Lorsqu’il était sous l’eau, Alimë se sentait toujours mal. Comme beaucoup bien sûr, mais pour lui, c’était différent. L’eau lui rappelait son passé. L’eau lui rappelait ce qu’il avait été, ce qu’il pouvait redevenir. Cet océan balayait toutes ses certitudes pour ne laisser derrière lui que les débris échoués d’une vie perdue.
Lorsqu’il se trouvait dans la zone de détention, pourtant, Alimë se sentait un peu mieux. Parce que s’il était là, au milieu de cet océan de malheur, c’était pour remettre un peu de paix dans le cœur des autres. Et dans le sien.
En enfilant ses gants, ce matin, il avait repensé à tout cela, encore une fois. Il avait réfléchi tout en enfilant sa combinaison bleu ciel ; mais c’était toujours la même conclusion. Oui. Oui, il s’en voulait toujours, et il s’en voudrait certainement toute sa vie. Mais comme d’habitude, en accrochant son masque d’un blanc immaculé sur son visage ce matin-là, il se plongea dans ce nouvel homme qu’il avait appris à devenir. Après trois ans, trois ans dans ce bâtiment gigantesque, trois ans à vivre une double vie, il sentait encore parfois la nostalgie le prendre à la gorge. Pourtant, il voulait oublier.
Alimë marchait le long du couloir B2 – 85. Le secteur B était le plus bas. Le plus enfoncé dans l’abysse. L’homme passait devant les portes, les unes après les autres. Des cellules à fleur des profondeurs marines, des détenus qu’une simple paroi transparente séparait de l’eau. De la mort, en somme.
Car un homme à la mer était un homme mort.
Arrivé devant le battant portant la plaquette dorée “B2 – 85 – 09”, Alimë s’arrêta. Les couloirs étaient déserts. Pensif, il tourna quelques pages du bloc de feuilles qu’il tenait. Sous ses yeux, le dossier du détenu lui décrivait chaque détail de son identité et de son anatomie. Mais ce n’était pas cela qu’Alimë cherchait. Il feuilleta trois pages encore, jusqu’à trouver enfin ces mots :
POUVOIR : inconnu
C’était donc bien lui. Le centre de toutes les questions posées dans ce bâtiment, c’était lui. L’inconnue dans l’équation que tous souhaitaient résoudre. Car moins l’Homme en savait, et plus il souhaitait en savoir.
– Ah, Sohon, vous êtes déjà là.
– Bonjour, Docteur Lestrange.
– Bien bien bien, ne perdons pas plus de temps…
Rapidement, le Docteur Lestrange composa un code sur les petites touches d’un clavier, à droite de la porte. Une fente dans le mur s’illumina, à l’intérieur de laquelle il glissa immédiatement une petite carte grise. Une fois qu’il l’eut retirée, un grésillement résonna dans le couloir immobile. Alors, une petite lumière rouge s’alluma sur la porte, et celle-ci s’ouvrit en coulissant jusqu’à disparaître dans le mur.
Les deux hommes pénétrèrent un premier couloir, entièrement transparent. De l’autre côté des vitres, le néant bleu. Alimë se crispa en entendant le bruit de ses pas contre la surface, bien trop fine à son goût, qui le séparait de l’eau. S’apercevant de son malaise, le docteur s’arrêta quelques pas devant lui.
– Ne vous en faites pas, c’est du solide. Mais vous avez raison de penser que ce couloir est un point faible de la structure du complexe. Question de sécurité.
Alimë fronça les sourcils tout en attachant méticuleusement ses cheveux blonds à l’arrière de sa tête.
– Que voulez-vous dire ?
– Eh bien… Disons que cette porte que nous venons de passer résiste aux explosifs. Vous savez, en cas de problème, l’endroit où nous nous trouvons…
Il mima des mains une explosion, l’air grave, et Alimë ne put s’empêcher de lancer un regard inquiété vers les murs translucides qui l’entouraient.
– C’est qu’il faut savoir sacrifier mêmes les meilleures ressources dont nous disposons pour la sécurité du complexe. Mais ne vous en faites pas, ce n’est pas aujourd’hui que cela arrivera.
Le garçon esquissa un sourire sur son visage d’enfant, et le Docteur Lestrange s’en contenta. Alimë était loin d’être rassuré, cependant il avait appris à enfouir en lui ses sentiments les plus forts. Ce n’était qu’ainsi qu’il avait gagné la confiance de son supérieur, et c’était grâce à cela qu’il pouvait à présent pénétrer la cellule B2 – 85 – 09.
LA cellule B2 – 85 – 09.
Celle dont tout le monde avait toujours parlé.
Celle dont il avait l’interdiction de parler.
Celle dont il parlerait bien trop.
Après avoir passé plusieurs portes et sas de sécurité, les deux hommes pénétrèrent enfin dans une salle beaucoup plus vaste, enrobés du bruissement de leurs tenues bleu ciel. Alimë observa les alentours dans un silence parfait, mais dans le creux de ses oreilles, des abeilles avaient élu domicile.
Il n’aurait jamais imaginé qu’au bout de ce couloir ne se trouvait pas qu’une simple cellule de détention, mais bien un laboratoire complet et équipé, accueillant des dizaines de chercheurs, de médecins et d’assistants. Baignant dans une lumière émeraude, tout ce petit monde semblait indépendant du reste de l’univers, et Alimë se sentait comme un intrus, un virus dans un organisme où il n’avait pas sa place. Aucun regard ne vint se poser sur lui, aucune question ne lui fut adressée. S’ils étaient arrivé jusqu’ici, le Docteur Lestrange et lui, alors il n’y avait rien à redire : ils en avaient le droit, et cela ne devait en rien retarder les travaux de chacun.
Légèrement mal à l’aise, Alimë posa son regard sur chaque parcelle des murs blancs, des appareils vrombissants, des blouses immaculées. Tout cela lui était bien familier, cependant ces objets et ces personnes prenaient ici un sens nouveau. Un sens qui lui faisait peur.
– Vous allez bien, Sohon ?
Le Docteur Lestrange l’observait depuis l’autre côté de son masque. Le jeune garçon cligna des yeux à plusieurs reprises, avant de réponde faiblement :
– Oui, oui bien sûr, je… Pardon Docteur Lestrange, ce n’est rien. Juste un léger étourdissement.
Le docteur acquiesça et progressa dans le laboratoire, suivi d’Alimë. Tous deux évitèrent soigneusement de se prendre les pieds dans les câbles qui serpentaient sur le sol, et Alimë se demanda pourquoi tous ces fils n’avaient pas été intégrés au plafond, comme dans le reste du complexe. Cependant il fut bientôt interrompu dans cette réflexion.
– C’est ici. Vous avez votre masque ?
Le jeune homme approuva d’un silence. Ils se trouvaient à l’opposé de l’entrée par laquelle ils étaient parvenus dans le laboratoire. D’ici, le garçon pouvait observer l’expérience minutieuse d’un laborantin. Des gestes mécaniques, une précision industrielle. Était-ce la dixième fois qu’il faisait cette expérience ? La vingtième ? La cinquantième ? Toutes ces recherches aboutiraient-elles à quelque chose un jour ? Au bout de trois ans, Alimë avait certes appris de nombreuses choses, mais celle qu’il retenait par dessus toutes, c’était que les secrets les mieux cachés étaient souvent ceux qu’il valait mieux ne pas découvrir…
Comme pour répondre à sa pensée, un bruit métallique résonna derrière lui, et il se retourna pour faire face à une porte à présent ouverte. À l’intérieur d’une pièce cylindrique, des vitres étaient dressées en cercle. Au centre de ces vitres, une capsule de trois mètres de haut. Dans cette capsule, de l’eau, claire et transparente. Et flottant dans cette eau, un masque attaché au visage, les yeux clos, un homme.
º • · .•. · • º
Je lève la main devant moi, vers le ciel.
Le soleil s’est à peine levé, et je suis seul devant la maison, assis sur le muret du jardin. Je ne sais pas pourquoi je me suis éveillé si tôt ce matin. Autour de moi, les premiers chants des oiseaux libres flottent. Il fait un peu chaud déjà, mais le vent marin empêche l’air d’être lourd.
Je tourne la tête à gauche, à droite. Personne. Alors j’enfile ma main dans ma poche et en sors un petit papier plié. C’est Seth qui me l’a donné.
C’est une photographie. Je n’en avais jamais vue avant. Il me l’a confiée la dernière fois qu’il est passé. On y voit une tour.
Seth m’a expliqué que cette tour est une prison. Il m’a décrit comment des hommes et des femmes sont enlevés et enfermés dans les profondeurs du bâtiment. Il m’a parlé des laboratoires, des expériences, des recherches qui étaient faites sur les personnes qui avaient le malheur de les intéresser. Il m’a fait un peu peur. Et puis il m’a tendu cette photographie, que j’ai tenue entre mes doigts comme si c’était le plus précieux des biens de l’univers. Parce qu’il me l’a donnée.
Seth m’a expliqué aussi qui étaient ces hommes et ces femmes que la tour souhaitait enfermer. Il m’a parlé des Aïdenon, ces gens qui semblent si normaux, mais qui portent en eux une énorme puissance. Il m’a dit qu’elles sont très rares, ces personnes qui ont un pouvoir différent, unique, un pouvoir inhabituellement fort. Ça aussi, ça m’a fait un peu peur, bien sûr. Mais je ne l’ai pas dit à Seth. J’aurais eu trop honte. Je l’aurais déçu. Alors j’ai serré la photographie entre mes doigts et j’ai espéré fort, très fort que jamais je ne me retrouverais dans cette tour.
Une voix dans l’air du matin brise la bulle qui accueille mes pensées. Je range rapidement l’image dans ma poche. Ma mère m’appelle.
– Alimë, tu es là ?
Je reprends après un temps et... mmh, c'est pas facile, mais ça va. Le tout début, surtout, avec la description des lieux m'a été difficile, mais le reste s'est bien passé, et j'ai donc raccroché les bouts :)
En plus des lieux, j'ai eu du mal à comprendre ppurquoi tout semble si vide, sauf le laboratoire. C'est étonnant et étrange à lanfois. Personne ne sort donc jamais? Pour s'y rendre et repartir, il faut bien sortir? Où vont ils aux toilettes ? C'est un peu provocateur mais dans un "vrai" labo, fut il secret et au bout du couloir, les gens vont et viennent tout autour ce me semble !
Mais j'ai hâte de lire la suite. J'imagine de chouettes idées de pouvoir d'ubiquité qui font frétiller mon cerveau :)
“Le tout début, surtout, avec la description des lieux m'a été difficile, mais le reste s'est bien passé, et j'ai donc raccroché les bouts :)”
>> Je comprends oui, surtout que la clarté n'est pas vraiment un point fort de mes histoires haha^^' Mais il faut dire aussi que tu as repris ta lecture pile au chapitre qui suit une ellipse de trois ans, donc... un peu déstabilisant, c'est sûr !
“En plus des lieux, j'ai eu du mal à comprendre ppurquoi tout semble si vide, sauf le laboratoire. C'est étonnant et étrange à lanfois. Personne ne sort donc jamais? Pour s'y rendre et repartir, il faut bien sortir? Où vont ils aux toilettes ? C'est un peu provocateur mais dans un "vrai" labo, fut il secret et au bout du couloir, les gens vont et viennent tout autour ce me semble !”
>> Je n'avais pas pensé que cela soit étrange... En fait, l'idée est que dans cette zone il n'y a plus ou moins que ce détenu-là, et que derrière sa porte ne se trouve pas uniquement une cellule mais tout un labo, et que c'est là que se trouvent tous ces gens. Donc oui, il y a beaucoup de personnes, mais elles se trouvent derrière la porte. Je ne sais pas si c'est plus cohérent ou si ça te semble toujours aussi étrange et peu réaliste ? Mais c'est vrai que le réalisme des labos est un peu à retravailler, pour le moment c'est plutôt de l'impro... Je note !^^
“ Mais j'ai hâte de lire la suite. J'imagine de chouettes idées de pouvoir d'ubiquité qui font frétiller mon cerveau :) ”
>> Trop bien si cette idée te donne envie de lire la suite^^
Merci déjà pour tes nombreux retours, c'est toujours très utile !
C’est intéressant de découvrir le quotidien d’Alimë dans l’établissement où il travaille, avec ces médecins et ces laborantins, qui essayent de percer le mystère de gens aux pouvoirs inconnus qui y sont enfermés et étudiés. C’est très mystérieux et je me demande ce qu’il se passe ici ^^ En particulier avec la cellule B2-85-09 !
Intéressant aussi d’avoir un aperçu du passé d’Alimë, où il craignait de se retrouver dans la tour. Je me demande qui est Seth et ce qui est arrivé à Alimë pour qu’il se retrouve dans la situation qu’on connaît du futur, surtout qu’il a l’air de regretter très fort quelque chose.
Tes impressions sont très justes, et je suis une fois encore très contente que tu apprécies l'histoire !^^ Pour la cellule B2-85-09, tu devrais en savoir plus d'ici peu... Mais je n'ajoute rien :))
Quant à Seth, c'est en effet un personnage très flou, et il le restera un petit moment encore... Mais j'espère que ça ne sera pas trop long à attendre ! J'ai tendance à étirer un peu les choses haha^^'
En tout cas, tous tes commentaires me touchent beaucoup, merci encore !^^
ça s'affine et il semble qu'on attaque les choses serieuse. Le monde s'étend.
Je trouve que ce chapitre est beaucoup plus fluide à lire que les précédents. il demande moins d'attention.
J'aime beaucoup les tournures un peu plus poétiques dans ce texte ou les précédents.
Oui, ce chapitre est le réel début de l'histoire. :)
Je comprends que tu le trouves plus fluide que les chapitres précédents, c'est à partir d'ici que je me permets d'amener les détails de l'histoire ! J'espère que les autres étaient tout de même une lecture agréable^^'
“J'aime beaucoup les tournures un peu plus poétiques dans ce texte ou les précédents.”
>> Ohh merci beaucoup ! Ça me touche, d'autant plus que ce sont les parties que je préfère écrire :))
Merci pour tes commentaires ! C'est très encourageant^^
Un très bon chapitre encore, très bien écrit et toujours empreint de mystère. Le changement de narration m'a un peu perturbée à la fin. C'est pas le changement de point de vue qui me dérange, mais bien celui de narration : on passe d'une narration à la 3e personne à une narration à la 1ère personne. J'aurais peut-être plutôt gardé la 3e personne avec un simple changement de focalisation interne.
Autant, changer de personnage ou même de timeline ou suivre plusieurs personnages à la fois, dans des lieux et moments différents, ne me dérange, autant, là, je trouve ça très perturbant de lier deux type de narration qui sont normalement, selon les règles de narratologie classiques, incomptabiles d'un point de vue puremet formel.
On aurait aussi pu imaginer une narration à la 1ere personne dès le début, mais à plusieurs voix, avec une atlernance des personnes et du "je", même si je suis moins fan, cela aurait été plus cohérent avec les règles de narratologie classiques.
Après c'est juste mon ressenti personnel, mais je trouve qu'il y a déjà beaucoup de zones d'ombre dans ton histoire, beaucoup de mystères et de questions, et que la forme devrait rester un repère stable et cohérent.
A voir pour la suite si je m'habitue à cette façon peu conventionnelle de structurer un récit.
Merci beaucoup pour ton commentaire très détaillé ! :)
C'est étrange, mais je n'aurais pas du tout pensé que ce changement de narration soit perturbant... Au contraire, j'aurais pensé que cela séparerait mieux les évènements : souvenirs et récit principal. Personnellement, je n'ai jamais vu de problème dans l'idée d'adopter des narrations différentes pour un seul et même personnage, pour autant qu'il y ait un sens dans cette séparation. Ainsi, le sens ici est de différencier Alimë du présent d'Alimë de ses souvenirs (tu as bien compris, il s'agit dans les deux cas d'Alimë^^), et il me semblait donc légitime de modifier le style du texte, afin de ne pas embrouiller les lecteurs, qui pourraient sinon confondre passé et présent.
“Donc à moins qu'Alimë et l'homme mystérieux soit la même personne, ce qui serait un sacré plot twist, je ne comprends pas ce que tu cherches à transmettre à travers ces changements de narrations qui, de base, ne sont pas conventionnels et ne sont pas considérés comme "réglementaires" dans la structure narrative d'une oeuvre. On choisit en général une narration en "je" ou à la 3e personne, et on s'y tient.”
>> Je ne sais pas exactement ce que tu qualifies de “conventionnel” ou de “réglementaire”, mais j'avoue ne pas vraiment me soucier des potentielles “règles” de narration qui peuvent exister... Pour moi, écrire est une liberté, une porte ouverte. Si écrire était une contrainte, une successions d'étapes à suivre, alors cela ne m'intéresserait pas. Donc, j'ai pour habitude de chercher mes mots sans barrières, en suivant une façon assez moderne de réfléchir. Par ailleurs, la littérature moderne tend justement à des textes bien moins “conventionnels”, ce qui montre bien que ces “règles” ne sont pas une réelle obligation.
Mais bien sûr, je prends en compte ton commentaire et garde en tête que je dois rester claire dans mes changements de narrations. Je ferai attention, dans ma relecture et réécriture en particulier, à ce que l'on comprenne bien ces changements passé-présent.
Merci encore d'avoir si longuement détaillé tes pensées ! :)
Pour marquer un changement de temporalité dans les événements (événements antérieurs au temps du récit), il suffit de changer de temps (plus-que-parfait ou passé antérieur pour un récit à l'imparfait/passé simple) ou d'utiliser des marqueurs temporels pour effectuer un transition et faire comprendre qu'il s'agit d'une analepse.
Dans ce cas, le plus souvent on commence avec un plus-que-parfait, puis si la scène est longue on peut glisser de nouveau vers de l'imparfait/passé simple pour développer la scène antérieure.
J'ai fait des études littéraires, et des études de narratologie, et je dois t'avouer que c'est la première fois que je fois une changement de narration utiliser comme cela, et ça me semble assez peu intuitif, car la narration joue sur les points de vue et sur la focalisation (interne, externe, omnisciente) et pas du tout sur la temporalité d'une histoire.
Pour moi, il n'y aucun lien entre les deux, si l'on considère cela comme des outils narratifs, qui servent à structurer le récit et la cohérence sur le point de vue de la forme, tu mélanges deux outils qui n'ont aucun rapport l'un avec l'autre. Il n'y pas de raison logique pour qu'un changement de perspective soit lié à un changement de temporalité.
Je sais pas trop comment expliquer mais si on file la métaphore des outils, c'est comme si tu utilisais une scie pour enfoncer un clou. La scie sert à couper du bois (les temps servent à marquer la temporalité) et le marteau sert à enfoncer les clous (les points de vue / le narrateur sert à jouer sur les perspectives).
Après je sais que les règles sont faites pour être évoluer et que l'art c'est de l'art, il faut parfois y aller au feeling, mais à moins de faire de l'écriture expérimentale de façon délibérée, en ayant déjà conscience de ces règles et en les contournant de façon consciente, je t'avoue que ça me laisse assez perplexe.
Oui, je comprends ce que tu veux dire, mais j'ai tendance à apprécier, justement, la recherche de nouvelles voies. Tu dis que j'utilise mal mes outils de narratologie, mais je pense que l'on fait ce que l'on veut d'un outil tant que cela fonctionne. Pour reprendre ta métaphore, enfoncer un clou au moyen d'une scie peut paraître fastidieux et délicat, mais si l'on y parvient, je n'y vois pas de problème.
Cela s'applique, selon moi, également dans l'écriture : les procédés formels et stylistiques peuvent avoir différentes significations selon le contexte. Par exemple, l'anaphore est un outil d'insistance sur un mot ou un bout de phrase, mais il est de plus en plus utilisé pour représenter la pensée ou le monologue intérieur (et je pense notamment à un livre que j'ai étudié en cours de Français), ou encore certains sentiments, comme la peur, la détresse, etc.
Ainsi, je trouve que, oui, chaque outil a une fonction, mais ce qui est beau dans l'écriture, à mes yeux, c'est de détourner les outils de leur fonction première afin de leur trouver des utilités nouvelles. Et selon moi, c'est là tout le côté artistique de l'écriture.
Ce qui, par contre, est très important dans ton commentaire, c'est que tu n'avais pas bien compris l'utilisation que j'avais faite de ce changement de point de vue. Je veillerai à ce qu'il soit clair lorsque je retravaillerai le texte, et serai attentive à d'autres commentaires allant dans ton sens.
Merci encore de prendre tout ce temps pour mes textes ! Il est vraiment important à mes yeux de recevoir des avis extérieurs qui peuvent différer des miens et me rendre attentive à des détails nouveaux ! :))
>> C'est assez juste, mais il n'est un nouveau venu que dans le chapitre précédent, puisque trois ans s'écoulent entre le chapitre 2 et le chapitre 3 : “Après trois ans, trois ans dans ce bâtiment gigantesque, trois ans à vivre une double vie, il sentait encore parfois la nostalgie le prendre à la gorge.” Je ne sais pas si cela était assez clair... ?