Mise à jour 09/04/2024, corrections de coquilles
Nordamón, quartiers de l'Observatoire
Ith, mâh ashen'amrhâ...
« Une spirale, chemin sinueux. Il descend vers les profondeurs. »
« Des cris. Un enfant ? »
Ith, mâh ashen'amrhâ... Ith, akh'at Sënaphys...
« Des ruisseaux de sang. Ils se répandent... »
« Des ruines. »
« La spirale. Des sphères. Quelque chose en son cœur. »
« Un monastère. »
Ith, akh'at Sënaphys !
⁂
Morwën se redressa dans son lit, éprouvée, le front humide de transpiration. Elle frissonna ; les mancies provoquaient souvent quelques fièvres nocturnes et à présent, elle tremblotait de froid. Reprenant ses esprits, elle attrapa une paire de gants sur le guéridon et observa ses mains abîmées, dévorées par des cicatrices rosâtres, avant de les enfiler.
« Des spirales et des rivières de sang... » Murmura-t-elle à demi-mot, tentant de se remémorer les visions oniriques abstraites, en vain. De toute évidence, l'attraction avait échoué, une nouvelle fois. Un mouvement, à ses côtés, la tira de ses pensées ; elle sentit des lèvres se poser sur son épaule dénudée et sourit.
— Qu'est-ce que tu marmonnes ? susurra Lazarus à son oreille.
Il écarta la très longue chevelure carmin et embrassa son cou.
— Tout va bien ?
La jeune femme esquissa un nouveau rictus et se leva afin d'allumer les chandelles d'un candélabre. L'érudit l'observa dans la pénombre et s'étira.
— Oui. Un simple rêve ! répondit-elle, en revenant sur le lit.
Elle déposa un baiser sur le torse glabre de son amant et plongea un regard vairon dans le sien. De son visage fier, aux traits altiers, on ne retenait qu'une hétérochromie singulière, offrant à l'un de ses iris une couleur mordorée tandis que l'autre arborait une teinte améthyste. Grande, svelte, ses cheveux parfaitement lisses, d'un rouge flamboyant, tombaient sur ses reins d'albâtre.
Lazarus soupira et croisa les mains derrière sa tête.
— Tu es bien matinale...
— Justement ! Tu devrais retourner dans tes appartements avant qu'on te croise dans les couloirs.
Morwën se releva, fébrile et s'empara de l'aiguière près d'une coupole de fruits. Elle versa de l'eau fraîche dans un gobelet de bronze et savoura une quetsche. Le fruit redonna quelque couleur à son teint livide. L'érudit la rejoignit et passa les bras autour de sa taille. Il effleura la hanche de la jeune femme, du bout des doigts, collé contre son dos moite.
— Si quelqu'un m'avait vu rôder ici, toute la cité serait déjà au courant ! Et qu'à cela ne tienne, tu ne t'es jamais caché de tes relations, il me semble. Que ce soit avec Tomos ou Zinat...
— Ce n'est pas pareil. (elle se retourna et s'appuya contre la console derrière elle.) Avec Tomos, nous étions assez libres. Et pour Zinat et bien... Avec tout le respect que je lui dois, elle n'est qu'une herboriste, aussi douée soit-elle. Mais toi, tu fais partie du Consilium. On pourrait me reprocher de ne pas être objective dans mes fonctions si cela venait à se savoir.
Lazarus se servit un verre d'eau et feint un rire moqueur.
Les Consiliarii jouaient un rôle conséquent au sein de Nordamón. Constitués de quatre érudits élus par suffrage, il leur incombait d'assister le Sabius-Imperium dans la législation de la cité-état, durant un quinquennat. Le Consilium se réunissait quotidiennement pour évoquer diverses problématiques, soumettre leurs avis et leur fonction permettait également de destituer le régisseur de son titre, en cas de faute grave pouvant compromettre la stabilité de la Nordamón. Or, Morwën, bras droit du Sabius-Imperium, siégeait à l'Intendance ; sa position exigeait, entre autres, de départager les consiliarii en cas de désaccords ou d'égalité des voix. Afficher ouvertement ses sentiments envers l'Alchimiste pouvait mettre en péril son impartialité manifeste. Ce qui était, somme toute, ridicule à ses yeux, bien que les autres membres du Consilium ne seraient certainement pas du même avis.
— Tu pourrais te présenter, les élections approchent... lança Lazarus, non sans une once d'ironie.
— Faire partie du Consilium ? Non merci ! Si je ne suis plus obligée de rester sur ce maudit continent, j'espère bien rejoindre Daemorias ! Et toi ? Tu comptes te représenter ?
— C'était un sarcasme. Je sais, ô combien, tu détestes la politique. Ça et le reste. Pour ma part, je ne suis pas fixé... Membre du Consilium, ça a ses avantages, je ne t'apprends rien. Mais si tu pars, je vais m'ennuyer ferme l'hiver prochain. Les nuits sont froides, ici...
— Dois-je te rappeler que tu n'arrêtes pas de te plaindre des interminables réunions du Consilium? Lors de la dernière, tu prétendais que les discours incompréhensibles du vieux Vibius étaient moins barbants ! (elle l'enlaça de ses bras diaphanes.) Viens avec moi. L'hiver est plus doux en Urhâal du Nord. Et puis... La Thyssalie n'était-elle pas le berceau de la Science Arcanique ?
— Tu n'es qu'une vile tentatrice. Tu le sais, ça ?
Morwën l'embrassa, puis se dirigea vers un paravent en bois d'ébène ouvragé.
Dehors, le tonnerre gronda. De lourds rideaux recouvraient les immenses fenêtres donnant sur les nuages noirs et menaçants qui surplombaient la cité-état, tel un mauvais présage.
À cheval entre les royaumes de Balmor et de Valcombe, l'Observatoire s'élevait sur le Tertre au dédale – une colline artificielle datant de plusieurs milliers d'années – dont les tours imposantes dominaient la ville, en contrebas. On ne pouvait accéder à ce bâtiment que par le labyrinthe, tout aussi archaïque, entourant le monticule.
Nordamón accueillait des philosophes, des théologiens, des historiens, mais aussi des manciens, des alchimistes, des mires et des mages. Tous vouaient une existence entière à la connaissance du Vaste-Monde, ce qui le composait et ce qui restait encore à découvrir. Des anciens mythes ayant traversés le temps jusqu'aux faits rapportés depuis le Grand Exode des Nahor d'occident – lequel marqua l'an 0 du Calendrier Keltysien – de nombreuses disciplines pouvaient être consultées au sein des grandes bibliothèques de l'Observatoire : la médecine, la botanique, l'astronomie, ou même l'antique Science Arcanique, surnommée à tort « sorcellerie » par les néophytes en la matière. La cité-état regroupait diverses universités afin que chacun puisse poursuivre sa propre quête du Savoir.
Ainsi, un traité séculaire maintenait une alliance entre Nordamón et les trois royaumes de Keltys. Les érudits, vivement sollicités et exonérés des taxes frontières, pouvaient arpenter librement les terres du continent. Cependant, les pratiques Arcaniques restaient proscrites en Lamos, depuis l'essor du culte monothéiste. Une peine, fixée par décret, condamnait à l'exil quiconque usait de cet art, acte consenti par l'illustre Ysir Kaerllíon – dernier Nahor d'occident ayant occupé la fonction de Sabius-Imprium – afin d'éviter une guerre religieuse, dans le passé.
Toutefois, l'apparition de la Souillure entacha définitivement la réputation de la cité-état, particulièrement dans les contrées Lamossiennes et Lazarus prenait à cœur de redorer l'estime de son art, à travers sa fonction de Consiliarius.
L'intendante, quant à elle, rêvait de rejoindre la grande citadelle de Phaëtos en Daemorias, au moins aussi célèbre que Nordamón, quoique plus élitiste, mais qui conservait en son sein tous les documents relatifs à l'antique Thyssalie – son incontestable passion ! – d'autant plus que le continent Uhrâalien ne se voyait pas envahi de créatures nocturnes.
— Des nouvelles de ton frère ? demanda Morwën, tout en passant une robe de chambre.
— Non. Pas depuis la dernière lune... Tu penses que le Sabius y est pour quelque chose ?
— Peut-être. Il est étrange ces derniers temps. Et son obsession pour l'Arcanium n'arrange rien.
La jeune femme s'installa devant une coiffeuse, derrière le paravent. Un amoncellement de pots, de pinceaux, de coffrets et de fioles recouvraient la petite table. L'intendante s'attela à relever sa longue chevelure à l'aide d'un bijou capillaire et observa le résultat dans un miroir à main. Dès lors, Lazarus attrapa ses braies et sa tunique noire aux passements argentés et s'en revêtit, à contre-cœur.
— En fait, je le comprends. Les visions d'Aranthur, bien que brèves et atypiques, je te l'accorde, indiquait un lien entre l'Arcanium et la Souillure. Le feu d'argent nous protège des larves, mais si l'on pouvait trouver un moyen de les éradiquer au lieu de les éloigner, ça calmerait les ardeurs des Lamossiens, dans un premier temps. Et tous le continent pourrait reprendre une vie normale, par la suite.
— Tu es d'un optimisme qui relève presque de l'utopie. Je croirai entendre Evarœs lui-même ! En quoi cette machine pourrait-elle nous débarrasser des larves ? Et puis, permets-moi de douter de ces visions...
— Toi, l'oniromancienne et mnémancienne, tu ne crois pas aux prédictions ? C'est une plaisanterie...
— Je suis historienne. Je n'ai jamais demandé à développer la mancie. Et j'accorderai de l'importance aux prédictions d'Aranthur le jour où il aura plus de sang que de pavot dans les veines ! Soyons sérieux un instant... Je conçois que les psychotropes peuvent déclencher des états de transes, j'ai eu recours moi-même à des stimulants plusieurs fois. Mais il faut savoir faire la distinction entre la vision-vraie et des hallucinations induites par l'absorption de toxines qui, dans son cas, frôle la dose létale !
Lazarus étouffa un rire, rejoignit son amante derrière le paravent et la contempla ; son front haut, ses lèvres fines, son nez droit, ses cheveux négligemment relevés : le contretype parfait d'une figure intellectuelle et suffisante.
— Il avait raison pour le feu d'argent...
— Il n'a eu qu'une vision médiocre comparée à ce que tu as accompli. Tout le mérite te revient. C'est grâce à ton travail acharné et ton talent pour l'alchimie que nous en sommes là.
— Sans ses prédictions, je n'aurai jamais pensé au Thyssalium...
Il attrapa son regard vairon et explora les nuances d'or et d'améthyste, jusqu'à dénicher une moue de désapprobation.
— Tu sais que je ne changerai pas d'avis sur la question... (elle reposa son miroir après une dernière vérification et se leva.) Je vais aux thermes. Profites-en pour rejoindre tes appartements et réfléchir à ma proposition ! Toi, moi, la bibliothèque de Phaëtos, les ruines de l'ancienne Thyssalie...
— C'est effectivement très tentant...
L'Intendante délaissa son amant en une dernière étreinte et s'éclipsa hors de la chambrée. Son sourire s'estompa dès qu'elle franchit le seuil, laissant place à un visage fermé, lourd d'appréhension. Depuis deux lunaisons, toutes ses attractions échouaient ; la vision onirique ne se laissait pas accrocher. Elle repensa à Aranthur ; bien qu'elle le méjugeait sur sa consommation de pavot, elle devait bien admettre que les psychotropes pouvaient l'aider à incuber une vision-vraie.
Traversant un long corridor, elle s'immobilisa devant une fenêtre. La ville, illuminée par les feux d'argents, brillait comme un millier d'étoiles. Elle resta là, pensive, le temps d'un instant. Un instant où elle espéra sincèrement quitter un jour cet endroit, une fois pour toutes.
⁂
Evarœs souleva une pile de manuscrits, délogea quelques incunables, se tourna, se retourna, faisant des allers-retours entre le grand bureau en chêne massif et les imposantes étagères.
— Mais bon sang de... Où est passé ce fichu codex ! Edryd !!
Un jeune homme âgé d'une quinzaine d'années, tout au plus, regarda autour de lui et pâlit. La chemise couverte de moutons de poussière et les cheveux blonds en bataille, il serrait, dans ses bras, de grands rouleaux de parchemin.
— Bouge ton arrière-train et viens m'aider !
L'apprenti déposa délicatement les précieux documents sur le bureau et releva la tête vers Evarœs Gwyddion. Ses tempes poivre et sel encadraient un visage émacié, légèrement ridé. Il possédait une barbe fournie, courte, d'un brun clairsemée de gris. À son cou trônait son Clac’h-An-Droídh – un pendentif circulaire en bois, sertis d'un ambre poli aux reflets ardents – artefact des érudits spécialisés dans les pratiques arcaniques animistes. Nommé Sabius-Imperium, titre emblématique le désignant comme régisseur de la cité-état, l'homme semblait plus agité qu'à son habitude, non sans raison : depuis peu, les archivistes venaient de retrouver les plans originaux de l'Arcanium, après des semaines de recherches laborieuses dans ce méandre de rayonnages que constituait les grandes bibliothèques.
Plusieurs salles composaient les quartiers Est de l'Observatoire, dont celle du célèbre Arcanium qui communiquait avec les appartements privés du régisseur. Au centre de la pièce monumentale, une machine de cuivre minutieusement ouvragée, aux engrenages complexes, émettait de faibles cliquetis, sans pour autant se mouvoir. L'Arcanium, conçu par Daelaryón le Savant, l'un des fondateurs de Nordamón, comportait des orbes de gemmes qui représentaient les corps astronomiques du système solaire ainsi que différentes énergies à l’œuvre dans le Vaste-Monde. Parmi ces sphères, on retrouvait la lune, le soleil, mais aussi les planètes Yrinius, Virius, Auria, Valmarya, Ysterius, ainsi que Thyrios et Sorios, les plus éloignées du Vaste-Monde. Néanmoins, le planétarium ne fonctionnait plus depuis plus de trois siècles si l'on en croyait les registres de cette période.
Le Sabius-Imperium s'avança vers l'armoire de fer, une autre merveille d'artisanat prestigieuse et à l'aide de plusieurs grandes clefs, il enclencha les mécanismes permettant d'ouvrir les portes ferrées. Le coffre-fort révéla diverses reliures vétustes, des manuscrits, des volumens, des tablettes de pierre et de cire, des rouleaux parcheminés et plusieurs coffrets. Evarœs contempla longuement l'armoire, les sourcils froncés, souffla d'exaspération et se tourna vers les étagères.
— Ah ! Le voilà ! s'écria le régisseur, au bout d'un moment, avant de déplacer l'échelle d'un rayonnage. Qui a rangé ça ici ? Combien de fois vais-je devoir le répéter : tout ce qui concerne l'Arcanium doit être placé dans l'armoire de fer !
— Oui, Sabius-Imperium...
— C'est important, mon garçon. Sans le manuscrit de Daelaryón, on ne peut pas déchiffrer ces plans !
Evarœs attrapa le codex, descendit de son perchoir et frotta vigoureusement sa tunique en brocart vert émeraude.
— Bien, retrouve Mawdrey et dis lui de venir ici.
— Mawdrey... ?
— Théodore Andrius Mawdrey, oui !
— Mais je... Je ne sais pas où il habite...
— Allons, mon garçon. Je sais que tu mets rarement le nez dehors mais il va falloir être un peu plus débrouillard. Si tu comptes devenir Maître Archiviste, il faut...
Il laissa sa phrase en suspens à l'arrivée de l'Intendante, laquelle dépassa le chambranle, documents en mains, faisant claquer ses talonnettes sur le plancher. Habillée d'une robe sobre lie-de-vin, elle réajusta ses gants de soie blanc et salua le régisseur, sans prêter attention à Edryd.
« — Ah ! Tu tombes bien ! Où est Mawdrey ?
— Probablement dans son atelier, en ville. Ce n'est pas faute de lui avoir débloqué des appartements dans les quartiers ouest, pourtant. (elle posa ses yeux vairons sur l'apprenti archiviste.). Demande aux passeurs du labyrinthe, ils pourront t'aider. »
— Merci, Intendante... bredouilla l'adolescent, terrorisé par la jeune femme, dont tous reconnaissaient l'âpre caractère.
Il traversa la salle rapidement sans relever le nez du sol, tel un souriceau poursuivit par un chat, sous le regard réprobateur de Morwën.
— Tu n'avais pas d'apprentis plus compétents sous la main ?
— Il est compétent ce petit ! Il s'est même levé aux aurores pour m'aider. Non, il passe juste trop de temps dans ce foutoir ! Hier, j'ai retrouvé Les voluptés de la marquise de Sombrel entre de L'Art de la guerre selon Vorguël III et Bann-Khnaman, Bann-Wën : une étude anthropologique. Ce n'est plus possible ! (il marqua une pause, démunis face à cette situation inconcevable.) Tu sais quoi ? Je vais réveiller tous ces fainéants d'archivistes pour qu'ils classent correctement les documents des bibliothèques. Il est grand temps de cataloguer tout ce bazar !
— Et bien, ils vont avoir de quoi s'occuper pendant plusieurs décennies...
Le régisseur grommela, enfila une paire de gants en lin et s'attela à dérouler avec précaution l'un des parchemins sur son bureau. Le document illustrait en détail quelques sphères schématisées de l'Arcanium, le tout annoté par un alphabet codé et du Vieux Balmorien. Morwën se pencha pour examiner le plan, sans grande conviction.
— Pourquoi cherches-tu Théodore ? Je doute que cet imbécile te soit utile à quoi que ce soit...
— Ne sois pas si méprisante. Théodore Mawdrey est loin d'être idiot. C'est un cador de l'ingénierie. Je le qualifiai même de génie !
— Un génie ? Quand je pense aux fonds qui lui sont alloués pour sa machine volante ! Ça ne tiendrait qu'à moi, je...
— Ça ne tient pas à toi, fort heureusement d'ailleurs, de juger de quelles manières les fonds de Nordamón sont dépensés.
— Certes. Je ne suis pas la trésorière. Cela ne m'empêche pas d'avoir mes propres opinions et de t'en faire part, si ?
— Hum. Bon, qu'il a-t-il à l'ordre du jour ?
Le Sabius-Imperium ouvrit une page du codex de Daelaryón et posa l'ouvrage à côté du parchemin afin de déchiffrer les symboles cryptés. Morwën leva les yeux au plafond, secoua subtilement la tête et déplia l'une missive frappée d'un sceau afin d'en relire le contenu.
— Une lettre est arrivée hier. Un seigneur Balmorien nous recommande l'un de ses fils cadets. Il aurait des prédispositions à l'érudition et aimerait suivre son premier cycle d'études... Et cætera, et cætera... Qu'est-ce qui te fait rire ?
— Tu remarqueras que ce sont souvent des enfants de la noblesse qui ont des « prédispositions », à en croire ces seigneurs. On nous recommande rarement des gamins issus de milieu plus modeste. Pourtant, ces derniers se révèlent beaucoup plus assidus, et, crois-moi, j'en ai vu des apprentis ! Mais ceux qui ont de réelles prédispositions n'ont pas les moyens de continuer leurs études...
— Et c'est pour ça qu'il existe des bourses pour les plus méritants. À vrai dire, je ne te comprends pas sur ce point. C'est grâce à la progéniture de ces riches seigneurs que Nordamón peut débloquer des fonds de recherches. Fonds alloués à des génies qui passent leur temps à gribouiller des « aéronefs »...
— Sans ces génies, nous serions envahis par les larves. Le financement de l'aéronef n'est rien comparé à ce que coûte l'entretien des feux d'argent, nécessaires à notre survie. Et sans ces fonds, Lazarus n'aurait jamais eu les moyens de le mettre au point.
— Tu admettras que ces feux sont également plus que rentables. Combien de barils envoyons-nous chaque mois en Balmor et en Valcombe ? Combien d'alchimistes formés à sa production ont été affecté dans ces royaumes ? Tout cela recouvre largement le coût d'importation du Thyssalium.
— Certes. (Evarœs s'empara d'une loupe et l'approcha d'un caractère.) En parlant d'affectation, tu penses te représenter lors des prochaines élections ? Tu es plutôt douée pour l'intendance. Il y a aussi ce seigneur de Valcombe... Il recherche un mancien et en offre une très forte somme. Je me disais qu'avec tes capacités...
— Je t'arrête tout de suite. Il est hors de question que je sois vendue, comme un bovin lors d'une foire. À un seigneur Valcombois, de surcroît ! Je ne remettrai pas un pied dans ce royaume. De plus, tu sais que je ne perçois que les choses passées, je ne lui serais d'aucune utilité. Et si j'ai accepté ce poste d'Intendante, c'est uniquement parce qu'il pouvait m'ouvrir les portes de la citadelle de Phaëtos. Je ne renouvellerai pas un autre mandat.
— Ce n'était qu'une proposition, je ne voulais pas t'offenser. Si tu tiens tellement à rejoindre Daemorias, j'appuierai ta requête, en rédigeant une lettre de recommandation à la Hiérophante, cela va de soi. Je voulais être sûr que tu avais bien réfléchi à la question.
— J'y ai très bien réfléchi, je te remercie.
Le régisseur remua les lèvres silencieusement à la lecture du codex. De temps à autre, il relevait les yeux sur le plan afin de le mettre en corrélation avec les mémoires de Daelaryón. Puis il reposa l'ouvrage, vraisemblablement satisfait.
— Hum. Je pense que l'on va pouvoir comprendre ce qui débloque dans cette machine et la remettre en marche !
— Peste soit de cette obsession ! Nous avons des choses plus importantes à régler. La venue de ce forgeron d'Urhâal par exemple. Quant à cette machine, elle a plus de mille ans, elle a déraillé, c'est tout. Ce qui m'étonne vraiment, c'est que ce tas de ferraille tient encore debout.
— Nous parlerons de tout cela à la prochaine réunion, oui. Pour l'heure, il me faut des feuilles de Khat. J'ai besoin de m'éclaircir les idées.
— Je dois passer au laboratoire. J'en profiterai pour te prendre tes feuilles avant la réunion du Consilium, si tu veux. Bien que je n'approuve pas que tu en prennes si souvent, sache-le.
Faisant fi des reproches, le Sabius-Imperium délaissa la conversation et se pencha à nouveau sur son parchemin. Le grondement sourd du tonnerre raisonna au loin et amena avec lui une pluie battante qui frappa les fenêtres du bâtiment. Morwën maugréa à l'idée de devoir faire un énième détour pour chercher sa mante.
J'avais un peu de temps alors j'en profite pour continuer ma lecture. Le changement d'ambiance est effectivement radical ! Personnellement j'ai tendance à apprécier les univers où plusieurs récits s'alternent. Je me demande bien si tu comptes faire rencontrer tes deux personnages principaux et de quelle manière.
Ce chapitre vient beaucoup nuancer ce qu'on avait vu de ton univers précédemment (qui, au passage, a l'air sacrément riche et étoffé). On a quitté le sang, la boue, la nuit et le bas-peuple pour le raffinement et l'instruction. Beaucoup d'informations intéressantes sont données par ci par là qui permettent de comprendre quelques petites choses (notamment que les érudits essayent de combattre la Souillure et n'ont pas l'air d'en savoir beaucoup plus que les autres !).
Les personnages sont plutôt bien définis et se présentent les uns après les autres, on évite donc le piège de la foule de noms à retenir ! On voit que des conflits internes sont présents dans la cité, ça promet d'être intéressant de voir qui aura le dernier mot.
J'ai relevé quelques coquilles au passage :
"le torse imberbe" > J'aurais plutôt mis "glabre", pas sûre qu'on puisse dire qu'un torse est imberbe
tous le respect > Tout le respect
sans prêté attention à Edryd > Prêter
sans relevé > relever
ces feux sont également plus que rentable > rentables
et en offre une très forte sommes > somme
Je jetterai un oeil plus tard à la deuxième partie. A très bientôt, et continue comme ça :)
Déjà je m'excuse du temps de réponse, j'avais vu ton commentaire et n'étant pas chez moi, je me suis dit "je répondrai en rentrant" et... J'ai oublié ^^'
Je suis ravie que cette première partie de chapitre 2 te plaise ! Et oui, deux salles, deux ambiances, entre le Lamos et la cité des érudits ! Normalement, les deux personnages finiront par se rencontrer oui ;) Mon fil conducteur, c'est Reagan et sa protégée, mais il y a plusieurs protagonistes principaux, d'où la volonté d'alterner le récit avec ce qui se passe ailleurs, pour que ce soit plus fluide. Très heureux si ça passe crème et qu'on ne s'emmêle pas trop avec les différents noms :)
Pour l'univers, oui, c'est étendu... Ça a été un gros travail d'architecte sur le fond pour que tout reste cohérent. Le plus dur étant toujours de diluer au compte-goutte le lore dans le récit ^^
Je te remercie énormément pour la correction des coquilles ! Et en effet, "Glabre", c'est peut-être plus approprié ! Je vais corriger tout cela dès que j'ai un moment.
J'ai vu aussi que tu avais posté la suite de "La tour du silence", je lirai ça dans la semaine !
Encore merci pour ton temps et tes encouragements, vraiment !
À bientôt !