Ce devait être la troisième cigarette que Sharp écrasait sur les marches du perron. Il en alluma une quatrième. Assis à même l’escalier, il préférait l’air frais que l’ambiance étouffante de la maison. Il n’avait même pas envie de rentrer. Il voulait disparaître, ne plus jamais revenir. Mais pour aller où, de toute façon ? Rien ni personne ne l’attendait, nul part.
Il observait de Thomas, un dalmatien encore jeune, en train de gambader dans les jardins de la maison.
Il entendit la porte s’ouvrir, mais ne prêta pas attention à qui le rejoignait. Il ne daigna même pas regarder s’il s’agissait de Thomas Laon qui, pris d’un accès de colère, aurait pu le poignarder dans le dos. Il s’en fichait complètement.
Du coin de l’oeil, il vit Gallant s’assoir à sa gauche.
- Dur journée, hein ? Dit Sharp.
- Toutes mes condoléances, Red.
- Hmmm...
Les deux hommes restèrent un instant silencieux. Des oiseaux chantaient, le soleil rayonnait. Et pourtant, la mort entourait cette maison.
- Je vais me trouver un hôtel, fit Sharp. Je vais partir, Thomas n’a pas à s’inquiéter.
- Je préférerais que tu restes, répondit Gallant.
- Pourquoi ? S’étonna Sharp.
- Parce que tu n’as pas peur d’appuyer sur la détente. Et quand on combat des criminels sans pitié, c’est utile d’avoir à ses côtés un homme... eh bien, un homme sans pitié.
- Peut-être, mais tu as entendu Thomas. Il va me tuer si je reste. De toute façon, je ne te servirai plus à grand chose. La branche italienne est tombée, et pour l’instant les Suédois sont de ton côté. Tu n’as plus qu’à t’en prendre à De Guise, et Saint-Cyr ne devrait pas tarder à couler. Je suis fatigué... Je n’ai plus personne. Ma famille est morte, pourquoi je devrais encore me battre ?
- Pour les autres familles que Saint-Cyr menace. En nous aidant, tu permets d’éviter des morts inutiles.
- Je ne sais pas si tu l’as remarqué, grenouille, mais je suis plutôt du genre égoïste.
- S’il te plaît, Red.
Gallant se tourna vers l’inspecteur. Ce dernier lu l’expression sincèrement peinée du détective. Il grogna, écrasa sa cigarette sous son pied.
- Mouais, souffla-t-il. Je suppose que je vais attendre un peu avant de prendre ma retraite.
Un sourire illumina les traits de Gallant.
- Ne t’en fais pas, dit-il, je m’occupe de Thomas. Tu peux rester ici.