L'homme rompu par l'ascension de la Sente aux clous s'effondra dans le fauteuil que lui désignait Timoteus. Il reprit son souffle quelques instants, et goûta la douceur de l'âtre qui massait ses chevilles endolories. Son épuisement était tel que même boire l'eau-de-vie de sorbe qu'on lui avait servie demandait un effort. Timoteus attendait patiemment que Fedor se fut remis de son voyage.
« Alors Fedor, quoi de neuf à Kaalun ?
– Pas grand chose ma foi, de ce que j'ai pu en voir ! C'est-à-dire presque rien... Ils étaient un peu bizarres, tous... Ils ont tenu à tout prix que l'on décharge aux pied des portes, gentiment vois-tu, mais insistants. Alors bon, les ballots de fer, déjà, ça pèse, mais les blocs de granit, là j'ai pas compris... D'habitude, tu sais bien, on les livre sur place, c'est pas après dix jours de route qu'on va chipoter pour faire quelques mètres de plus sur du pavé ! Mais là, pas moyen, ils se débrouilleraient qu'y disaient... Enfin, mais sinon, tout a été... Tant qu'ils payent, hein ! Bon, et j'ai ramené des ballots d'avoine, surtout, de la gnôle, et tout le parchemin que j'ai pu trouver. Ah, et de la jute aussi. Presque rien du sud en revanche, pas de savon, pas de céramique, rien, on m'en a pas proposé...
– De nouvelles commandes ?
– Un peu moins que d'habitude à cette lune. Du bois de chauffage à foison, normal, mais c'est à peu près tout. Ça tourne au ralenti Kaalun ces temps-ci, on dirait... »
Fedor était le superviseur général des exportations des Cimes. Il rendait compte des commandes, des conditions du voyage, des relations avec les acheteurs. Mais Timoteus, qui ne savait pas déléguer, aimait autant que possible participer aux inspections des équipages, des essieux, s'assurer de la qualité de la marchandise ou de l'état des bêtes. Il ne pouvait s'en empêcher, et Fedor laissait faire, bon enfant. Et comme à l'accoutumée, une fois leurs verres vides, ils se dirigèrent vers les entrepôts pour prendre le pouls du prochain chargement. Le suivant partirait le surlendemain.
« Et toi Titus, tout va bien ? Tu m'as l'air soucieux... »
Il est vrai que Timoteus avait pour habitude d'inonder Fedor de questions à son retour, voulant tout savoir des anecdotes du voyage : les racontars entendus dans les auberges, une mule qui refusait d'avancer sitôt atteint le premier carré d'herbe, ou la couleur du Lac aux aiguilles, si changeante selon le temps. Ce jour-ci il n'avait rien demandé, et vidé son verre plus vite que de coutume.
« Oui ? Pardon mon ami, aujourd'hui je suis un peu distrait.
– Rien de grave ?
– Non, non bien sûr », fit Timoteus, et il partit de son rire léger dont il abusait pour cacher ses doutes et rassurer ses amis, « mais ma fille s'ennuie et nous nous questionnons sur son avenir, voilà tout. »
Il est vrai que la discussion avec Judith l'avait insidieusement ébranlé. Durant toutes ces années, il avait mis une telle énergie à garder intact son secret qu'il n'avait jamais réfléchi à la situation telle qu'elle avait évolué, vingt ans après. Il était temps de faire le point.
L'évidence lui tomba dessus comme une averse inattendue : il devait se rendre à Kaalun, il devait voir Saul pour parler de tout cela. Son œil se mit à pétiller devant cette réjouissante éventualité, et il retrouva son humeur habituelle.
« Mais au fait, mon bon Fedor, dis-moi... L'as-tu revue ta jolie brunette de l'auberge, sur le chemin, mm ? »
On voit qu’Olga a ce qu’on appelle la conscience professionnelle. Le fait qu’elle s’efforce de comprendre la maladie et son mode de propagation est tout à son honneur. J’espère qu’elle va finir par trouver des réponses. Sa franchise ne m’étonne pas, vu son comportement avec le roi. Mais elle respecte les malades et leur souffrance, ce qui confirme son sérieux dans son métier. La maladie est une force qui remet tous les hommes au même niveau, d’une certaine manière, et Olga l’a bien compris.
Qu’est-ce qui met Timoteus en joie ? Le fait d’avoir une distraction, une raison de voyager ? Parce qu’en tout cas, il n’avait pas l’air emballé par l’idée de marier sa fille comme le lui proposait Judith. J’aimerais bien connaître son secret.
Coquilles et remarques :
— Olga s'avança dans la pièce avec une assurance feinte, et posa un casier [la virgule est superflue]
— Elle fut surprise d'y voir quantités de fleurs sauvages [quantité de]
— Un petit écritoire était étrangement disposé [Une petite écritoire (...) disposée ; écritoire est féminin / à cause du mot « disposition » un peu plus loin, je propose : « étrangement placée ».]
— pour avoir la meilleure disposition vis-à-vis de / Le lit, lui-même de disposition [Pour éviter la répétition, je propose « la meilleure orientation ».]
— Elle fit le tour du lit, et vit ses yeux [la virgule est superflue]
— sur les mains d'un l’ébéniste [« d’un ébéniste » ou « de l’ébéniste »]
.
— L'homme rompu par l'ascension de la Sente aux clous s'effondra dans le fauteuil [Il faudrait mettre « rompu par l'ascension de la Sente aux clous » entre deux virgules.]
— Il reprit son souffle quelques instants, et goûta [la virgule est superflue]
— Timoteus attendait patiemment que Fedor se fut remis de son voyage [se fût remis ; subjonctif plus-que-parfait]
— Pas grand chose ma foi [Pas grand-chose]
— Ils ont tenu à tout prix que l'on décharge aux pied des portes, gentiment vois-tu, mais insistants [Dans ce sens, « tenir que » est peu usité ; on dit plutôt « tenir à ce que » / au pied / « gentiment, vois-tu, mais avec insistance]
— Ah, et de la jute aussi [du jute ; jute est masculin]
— Ça tourne au ralenti Kaalun ces temps-ci [à Kaalun]
— Et toi Titus, tout va bien ? / Oui ? Pardon mon ami [virgule avant « Titus » et avant « mon ami »]
Dans les dialogues, tu mélanges les guillemets et les tirets de manière quelque peu fantaisiste. Il y a des règles précises à respecter dans ce domaine.
Encore une fois ma curiosité est titillée par ce secret que porte Timoteus !
Juste une petite chose à vérifier :
l'on décharge aux pied des portes : au pied des portes ?<br />