Au début, bien qu’habitant à l’opposée l’une de l’autre, l’une proche de la mer aux milles teintes, limite occidentale du royaume, l’autre à la frontière orientale, proches des hautes montagnes et des ennemis à casques pointus, tout se passa bien. Axelle et Callista avaient trouvé un moyen infaillible de rester en contact. Axelle avait envoyé à Callista une boule de cristal, outil habituellement utilisé par les sorcières confirmées pour lire l’avenir. Mais l’ingéniosité d’Axelle ne connaissait pas de limites et avec l’aide des connaissances de Callista, en bidouillant les réglages de la boule, elle avait réussi à la connecter à sa boule personnelle et ainsi, elles pouvaient se voir et se parler dès qu’elles le voulaient. C’était très pratique, on pouvait même croire que l’on était ensemble pour de vrai !
Chacune était épanouie, Axelle apprenait toutes les techniques secrètes du maniement de la baguette magique, Callista les secrets des langues oubliées que parlaient naguères les Anciens et les Pierres, le peuple antérieur aux fruits et légumes du Potager. Chacune se fit de nouveaux amis dans leurs écoles respectives mais aucun de ces nouveaux amis n’était égal à Axelle ou à Callista.
Le temps passa ainsi. Plusieurs fois, elles entreprirent un long voyage pour se voir. En ces temps, il était très difficile de voyager sur de si longues distances, les routes n’étaient pas aussi sûres qu’aujourd’hui, les moyens de transports étaient rares, chers et véritablement inconfortables. Les auberges n’étaient pas toujours très propres ni les aubergistes très polis.
Le temps passa encore. Leurs appels via boules de cristal interposées commencèrent à se faire moins souvent : Axelle était trop fatiguée après sa journée de cours à l’Académie ou alors Callista avait une conférence obligatoire sur la peinture rupestre ou encore Axelle avait, sur les mauvais conseils de Salem, invoqué le mauvais démon dans les toilettes.
Puis leurs appels commencèrent à se faire rares. Axelle travaillait énormément, Callista travaillait tout autant et chacune était triste que l’autre ne puisse lui répondre.
Un jour, Callista essaya d’appeler Axelle. Elle s’installa dans son fauteuil et posa ses mains sur la boule. La boule, en essayant de se connecter à celle d’Axelle, changeait de couleur, passant du bleu au violet puis du rouge au jaune. La boule s’éteignit subitement. Callista réessaya et la même chose se passa. « Ce n’est rien, se dit Callista, Axelle doit avoir déconnecté sa boule pour ses expériences, elle me rappellera plus tard. » Callista prit son sac et partie, elle devait retourner en cours.
À peu près au même moment, à Ondelune, Axelle se tenait près de la haute fenêtre au sommet de sa tour.
« Tiens, dit Axelle, voilà un moment que je n’ai pas pris de nouvelles de Callista. Comme j’ai un moment de libre, je pourrais essayer de l’appeler. Qu’en penses-tu Salem ?
-Cela me paraît bien, dit Salem en baillant, comme ça j’en profiterai pour faire une sieste.
-Tu passes déjà tout ton temps à dormir, pourquoi ne ferais-tu pas autre chose pour une fois ? Il y a plein de souris à la cave.
-Je dors parce que je suis un chat. Et je ne chasse pas les souris parce que tu me nourris. Je ne vais quand même pas me fatiguer à courir alors que ma gamelle est pleine !
-Bon, laisse-moi tranquille monsieur Je-sais-tout, maintenant je vais appeler Callista. »
Axelle fit comme Callista, elle posa ses mains sur la boule et se concentra. La boule clignota un moment avant de s’éteindre. Perplexe, Axelle recommença et la même chose se produisit. C’était décidément bien étrange ! Cela ne s’était jamais produit auparavant.
Axelle réfléchit un moment à la situation et se dit qu’il devait s’agir de turbulences dans les ondes magiques. Cette explication rassura Axelle car elle savait que quelques fois, quand une boule était déjà en communication avec une autre, cela pouvait empêcher d’autres boules d’entrer en contact. Callista devait être en train de discuter en ce moment.
« Bon, ce n’est pas grave, je la rappellerais plus tard. Salem ! Réveille-toi, nous avons des devoirs à faire. Aide-moi, il faut que tu ailles me trouver des ailes de chauve-souris pour la potion d’invisibilité.
-Oh la la ! ce que tu peux être exigeante ! dit Salem en levant les yeux au ciel, mécontent d’être dérangé dans sa sieste.
-Et cette fois, je veux de vraies ailes de chauves-souris, pas des ailes en feutre !
-C’est bien ce que je dis, tu es très exigeante…
-Tu sais bien que c’est l’exactitude des ingrédients qui fait la réussite des potions.
-Et donc toi tu acceptes que des livres te disent quoi faire sans broncher ? Je te pensais plus libre d’esprit…
-Ce que tu peux m’énerver !