La jeune fille aux cheveux blonds fit signe à Olga de la suivre.
« Venez Ma Dame, on m'a chargée de vous guider dans le château. Je suis Lotte, je travaille aux bains la journée, et aux cuisines le soir », expliqua-t-elle en lançant à Olga le premier regard amical dont on l'honora depuis que les archers avaient fit irruption dans son étable.
Hormis la Grande salle qui accueillait le trône, le vaste escalier de pierre-sel et la Salle d'Apparat, le château des Chimères n'étaient que dédales de couloirs étroits et de volées de marches. Derrière cet angle caché par la pénombre, s'alignaient plusieurs portes conduisant à des appartements privés. Là, un escalier semblait mener à un niveau supérieur, mais arrivé sur un palier étroit, redescendait aussitôt. Les noms s'égrainaient comme sur un chapelet dans la bouche de Lotte, assortis d 'explications succinctes, sans qu'Olga ne retint grand chose : « Le cabinet de la Ministre aux clefs est ici, et tout de suite après, celui du Messager-Chef, et là les appartements du Sénéchal et de Dame Annwn, sa compagne... Après la fenêtre, au bout de l'aile ouest là, vous voyez ? La grande porte ouverte, c'est l'Intendance, vous pouvez vous y présenter si besoin... Plus haut, en passant par cette pièce voûtée et en tournant deux fois à droite, c'est la salle à manger du roi et de ses proches, on en reconnaît l'entrée aux deux gardes qui s'y tiennent jour et nuit, et là c'est l'un des accès au donjon, qui abrite toute la famille royale, mais attention, le premier étage est occupé par le cadet, ne rentrez pas, c'est au suivant que repose le prince malade, ses hommes sont prévenus on vous laissera passer, n'ayez crainte ; ici on rejoint l'escalier de service, dans l'aile est, reconnaissez-vous ? »
Comme dans les songes ambigus dont on se sait s'ils vont virer à l'horreur ou aux délices, Olga évoluait entre appréhension et curiosité. Elle eut l'impression d'avoir investi l'existence et le corps d'un autre. Elle passa sa main sur ses cheveux et ne les reconnut pas au toucher. Elle eut la sensation d'avoir changé de peau, de souffle. Sa voix était-elle encore la même ? Pour l'instant elle l'avait perdue, ce qui apparemment ne troublait pas Lotte le moins du monde. La jeune fille savait-elle que celle qu'elle appelait Ma Dame venait d'une étable, qu'elle vivait dans la bouse et se faisait payer en pommes de terre et en charbon ? Le défilé de portes et de corridors devenait oppressant. Lotte perçut son angoisse et ralentit le pas :
« Pardonnez-moi, je vous en dis trop ! Retournons à notre point de départ, que je vous montre l'essentiel. »
Revenue aux portes des bains, Lotte la guida plus posément. La chambre d'Olga se situait dans la tour des Éperviers, la plus étroite des trois, inhabitée depuis longtemps. Celle-ci était dans le prolongement des escaliers de service : en suivant le colimaçon, elle ne pouvait se perdre. Elles commencèrent l'ascension, mais Lotte fit halte au second palier : « Voyez, cette petite porte de métal là-bas, elle donne sur la tour des Écrits, la bibliothèque si vous voulez. Je n'y suis jamais allée, mais il paraît que tout y est en métal, les escaliers, les meubles, tout ! Une histoire d'incendie je crois... L'Archiviste y vit. Elle est fermée en son absence. Si vous souhaitez vous y rendre, il faudra passer par lui... »
Olga acquiesça, la voix toujours obstinément coincée dans sa poitrine.
« Venez maintenant que je vous montre votre chambre. Nous arrivons dans la tour, sentez-vous comme l'air change ? » L'atmosphère fraîchit brusquement, en effet. La spirale de l'escalier, jusque-là sertie dans le corps du château, était effectivement devenue tour. Les meurtrières qui fendaient les parois laissaient paraître des pans de montagne. L'air fut soudain vif et pur.
« Nous y voici. » Olga pénétra dans la pièce circulaire, étroite mais élargie par deux oriels en bois se faisant face, l'un au sud donnant sur la cité, l'autre contemplant le Val. Hormis ces deux extensions, la pièce peinait à contenir un lit et une coiffeuse. Il y faisait froid. La situation, l'ameublement, le froid, tout dans cette pièce hurlait de solitude. Cela plut à Olga. Cela lui ressemblait.
« Vous pourrez vous installer comme bon vous semble, mais dans l'heure, il faudrait visiter le prince Evan au plus vite. Je vais vous guider. ».
Olga suivit Lotte. Sa nouvelle docilité la surprenait. Elle pensait à la Fée-des-ours, cette plante qui une fois déracinée ne repoussait jamais dans un autre sol, quels que soient les soins apportés. Était-elle ainsi ? Allait-elle se faner en silence, et mourir dans ces murs de pierre, malgré la vue sur le lac, sur les montagnes, malgré cet air si pur qui n'existait pas dans la cité, et les regards compatissants de la blonde Lotte ? Elle n'avait qu'une envie, qu'une pensée : sortir de l'enceinte du château, comme un souffle, revenir dans son étable, et passer une soirée de silence aux côtés de la Banshee qui cracherait sa chique.
La nausée qui la prit subitement lui prouva bien qu'elle était toujours de chair et d'os.
C’est bien une discussion de parents d’une famille haut placée. Judith veut placer sa fille, un peu comme un pion sur un échiquier, de la manière la plus profitable qui soit. Qu’est-ce qui est important ? L’argent et le pouvoir, bien sûr. Timoteus a l’air plus soucieux de la sécurité et du bien-être de leur fille. Mais malgré ses qualités et ses compétences, elle risque de faire fuir les prétendants avec son caractère. On voit encore un petit bout de l’histoire du royaume et de ce qui peut créer des disputes intestines, voire provoquer une guerre.
Ah, la « promenade » dans le château ! Je dois avouer que, comme Olga, je m’y perds. Et Lotte qui discourt sans discontinuer, tel un moulin à paroles. Je comprends qu’Olga ait envie d’être seule ou de retourner chez elle. Le logement qu’on lui a attribué est étonnamment inconfortable. Il faut croire qu’il est réservé aux domestiques.
Coquilles et remarques :
— Timoteus posa sa plume, et regarda Judith. [La virgule est superflue.]
— la silhouette toute en longueur [tout en longueur ; « tout » a valeur d’adverbe]
— Bien que de caractère, elle eut la rudesse de Judith [elle eût ; subjonctif imparfait]
— A peine trois années s'écoulèrent avant qu'elle ne fut retrouvée prise dans les glaces de ses montagnes bien-aimées, sans que l'on n'en connaisse la raison. [À peine / qu’elle ne fût ; subjonctif imparfait / sans que l'on en connaisse]
— tous savent que cette promesse absurde compromet l'équilibre du royaume » [Il manque le point]
— Son caractère ne va qu'empirer en la laissant se morfondre ici [Ce n’est pas son caractère qui la laisse ; « Son caractère ne va qu'empirer si on la laisse se morfondre ici » ou « On ne va faire qu'empirer son caractère en la laissant se morfondre ici »]
— Il est vrai que Ilse, malgré ses humeurs [qu’Ilse]
— elle comprenait les sciences sans mal, et maniait la plume avec grâce. [La virgule est superflue.]
— la couronne ne craignait pas grand chose, mais son fils… [grand-chose]
— qui lui resteraient fidèles tant qu'il paierait [qu’il les paierait]
— Elle allait rétorquer mais il se leva si brutalement que sa répartie resta en suspens [sa repartie]
.
— « Venez Ma Dame, on m'a chargée de vous guider [Venez, ma Dame]
— depuis que les archers avaient fit irruption dans son étable [avaient fait]
— assortis d 'explications succinctes [espace indésirable avant l’apostrophe]
— sans qu'Olga ne retint grand chose [ne retînt ; subjonctif imparfait / grand-chose]
— Plus haut, en passant par cette pièce voûtée et en tournant deux fois à droite, c'est la salle à manger du roi et de ses proches, on en reconnaît l'entrée aux deux gardes qui s'y tiennent jour et nuit, et là c'est l'un des accès au donjon, qui abrite toute la famille royale, mais attention, le premier étage est occupé par le cadet, ne rentrez pas, c'est au suivant que repose le prince malade, ses hommes sont prévenus on vous laissera passer, n'ayez crainte ; ici on rejoint l'escalier de service, dans l'aile est, reconnaissez-vous ? »
[Je propose de mettre : un point après « Jour et nuit », après « par le cadet » et après « n’ayez crainte » ; un point-virgule après « le prince malade » ; une virgule après « sont prévenus ».]
— Elle eut l'impression d'avoir investi l'existence et le corps d'un autre [d’avoir revêtu, peut-être ? de s’être fondue, introduite dans ? « investi » ne convient pas]
— que celle qu'elle appelait Ma Dame venait d'une étable [ma Dame]
— sentez-vous comme l'air change ? » [Espace en trop avant le guillemet fermant.]
— Allait-elle se faner en silence, et mourir [la virgule est superflue]
Et toujours ton style de conteuse classique... Décidément, tu as vraiment l'art de choisir le mot exactement adapté à ce que tu dépeins, que ce soit pour les descriptions ou les introspections. Ce qui fait que ton récit et à la fois simple et riche. Je t'envie !
Exemple : " jusque-là sertie dans le corps du château". J'adore...
Je trouve que tu as bien rendu par ton écriture, le tournis qui prend possession d'Olga dans sa découverte du château et de ses multiples couloirs.
Juste une petite remarque :
- Elle eut l'impression d'avoir investi l'existence et le corps d'un autre. : "d'une autre" ?
Je reviendrais te lire sans trop tarder, histoire de me sentir moins perdue !
A bientôt Olga !
See yaaaa