Chapitre 2 - Une enfance à Velstrad

Chapitre 2 - Une enfance à Velstrad

Douze ans plus tard.

Velstrad était une ville fascinante, mais dangereuse. Nichée au cœur des montagnes de Kaldaria, elle représentait un carrefour vital pour les vaisseaux volants de l’Empire, attirant marchands, militaires et aventuriers de tous horizons. Mais sous la splendeur de ses quais aériens et la prospérité de ses quartiers commerçants se cachait une réalité beaucoup plus sombre. Les ruelles étroites et tortueuses de la basse ville, où la lumière du jour peinait à percer, formaient un véritable dédale. Les pavés usés, les bâtiments penchés dangereusement les uns vers les autres et les enseignes des tavernes rongées par le climat créaient une atmosphère oppressante. Ici, la misère était palpable, la survie quotidienne un combat. C’est dans ces rues hostiles que Lorcandir avait grandi. Âgé d’à peine douze ans, maigre et pourvu de grands yeux verts emplis de méfiance, il avait rapidement appris à se fondre dans la foule pour voler de quoi manger. Ses parents, dont il n'avait aucun souvenir, avaient disparu depuis longtemps. Aujourd’hui encore, il observait minutieusement les passants à la recherche d’une victime. Une femme bien vêtue, accompagnée d’un serviteur distrait, attira son attention. Silencieux et rapide, Lorcandir s'approcha avec adresse, plongeant ses doigts fins dans le sac de la passante. Il en retira une bourse rebondie qu'il dissimula aussitôt dans ses vêtements. Ce geste agile n'échappa pas à Sigmar, un homme grand et osseux aux cheveux gris, appuyé contre le mur d’une taverne mal famée, « La Bougie du Soir ». Intrigué, Sigmar observa attentivement l’enfant se glisser dans la foule avec l’agilité d’un chat sauvage. Il avait vu de nombreux jeunes voleurs dans sa vie, mais peu avec autant d'instinct à un si jeune âge. Curieux, il décida de suivre discrètement Lorcandir à travers les rues bondées de Velstrad. Le jeune garçon connaissait bien le risque qu'il prenait à circuler ainsi avec un tel butin. Dans les quartiers pauvres, certains voleurs attendaient patiemment que les pickpockets se remplissent les poches afin de les dépouiller à leur tour, sans effort. Le garçon était sur ses gardes, ses yeux vert vif balayant chaque coin de rue sombre, chaque silhouette suspecte. Il avait grandi dans la rue mais l’habitude des larcins n’avait pas chassé la peur. Même s' il avait appris à vivre avec, il devait parfois encore lutter pour ne pas s’enfuir. Mais fuir où ? songea-t-il, chassant l’image d’une ville aux mâchoires de pierre, prête à l’engloutir dans les ténèbres. Le cauchemar éveillé se dissipa tandis qu’il reprenait son souffle, adossé au mur poisseux d’une étroite ruelle. Un frisson le traversa. Son intuition le ramena brutalement à la réalité : deux adolescents venant de sortir de l’ombre lui barraient la route.

— Alors, mon gars, tu as fait une bonne récolte aujourd'hui, à ce qu’on raconte, dit le plus grand des deux en avançant d'un pas menaçant. Peut-être pourrais-tu partager un peu avec nous ?

Lorcandir recula lentement, cherchant rapidement une échappatoire. Mais un troisième garçon apparut dans son dos, empêchant toute retraite.

— Allez, ne sois pas stupide, insista le premier voleur en sortant une lame émoussée. Donne-nous la bourse, et on te laissera partir sans trop t’abîmer.

Sans répondre, le jeune garçon plongea soudainement vers la droite, esquivant la main tendue qui voulait le saisir. Avec une vivacité surprenante, il grimpa sur une caisse abandonnée et bondit vers une fenêtre à demi ouverte, se glissant habilement à travers l’ouverture trop étroite pour ses poursuivants, qui restèrent en bas, vociférants et impuissants. Puis il sauta de son perchoir et atterrit souplement sur le sol poussiéreux de ce qui semblait être une arrière-cour abandonnée. Il jeta rapidement un coup d’œil autour de lui, cherchant à reprendre son souffle, mais déjà les cris furieux de ses poursuivants résonnaient dans la ruelle adjacente. Il savait que ces gredins ne lâcheraient pas prise si facilement, attirés par la promesse d’un beau butin facile. Sans hésiter davantage, le voleur en herbe s’élança vers une échelle rouillée accrochée au mur d’un vieil entrepôt à moitié en ruine. Il grimpa agilement, ses mains fines saisissant les barreaux glissants avec une dextérité étonnante pour son âge. Arrivé en haut, il courut le long d'une passerelle branlante, suspendue à plusieurs mètres au-dessus du vide. Derrière lui, les trois adolescents surgirent au pied de l'échelle, hésitant une fraction de seconde avant de le poursuivre. La traque s’intensifiait à mesure qu’ils gagnaient en hauteur, courant de toit en toit, enjambant des balcons fragiles et escaladant des façades décrépies. Sous leurs pieds, la basse ville déployait ses ruelles sinueuses, grouillant de vie, tandis qu’au-dessus d’eux, la silhouette imposante d'un aéronef impérial traversait lentement le ciel, masquant brièvement le soleil déjà faible. Sigmar avait dû se concentrer pour ne pas perdre les garnements de vue. Mais il avait lui aussi arpenté ces toits plus jeune et il trouva rapidement un point d’observation afin de suivre la scène, amusé. Lorcandir bondit d’un toit à l’autre avec l’agilité d’une proie tentant d'échapper à son prédateur, mais les trois voleurs étaient plus âgés, plus grands et commençaient à combler l'écart. Arrivé au bout d'un toit, Lorcandir s’arrêta net. Devant lui, il n’y avait que le vide, une chute vertigineuse sur une rue animée. Il se retourna, bloqué. Les trois gredins arrivèrent face à lui en souriant, satisfaits d’avoir enfin coincé leur victime.

— Finie la promenade, le marmot ! lança l’un d’eux en avançant avec assurance, tout en brandissant sa lame.

Mais le garçon n'avait pas l'intention de se laisser faire. Son regard devint sombre. D’un geste vif, il attrapa une vieille tuile brisée à ses pieds et la lança en plein visage du plus proche, qui recula en poussant un cri de douleur. Profitant de cette distraction, Lorcandir plongea en avant, esquivant de justesse la lame d'un second agresseur. Il lui asséna un coup de pied sec à la cheville, faisant basculer le grand gaillard qui s’écroula sur les tuiles humides avec fracas. Le troisième voleur, furieux, réussit à l’attraper par le bras, tentant de l’immobiliser. Mais le jeune garçon était un bagarreur instinctif, habitué à la cruauté de la rue. Il mordit férocement la main qui le tenait, faisant lâcher prise à son assaillant dans un hurlement de douleur. Et d’un mouvement fluide, il asséna ensuite un coup de pied rapide dans l’entrejambe du garçon plié en deux. Sigmar, toujours dissimulé dans l'ombre d'un toit voisin, suivait le déroulement du combat avec fascination. Il avait vu de nombreux affrontements dans les ruelles de Velstrad, mais rarement avait-il assisté à une telle démonstration de hargne chez un si jeune garçon. Ce gamin avait définitivement quelque chose de spécial. Lorcandir aurait pu profiter de la confusion pour fuir, mais il voulait leur faire passer l’envie de s’en prendre à lui une bonne fois pour toutes. Se retournant brusquement, il attrapa un vieux manche de bois abandonné sur le toit et, sans autre technique qu'une férocité aveugle, il se rua sur les deux derniers assaillants, frappant au hasard tout en poussant un cri sauvage. Les adolescents, surpris par la hargne inattendue de l’enfant, reculèrent brièvement pour reprendre leur souffle, mais leur fierté blessée les poussa à revenir à la charge. Lorcandir, les poings serrés et le regard brûlant, se préparait déjà au prochain assaut. Le plus robuste des trois se rua vers lui dans un élan furieux, forçant Lorcandir à reculer jusqu'au bord du toit glissant. Alors qu'il cherchait à esquiver le coup suivant, Lorcandir perdit pied. Il bascula vers le vide, mais son adversaire, déterminé à lui arracher son butin, s'élança à sa suite et attrapa au vol la bourse toujours attachée à la ceinture du garçon, retardant la chute du jeune voleur par la même occasion. Suspendu dans le vide, Lorcandir se retrouva également cramponné à la bourse de cuir, chacun refusant obstinément de lâcher prise. Au-dessus d’eux, les deux autres garçons observaient la scène, hésitant à intervenir, conscients du danger.

— Lâche ça, gamin ! hurla l'adolescent en tentant de tirer pour lui arracher le butin.

Lorcandir baissa les yeux vers le vide qui s’étendait sous ses pieds. S'il lâchait prise maintenant, il perdrait ses gains : s'écraser en bas dans la rue lui parut à ce moment secondaire. Son instinct lui disait clairement ce qu’il devait faire. Avec un calme étonnant, il sortit rapidement sa petite lame émoussée et, sans hésiter, trancha la lanière de la bourse du côté de son adversaire. Les yeux écarquillés de surprise, le voleur poussa un juron en voyant la bourse lui échapper. Lorcandir chuta à toute vitesse, rebondissant violemment sur un premier toit pentu avant de traverser brutalement les planches pourries du vieil hangar situé en contrebas dans un fracas assourdissant. Son vol se termina miraculeusement dans un tas de paille et de fumier humide, amortissant largement l’impact mais lui arrachant un grognement étouffé. En haut, Sigmar, qui avait observé toute la scène depuis les toits voisins, se précipita pour savoir si le garçon avait survécu à sa chute. Il redescendit en faisant un crochet par la place du marché afin de venir avec du renfort au cas où. Lorcandir resta immobile de longues minutes dans le tas de fumier et de paille humide, le corps endolori par sa chute, le plafond du hangar tournoyant autour de lui. Serrant les dents, il tenta de se relever malgré une douleur lancinante dans les côtes. Autour de lui, la poussière retombait lentement dans l’obscurité du hangar. La porte grinça doucement et une silhouette apparut dans l’encadrement, bloquant la lumière du jour. L’homme était grand, maigre comme un roseau, avec un visage sec et rusé qui trahissait une vie passée dans les ruelles sombres. Il s’appuya nonchalamment contre le chambranle, croisant les bras en observant Lorcandir d’un regard perçant.

— Impressionnant, gamin. Ça fait longtemps que je n’ai pas vu quelqu’un lutter avec autant d'acharnement pour quelques pièces, dit-il d’un ton calme et amusé.

Lorcandir, méfiant, se redressa péniblement en reculant jusqu’à heurter le mur derrière lui. Ses grands yeux verts fixèrent l’inconnu avec une défiance presque sauvage.

— Qu’est-ce que vous voulez ? grogna-t-il, cherchant machinalement son petit couteau à sa ceinture.

Souriant légèrement, l’homme leva les mains lentement en signe de paix.

— Du calme, petit. Je ne suis pas là pour te faire du mal. Je m'appelle Sigmar. J'ai simplement observé ton petit numéro là-haut. Tu as du cran et tu te débrouilles bien, même si ta sortie laissait à désirer.

Lorcandir fronça les sourcils, peu convaincu par le compliment. Il restait crispé, prêt à bondir ou à fuir à la moindre menace.

Sigmar sembla lire dans ses pensées, car il ajouta d’un ton plus sérieux :

— Écoute-moi, mon gars. Je te regarde depuis un moment déjà, et je sais reconnaître un vrai potentiel quand j’en vois un. Mais seul, tu ne feras pas long feu dans ces ruelles. Crois-moi, j’ai vécu assez longtemps ici pour le savoir.

Le garçon demeura silencieux, mais Sigmar vit la lueur de défi vaciller légèrement dans ses yeux.

— J’ai pas besoin d’aide, répondit Lorcandir d’une voix farouche. Je me débrouille très bien tout seul.

La déclaration bravache résonna dans son esprit, alors qu’une douleur sourde lui remontait dans les côtes, ébranlant sa certitude. Sigmar éclata d’un rire sec, sans moquerie, mais avec une pointe d’admiration. 

— Oui, j’ai vu ça, dit-il en désignant le trou béant dans le toit. Et la prochaine fois, tu atterriras peut-être sur des pavés, pas dans un tas de fumier. Tu comptes survivre encore longtemps comme ça, gamin ? Il haussa les épaules. T’as du talent, c’est vrai. Mais ça ne suffit pas ici. Seul, tu resteras toujours une proie facile. 

Lorcandir resta muet, l’orgueil piqué au vif. Il jaugeait l’homme en face de lui, cherchant la faille, mais son instinct lui soufflait qu’il disait vrai. Un frisson lui parcourut l’échine lorsqu’il repensa à sa chute. Il aurait pu y laisser sa peau. La prochaine fois, je n’aurai peut-être pas cette chance, songea-t-il.

— Qu’est-ce que vous attendez de moi ? finit-il par lâcher, méfiant mais malgré tout intrigué.

Sigmar s’approcha lentement, réduisant la distance, mais laissant toujours une issue claire à l'enfant.

— Je dirige une petite bande, rien de très officiel. On s’entraide, on se protège, et surtout, on apprend à survivre dans ces rues sans risquer sa peau à chaque vol. Je ne te promets pas une vie de luxe, mais tu auras toujours de quoi manger, un endroit où dormir, et tu ne seras plus seul face à tous les voyous du quartier.

Lorcandir hésita, tiraillé entre sa fierté et son besoin viscéral de sécurité. Il serra les poings, cherchant à masquer ses émotions, mais Sigmar percevait clairement le conflit intérieur du garçon.

— Et en échange ? demanda Lorcandir, les yeux toujours fixés sur Sigmar avec défiance.

— En échange, tu suis mes règles, répliqua fermement Sigmar. Pas de coups en solo sans mon accord. Tu travailles pour la bande, et tu obéis aux ordres. Je te garantis qu'on fera de toi bien plus qu'un simple voleur à la tire. Tu as le potentiel pour survivre à Velstrad. À toi de voir si tu préfères risquer ta peau seul, ou si tu acceptes mon offre.

Lorcandir resta silencieux, son regard trahissant sa réflexion, son esprit pesant soigneusement les paroles de l’homme face à lui. Puis, après un long moment à hésiter, il finit par hocher lentement la tête, à demi convaincu.

— D’accord, murmura-t-il d'une voix basse. Mais au premier coup fourré, je me tire.

Sigmar sourit avec satisfaction, un éclat amusé éclairant ses yeux sombres.

— Marché conclu, gamin. Allez, viens. Je vais te présenter les autres.

Sigmar se détourna et poussa la porte branlante du hangar ; une lumière blafarde filtra par l’ouverture. Lorcandir hésita une seconde, puis suivit, le souffle court.

Le bâtiment débouchait sur une cour étroite, ceinte de palissades disjointes. Ils rejoignirent la bande que Sigmar avait rameutée, non loin de la place du marché, prête à en découdre.

— Je vous présente… commença Sigmar.

— Lorcandir, l’interrompit le jeune garçon.

Un voleur trapu scrutait Lorcandir de ses yeux rusés.

— Je suis Rapia, et voici Étos et Sierra, déclara l’homme au cigare, en désignant théâtralement ses deux comparses.

À cette annonce, Lorcandir prit enfin la mesure de ceux qui l’entouraient. Rapia se tenait en avant. L’homme était courtaud, la trentaine et assez rond. Une dent fêlée barrait son sourire de fouine et le bout rougeoyant d’un cigare pendait au coin de sa bouche. Entre ses doigts tachés par le tabac, une pièce de cuivre tournoyait sans cesse : tic-tac métallique qui trahissait un esprit vif et calculateur. Étos, lui, dominait le groupe d’une bonne tête. Plus large qu’un portique de taverne malgré son jeune âge, il portait déjà la rudesse des ruelles sur la peau : cheveux roux en bataille, taches de rousseur éclaboussant son nez retroussé, avant-bras puissants zébrés de petites cicatrices. Ses poings n’avaient pas besoin de menace ; serrés par habitude, ils promettaient une démonstration à la moindre provocation. Un grognement bref souligna son mépris quand ses yeux sombres croisèrent ceux de Lorcandir. Sierra complétait la bande, légèrement en retrait. Fine et souple, elle renvoyait la grâce tranquille d’un chat de gouttière. Une lanière de cuir retenait ses longs cheveux bruns, dévoilant un visage encore juvénile aux pommettes hautes et, détail saisissant, de grands yeux bleus où pétillait la malice. Son manteau rapiécé battait ses mollets, mais elle le portait avec une sorte de dignité silencieuse qui jurait avec la crasse des ruelles. Rien d’amical dans leur accueil, rien non plus d’ouvertement hostile, songea le jeune voleur, seulement le regard scrutateur de ceux qui jaugent la valeur d’une nouvelle pièce sur l’échiquier. Rapia fit lentement le tour de Lorcandir, tel un marchand inspectant une trouvaille ; la cendre de son cigare tremblait au bout de la braise.  Pas mal pour quelqu’un qui empeste encore le fumier, lança-t-il, mi-moqueur mi-intrigué. Lorcandir ne broncha pas ; il était déjà bien atteint dans sa fierté et il ne sentait plus le besoin de répondre. Au moins percevait-il derrière la pique plus de bienveillance que de moquerie.

— Allez, on y va, trancha Sigmar. Pas la peine de traîner : la garde n’a pas besoin de spectacle.

Le petit groupe s’ébranla vers le marché. Sierra se rapprocha, ses grands yeux bleus s’attardant sur les ecchymoses violettes qui fleurissaient déjà sous la tempe du garçon. 

— T’es tombé de haut, hein ? glissa-t-elle, un brin sarcastique. Reste sur tes pieds, la prochaine fois. 

Lorcandir voulut répondre, mais la douleur lancinante dans son crâne le musela. Étos le dépassa au même moment, le bousculant d’une épaule avant de cracher à ses pieds. Le jeune voleur repensa à son a priori sur le « rien d’hostile » en grommelant. Le petit groupe traversa ensuite le marché à vive allure, longeant les étals sous les regards indifférents des marchands. À cette heure-là, la foule commençait à se faire dense, et la tension semblait retomber. Lorcandir marchait en silence, son esprit bourdonnant autant que sa tempe meurtrie, jusqu’à ce qu’ils atteignent enfin une bâtisse sombre aux volets bringuebalants : « La Bougie du Soir ». L’auberge semblait sortir de la brume comme un navire échoué, mais une lumière jaune filtrait sous la porte, et des éclats de voix s’en échappaient. Sigmar s'engouffra dans la bâtisse sans un mot, suivi de Rapia, Étos, Sierra et enfin Lorcandir, hésitant. À l’intérieur, la chaleur et le tumulte du lieu contrastèrent brutalement avec la rudesse des ruelles. Sigmar échangea quelques mots avec la tenancière pendant que Rapia indiquait à Lorcandir un coin à l'étage où se reposer. Le garçon ne protesta pas. La journée avait été longue, et son corps meurtri réclamait enfin un peu de répis. 

Le lendemain matin, une odeur de pain chaud et de tabac tira Lorcandir de son sommeil. Il descendit dans la salle commune, encore engourdi. Rapia, déjà attablé, l’accueillit d’un geste.

— Allez, petit. Aujourd’hui, on sort, dépêche toi de me suivre.

Sur ces mots, Rapia se leva brusquement, laissant à peine le temps à Lorcandir d’attraper une saucisse sur la table avant d’emboîter le pas du voleur dodu qui quittait prestement la taverne. Ils marchèrent ainsi plusieurs minutes en direction de l’un des nombreux marchés de Velstrad, là où la ville basse grignotait les abords des quartiers plus chics.

— Le coin est un bon compromis entre les bas-fonds et les beaux quartiers, expliqua Rapia en mâchant son cigare. Pas trop risqué, mais avec des cibles honnêtes.

Ils approchèrent d’une rue animée, large et bordée d’échoppes disjointes. L’air y était chargé de cris et de vapeurs. Des enfants couraient entre les jambes des passants, les étals débordaient de fruits à moitié pourris, de poisson séché, de pain rassis. Des vendeurs haranguaient les clients d’une voix cassée, et une odeur mêlée de graisse chaude et de cuir usé flottait au-dessus de la foule. Au coin de la rue, Lorcandir aperçut Sierra. Elle les attendait, appuyée contre une colonne en pierre, les bras croisés. À la vue du garçon, elle leva légèrement les yeux au ciel, visiblement agacée.

— Bon, voilà le plan, mes mignons, lança Rapia en ricanant. On va voir comment le nouveau se débrouille… et surtout, comment il bosse en équipe. J’ai pas trop envie qu’il nous foire un coup plus gros, alors on va vérifier deux-trois trucs.

Il tira une bouffée sur son cigare, puis reprit :

— C’est simple. Lorcandir, tu fais diversion. Sierra, tu fais les poches. Une cible tranquille, rien de glorieux. Vous faites ça proprement, et on se retrouve ici pour fêter votre superbe larcin.

— Et pourquoi c’est moi qui doit le former ? soupira la jeune fille en levant ses grands yeux bleus au ciel.

— C’est peut-être moi qui vais t’apprendre des trucs, persifla Lorcandir, piqué au vif par la remarque.

Elle lui lança un regard noir, mais n’eut pas le temps d’en rajouter que Rapia la coupa net :

— Allez, c’est bon, vous êtes la crème des tire-laines, et c’est pour ça qu’on va visiter ce marché miteux.

Il ricanait encore, mais son ton était plus ferme. L’échange était clos. Devant l'inaction des deux apprenants, il se fit plus sévère.

— Je veux juste vous observer. Dépêchez-vous de me ramener quelques piécettes avant que je perde patience, lâcha-t-il en allumant son gros cigare et en fusillant les deux apprentis du regard.

Sierra se mit en marche vers le marché sans un mot, lançant à Lorcandir un dernier coup d’œil courroucé accompagné d’un signe nonchalant de la main pour lui faire comprendre qu’il devait suivre. Ce dernier mordit une dernière fois dans sa saucisse et lui emboîta le pas, les mâchoires serrées. Ils débouchèrent sur la place du marché des Trois Lanternes, déjà bondée malgré l’heure. Des étals ployaient sous les marchandises, des vendeurs beuglaient leurs prix, la vapeur des marmites de soupe se mêlait à l’odeur poisseuse du poisson. La foule grouillait, fluide et bruyante. Lorcandir en avait connu des marchés, mais celui-ci vibrait d’une tension sourde, presque imperceptible. Sierra marchait à bonne distance, souple et précise. Lorcandir la suivait plus lentement. Il l’observait du coin de l’œil. Elle était agaçante, avec son air supérieur, ses gestes assurés, son silence tranchant. Mais elle le traitait sans moquerie, sans condescendance. Juste… comme un élément temporairement inutile. Et malgré lui, il devait admettre qu’il y avait chez elle une façon de bouger, un instinct, une présence qu’il n’arrivait pas à ignorer. Mais bon, ce n'était pas encore à ses yeux une raison pour la jouer en duo. J’suis pas là pour devenir copain avec qui que ce soit, songea le jeune voleur. 

Personne ne vit l’ombre sur le balcon, deux étages au-dessus d’un atelier fermé. Étos, bras croisés sur la rambarde, observait en silence, les yeux braqués sur le binôme. Lorcandir et Sierra repérèrent leur cible : un homme d’une quarantaine d’années, manteau long, bottes de cuir bien cirées, assez élégant pour une bourse bien garnie, mais pas assez clinquant pour attirer l’œil. Il marchait seul, sans garde, occupé à choisir des dattes séchées sur un étal. Parfait.

— Lui, murmura Sierra.

Lorcandir hocha la tête. Il s’élança, prêt à jouer son numéro. Sierra s’écarta, en embuscade. À quelques mètres de là, contre un mur, Rapia tira sur son cigare, l’air distrait, jusqu’à ce qu’il capte une bribe de conversation, entre deux hommes accoudés à une cage remplie de volatiles.

— On attend juste que le gamin touche sa ceinture.

— Dès que c’est fait, on frappe. Trop de vols ces derniers jours. Faut marquer le coup.

La voix était nette. Le ton trop assuré. Pas des marchands. Pas des badauds. Des gardes.

— Merde, souffla Rapia en redressant la tête.

Mais c’était trop tard. Lorcandir heurta l’homme, le bouscula comme prévu. Sierra glissa la main. Elle effleura la boucle de la ceinture.

— Garde impériale ! Halte ! Aux voleurs !

Tout explosa. Des hommes jaillirent des arcades, capes retroussées, arbalètes levées. Les premiers carreaux sifflèrent dans l’air, perçant les tentures, ricochant contre les pierres. D’autres dégainèrent leurs épées courtes, étincelantes sous la lumière crue. Ce n’étaient pas des gardes de quartier ni des miliciens de bas rang. Ceux-là portaient la tenue sombre et ajustée des Gardes Noirs, la branche discrète et brutale de l’Empire chargée de maintenir l’ordre dans les cités à problèmes. À Velstrad, leur simple présence suffisait à faire taire une rue. Ils n’avaient ni écusson flamboyant ni cri d’alerte. Juste un regard froid, des gestes nets, et le droit d’agir sans sommation. Lorcandir en avait entendu parler, comme tous les gamins des rues : quand les Gardes Noirs intervenaient, ce n’était pas pour remplir une geôle, c’était pour l’exemple. Et ces derniers temps, les marchés parlaient trop de mains coupées. Il n’eut pas le temps de réfléchir davantage. Un carreau siffla à quelques centimètres de sa tête, l’arrachant à ses réflexions.

— Cours ! hurla Sierra.

Lorcandir bondit. Ils se jetèrent dans une ruelle, frôlant des tonneaux, évitant de justesse un chien qui aboyait à en crever. La ville s’ouvrait devant eux comme un dédale vivant.

— Suis-moi ! lança-t-elle.

Elle grimpa sur une caisse, attrapa une corniche, se hissa. Lui suivait, haletant, glissant, juste derrière elle. Velstrad était verticale, et Sierra en connaissait les arêtes. Ils enjambèrent des balcons, franchirent un toit de tuiles crevées, longèrent une gouttière, bondirent par-dessus des cheminées. Les carreaux d’arbalète fendaient encore l’air derrière eux. L’un d’eux frôla l’oreille de Lorcandir dans un sifflement à lui en brûler la peau. Les gardes se dispersaient dans les ruelles, certains grimpaient derrière eux, moins agiles mais plus nombreux et bien déterminés à remplir leur mission. Un dernier obstacle : une palissade haute, trop lisse. Sierra sauta la première avec agilité, accrocha le sommet de justesse… mais n’arriva pas à se hisser. Ses pieds glissaient contre le bois mouillé. Les forces lui manquaient. Un garde déboula au coin de la rue, lame au poing. Lorcandir franchit le sommet de la palissade sans hésiter, bascula de l’autre côté. Il pouvait fuir. Il le savait. Mais quelque chose le figea. Une image. Brève. Une sensation familière. Cette fille, cette peur, cette ruelle. Il avait déjà vécu ça. Pas ici. Pas maintenant. Ailleurs. Ou avant. Il rebroussa chemin d’un élan sec, rattrapa le haut de la palissade, et sauta pour percuter le garde de plein fouet. Le choc fut brutal. Les deux roulèrent au sol. L’épée du garde tomba à quelques mètres. Lorcandir se releva en premier, les côtes en feu, et attrapa Sierra par le bras.

— Monte !

Elle réussit cette fois avec l’aide de son compagnon. Puis il grimpa à son tour, bondissant juste avant que le garde ne se remette debout. Ils retombèrent de l’autre côté dans une cour étroite, les jambes douloureuses, les bras engourdis. Ils coururent encore, sans se retourner. Une échelle, une trappe, un toit. Puis le silence. Ils s’écroulèrent derrière une cheminée, hors d’haleine. Sierra tourna la tête vers lui.

— Pourquoi t’es revenu ?

Lorcandir regarda le ciel sale de Velstrad, coupé par les cordes à linge et les passerelles en bois.

— J’ai pas réfléchi, dit-il. J’ai juste pas pu partir.

Elle le fixa quelques secondes, puis hocha la tête. Un souffle de vent passa entre eux. Rien de plus. Mais c’était suffisant.

— Alors, comment ça s’est passé ? demanda Sigmar, accoudé au comptoir, un sourire en coin comme s’il devinait déjà la réponse.

Rapia souffla un nuage de fumée en s’asseyant lourdement sur un tabouret.

— Ça s’est fait. Avec quelques complications, grogna-t-il en attrapant sa chope. Mais les deux zozos ont fini par rentrer. En entier. C’est déjà pas mal.

Sigmar haussa un sourcil.

— La garde ?

Rapia hocha la tête.

— Un piège, monté par les Noirs. Ils ont failli se faire coincer net. Une opération de nettoyage. Coup de semonce. Le genre où on coupe une main pour faire un exemple. Il fit tourner sa bière, pensif.

— Mais ils ont vite réagi. Sierra a gardé la tête froide. Et le gamin… il est revenu en arrière pour la sortir d’un mauvais pas. Franchement, j’y aurais pas cru. Il est encore brut, mais… y a quelque chose. Sigmar cessa de sourire.

— Tu crois qu’il va tenir ?

— Il est plus solide qu’il n’en a l’air. Mais il attire déjà les emmerdes. S’il apprend pas à se battre très vite, c’est un couteau dans le dos qui l’attend.

Sigmar acquiesça, le regard soudain plus grave. Il vida d’un trait le fond de son verre. 

Les jours passèrent… Velstrad était toujours fouettée par les vents des montagnes kaldariennes et les aéronefs continuaient leur ballet au-dessus de la cité portuaire. Dans les hauteurs branlantes de la ville, entre les toits glissants et les ponts de fortune, Lorcandir s’était mis à exister. Il n’était plus le gamin maladroit de son premier vol. Il courait plus vite. Grimpait plus haut. Se fondait dans les ombres sans s’y perdre. Il avait compris que respirer valait mieux que fuir. Qu’un bon larcin n’était pas celui qu’on racontait, mais celui qu’on partageait sans un mot, dans un regard complice. Car il ne volait plus seul, il ne volait plus juste pour survivre. Sierra ne parlait toujours pas beaucoup. Elle gardait ses distances, ses silences, sa précision. Mais elle l’attendait parfois, quand il tardait à la rejoindre. Et elle ne levait plus les yeux au ciel quand il trébuchait sur une tuile glissante. Parfois, il sentait son regard se poser sur lui non pas avec jugement, mais avec cette même expression qu’il avait pour elle : une évaluation honnête. Pas d’attendrissement. Pas de mépris. Juste… un constat. Ils n’étaient pas amis. Mais ils avaient couru ensemble, glissé ensemble, fui ensemble. Ils avaient partagé le même souffle, les mêmes pavés, les mêmes gouttes de pluie sur les toits trop hauts. Et puis il y avait ces moments, rares, fugaces, inexplicables. Lorcandir ressentait une chose étrange en la regardant. Comme un souvenir qui ne lui appartenait pas, ou un reflet qu’il aurait vu dans un rêve. Il ne comprenait pas ce que c’était. Pas encore. 

Ce matin-là, Lorcandir se réveilla frais et dispo malgré la rudesse de son vieux matelas défraîchi. Il descendit dans la salle de l’auberge où une partie de la bande avalait goulûment un petit-déjeuner fait de pain frais et de fromage. Les premiers clients, quant à eux, taquinaient déjà leur première bière sous l’œil attentif de Martha, la tenancière du Bouge. L’auberge offrait un autre visage. Elle paraissait plus familière, son parquet crasseux semblait chaleureux et l’animation qui y régnait lui donnait un aspect apaisant et agréable. La table était encombrée de miches de pain croustillant, de morceaux de fromage à la croûte dorée, et de tranches de jambon fumé. Une jarre de lait et des tasses de café noir complétaient le festin matinal. Rapia, avec son éternel cigare pendu aux lèvres et ses yeux affutés, grignotait un morceau de pain tout en discutant avec Sigmar, dont le regard scrutait la salle avec une vigilance constante.

— Hé, gamin ! l’interpella Rapia en voyant Lorcandir. Viens te joindre à nous, mange un morceau avant de commencer la journée.

Lorcandir s’approcha prudemment avant de prendre place à la table.

— Merci, dit-il en se servant une généreuse tranche de pain et de fromage.

Sigmar sourit avec malice en s’adressant au jeune garçon :

— Aujourd’hui, j’ai une surprise pour toi, annonça-t-il. Je vais te présenter quelqu’un qui va t’apprendre à te défendre.

Un grand voleur au corps musclé bardé de tatouages entra alors dans la salle, flanqué de Sierra et d’Étos. Il portait des protège-bras en cuir et une armure légère de facture honorable, discrète mais efficace. Ses mouvements fluides trahissaient une assurance non dissimulée. Il s’avança vers la table, avec un sourire carnassier. Son allure était martiale et ses mouvements souples et raides à la fois, comme s’il était divisé en deux parties qui avaient fini par se mélanger.

— Voici Surineur, présenta Sigmar d’une voix railleuse. C’est un maître du noble art de la rixe de rue et du combat en tout genre. Il t’enseignera tout ce que tu dois savoir, chaque matin pendant une heure.

Surineur tendit sa paluche raide à Lorcandir, qui la serra avec respect.

— Enchanté, gamin, dit Surineur d’une voix grave mais amicale. Prêt à apprendre ? Alors suis-moi.

La cour du Bouge était carrée et ses murs recouverts de matériel. Lorcandir y posa le pied pour la première fois ce matin-là. Il sentit d’instinct que ce n’était pas un endroit où l’on apprenait sans douleur. Surineur se plaça au centre de la cour,  bras croisés, impassible. Une silhouette large, taillée dans le cuir et le silence. Et plus inquiétant, Étos et Sierra s’y trouvaient aussi, lui avec l’air sombre qui le caractérisait, elle sans doute agacée d'être là.

— Va au centre, Lorcandir.

Il s’exécuta, ventre noué et souffle court, comme s’il avait gravi les toits de Velstrad.

— Étos. Tu le testes.

Le garçon au cheveux roux s’avança. Grand, large, regard dur.

— Tu veux dire que je le cogne ? demanda-t-il sans détour.

— Je veux dire que tu vois ce qu’il vaut. S’il reste debout, tant mieux. Sinon, tant pis pour lui.

Sierra, en retrait, ne bougea pas. Elle avait les bras croisés. L’œil sombre. Lorcandir ouvrit la bouche, mais rien n’en sortit. Surineur leva la main. L’abaissa. Étos attaqua. La première frappe, une claque sèche comme pour afficher une supériorité brutale, fit vaciller Lorcandir. Pas de jeu. Pas de retenue. Étos ne frappait pas pour impressionner. Il frappait pour dominer. Le second coup le jeta au sol. Lorcandir resta là, le visage dans la terre battue. Ses oreilles sifflaient. Le sang dans sa bouche avait un goût métallique. Il entendit un ricanement.

— C’est ça, la  nouvelle recrue ? lança Étos. Il va nous ralentir.

Mais Lorcandir se redressa. Il ne voyait plus clair. Il ne savait pas comment bouger. Mais il sentit. Il sentit où Étos allait frapper. Et cette fois, il ne chercha pas à reculer. Il se jeta en avant. Corps contre corps. Un choc frontal. Un mouvement de survie. Ils roulèrent au sol. Étos se dégagea avec aisance et le repoussa, Surineur siffla. Étos recula à contrecœur.

Lorcandir resta à genoux, le souffle court, un genou dans la terre.

— Il tient debout, dit Surineur. C’est tout ce que je voulais voir.

Il fixa Étos, sans hausser le ton.

— On cogne pas pour humilier, ici. On cogne pour apprendre. T’as compris ?

Étos ne répondit pas. Il détourna les yeux, rage contenue. Surineur s’approcha de Lorcandir, le regard neutre.

— T’as rien d’un combattant, gamin. Mais t’as pas fui. Tu t’es relevé. Et t’as riposté.

Il fit une pause. Puis tendit une main, sans douceur, pour le redresser.

— Je vais faire de toi un voleur qui sait se battre.

Il se tourna vers Sierra et Étos.

— Il est des nôtres. Que ça vous plaise ou non.

Puis, à Lorcandir :

— Demain, t’auras une lame en main. Et plus d’excuses.

Les trois membres de la bande quittèrent la cour sans s’accorder un regard. Lorcandir mit de longues minutes à retrouver son souffle. L'entraînement  de Surineur serait rude à n’en pas douter.

Le temps passa, cristallin et fragile, comme du givre au soleil. L'hiver rude des montagnes saisit rapidement Velstrad. Le froid et la neige n'arrêtaient pas pour autant le ballet des vaisseaux volants acheminant leurs marchandises et Lorcandir trouvait souvent un perchoir dans la ville pour admirer les majestueux aéronefs traverser le ciel brumeux des montagnes. Le transport ne cessait que quand les conditions étaient trop dégradées et le commerce de l’empire n’aimait pas attendre. Lorcandir s’imaginait alors voyageant sur ces transporteurs volants en rêvant d’aventure et de piraterie, repoussant une attaque de galion ou se joignant ici à une escorte impériale. Pilotant parfois un vaisseau dont il se demandait quelles forces magiques pouvaient bien l’animer. Chaque matin, la cour du Bouge devenait un champ d'entraînement. Surineur y faisait régner une discipline de fer. Ancien soldat, il enseignait comme on forge une lame : dans la sueur, la répétition et le fracas.

On commença avec des dagues en bois, puis des épées courtes ou longues. Un jour, les armes d’entraînement cédèrent leur place à du vrai métal. Les coups portaient, les hématomes restaient. Lorcandir progressait vite. Il n'était pas le plus fort, mais il bougeait bien, lisait les gestes, frappait avec justesse. Son corps se renforçait, ses réflexes s'affûtaient. Surineur notait les progrès d'un regard ou d’un « pas mal » sec, qui valait plus que mille compliments. Étos, lui, restait le plus brutal. Il cognait dur, sans retenue, et prenait un malin plaisir à viser les failles de ses adversaires. Les exercices avec lui n’étaient jamais équilibrés : chaque affrontement tournait à la démonstration de force. Mais peu à peu, Lorcandir lui tenait tête. Il esquivait, parait, rendait quelques coups. Et ça, Étos ne le supportait pas. Sierra participait elle aussi aux entraînements. Fine, rapide, presque insaisissable, elle surprenait par sa précision et sa résistance. Lorcandir, d’abord réticent, apprit vite à ne pas la ménager et elle ne le fit jamais non plus. Leurs duels devenaient des échanges justes, intenses, parfois rugueux, mais jamais humiliants. Elle encaissait. Ripostait. Et souriait quand il faisait une erreur. Leurs combats étaient les seuls où Lorcandir pouvait progresser sans craindre l'humiliation. Mais Étos observait. Toujours. Et quelque chose en lui se durcissait. Il commença à hausser le ton, à frapper plus vite, plus fort. Puis, un jour, il laissa traîner une attaque. Un coup trop haut, trop violent, qui aurait pu casser une clavicule. Sierra recula, furieuse. Lorcandir avait tout vu. Surineur aussi. Il n’y eut pas de punition. Juste un coup d’œil. Un de ces regards glacés que Surineur réservait aux limites franchies. Étos, silencieux, avait baissé les yeux. Depuis, l’ambiance avait changé. La rivalité n’était plus seulement physique. Elle devenait personnelle. Toxique. Pourtant, malgré les défis et les rivalités, la petite bande se formait, chacun développant ses compétences pour survivre et prospérer dans l’environnement hostile de Velstrad. Tandis qu’il grandissait, le petit groupe de La Bougie, comme on les surnommait, avait gagné en autonomie. Sigmar leur confiait diverses tâches de surveillance ou de livraison pendant que les entraînements avec Surineur et Rapia se poursuivaient à un rythme toujours soutenu. 

Le temps passa dans les brumes et les rafales, et la ville. Velstrad, accrochée à flanc de falaise, ne semblait jamais vraiment changer. Toujours le même froid qui giflait les toits, les mêmes vaisseaux qui fendaient l'air au-dessus des ponts suspendus. Mais à « La Bougie du Soir », quelque chose avait évolué. Les trois compagnons n’étaient plus des enfants. Lorcandir transitait lentement dans l’adolescence. Son corps, sculpté par les entraînements quotidiens, s’était affermi. Ses bras avaient pris de la puissance, ses gestes, de la précision. Sous la tutelle exigeante de Surineur, il avait appris à lire un adversaire avant même le premier coup. Et mieux encore, à réagir comme si son corps se souvenait de choses qu’on ne lui avait jamais enseignées. Il devenait bon. Trop bon, parfois. Même Surineur, qui participait désormais aux séances en les poussant lui-même dans des combats réels, s'était surpris à hausser un sourcil après un échange tendu. Lorcandir, lui, détournait le regard. Il ne cherchait pas les compliments. Il cherchait le test suivant. Étos, lui aussi, avait changé. Il avait grandi, gagné en volume, en force. Sa carrure imposante en faisait un adversaire redouté. Mais son regard s'était assombri. Il sentait que Lorcandir lui échappait. Que les regards commençaient à se tourner vers un autre que lui. Il frappait donc toujours plus fort. Il avait commencé à tester Lorcandir comme s’il voulait vérifier jusqu’où il pouvait aller avant que quelque chose ne casse. Mais Lorcandir ne pliait plus. Il ne pliait plus depuis longtemps. Sierra, elle, était restée fine, rapide, insaisissable. Mais elle avait gagné une assurance nouvelle, un calme qui la rendait plus tranchante encore. Elle n’avait pas la brutalité d’Étos, ni la puissance de Lorcandir, mais dans un combat, elle faisait rarement deux fois la même erreur. Et malgré elle, elle regardait Lorcandir autrement. Ils combattaient souvent ensemble. Des duels précis, exigeants. Lorcandir ne la ménageait pas. Elle le lui rendait bien. Et quand l'entraînement se terminait, il lui montrait parfois un enchaînement. Une feinte. Un contre. Elle levait toujours les yeux au ciel, mais avec un sourire léger.

— Si seulement t’étais aussi bon pour voler une bourse…

Lorcandir n’avait pas la malice d’Étos, ni l’agilité fluide de Sierra. Il était trop frontal, trop droit. Quand il ratait une diversion ou se faisait repérer par un garde, Rapia éclatait de rire. Sierra soupirait. Et le jeune homme haussait les épaules. Il n’était pas né pour le vol. Mais pour le combat, quelque chose en lui chantait juste. Un instinct. Inexplicable. Il ne le comprenait pas lui-même mais parfois, dans le feu d’un échange, il bougeait avant même de penser. Comme si son corps savait. Et plus les jours passaient, plus cette sensation grandissait. Il avait soif de plus. Pas de gloire. Pas d’approbation. De combat. De défis. De limites à dépasser. 

C’est ce qu’il fit pour la première fois un soir d'entraînement tardif. La cour était silencieuse. Le soleil se couchait derrière les hauts toits de Velstrad, jetant de longues ombres sur les pierres tièdes. Lorcandir respirait calmement pendant son duel contre Sierra. Elle était rapide, imprévisible, mais cette fois-ci, il l'avait contenue. Juste assez. Pas pour la dominer. Pour l’obliger à saisir l'occasion qui allait suivre. Pendant le combat, Lorcandir manœuvra vers Étos comme si de rien n'était. Il fit un pas de côté. Puis un autre. Laissant Sierra se rapprocher naturellement d’Étos. Surineur, qui observait depuis l’arche, se redressa lentement. Il perçut quelque chose dans les déplacements de Lorcandir. Il vit le regard du garçon, le défi. Le calme. Trop calme.

— Attends.

Mais c’était déjà trop tard. Lorcandir feinta une attaque maladroite, volontairement mal équilibrée. Sa lame heurta l’avant-bras d’Étos. Pas fort, mais assez pour l’atteindre dans sa fierté.

— T’as un problème ? lança Étos, lame déjà levée. 

Sierra, prise dans l’élan, se retrouve à côté du grand voleur.

Et il attaqua ses deux compagnons. Pas pour tuer. Pas pour blesser. Pour tester. Son corps se mouvait avec une précision troublante. Ses gestes étaient nets, fluides, calculés. Il les séparait, les contenait, les retournait l’un contre l’autre. Sa lame en acier frappait les protections, glissait sur les avant-bras, jamais assez fort pour marquer mais toujours assez pour montrer qu’il aurait pu. Surineur se leva. Son regard s’assombrit. Ce n’était plus de l’entraînement. C’était une démonstration. Sierra tenta un désarmement. Il l’évita d’un demi-pas, la fit basculer derrière lui en douceur. Étos rugit, fonça. Lorcandir le bloqua, pivota, et le mit au sol d’un simple croc-en-jambe.

— Stop ! hurla Surineur.

Mais Lorcandir n’arrêta pas. Pas encore. Il y avait quelque chose dans ses gestes. Un souvenir. Pas le sien. Surineur dégaina. Une lame fine, usée, bien tenue. Il fonça. Lorcandir leva la sienne. Le choc fut sec. Deux fois. Trois. Surineur accéléra. Lorcandir tint. Recula. Pivota. Il ne rendait pas les coups. Il les absorbait. Puis, il recula d’un pas net. Baissa sa lame. Et se figea. Le silence s’abattit sur la cour. Surineur, haletant, le regarda longuement.

— C’est bon, tu as vu ce que tu voulais voir.

Sierra, toujours au sol, se releva en silence. Étos se redressait, lentement, la mâchoire serrée. Surineur rengaina sa lame.

— Demain, tu reviens. Avec ton calme. Pas ta soif.

Le ballet des vaisseaux dans le ciel semblait ralentir le temps. Depuis leur perchoir, on percevait une vieille maison effondrée aux poutres tordues, accrochée à la corniche qui dominait les docks. Lorcandir et Sierra observaient les flottes aériennes qui passaient dans la lumière du soir. Il s’était installé là après l’entraînement. Le souffle encore un peu court, les muscles douloureux. Sierra l’avait rejoint sans un mot. Elle s’assit près de lui, jambe contre jambe, et resta longtemps silencieuse.

— Tu t’es donné à fond, murmura-t-elle enfin. Pas une question. Pas un reproche.

— Je devais voir jusqu’où je pouvais aller, répondit Lorcandir en fixant un galion céleste qui passait lentement au-dessus de la baie.

Elle hocha la tête, l’air songeuse.

— C'était peut-être un peu exagéré J'ai cru, un moment… que t’allais oublier qu’on était là. Et puis ça fait un moment que tu continues de t’améliorer, sans nous…

Il ne répondit pas. Il n’en était pas sûr lui-même. Le silence retomba. Mais pas gênant. Un silence de ceux qui savent. Sous leurs pieds, les docks s’agitaient. Grues, cordages, cris, patrouilles. Des silhouettes s’affairaient autour des vaisseaux des courants, ces géants de bois et d’acier dont les voiles flottaient dans les cieux.

— Tu ne trouves pas ça étrange ? dit-elle soudain.

— Quoi ?

— Ces trucs. On les voit voler tous les jours, mais personne ne sait vraiment comment. Même les capitaines se taisent. L’Empire garde tout pour lui.

Lorcandir sourit.

— Ça m’a toujours obsédé. Depuis que je suis môme. Comment ça vole, comment ça tourne, comment ça tient en l’air. On dit que c’est la magie qui les fait fonctionner.

— Comment ça vole et comment ça tombe, ajouta Sierra avec un petit rire.

Elle le regarda du coin de l’œil, de ses yeux bleus étincelants.

— Tu sais, ajouta-t-elle, tu parles souvent comme si t’avais déjà vu ça avant. Mais t’es comme nous. T’as grandi dans la crasse.

Il haussa les épaules. Il n’avait pas de réponse. Il évitait parfois d’y penser.

— Peut-être que j’ai juste une bonne imagination.

Elle s’allongea sur les tuiles, mains derrière la tête.

— Ou autre chose, souffla-t-elle.

Lorcandir tourna la tête vers elle. Mais elle avait fermé les yeux. Un vent frais passa, soulevant la poussière.

— On devrait y aller, lança-t-elle.

— Où ?

Elle pointa du menton les docks en contrebas.

— Là. Dedans. Dans un vrai. Voir à quoi ça ressemble, peut-être qu’on pourrait comprendre cette fameuse magie et voler nous-mêmes.

— Tu veux infiltrer un vaisseau de l’Empire ? T’es sérieuse ?

— Aussi sérieuse que toi dans la cour, avec Surineur.

Il éclata d’un rire bref, surpris.

— Ok. Mais va falloir un plan. Ces quais sont surveillés comme des coffres-forts.

— Alors on fait ce qu’on fait de mieux, dit-elle en se relevant. On observe. On attend. Et on passe entre les mailles.

Un instant suspendu. Le ciel chargé de brume. La lumière mourante des docks. Non loin de là, dissimulé entre deux poutres effondrées de la charpente, se tenait la silhouette massive d’Étos. Il n’avait rien dit. Rien montré. Mais il avait tout vu. 

Ils passèrent les jours suivants à échafauder leur stratégie. Ils décidèrent de s’infiltrer dans les docks une nuit de fête, lorsque les gardes seraient moins vigilants et que l'obscurité leur offrirait une couverture bienvenue. Il fallait bien ficeler le trajet vers les quais, car les gardes de l’Empire ne plaisantaient pas lors des contrôles. Il s’agissait autant de protéger les marchandises que les secrets des aéronefs, et ceux qui se faisaient prendre finissaient exécutés, ou pire. Les vaisseaux volants étaient un sujet de conversation courant en ville et les rumeurs sur la magie qui les faisait voler allaient bon train. Ils octroyaient à l’Empire un avantage décisif tant sur le plan commercial que militaire. Aussi, c’était l’armée impériale elle-même qui supervisait la protection des quais, et les travailleurs des docks étaient rigoureusement sélectionnés pour leur loyauté supposée. Ils ne quittaient d'ailleurs que rarement le quartier, qui était aussi leur lieu de vie, formant une communauté bien à part.

Lorcandir et Sierra mirent leur plan à exécution lors de la fête des moissons. Ce jour-là, les quais étaient submergés par un flot incessant d’aéronefs transportant du blé et la fête battait son plein en ville, rendant la surveillance plus difficile, les gardes prenant parfois part discrètement aux festivités. À la faveur de la nuit tombée, les deux voleurs se glissèrent discrètement hors de la taverne et se dirigèrent vers les quais telles deux ombres mouvantes dans la nuit étoilée des montagnes de Kaldaria. Ils se fondirent dans l'obscurité, évitant habilement les gardes qui patrouillaient et les fêtards éméchés. Il fallait pénétrer dans les quais en surmontant l’obstacle principal, une large muraille qui entourait cette partie de la ville, et il était illusoire d’espérer tromper la vigilance des patrouilles du corps de garde. Alors les deux amis avaient décidé d’escalader une partie de l’enceinte surplombée par une falaise, qui se trouvait relativement à l’abri des regards. Il y aurait sûrement moins de sentinelles dans les parages, et il serait ainsi plus aisé d’escalader le grand mur haut de plusieurs mètres. La muraille surgissant du sol était massive, faite de blocs de pierre grise parfaitement ajustés, avec des tourelles de guet espacées à intervalles réguliers. Le sommet était garni de créneaux, et des lueurs de torches vacillantes révélaient la présence des gardes. Des vignes grimpantes et des fissures dans la pierre leur fourniraient quelques prises précaires rendant l’ascension d’autant plus périlleuse. Lorcandir et Sierra naviguaient à travers les ombres, s’approchant silencieusement du mur. Ils s’arrêtèrent à quelques mètres de l’enceinte, cachés derrière une caisse abandonnée.

— Prêt ? murmura Sierra, son souffle se mêlant à la froideur de la nuit.

Lorcandir hocha la tête, le regard concentré.

— Oui. Allons-y.

Ils comblèrent rapidement la distance jusqu'à la base des remparts. Lorcandir commença l'ascension en tête, ses doigts cherchant les aspérités et les fissures dans la pierre fraîche. Chaque mouvement était calculé, chaque prise testée pour s’assurer qu’elle pourrait supporter son poids. Le cœur battant, il progressait lentement, conscient que la moindre erreur pourrait lui coûter la vie. Sierra le suivait de près, ses mouvements aussi agiles et précis que ceux du jeune homme. Ses doigts fins trouvaient les mêmes prises, ses pieds se posaient là où les siens avaient tenu. Ensemble, ils grimpaient, furtifs comme des ombres. À mi-chemin, Lorcandir sentit une pierre se détacher sous sa main. Son cœur fit un bond, mais il réussit à se rattraper de justesse à une vigne et à éviter que la pierre ne se décroche complètement et chute. Sierra, juste en dessous de lui, retint son souffle, observant la scène avec impuissance.

— Fais attention, chuchota-t-elle.

Lorcandir acquiesça et reprit son ascension avec une prudence redoublée. Ils approchaient du sommet, où les créneaux de la muraille leur offriraient un point de passage. Ils s’arrêtèrent un instant, collés à la paroi, pour observer les mouvements des gardes au-dessus d'eux.

— Encore quelques mètres, murmura Lorcandir.

Ils attendirent que le garde de la tour de guet s'éloigne avant de se hisser rapidement jusqu’au sommet. Leurs doigts agrippèrent les créneaux, et dans un dernier effort, ils se glissèrent sur le chemin de ronde pour se tapir immédiatement derrière le parapet, attentifs au moindre signe de réaction. Du haut de leur position, ils furent saisis par le spectacle qu'offraient le port et les galions volants accostés qui s’étendaient devant eux à perte de vue, surplombant la montagne et la vallée. L’enceinte, imposante et majestueuse, dominait les quais. Le port lui-même était une merveille d'ingénierie, construit à flanc de montagne pour permettre aux vaisseaux volants d’accoster en toute sécurité. De larges plateformes de bois et de pierre s'étendaient en terrasses successives, reliées par des passerelles robustes. Le vide vertigineux de la montagne s'ouvrait en contrebas, offrant une vue spectaculaire sur la vallée, sombre et mystérieuse. Les galions volants, majestueux et imposants, flottaient silencieusement, leurs voiles gonflées par la brise nocturne. Les coques massives semblaient défier les lois de la gravité, maintenues en l'air par des forces magiques invisibles. En bas, malgré l’heure tardive, des travailleurs s’activaient encore, déchargeant les cargaisons sous l’œil vigilant des gardes. Mais le répit fut de courte durée : à peine étaient-ils arrivés en haut qu’une patrouille assez importante se dessina au bout du chemin de ronde. Lorcandir croisa le regard de Sierra et, sans hésiter, lui prit la main pour l’attirer de l’autre côté de la fortification. Ils se glissèrent le long du mur en s’accrochant aux vignes, pour se positionner rapidement à l’extérieur de la tour de garde alors que la troupe se rapprochait. Retenant leur souffle et tentant de rester immobiles le long de la paroi, ils attendirent que la patrouille passe. Mais les gardes choisirent de s’arrêter à quelques mètres d’eux. Leur prise était précaire, et les hommes ne semblaient pas pressés de partir.

— J’espère que cette patrouille va vite se terminer, grogna l’un des gardes en tentant de se protéger du froid mordant. J'ai hâte de rentrer au chaud.

— Pas pour tout de suite, répondit un autre. On doit encore faire le tour des quais. T'as entendu les rumeurs ? Apparemment, des espions rôdent.

— Des espions ? renchérit le troisième. Je parie que ce sont juste des histoires pour tester notre vigilance. Personne n'oserait s'introduire ici, les gens sont trop occupés par la fête.

— Peut-être, mais moi je préfère rester prudent, conclut le premier soldat.

Sierra commença à glisser, ses doigts tremblants de fatigue ne parvenant plus à maintenir une prise sûre. Lorcandir, sentant le danger imminent, agrippa fermement son poignet et la soutint de toutes ses forces.

— Tiens bon, Sierra, murmura-t-il entre ses dents serrées, ses muscles tendus sous l'effort.

Les gardes, ignorant le drame qui se déroulait en dessous d'eux, continuèrent de discuter, leur conversation s’étirant en longueur. Chaque seconde semblait une éternité pour Lorcandir, qui sentait ses forces le quitter. Mais sa vie dans les rues avait endurci son corps autant que sa volonté ; il puisa dans ses réserves mentales et tint bon. Le temps s'écoulait, interminable, les muscles du jeune voleur brûlant sous l’effort. Mais la patrouille finit par reprendre son chemin. Aussitôt, Lorcandir et Sierra en profitèrent pour poser pied sur le chemin de ronde, et reprendre leur souffle tout en guettant la lumière des torches de la patrouille qui s’éloignait dans la légère brume des montagnes. Puis, les deux amis entreprirent cette fois-ci de descendre la muraille vers les quais, répétant les mouvements qu’ils avaient appris quand ils grimpaient sur les toits de la ville. Ils progressaient méthodiquement, trouvant avec maîtrise des prises assurées entre le lierre et les pierres grises des remparts. C’est avec soulagement qu’ils posèrent enfin les pieds au sol, gagnant aussitôt une zone d’ombre près d’une bâtisse des quais afin de mieux observer les lieux et de trouver une cible intéressante pour achever leur expédition. 

Les aéronefs accostés aux quais étaient nombreux et les deux jeunes gens n’avaient pas élaboré de stratégie particulière. Ils espéraient embarquer sur le premier galion qui présenterait une opportunité satisfaisante. Mais la tâche risquait d’être plus ardue que prévu. Les quais étaient bien éclairés, des patrouilles circulaient le long des passerelles, compliquant l’infiltration. De longues minutes d’observation s’écoulèrent. Finalement, les deux jeunes roublards jetèrent leur dévolu sur un galion massif, aux trois mâts dressés comme des lances plantées dans la nuit. La Belle des Cieux trônait au centre des quais, non loin d’un entrepôt. De là, ils pourraient passer par les toits. Sierra et Lorcandir échangèrent un regard.

— C’est le moment, murmura-t-elle, fébrile.

— Par les toits, comme prévu, répondit-il.

Ils s’apprêtaient à grimper quand un bruit sec fendit le silence derrière eux.

— Attendez.

Ils se retournèrent d’un bloc. Étos. Bras croisés. Ombres sur le visage. Regard noir.

— Et vous comptiez me laisser en bas ? fit-il d’un ton plat, presque calme. Mais le calme d’avant l’orage.

— Qu’est-ce que tu fais là ? grogna Lorcandir.

— Je vous suis. Comme d’habitude. Tu devrais le savoir, t’es assez malin pour ça.

Sierra soupira, agacée. Le regard d'Étos s’attarda un peu trop longtemps sur elle. Puis il toisa Lorcandir.

— Tu viens pour quoi, alors ? Pour surveiller ? Ou foutre le bordel ? cracha Lorcandir.

Étos s’avança, l’air mauvais.

— Je viens pour voir jusqu’où vous comptez jouer aux héros. Et si vous merdez, je serai là pour le dire à Sigmar.

— Charmant, souffla Sierra, exaspérée.

— T’inquiète pas. Je sais me faire discret.

Un silence. Hostile.

— Alors grimpe, dit Lorcandir. Mais tu restes derrière.

Aucune réponse. Étos escalada l’entrepôt sans un mot. Ils atteignirent le toit, puis la crête du bâtiment surplombant le galion. Puis ils glissèrent silencieusement à bord. La Belle des Cieux brillait sous les torches. Trop bien tenue. Trop nette. Lorcandir fronça les sourcils.

— Ce navire, c’est pas un marchand. Regardez les armes. Les blasons. C’est un vaisseau impérial.

— Fait chier, grogna Étos. On s’est foutus dans un beau merdier, bravo.

— On devrait reculer, murmura Lorcandir. C’est pas ce qu’on avait prévu.

Sierra le fixa.

— Reculer maintenant ? Parce que c’est un peu plus dangereux que prévu ? C’est pour ça que t’as provoqué un trois contre un, l’autre soir ?

Lorcandir tressaillit.

— C’est pas pareil.

— Non. Là, tu risques pas juste de saigner. Tu risques de tout perdre, ajouta Étos avec un sourire froid.

— Et t’adorerais ça, pas vrai ?

— Les gars, stop, coupa Sierra sèchement. On est déjà à bord. Soit on fait demi-tour proprement, soit on va au bout.

Silence. Puis Lorcandir souffla :

— Alors on y va. Sans erreur.

Les trois ombres progressèrent sur le galion. Le pont de La Belle des Cieux était vaste, fait de planches de bois sombre et robuste, poli par les années et les nombreux voyages aériens. Les mâts imposants s'élevaient vers le ciel, leurs voiles enroulées comme de grandes ailes prêtes à se déployer. Des cordages épais serpentaient partout, créant un labyrinthe de lignes et de nœuds dont le but ou la destination étaient inconnus aux profanes. Des caisses et des barils étaient empilés ici et là, formant des cachettes parfaites que les jeunes voleurs utilisèrent pour progresser. Mais ce n'était pas un simple navire marchand comme escompté. La Belle des Cieux était un vaisseau militaire de l’Empire. Les bannières impériales avaient juste été rangées, dissimulant son statut depuis les quais, et des armes étaient disposées de manière stratégique sur le pont. Des canons et des balistes étaient prêts à défendre le navire en cas d’attaque.

— C’est pas bon, murmura Lorcandir, les yeux écarquillés en découvrant l’arsenal.

— Un vaisseau militaire, c’est vraiment risqué, ajouta Étos, l’air grave.

— Vous allez vraiment reculer maintenant ? rétorqua Sierra, avec un sourire provocateur. On est déjà là, on ne peut pas abandonner si près du but.

— Je sais, mais c’est dangereux. Si on se fait attraper, on est morts, insista Lorcandir, scrutant l’expression de Sierra.

— Oh, je vois. Vous avez peur. Peut-être que ce n’était pas une bonne idée de vous emmener. Vous n’êtes peut-être pas assez courageux pour ça, dit Sierra en plissant les yeux et pointant du doigt Étos.

— Qui a dit qu’on avait peur ? On est juste prudents, c’est tout, répliqua Étos, piqué au vif.

— Prudence ou peur ? Peut-être que vous n'êtes pas taillés pour ce genre de mission, sourit malicieusement la jeune fille.

— Ce n’est pas une question de peur. Je veux juste qu’on reste en vie, rétorqua Lorcandir, atteint dans son orgueil, même s’il comprenait très bien le petit jeu de Sierra.

— Bon allez, continuons, lâcha Étos. On est déjà ici, autant aller jusqu’au bout.

— Restons discrets et concentrés, conclut Sierra avec satisfaction.

Quelques matelots en uniforme, en train de terminer leurs tâches, circulaient encore sur le pont. Leurs silhouettes se détachaient faiblement sous la lumière des torches illuminant les quais et le pont. Deux gardes armés, en patrouille, faisaient également des rondes régulières, leurs bottes résonnant lourdement sur le bois. Lorcandir, Sierra et Étos restèrent tapis dans l’ombre, observant les mouvements des matelots et des gardes. Les trois jeunes voleurs communiquèrent par des signes, attendant le bon moment pour se déplacer. Une fois que les gardes tournèrent le dos, ils se glissèrent rapidement d'une caisse à l'autre, progressant lentement mais sûrement vers l'écoutille menant aux entrailles du navire. Lorcandir passa le premier, suivi de Sierra et d’Étos, qui fermait la marche. 

Ils atteignirent enfin l’entrée étroite, que Lorcandir ouvrit délicatement, en prenant soin de ne pas faire de bruit. Un escalier raide descendait dans les profondeurs du galion. Ils s’y engouffrèrent un à un, retenant leur souffle à chaque craquement involontaire du bois sous leurs pieds. En contrebas, les coursives du vaisseau étaient faiblement éclairées par quelques lanternes suspendues. Lorcandir remarqua tout de suite que l’atmosphère y était plus calme. Sans doute que la plupart des soldats dormaient ou étaient absents, songea-t-il. Conscients que le moindre faux pas pourrait les trahir, ils avancèrent prudemment, leurs pas feutrés résonnant à peine sur le sol en bois. Les couloirs étaient étroits et encombrés de caisses, de cordages et d’équipements militaires divers.

— Tu penses qu’on va trouver la cabine de pilotage ? chuchota Sierra à Lorcandir, sa voix à peine audible.

— Oui. On est près du but. Restons concentrés, répondit le garçon en hochant la tête.

L'exploration du vaisseau les mena vers une lourde écoutille verrouillée et Lorcandir posa une oreille attentive contre la porte.

— On dirait que c’est calme. Allons-y, murmura-t-il.

Ils ouvrirent la porte avec précaution, découvrant une grande salle remplie de mécanismes complexes et de cristaux scintillants enchâssés dans des supports d’or et d’argent. La lumière verte des pierres illuminait la pièce. Au sommet de la machinerie trônait un cristal bleu qui semblait commander l’ensemble.

— Incroyable, souffla Sierra, émerveillée. Les rumeurs étaient donc fondées.

— Oui, mais on ne doit pas traîner, répondit Étos. Prenons ce qu’on peut et partons.

Lorcandir acquiesça, commençant à examiner les cristaux et les mécanismes, notant mentalement chaque détail. Sierra, attirée par l'éclat particulier d'un groupe de cinq cristaux verts, tendit la main vers l'un d'eux, sentant un crépitement au bout de ses doigts.

— Fais attention, Sierra, murmura Lorcandir.

Le jeune voleur se rapprocha du cristal bleu qui surplombait l’ensemble de la machinerie, irrémédiablement attiré par son éclat. Ce cristal a l’air différent des autres, chuchota la jeune voleuse. Attiré par la pierre, Lorcandir avait l'impression de percevoir son énergie. Comme porté par une volonté qui n'était pas la sienne, il effleura la pierre qui luisait dans une douce lumière bleue, générant une pulsation qui fit vibrer tout le navire

— Qu’est-ce que tu as fait ? s’exclama Étos, paniqué.

Des crépitements parcoururent les mécanismes, un flot de lumière se déversa depuis le cristal bleu qui scintillait d’une énergie nouvelle pour se déverser de mécanisme en mécanisme, pour finalement déclencher le groupe de cristaux verts qui s'illuminèrent à leur tour. Le navire entier sembla s’éveiller, des vagues de magie parcourant sa coque, et avant que le trio ne puisse réagir, La Belle des Cieux décolla brusquement, les faisant vaciller sur leurs pieds. Le navire était encore amarré au quai, mais la puissance magique provoqua une embardée, tendant les cordages et les chaînes qui retenaient l’aéronef. Un homme en armure fit soudainement irruption dans la salle des machines, son regard paniqué se posant immédiatement sur le cristal bleu.

— Qui êtes-vous ? Qu'avez-vous fait ? aboya l’homme, que les trois compagnons identifièrent comme le capitaine du navire.

Une secousse jeta violemment les trois amis au sol alors que La Belle des Cieux tentait à nouveau de s’arracher à ses entraves. Le capitaine se rua vers le cristal en écartant sans ménagement Lorcandir.

— Comment avez-vous fait pour activer le cristal ? lança-t-il, le front crispé par l’effort tandis qu’il tentait de canaliser l’énergie du cristal, dont la puissance ne cessait de croître.

— Impossible… murmura-t-il, les yeux rivés sur la pierre.

Le flot de magie qui allait et venait entre le cristal bleu et les pierres vertes s'intensifia de plus en plus, propulsant à nouveau La Belle des Cieux avec une force inouïe. Les liens qui maintenaient le vaisseau proche du sol se brisèrent dans un bruit assourdissant, tandis que l'aéronef prenait un angle dangereux, s'élevant dans le ciel. Des cris résonnaient de toutes parts, et les trois jeunes voleurs tentaient de s’accrocher à des éléments de la salle des machines en titubant.

— Tu dois couper l’énergie du cristal ! hurla le capitaine à Lorcandir, par-dessus le grondement de l'énergie magique.

— On doit sortir d’ici ! cria Sierra, sa voix étouffée par le raffut surnaturel.

Ils se précipitèrent vers la sortie, mais le navire s’élevait déjà dans les airs, emportant les jeunes voleurs et l’équipage avec lui. Ils se frayèrent un chemin à travers les couloirs, croisant des matelots et des gardes paniqués.

— Par ici ! souffla Sierra, guidant le groupe vers une échelle menant au pont supérieur.

Ils l’atteignirent finalement, mais se retrouvèrent médusés devant le chaos qui régnait. Le pont, dangereusement incliné, voyait marins et gardes se cramponner comme ils le pouvaient. Lorcandir, Sierra et Étos s’accrochèrent à des cordages, espérant ne pas être balayés par les soubresauts violents du navire qui continuait de gagner en altitude.

— On doit trouver un moyen de descendre ! hurla Étos, tentant de se faire entendre par-dessus le souffle du vent d’altitude qui accompagnait l'envolée furieuse du navire, les quais paraissant si petits en contrebas.

La Belle des Cieux continuait de monter en tournoyant légèrement quand la magie cessa aussi brutalement qu’elle avait débuté. Le navire entama alors une chute vertigineuse vers la vallée en contrebas des quais, au son des hurlements de ses occupants impuissants. Terrifiés, les trois jeunes voleurs comprirent que la catastrophe qu’ils avaient déclenchée signerait leur fin. L’aéronef heurta le sol dans une explosion au ralenti. L’impact, bien que d’une violence inouïe, se produisit comme si tout se déroulait au fond de l’eau ou dans une dimension altérée. Les trois compagnons eurent l’impression étrange d’être enveloppés dans une bulle protectrice alors que le vaisseau et l’équipage se désintégraient autour d’eux, chaque éclat de bois et de métal filant au ralenti dans l'air. Puis, aussi soudainement que tout avait commencé, la bulle se dissipa, ne laissant que mort et chaos autour d’eux. La Belle des Cieux s'était écrasée dans une clairière au pied des montagnes, et si les trois amis en étaient sortis indemnes, ils restaient abasourdis par l’ampleur de la destruction. De ce qui était autrefois un puissant navire de guerre, il ne restait que des débris éparpillés sur des centaines de mètres à la ronde, et, parmi les vestiges, les corps disloqués de l'équipage gisaient, sans vie, éparpillés ça et là, mêlés aux planches et aux fragments du navire. Lorcandir ferma les yeux un instant pour reprendre son souffle. Et ce fut là qu’il la vit. Elle se tenait debout, au milieu d’un lieu sans contours, baigné d’une lumière froide, lunaire. La cendre semblait flotter autour d’elle, suspendue dans l’air figé. Sa silhouette était droite, statique, contrastant avec sa longue cape sombre fendue par le vent. Des reflets métalliques couraient le long de son plastron, et à sa taille, deux épées jumelles luisaient faiblement. Ses cheveux, noirs comme une nuit sans lune, tombaient en cascade sur ses épaules. Et ses yeux… Ses yeux étaient d’une intensité presque douloureuse, d’un gris profond, cernés par une fatigue ancienne. Ils semblaient le connaître. Elle s’approcha sans bruit, le regard ancré dans le sien.

— Tu n’es pas prêt, souffla-t-elle, d’une voix douce mais inflexible.

Lorcandir voulut parler, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. La femme leva une main, qu’elle posa doucement sur son front. Un frisson le traversa, comme si chaque fibre de son être se souvenait d’elle sans comprendre pourquoi.

— Reviens quand tu sauras qui tu es, murmura-t-elle.

Et elle disparut, avalée par la lumière.

— Comment est-ce possible ? murmura Lorcandir, la voix brisée par l'incompréhension.

Sierra, encore sous le coup de l’incrédulité, scrutait les alentours, cherchant désespérément à comprendre comment ils avaient pu échapper à la destruction totale. Étos, quant à lui, s'était assis par terre, le regard perdu dans le vide, en état de choc, incapable de prononcer le moindre mot. Lorcandir, bien que les jambes tremblantes, sentit son regard irrémédiablement attiré par un gros bloc de métal provenant de la salle des machines, partiellement enfoui sous les décombres. Se sentant poussé par une force inexplicable, il s’approcha avec précaution et découvrit que deux cristaux, un bleu et un vert, avaient miraculeusement échappé à la destruction. Ils étaient encore à moitié enchâssés dans leur socle mécanique, scintillant faiblement parmi les débris. Instinctivement, et sans la moindre hésitation, il reproduisit les gestes que Rapiat lui avait enseignés. D’un mouvement fluide, il s'empara discrètement des deux pierres, les extrayant avec soin. Le cristal bleu, en particulier, attira son attention. Dès qu'il entra en contact avec lui, Lorcandir ressentit une étrange familiarité, comme si la pierre avait toujours été sienne. La douce chaleur qui émanait du cristal dissipa instantanément sa sidération et le remplit d'une énergie réconfortante, presque rassurante. Avec les deux cristaux en main, il retourna lentement vers ses compagnons, qui n’avaient toujours pas bougé, leur esprit encore figé dans l’horreur de l’événement.

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JM'Ode d'été
Posté le 20/05/2025
Hello,

Long chapitre. (je partage l'idée d'aérer tes paragraphes)
Nouveaux personnages ! Que d’action !

Tu pars sur plein de choses qui sont effleurées et qui pourraient valoir le coup d’être approfondies, ce qui donne parfois un côté rapide à certain passage et long pour d’autres. Tu nous donnes que des touuut petits bouts de ton univers, alors que les personnages y respirent et le comprennent.

La dynamique du groupe du maître voleur communautariste est intéressante, mais on ne connait rien d’eux, comment fonctionne le groupe ? comment ils travaillent ensemble ? Tu passes vite dessus pour aller directement à la scène du vol. Ou aux entrainements physiques.

J'ai l'impression que les entrainements physique prennent le devant de la scène, ce qui rend difficile de comprendre le développement des personnages et l'évolution de leurs relations au sein du gang.
Par exemple, lorsque Sierra décrit Lorcandir, je n'ai pas reconnu le personnage : « tu parles souvent comme si tu avais déjà vu ça avant » Je m’en suis étonnée, car jusqu’à présent, Lorcandir était le garçon qui fonçait dans l’estomac d’un plus grand, mut par un instinct de survie primal.
Si ton fort sont les scènes d'action, tu pourrais approfondir cet aspect de Lorcandir en nous le montrant alors que leur relation évolue, dans les entrainements, ou lors de larcin qu'ils commettent ensemble.

Désolée pour ces propositions soumises un peu pêle-mêle. Prend ce que tu veux. Ton univers semble déjà énorme et je t'en rajoute sans vergogne ;)
DSWritter
Posté le 17/05/2025
Bon, ton chapitre 2 confirme mon premier chapitre : Tes paragraphes sont vraiment beaucoup trop longs et compacts. Donne au lecteur de quoi respirer et assimiler ce que tu lui dis.

Sinon trois autres, petits détails :
Tu oublies régulièrement des virgules dans tes dialogues, entre ce qui est dit et la narration. Par exemple "— Cours! hurla Sierra." ou "— Impossible… murmura-t-il, les yeux rivés sur la pierre." . Mais également dans certains de tes paragraphes. Par exemple "L’auberge offrait déjà un autre visage elle paraissait plus familière...", qui mériterait une virgule ou un point, entre "visage" et "elle".

Tu as oublié un guillemet ouvert tout seul dans "Lorcandir hocha la tête, son regard concentré. « "

Et dans "Ce matin la Lorcandir se réveilla frais et dispo...", tu devrais dire "disponible", car "dispo est un peu trop familier. (Même si je vois bien que tu voulais utiliser l'expression, mais ça ne marche qu'à l'oral ou dans un dialogue familier.)

Bon courage pour la suite de ton travail ! Ton histoire me semble prometteuse. 😉
Pat Athor
Posté le 18/05/2025
Merci pour ton message ;)
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