Chapitre 17 : Lentement mais sûrement

Je ne peux pas dire que je l’avais vue venir. Mais prétendre qu’une grande révélation à son sujet n’étais pas attendue aurait été un mensonge. Il y avait à peine une semaine, je ne savais même pas ce qu’était qu’une relique. Sacrée. Dans le contexte de Specter. Mais aujourd’hui, j’apprenais non seulement qu’elles étaient d’une importance capitale, que tout le monde se les disputait à mort et qu’Ether en avait une en sa possession. Je ne savais pas comment je m’étais engouffrée dans ce guêpier alors que pour la première fois de ma vie, je souhaitais respirer.

        Si Ether avait une relique sacrée, je voyais mal Heesadrul la laisser s’enfuir sans rien faire. Cet homme serait prêt à tout pour le pouvoir. Mais quel rapport avec Vanessa ? Pourquoi Ether voulait à tout prix l’aider ? Par magnanimité ?

        Je levai les yeux vers elle.

        — OK, dis-je.

        Ether haussa les sourcils.

        — OK ?

        Je hochai la tête.

        — OK. Tu peux continuer.

        — Euh… 

         Elle cligna des yeux et m’observa en pinçant les lèvres.

        — Quoi ?

        — Tu pourrais essayer d’avoir l’air… un peu plus surprise ? Ou intéressée ?

        — Je le suis.

        Son regard en disait long sur ce qu’elle pensait.

        Je soupirai et posai par inadvertance mes yeux sur sa poitrine ornée de l’antique médaillon qui m’avait intriguée quelques jours auparavant.

        — C’est celle-là ? 

        — Pardon ?

      — La relique, expliquai-je. C’est ce médaillon. C’est pour ça que tu y tiens et que tu ne veux pas porter la pierre de ton clan ?

        Elle baissa les yeux sur son artefact et les leva lentement vers moi et me dévisagea un instant. Avant de pouvoir lui rendre son regard, elle se redressa et hocha la tête.

        — Tu ne le diras à personne ?

        Je la fixai et elle ricana.

        — Vanessa…, commença-t-elle. Je ne voulais pas lui faire de mal. C’est juste que parfois… j’ai du mal à contrôler ma force. Lorsque j’éprouve des émotions qui sont un tant soit peu fortes, (Elle haussa les épaules.) l’instant d’après…

        Elle s’éclaircit la voix avant de se rapprocher de moi. Elle était soudainement très proche et je ne pus m’empêcher de vouloir esquisser un mouvement de recul. Je retins toutefois ma jambe au dernier moment.

        — Je n’ai jamais voulu te blesser tu sais, murmura-t-elle.

        J’ouvris la bouche mais la refermai avant de pouvoir lui répondre. Ce qu’elle cherchait, n’était pas à me convaincre.

        — Je ne veux pas que tu penses que je me sers de toi. (Elle me lança un bref regard.) Je sais que ça t’arrives d’y penser. Et je le comprends.

        J’expirai en m’agrippant à la rambarde du balcon, les yeux fixés sur les ruines silencieuses de la ville abandonnée, baignées dans la lumière argentée de la lune. Un sentiment de nostalgie m'envahit, un mélange d'émerveillement et de douceur. Le paysage était à la fois relaxant et apaisant, comme si le temps lui-même avait fait une pause dans cet endroit oublié. La brise fraîche caressait mon visage, soufflant doucement à travers les décombres. Chaque pierre portait les cicatrices du passé, témoignant de la grandeur qui avait été, mais maintenant, tout n'était que calme et tranquillité. Je fermai les yeux, laissant le silence envelopper mon être, me berçant dans cette atmosphère réconfortante qui réveillait une part de moi depuis longtemps endormie.

        — La confiance est une récompense, finis-je par répondre en me tournant vers elle. Lorsque nous la méritons, elle vient d’elle-même, le plus important n’est pas de la gagner, mais d’éviter de la perdre. Et même si tu ne peux pas m’empêcher de douter de toi, tu peux quand même faire en sorte que je le fasse moins. 

        Un timide sourire se dessina sur ses lèvres. Elle posa sa main sur la mienne alors qu’elle rencontra mon regard.

        — Merci. De me laisser le bénéfice du doute.

        Je baissai les yeux vers sa main, étrangement beaucoup moins frêle que je l’aurais imaginé.

        — Non, fis-je. Nous avons toutes les deux besoin de faire nos preuves.

        Je serrai inconsciemment sa main dans la mienne.

        Nous nous observâmes en silence avant de hocher la tête.

        — Et à propos de Vanessa…, commença-t-elle.

        Je secouai la tête en commençant à me détourner.

        — Tu as tes raisons de vouloir l’aider, lui dis-je. C’est à elle de nous expliquer ses raisons à présent.

           — Oui, mais… Nous avons besoin d’elle pour empêcher Specter de réunir les artefacts. Si nous parlons, personne ne nous croira. Mais elle ? 

        Je comprenais mieux.

        — Tu veux te servir d’elle pour t’en débarrasser.

        Elle baissa les yeux et se frotta le bras.

         — Le Primedia n’est pas le seul à les convoiter. Mon père les veut aussi.

        Quelle surprise.

        — C’est pour ça qu’il me garde… qu’il garde celle-ci près de lui. (Elle leva les yeux vers moi) Je ne veux pas qu’il s’en empare. Ni lui, ni personne d’autre.

        — Qu’est-ce que tu as derrière la tête ? demandai-je en ayant un mauvais pressentiment.

        Elle fronça les sourcils et soutint mon regard.

        — Je veux les détruire. Et j’ai besoin de toi pour ça.

        Je dégageai ma main de la sienne.

        — Je ne compte pas m’impliquer plus que ça dans cette histoire, répliquai-je. Je te suis reconnaissante de m’avoir confié cette vérité, mais nos chemins se sépareront lorsque Vanessa sera arrivée à bon port.

        Elle tressaillit.

        — Et qu’est-ce que tu comptes faire après ? Tu ne peux pas retourner à Specter. Où est-ce que tu iras ?

       Je croisai les mains et lui fis face.

        — À Odium.

        Elle écarquilla les yeux et me regarda comme si je venais de me baver dessus.

        — Odium ?! s’exclama-t-elle. Tu n’as pas bien compris ce que je t’ai dit ? Glalona a—

        — Glalona, oui, la coupai-je. Pas Odium. 

        — C’est eux qui se sont servis des reliques, et c’est à cause d’eux que tu as été arrêtée.

         Je secouai la tête.

        — J’ai été arrêtée parce que je me trouvais sur les lieux du crime, rectifiai-je. Qui, selon les dires de Vanessa, a été orchestré par le Primedia. 

           — Aucun de tes supérieurs d’Odium n’a essayé de te faire libérer, insista-t-elle. Tu serais restée là-bas pour toujours si je n’étais pas venue.

         — Je n’étais pas la seule tueuse à gage à leur service, rétroquai-je. S’ils en perdent un, ils n’ont qu’à en prendre un autre.

         — Tu vas donc recommencer ? Lorsque nous nous sommes rencontrées tu as dit ne plus être en service. Je croyais que c’était définitif.

         — Je ne l’étais plus à ce moment là, en effet. Mais je n’ai jamais prétendu vouloir arrêter, mentis-je.

           — Tu—

         — Ça suffit, grognai-je en commençant à être agacée. Je comprends que ce que tu souhaites entreprendre te tienne à coeur, mais tu ne peux pas m’imposer tes volontés. (Je soupirai) Tu as peut-être raison : Je ne comprends peut-être pas la situation,  mais je ne veux pas y être mêlée. Il faut que tu respectes ça.

        Elle ne répondit rien. Sûrement comprenait-elle mieux que quiconque ce que cela faisait d’être forcée à suivre les désirs de quelqu’un aveugle de considération.

          Après un moment, elle hocha la tête et se détourna.

        — Tu as raison, marmonna-t-elle en faisant passer une main sur son visage. Je t’ai suffisamment sollicitée comme ça.

        — Ce n’est pas ce que je voulais dire, la contredis-je.

        Elle se retourna et me sourit avec douceur.

        — Je sais.

 

 

 

 

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        Après notre échange, Ether était allée se coucher. Avec du recul, je pense qu’elle faisait surtout semblant. À l’aube, nous avions repris la route. Tout comme les jours d’avant, nous n’avions pas plus discuté que ça. Je ne pense pas qu’elle boudait, ça ne collait pas au personnage. Elle était sûrement… plongée dans ses pensées. Je pouvais la comprendre, j’avais moi aussi beaucoup de choses en tête. Même si je devais rester aux aguets et veiller à la sécurité du groupe. Enfin, surtout de Vanessa et Angela. En parlant d’elle, elle n’avait pas non plus été très bavarde. Cela faisait un sacré contraste vis-à-vis de son attitude lors de la soirée d’évasion. Mais encore une fois, je la comprenais aussi. 

        Il était vrai que je ressentais une pointe de curiosité : J’aurais souhaité comprendre les raisons de son entêtement. Même si son clan avait été contre les reliques, en tant que dernier membre, et en tant que mère, la logique ne voudrait-elle pas qu’elle suive le courant et se fasse petite ? 

        Quoi qu’il en était, tout ceci ne me regarderait plus. Il était difficile pour moi de voir le verre à moitié plein mais parfois, il fallait savoir mettre un terme à sa morosité. Le malheur s’abattait sur tout le monde partout, je n’avais pas le monopole de la souffrance, et il était vrai qu’arborer un air dépité en permanence n’avait jamais vraiment joué en ma faveur. Après tout, j’étais libre, Jane était en sécurité et même si Heesadrul tentait de s’en prendre à elle pour me punir d’avoir désobéi, Ether était la seule à savoir où et qui elle était. Elle aurait évidemment très bien pu lui en avoir parlé, mais je savais maintenant que ce n’était que très peu probable. Je n’étais pas sûre qu’on accepterait de me reprendre à Odium. Peut-être salueront-il mon évasion et verront-ils dans le long chemin que j’aurai parcouru jusqu’à eux, la force de ma détermination ? Ou peut-être m’avaient ils déjà remplacée par un produit plus moderne et que le périple que le voyage que je m’apprêtais à faire était inutile. Je pouvais toujours trouver un travail, après tout, je n’étais pas connue à Odium. Cette idée ne m’enchantait pas mais lorsque Dieu, dans son infinie bonté, mettait un cadeau sur notre chemin boueux, il fallait l’accepter sans broncher.

        Nous marchâmes environ quatre heures et arrivâmes à destination aux environs de dix heures heures du matin. J’avais vu Vanessa flancher plusieurs fois à mesure que nous approchions de destination. Ces derniers jours — et mois — avaient été très éprouvants pour elle, la pression ne tarderait pas à retomber. J’espérais seulement que l’adrénaline tiendrait jusqu’à son futur lit car je n’étais pas non plus au meilleur de ma forme. La porter ne serait pas sans risque.

        

        En sortant des bois, je fus aveuglée par la douce lueur embrasée du soleil. La chaude brise caressa mon visage malgré la fraîcheur de l’hiver et je ressentis un étrange sentiment de soulagement. Je ne savais pas ce que cela voulait dire. J’étais loin d’en avoir fini mais… Ce premier objectif était rempli. Et il fallait avouer que malgré tout, j’appréciais la satisfaction de cette tâche bien menée. Malgré les circonstances. 

        J’avais toujours apprécié ce sentiment de complétude.

        La ferme était baignée dans la douce clarté matinale, au sein d’une vallée pittoresque. Elle offrait une vue imprenable sur des collines verdoyantes et des champs étendus. C’était un endroit isolé, loin des zones urbaines. La maison en bois rustique était nichée au centre de la ferme, entourée d'un jardin fertile où poussaient des légumes et des plantes médicinales. Des rangées d'arbres fruitiers offraient de l'ombre et une récolte très certainement abondante lors des saisons propices. Je distinguais, sortant des bâtiments aux murs en pierre, des animaux de ferme dont des poules, des moutons et même quelques chevaux, qui ajoutaient une touche de vie à cet endroit reculé.

        Du coin de l’oeil, je vis Ether tout aussi émerveillée par ce qui était sans aucun doute, un havre de paix. En la voyant aussi sereine et en phase avec cet endroit, je ne pus m’empêcher d’être attendrie.

        Nous traversâmes la clôture qui donnait sur la cour, vaste et accueillante, avec des bancs en bois et une table où deux personnes partageaient un repas. Des fleurs colorées ornées les abords de la cour, apportant une touche de beauté et de réconfort à cet environnement rural.

        Comme dans un rêve, les deux personnes, un homme d’une soixantaine d’années et une femme d’une trentaine, sans doute, sourirent de toutes leurs dents et se levèrent.

        Vanessa leur rendit un sourire épuisé, mélancolique mais non moins chaleureux en allant à leur rencontre. Ether et moi nous regardâmes, et sans un mot, convenîmes de rester en retrait.

        — Bonté divine ! s’exclama le vieillard en s’approchant de nous maladroitement. 

        Il s’agissait d’un homme d'apparence ordinaire, avec des traits faciaux caractéristiques de la sagesse et de l'expérience. Il était de taille moyenne, avec une posture légèrement courbée qui témoignait de son âge avancé. Ses cheveux gris et blancs, épars étaient soigneusement coiffés en arrière. Son visage était marqué par les rides du temps, témoignant des années qu'il a vécues et des épreuves qu'il avait sûrement traversées.

        La fille à ses côtés devait être un peu plus jeune que moi. Sa courte chevelure brune encadrant délicatement son visage délicat. Ses yeux étaient d'un noir profond, brillaient avec une lueur de curiosité.

        — Quelle surprise, Vanessa ! fit-il en prenant l’intéressée dans ses bras. Viens là ! Mon Dieu, laisse moi te regarder (Il s’éloigna en prenant son visage en coupe dans ses mains avant de l’examiner), regarde-toi, tu as l’air épuisée. Et ma petite Ange ?

        Il s’accroupit avec difficulté avant de regarder Angela qui s’était cachée derrière sa mère. 

        — Ma pauvre petite, tout ce chemin a dû être éprouvant pour toi, lui dit-il en lui caressant la tête avant de se relever. Venez, venez, ne vous faites pas prier enfin, entrez ! Allons discuter à l’intérieur.

        Il agita frénétiquement les bras en nous incitant à le suivre dans la maison. Ether et moi nous regardâmes avant de suivre le mouvement. 

 

 

        La salle à manger dans laquelle nous nous trouvions était éclairée par la douce lueur d'une lampe à pétrole posée sur une étagère en bois usé. Les murs étaient revêtus de vieux panneaux de bois, marqués par le temps et témoignant de l'histoire du lieu. Les fenêtres étaient partiellement recouvertes de rideaux délicats, laissant entrer la lumière naturelle tout en préservant l’intimité des lieux.

        Une grande table en bois trônait au centre de la pièce, usée par les années mais solide. Des chaises assorties, rembourrées de coussins usés, entouraient la table, offrant des places accueillantes pour les repas partagés. Des nappes colorées et tachées de souvenirs recouvraient la table, ajoutant une touche de vivacité et de convivialité aux lieux. 

        Sur l'un des murs, une étagère en bois abritait une petite collection d'objets précieux et de souvenirs personnels. 

         Installées autour de la table à manger, la fille nous servit du thé à la camomille tandis que le vieillard s’évertuait à nous expliquer les propriétés relaxantes et apaisantes de celui-ci.

        Il déposa quelques biscuits près d’Angela qui se dépêcha de les engloutir.

        — Tout ce chemin a dû vous épuiser, déclara-t-il en fouillant dans un placard. Je n’ose pas imaginer votre état de fatigue.

        — Oui, répondit Vanessa en remuant son thé d’un air mélancolique. C’est vrai que ç’a été éprouvant.

        Ether lui jeta un furtif regard avant de prendre un gorgée en regardant ailleurs, pensive.

        — Je m’attendais à ce que tu viennes beaucoup plus tôt, fit-il. Avec tout ce qui s’est passé… Qu’est-ce qui t’a pris autant de temps ?

        Vanessa remua, mal à l’aise, en caressant le sommet de sa tasse.

        — M’en aller n’aurait fait qu’attirer l’attention. Surtout avec tout ce qui s’est passé, comme tu le dis. Il fallait que je fasse profil bas, que je me fasse petite en attendant que l’opportunité se présente. Et puis surtout, j’avais des obligations à honorer.

        — Ah, obligations ! s’exclama-t-il, scandalisé et moqueur. Au diable cette meute de hyènes. Si tu veux mon avis, ce qui leur est arrivé est mérité !

        — Sackarias !

        — Pitié Vanessa, ne me regarde pas comme ça ! lança-t-il. Tu n’avais rien à faire avec eux pour commencer. Si ce satané Gideon n’avait pas débarqué pour t’arracher à nous, tu ne te retrouvais pas dans cette horrible situation aujourd’hui. Je ne sais pas ce qui a poussé le Primedia à leur faire ces horribles choses, mais ce n’est pas parce que des personnes encore plus malveillantes existent qu’il faut en conclure qu’ils ne l’avaient pas cherché !

        Sackarias savait donc que le Primedia était derrière cet assassinat. Cela devait expliquer pourquoi il m’avait accueillie aussi chaleureusement. Vanessa lui en aurait-elle parlé ? En savait-il beaucoup sur cette histoire ? Où peut-être n’avait-il pas accès aux chaînes d’informations ? Décidément, cette histoire s’avérait beaucoup plus complexe que je ne le croyais. 

        Je pris une gorgée de thé tiède. C’était la raison pour laquelle la politique ne m’avait jamais intéressée. Toutes ces magouilles, cette hypocrisie et ces faux semblants. Plus on essayait de les comprendre, plus on se retrouvait enterrés dedans, et avant qu’on puisse s’en rendre compte, toute notre famille se retrouvait six pieds sous terre. 

        Pour éviter d’être mêlée à toutes ces histoires, j’avais toujours fait en sorte de rester à ma place et de ne poser aucune question. Je n’avais jamais été fervente de drames et ma vie monotone me convenait parfaitement, je n’aimais pas sortir de ma routine. Mais de toute évidence, à trop vouloir chercher le calme, c’est lui qui nous fuyait. Voilà où j’en étais réduite à présent : Au premières loges de la crise politique de l’État.

        — Gideon n’y est pour rien, s’insurgea Vanessa avant de prendre une profonde inspiration. Cela ne sert à rien de trouver quelqu’un à blâmer aujourd’hui. Il ne reste plus personne de toute façon.

         — Comme ça les arrange ! Qui c’est, maintenant, qui paie les pots cassés, hein ? insista-t-il alors que Vanessa poussait un soupir résigné.

        Ether et moi nous regardâmes sans trop savoir où nous mettre. Sackarias se calma également et prit soudainement conscience de notre existence.

        — Excusez mes manière et mon impolitesse ! se pressa-t-il en s’approchant de nous pour nous serrer la main avec un grand sourire. Quel hôte je fais ! Je ne me suis ni présenté ni pris la peine de faire votre connaissance. Je m’appelle Sackarias, je suis le parrain de Vanessa. Je suis ravie de vous rencontrer et permettez-moi de vous adresser mes plus profonds remerciements. Merci d’avoir tiré ma filleule de ce guêpier et d’avoir si bien veillé sur elle sur le chemin. Elle a eu de la chance de rencontrer des amies aussi bienveillantes que vous.

        — Eh bien, en fait, nous ne sommes pas—, commençai-je.

        — Je ne serais jamais parvenue jusqu’ici sans elles, me coupa Vanessa. Je leur dois une fière chandelle et je les remercie d’avoir couru de tels risques pour m’aider. Je les remercie du fond du coeur. (Elle nous regarda à tour de rôle, en finissant par Ether) Toutes les deux.

        Ether soutint son regard avant de hocher la tête. Vanessa fit de même en retour.

        Je ne savais pas à quel point elle était sincère, mais je supposai qu’avouer que nous avions tenté de la tuer ne jouerait pas forcément en notre faveur dans l’immédiat.

        — Ah bon ! Puis-je avoir le nom de ces courageuses et magnifiques jeunes filles ?

        — Euh, je…, hésita Ether en me jetant un coup d’oeil.

        Comme le mensonge était apparemment devenu coutume, je supposai qu’il était logique de mentir sur nos identités. J’ouvris la bouche mais Vanessa me devança.

       — Voici Jaïna Isalys Uriwynn et Ethereal Draatinga.

        Je tournai la tête vers Ether.

        Ethereal ?

        Elle me lâcha un sourire contrit en haussant les épaules.

        Je secouai la tête avant de reporter mon attention sur Sackarias et de jauger sa réaction. Je m’attendais à ce qu’il écarquille les yeux de frayeur ou qu’il se mette en colère avant de nous jeter dehors, mais au lieu de ça…

        — Oh mais oui, la fameuse criminelle d’Odium et la fille du barbare Draatinga ! s’exclama-t-il tout sourire.

        D’accord. Ce type était au fait des évènements. Et était illuminé.

        Il nous remercia joyeusement en faisant fi de nos identités, sans que nous ne nous détendions pour autant. Mal à l’aise, je me réfugiai derrière ma tasse de thé et pour la première fois depuis que nous étions rentrées dans la maison, croisai le regard de la jeune fille que j’avais vue plus tôt. Je ne savais pas si elle venait d’arriver ou si elle s’était évertuée à tenir le mur, dans un coin de la pièce, depuis le début, mais son regard n’avait rien de chaleureux. Le regard suspicieux et teinté d’un zeste d’animosité n’avait, on pouvait le dire, rien à voir avec la réaction de Sackarias.

        Suivant mon regard, Ether posa les yeux sur la fille. Suivie ensuite par Vanessa, Sackarias et… Angela, qui devait se demander ce qu’il y avait de si intéressant à fixer.

        Sackarias balaya l’air d’un geste de la main.

        — Ne prêtez pas attention à elle ! lança-t-il alors que nous reportions notre attention sur lui tandis qu’elle détournait le regard. Les noms ne sont que des noms. La réputation se forme à partir de nos actions et chacune d’entre elle peut-être réécrite. En ce qui me concerne, mon opinion est toute faite ! Peu importe votre histoire, votre milieu ou ce que vous avez pu être par le passe. En cet instant précis, vous êtes des gens bien et vous avez ma reconnaissance la plus sincère. (Il s’approcha de nous et posa ses mains sur les nôtres) Jaïna et Ethereal, merci mille fois. C’est en prenant conscience qu’il existe encore des gens comme vous, je retrouve foi en la bonté humaine.

        Ce qu’il dit me laissa bouche bée alors que quelque chose se réchauffait dans ma poitrine. Soudain, j’eus du mal à soutenir son regard. Je baissai la tête en marmonnant un « Merci » à peine audible auquel il me répondit par une tape sur l’épaule.

        Il nous lâcha précipitamment, comme frappé par la foudre.

        — Nom d’un petit bonhomme ! Mes excuses, je suis un vieillard qui radote, ricana-t-il. Vous êtres toutes les trois mortes de fatigue. Enfin, (Il posa les yeux sur Angela qui sourit timidement.), toutes les quatre ! (Il se tourna vers la fille, adossée distraitement contre le mur.) Jesca peux-tu leur montrer leurs chambres et les salles de bains pour qu’elles puissent prendre un bon bain et se reposer ? Faites comme chez vous, il est encore tôt mais ma femme ne devrait pas tarder à rentrer. Nous vous préviendrons lorsque le déjeuner sera servi. Allez, allez, zou !

       

        L’idée de m’attarder ici me rendait nerveuse. Et si quelqu’un découvrait cette ferme ? Mais selon les dires de Vanessa, nous ne risquions rien ici. Sackarias, Jesca et sa femme étaient des nobles de Specter, proches du Primedia dans leur jeunesse, qui s’étaient enfuis afin de vivre loin de ennuis du pays. Personne n’était venu les chercher ici malgré le grabuge sur leur « disparition ». Ether et moi voulions également nous rafraîchir. Comme Vanessa avait pris la salle de bain du bas, nous tirâmes à pile ou face et je fus la première à passer au bain. Cela me fit un bien fou. Jesca me demanda de lui confier mes affaires afin qu’elle puisse lancer une machine. Malheureusement, je découvris après coup, en fouillant dans mon sac, que je n’avais pas pas prévu de stock de vêtements de rechange. Je n’avais pas récupéré la tenue que je portais avant la mission, je n’avais pas gardé la robe de Caitlyr et je venais de donner l’uniforme que je portais. Je me maudis intérieurement en m'enroulant dans une serviette avant d’entrer dans la chambre qui m’avait été assignée. 

        La chambre était relativement petite mais accueillante. Elle était meublée avec simplicité mais avec une touche personnelle. Sur le sol, trônait un tapis usé et doux, ajoutant une certaine chaleur à l'environnement. Les murs faits de bois brut, créaient une atmosphère rustique et accueillante.

        Un lit double était placé contre un mur, couvert d'une couette colorée et de quelques oreillers.       

        À côté du lit, une petite table de chevet abritait des lampes, des livres, des magazines et quelques objets décoratifs.

        Dans un coin gisait un petit canapé avec des coussins près d’une étagère remplie de souvenirs et de photos. 

        La chambre était également bien éclairée avec plusieurs fenêtres qui permettaient à la lumière naturelle d'entrer pendant la journée. 

        Je tirai les rideaux légers et colorés avant de m’allonger en poussant un long soupir de satisfaction. Mes yeux secs me piquaient alors je les fermai quelques secondes en tentant de faire le vide dans mon esprit. Puis, sans m’en rendre compte, tombai dans un profond sommeil.

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