audience, en plus, gronda le roi.

- Jamais, Sire, je me permettais simplement de remarquer, à tort je le constate, que ma cousine avait effectivement une dent contre moi.

- Brillant, ironisa le roi. Mais je serai plus impressionné si tu pouvais me dire d’où venait cette rancune, bien que l’on puisse parler de haine.

- Vous l’ignorez ? Ce n’est pourtant pas un secret chez les Orazu, ils en parlent assez souvent, du « déshonneur » de mon père, cracha Falès.

- Oh non, je ne l’ignore pas, mais j’aimerais connaître ta version des faits.

- Ma version, répéta lentement le nain avant de secouer la tête. Mais je n’ai pas de version ! La seule que je connaisse est celle que me racontait ma famille !

Le roi hocha la tête d’un air déçu.

- Mais revenons-en au sujet de ta convocation. Il me semble donc que tu n’as pas nié les faits.

- Pourquoi nierais-je les faits, Sire ? J’ai joué, j’ai perdu. Je n’ai qu’une demande : un procès équitable. Je refuse d’être écartelé comme un psychopathe, répondit fièrement Falès.

Sa Majesté Manouk III éclata d’un rire grave qui fit trembler tout son corps.

- Oh, mais je ne vais pas te tuer, Falès Orazu ! Pourquoi tuer mon meilleur chien de chasse ? Non, j’ai bien d’autres projets pour toi, termina-t-il en le fixant de ses yeux sombres.

- Et lesquels, Sire, si je puis me permettre ?

- Je te les expliquerai plus tard, fit le roi en balayant l’intervention de Falès d’un geste de la main. Mais tout d’abord, je veux que tu saches que tu es en sursis. Je n’ai qu’à dire un mot pour que tu sois condamné, procès équitable ou pas. Donc à ta place, je me tiendrai à carreau.

- Donc soit je vous obéis au doigt et à l’oeil, soit je finis condamné à mort, résuma Falès.

- Exactement, sourit Manouk III. Maintenant, je te prie de me suivre.

Il se leva de son trône et sortit par une porte jusque là dissimulée. Falès le suivit et se retrouva dans une salle haute et sombre. La faible luminosité ne lui posa aucun problème et ses yeux s’adaptèrent d’eux-mêmes.

Il se trouvait devant une grande table circulaire. Le roi posa un objet métallique dessus et un hologramme apparut. La vidéo était vue par une des caméras du laboratoire.

Y étant allé plusieurs fois avec Liur, Falès reconnut tout de suite l’endroit. Il fronça les sourcils, mais Manouk III lui fit signe de se taire et désigna l’hologramme.

La caméra filmait les allées et venues des scientifiques, et Falès n’y vit pas grand intérêt. Il commençait à se demander pourquoi le roi lui montrait cela quand il aperçut un petit objet à la limite du champ de la caméra.

- Majesté, pourriez-vous repasser cette séquence ? demanda le jeune nain.

Le roi acquiesça et repassa la séquence demandée. Cette fois, Falès se concentra dessus et il vit très nettement une sorte de caméra sur patte suivre un scientifique en direction de la réserve de remèdes.

Manouk III arrêta l’hologramme et appuya sur un interrupteur que Falès n’avait pas remarqué. Aussitôt, trois lumières différentes s’allumèrent. Falès jeta un regard reconnaissant au roi. Il avait beau voir dans le noir, il préférait de loin la lumière.

Le roi prit la parole le premier.

- Que penses-tu de ce que tu as vu ?

- Quelqu’un s’est introduit dans notre laboratoire, mais je ne vois pas qui. Les nains bénéficient tous de notre expertise, alors pourquoi vouloir nous voler ?

- Les non-déclarés ne bénéficient pas de nos médicaments.

- Je doute fortement que ce soit eux. Ils ne sont pas assez avancés pour avoir créé ça. En ne reconnaissant pas votre autorité, ils ont renoncé à la technologie.

- Ne reste plus qu’une espèce.

- Mais comment… Ils ne peuvent pas savoir que nous sommes sous leurs pieds ! s’exclama Falès.

- Que vois-tu d’autres comme option ?

Le jeune nain exprima son ignorance d’un haussement d’épaule. Le roi reprit.

- Ton avis est intéressant, mais c’est le mien qui prime. Or, je suis persuadé que les humains sont derrière tout ça.

- Je suis convaincu du contraire mais je ne dirige pas la nation naine. Je suis son serviteur.

- Moi aussi, mais d’une autre manière. Et, en tant que serviteur de la société, tu vas, tout comme moi, servir les nains. Trop longtemps tu as profité du système. C’est maintenant au système de profiter de toi.

Falès frissonna. Les mots que le roi prononçaient indiquaient qu’il était désormais au service de Sa Majesté et qu’il allait devoir réaliser une mission, périlleuse ou non, pour lui.

- Tu es en sursis, Falès Orazu. Mon pardon sera obtenu à la seule condition que tu réussisses la mission que je te confie à présent : découvre qui est derrière tout ça et injecte lui le sérum d’oubli. Pour cela, tu disposeras de mon fidèle conseiller Barif, qui te permettra d’accéder à des données habituellement interdite.

Un frêle nain brun apparut, empêtré dans sa robe orangée de conseiller du roi. Falès s’inclina devant lui puis se tourna vers le roi :

- Le sérum d’oubli ? Mais n’est-il pas disparu depuis des siècles ?

Le roi se tortilla, manifestement embarrassé :

- Certains scientifiques sont en train de tenter de le recréer à partir des vagues manuscrits qu’il nous reste de l’époque de l’exil sous terre.

Falès se remémora ses cours d’histoire. Les nains s’étaient exilés à la suite d’un incident avec les humains, qui voulaient les chasser, selon Sorena. Ils avaient du couvrir toutes leurs traces, et avaient utilisé un sérum d’oubli afin d’effacer la mémoire des humains.

- Il sera prêt le temps que tu découvres qui a voulu pénétrer notre monde. As-tu d’autres questions ?

- Non, Majesté.

- Bien. Tu peux disposer. Et n’oublie pas : tout ce qui s’est dit ici est maintenant entaché du secret royal. Interdiction d’en parler, ajouta le roi.

Falès s’inclina profondément devant le souverain puis tourna les talons. Il sortit tranquillement de la salle d'audience sans que quiconque ne l'interpelle et se dirigea vers sa maison.

À peine était-il arrivé que sa sœur lui sauta dessus :

- Tout va bien petit-frère ? Rien de grave, j’espère ? Tu vois, je t’avais dit que cela finirait par arriver si tu ne faisais pas attention ! Allez, raconte-moi ! Que s’est-il passé ?

Falès répondit du bout des lèvres :

- Secret royal.

Sorena soupira et prépara le repas. La soirée se déroula ensuite normalement.

Mais ne pouvait s’empêcher de penser à la dangereuse mission que lui avait confié le roi ? Comment allait-il cacher cela à sa sœur? Et surtout, surtout, pourquoi lui ?


 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez