Au sortir des bains, où Lotte l'avait convaincue de se laisser parfumer d'eau de prune, Olga fut rejointe par le Sénéchal dans la Salle d’Apparat.
« Je vous guettais Demoiselle... rappelez-moi votre nom déjà ? Oui, Demoiselle Olga. Il nous faut parler de ce dispensaire, comme nous nous y sommes engagés, et trouver un lieu. Le Ministre à la Cité se rend en ville tout à l'heure, vous pourriez vous joindre à lui pour...
– Le dispensaire doit être aux Chimères.
– Dans l'enceinte du château ? Vous n'y pensez pas..., protesta-t-il en s'inclinant malgré lui, Le château n'est pas si vaste. Quant aux dépendances... Nous ne pouvons repousser ni les remparts ni les montagnes. »
Il eut un petit rire, tout à fait artificiel, guettant la réaction de son interlocutrice d'un œil inquiet.
« Le dispensaire doit être aux Chimères. Mon laboratoire est ici, et on m'a demandé de rester auprès du prince. Ne voulez-vous pas que l'on attribue cette générosité au Roi ?
– Certes, mais où voulez-vous que... »
Il n'avait pas fini sa phrase qu'Olga s'éloignait de lui. Elle fit coulisser les battants de bois, s'invita sur le large balcon surplombant la cour, et tendit un doigt vers les cellules encastrées dans la roche.
« Ici. On peut y faire des chambres, et un jardin. Ça sera ici.
– Aux prisons ? Mais enfin elles...
– J'ai entendu dire que la plupart des cellules étaient vides. Que préférez-vous, accueillir nos malades là-bas, ou dans cette pièce même ? »
La phrase résonna étrangement dans la vaste pièce aux tapisseries fatiguées.
« Cela donnerait de l'occupation aux pauvres bougres qui y croupissent encore, ajouta-t-elle, comme pour elle-même.
– Je... je dois en référer à Sau... au Roi.
– Le Roi n'a cure de cette affaire. Allons visiter ces prisons. »
Les quatre archers qui gardaient le clos de la prison n'avaient guère l'habitude des visites. Aussi furent-ils surpris en voyant s'approcher à grandes enjambées une jeune fille aux cheveux de charbon, talonnée par le Sénéchal, l'air plus désemparé que jamais. Il leur fit signe de la laisser entrer, et lui-même s'empara de tout son courage pour la suivre. Mais à peine eut-il fait quelques pas sur l'allée qu'il tressaillit. S'approcher des cellules était au-dessus de ses forces. Il héla un geôlier, lui donna quelques instructions concernant la visiteuse, et revint sur ses pas.
Elle demanda à visiter les lieux, et sans attendre de réponse, s'engouffra dans le bâtiment qui escaladait le flanc de la montagne. Elle parcourut l'alignement des cellules, rarement occupées, les cuisines endormies, les latrines, devant lesquelles elle fronça le nez et les sourcils. Elle inspecta l'humidité des murs, l'état du puits et la qualité de la terre du jardin. Puis, demandant à voir les registres, elle s'y plongea longuement, sans considération pour les geôliers qui attendaient à ces côtés, ne sachant comment traiter cette sans-gêne.
Elle resta plusieurs heures sur place, refit le tour des cellules, interrogea les geôliers sur leurs activités. Elle feuilleta à nouveau les registres, assise sur une pierre. Puis elle inspecta les clos, qu'elle avait abusivement nommé jardin. Le terme était plus qu'inapproprié. Un figuier malingre tentait d'y survivre, enserré par les branches noueuses d'une clématite desséchée. Des ronces envahissaient tout un angle, contre les remparts, et le sol, sec, était parsemé de chardons. Les mauvaises herbes elles-mêmes s'y fanaient. L'emplacement en soi n'était pourtant pas désagréable. On y entendait le brouhaha de la Grand'Place, et depuis le Val, les bavardages des oiseaux. Parfois, une ombre mouvante traçait des cercles au sol : un rapace des Serpantes faisait son tour de ronde.
Olga finit par quitter les lieux de son pas assuré. Ses pieds ne craignaient pas plus les orties que le froid.
Elle toqua aux bureaux suspendus du Sénéchal, qui la fit entrer. Il était d'une pâleur presque effrayante.
« J'avais demandé quelqu'un pour m'aider, est-ce prévu ?
– Nous faisons porter la nouvelle aujourd'hui même. Vous pourrez choisir votre second dés demain. »
Elle quitta les lieux comme elle était venue, sans un mot, la démarche sûre, autoritaire. Quelle drôle de fille... Il essaya de se concentrer à nouveau sur les parchemins déroulés sous ses yeux, sans y parvenir. Avoir été si proche des cris de Clarysse l'avait ébranlé. Il ne ferait plus rien de bon aujourd'hui.
C’est curieux qu’une jeune fille de l’âge d’Olga soit aussi sûre d’elle et autoritaire, même avec des représentants de l’autorité, justement. Défendre ses convictions et son métier, même face au roi est une chose, imposer sa volonté quand ce n’est pas indispensable en est une autre. Et pour sa réplique « stratégique », je suis d’accord avec Isapass : ça ne correspond pas au personnage.
Autrement, le récit est toujours intéressant et bien rédigé. Et comme Olga a la main verte, si je me souviens bien, elle fera pousser des plantes médicinales dans ce coin de jardin aride.
Tahvo a beaucoup de qualités, mais malheureusement, il est opportuniste et ne connaît pas la loyauté. Le fait qu’il n’ait pas hésité à tuer son maître prouve qu’il est bien assorti à Katel.
Coquilles et remarques :
Certains chapitres sont hérissés de majuscules. C’est peut-être à la mode, mais quand on se soucie de l’orthographe, ça devient vite agaçant : si tu veux vraiment en mettre une pour le premier archer, alors mets-la à « Premier », comme on le fait souvent pour le Premier ministre. La salle d’apparat, à la rigueur « salle d’Apparat », mais deux majuscules, c’est vraiment abusif. Il n’y a pas de majuscule à « ministre », « sénéchal », « messager chef », ni même à « roi », sauf quand on s’adresse à ce dernier, qu’on le présente ou qu’on annonce son arrivée de manière cérémonieuse. Le val et la cité n’en prennent pas non plus, à moins que ce soit leur nom propre.
— Je vous guettais Demoiselle... rappelez-moi votre nom déjà [virgule avant « Demoiselle »]
— Vous n'y pensez pas..., protesta-t-il en s'inclinant malgré lui, Le château n'est pas si vaste. [On ne fait pas se suivre des points de suspension et une virgule, même dans une incise, sauf si les points de suspension remplacent un mot ou un bout de phrase ; ici, ce n’est pas le cas. / Il faut un point au lieu de la virgule après « malgré lui ».]
— On peut y faire des chambres, et un jardin [pas de virgule avant « et »]
— Puis elle inspecta les clos, qu'elle avait abusivement nommé jardin [nommés / si lesdits clos forment un jardin, on peut le laisser au singulier]
— Vous pourrez choisir votre second dés demain [dès]
.
— Tahvo restait silencieux, tandis que son compagnon commentait [J’enlèverais cette virgule parce qu’il y en a déjà beaucoup dans ce passage.]
— Le Messager-Chef Linn lui préférait néanmoins Kaalun [le messager chef]
— qu'il comparait à la rumeur d'une eau qui court quand les rues jaunes de la citadelle étaient une fanfare [« quand » n’est absolument pas faux, mais dans ce contexte, il rend la phrase ambiguë ; je propose « alors que »]
— et la beauté des mises ne masquait pas petitesse des esprits [la petitesse]
— il privilégia désormais l'habilité à la force / resplendissantes de vigueur et d'habilité à l'arc [On dit plutôt « habileté », d’autant « qu’habilité (à) » est généralement employé en tant que participe passé du verbe « habiliter ».]
— Les hommes y étaient aussi fort que les buffles-laines [forts / pourquoi pas les buffles laineux ?]
— les troupes Bekri étaient partie intégrante de l'armée [faisaient partie intégrante]
— en avait eu la confirmation lorsqu'il visita les baraquements [lorsqu’il avait visité ; ces deux actions sont simultanées]
— Dites-moi si je me trompe, Tahvo, mais n'êtes-vous point originaires [originaire]
— A quinze ans j'ai voulu quitter cette vie de montagne, et me suis présenté [À / virgule après « quinze ans » / pas de virgule avant « et » / comme apprenti combattant]
— Tahvo avait certes quitté son village, adolescent, il arriva à demi mort [J’enlèverais la virgule après « village » / il était arrivé (c’est le même voyage)]
— et s'étrangla dans son mors, balancée au dessus d'un ravin [au-dessus]
— Il poursuivit sa route, gonflé de son propre courage. En réalité, il lui était impossible de remonter le sentier avec un tel chargement et une seule bête. Mais quand il atteignit le fond de la vallée, l'autre buffle-laine s'effondra d'épuisement [« En réalité » me semble étrange ; « en fait », peut-être ? / Le fait que le buffle s’effondre confirme que ce transport est impossible ; il ne faut donc pas dire « Mais » parce qu’il n’y a pas d’opposition.]
— on lui tendit un deux-lames lourd comme un tronc, afin qu'il fasse ses preuves [La virgule est superflue]
— il n'hésita pas une seconde, et devint après coup l'homme d'armes le plus talentueux de la capitale [pas de virgule avant « et » / s’il devient l’homme d’armes le plus talentueux, c’est parce qu’il a tué celui qui l’était avant, n’est-ce pas ? (parce que le talent relève de l’inné et pas de l’acquis) ; donc ce serait plus clair de dire « et devint de ce fait » plutôt que « après coup »]
J'adore comme Olga commence à trouver ses marques aux Chimères et à faire péter son autorité ! :)
Détails :
"Ne voulez-vous pas que l'on attribue cette générosité au Roi ?" : C'est très fin, comme argument de persuasion. Ce serait dommage de ne pas s'en servir quelque part... Mais n'est-ce pas un peu trop retors pour être dit par Olga ? Je ne la voyais pas ni penser, ni utiliser ce genre de "combine". Après, c'est pour arriver à ses fins, alors ça peut le faire...
"S'approcher des cellules était au-dessus de ses forces." : Y a-t-il une vraie raison (genre, liée à l'avant-dernière phrase du chapitre) ? Ou c'est juste qu'il est snob et que c'est cracra ? Dans le premier cas, rien à dire. Dans le second, il faudrait préciser.
Nan, il est pas snob not' Sénéchal !! Il a de bonnes raisons le pauvre...