Les plages de Drev étirent leurs digues nostalgiques sur une mer grise et légère. Mouettes et goélands se battent dans le vent d'ouest, montent et descendent, répondent de leurs cris aux flots ronds et lisses, comme le visage d'un enfant. Des silhouettes fantômes se dessinent, retroussant pantalons et jupons pour récolter les trésors découverts à marée basse. Coquillages, débris de bois, verres polis. L'heure est fructueuse et sublime.
Au sud, la plage s'efface aux pieds d'imposantes bâtisses portant sur leur front le nom de vieilles compagnies maritimes. Leurs briques pâlies ne rougissent plus des cris du port, ni de ses couleurs d'industrie et de lointains. Les bois précieux, le fer, les coques peintes que l'on vide et remplit. Du bleu céruléen, du jaune safran, des étoffes et des épices comme des voyages, des teintes comme des soleils rapportés de si loin, par bateau, pour goûter sur sa langue et au bord des yeux les saveurs du monde. C'est sur ce marché que disparaîtront doucement les promeneurs à l'heure où la marée remonte. Ils fermeront cette parenthèse, et laisseront la rumeur marine pour la clameur portuaire.
Il n'est pas encore tout à fait midi et le soleil perce enfin la grisaille de la mer.
Près de la vieille digue est une petite fille. Ses longs cheveux noirs ont été nattés la veille, mais il n'en reste plus rien désormais qu'un nœud à leur pointe. Ainsi retenue, la chevelure gonfle comme une voilure. Elle en rit, la petite, avec son pied sûr. Dans sa course d'une roche à l'autre, elle se laisse porter et se baisse parfois pour taquiner un crabe qui se croyait caché.
Depuis le sable friable, en bas de la dune, Léandre s'ennuie, boude et l'observe. Ses sourcils sont froncés tandis qu'il se concentre, comme s'il craignait que sans cela, sans le sérieux qu'il met à veiller à ce qu'elle ne se foule pas une cheville, la fillette tombe et se blesse. Car tout petit garçon qu'il est, boutonné dans son costume beige, son manteau bleu et ses huit ans, il comprend par une sagacité sensible la situation qui les unis l'un et l'autre. Un jour, dans quelques années, ils se marieront. C'est une chose arrangée depuis longtemps, un accord qui se signe en regards entendus par-dessus de chaleureuses poignées de mains.
Cette fillette, dont la robe trempe à présent dans l'écume alors qu'elle cherche des coquillages à nouer en collier, s'appelle Enora Trévien. Fille et petite-fille d'armateurs, que quelques mariages heureux avaient hissés jusqu'aux portes de la classe nobiliaire, assurée d'un confort, d'une renommée et de quelques relations estimables. Pourtant, cette promesse de fiançailles avec un prince ducal ne dérivait d'aucun salon, ni d'aucun accord commercial. Seuls l'amour du large et l'amitié entre leurs pères en avait formé l'idée.
Si Léandre considère déjà ce prochain mariage avec un grand sérieux, ce n'est pas le cas de la fille de l'armateur qui ne lui parle que pour le piquer de moqueries, ou le fuit farouchement sur le rivage. Il se contente donc de la protéger de loin.
De loin, oui. Car Enora est d'un tempérament bien plus téméraire que le sien. Elle ne redoute pas d'aller défier les rouleaux de la marée montante, elle n'a pas peur de courir pieds nus après les mouettes et de se couper sur des coquillages, ni de mouiller sa robe ou d'être disputée par mademoiselle Maarjani. Elle aime jouer à désobéir. Mais si elle n'apprécie pas suivre les ordres, elle n'a rien contre en donner quelques uns. C'est ainsi qu'elle s'amuse.
En ramassant ses éclats de porcelaines marines, elle n'oublie pas de se retourner vers lui avec un air sévère, pour s'assurer qu'il reste au centre du cercle de sable qu'elle lui a délimité et attribué. Chaque fois qu'elle le regarde, Léandre s'impatiente sans comprendre si elle est déçue ou ravie de constater qu'il n'a pas bougé. Elle doit se dire : quel bêta que ce prince-là ! Si peureux, si soucieux de ne pas froisser ses habits ! Elle ne procède pas toujours ainsi, avec un cercle dans le sable, mais souvent elle se moque de l'application scolaire qu'il met en chaque chose, de ses maquettes qu'elle trouve ennuyeuses et stupides, ou encore de sa politesse dont il ne se départit jamais, même lorsqu'il n'y a pas d'adulte pour l'entendre.
Léandre sait aussi qu'elle préfère l'autre prince, son frère. Elle peut bien le trouver lent et ridicule, mais il s'est bien vite rendu compte du plaisir qu'elle prenait à le torturer de ses bêtises lorsque Andrea était présent pour les voir. Et comme cela le faisait rire, elle riait aussi.
Léandre se serre et se courbe quand elle revient, la tête et la voix occupées par un chant marin. Elle s'arrête devant lui, grande pour son âge - plus grande que lui, et le jauge drôlement, de trois quarts, menton relevé, avec un dédain qu'elle joue fort bien. Assis sur le sable, les mains plates sur ses genoux, Léandre garde son visage bas et tente de l'ignorer. Il croit qu'elle va parler, lui dire quelque chose, mais c'est la voix de mademoiselle Maarjani qu'il entend. Debout sur la dune qui surplombe la plage, son tablier de gouvernante fouetté par le vent, elle les rappelle pour le déjeuner.
Sur la nappe blanche qu'elle a étendu pour eux, elle soupire et arque ses longs sourcils sombres qui fascinent Léandre. Heureusement, ce n'est pas après lui qu'elle est fâchée, mais après Enora et ses bas de jupons trempés. Sa voix aiguë, aux accents étrangers, sermonne la jeune fille qui n'adopte un air contrit que par cabotinage. Toujours la même scène et les mêmes menaces de punition. Mais ils savent tous les trois que la gouvernante n'en fera rien : elle finira par lever les mains, agiter ses doigts très fins, et elles riront ensemble. Puis, après manger, Maarjani lui refera sa natte. Cela n'amuse plus Léandre qui prend un air fermé et jaloux en trempant son naan dans la sauce pimentée à la coriandre et au citron.
C'est une spécialité de Maarjani, et une des raisons pour lesquelles il pardonne à la jeune femme sa partialité. Tous les samedis, elle fait ce pain pour eux avant de les emmener jouer sur la plage. La recette vient de la ville de Tanup, à Shindra ; c'est là-bas qu'elle est née et a grandi. Ce n'est pas rare, à Drev, qu'une femme étrangère soit prise au service d'une riche famille, soucieuse d'ouvrir leurs enfants, ainsi que leur palais, aux histoires et saveurs de mondes lointains. La plage, par contre, c'est une fantaisie de leurs parents. Ces instants que les deux enfants passent à jouer ne sont pas sans rapport au destin qui sera le leur. Qu'ils grandissent ensembles, qu'ils s'habituent l'un à l'autre, qu'ils partagent cette enfance sereine et simple pour des yeux adultes, et pourtant si pleine de drames indicibles et d'écorchures.
Maarjani fait s’asseoir Enora devant elle et, armée d'une brosse et de douceur, entreprend de démêler les cheveux épais, empêtrés par le sel et le mouvement. Léandre en profite ; il s'éloigne et les regarde de loin. À son tour d'explorer, maintenant que la voie est libre et qu'Enora ne peut pas se moquer de ses incertitudes. Il saute d'un pied à l'autre sur les rochers noirs de la digue, cherchant dans les coins et recoins, où persistent des flaques salées, si un poisson ou un trésor n'attend pas d'être découvert. Il glisse un peu, ses bras tendus comme les vergues d'un navire pour refuser la chute. Il sent, depuis la plage, les yeux perçants d'Enora sur son dos, mais il ne se retourne pas. Le rouge lui est monté aux joues. Il comprend qu'il est sage là où elle est agitée et qu'elle s'agace de le voir maladroit quand Maarjani la contraint à l'immobilité, mais ne peut-elle pas prendre sur elle pour se comporter correctement avec lui ? Ce n'est pourtant pas sa faute si sa tresse s'est dénouée et qu'il faut la refaire ! Quand ils seront mariés, il faudra bien qu'elle se montre plus conciliante.
Il secoue la tête, respire au vent.
Alors qu'il suit, du bout de la digue, les triangles fins des voilures blanches, il l'entend derrière lui.
« Léo ! Tu entends ? Tu reviens ! »
Il se retourne. C'est encore un ordre qu'elle lui donne. Les mains sur les hanches, Enora le fixe avec cette colère si particulière et totale qu'on ne comprend bien que dans l'enfance. Un rien la provoque, un rien l'efface. Cependant, cette colère là effraie toujours Léandre qui ne sait pas comment y répondre, sinon par un silence. C'est encore ce qu'il fait : il la regarde venir vers lui à grandes enjambées, ses cheveux de nouveaux tenus serrés entre eux. Il voit Maarjani qui les guette, soucieuse lorsqu'ils se chamaillent.
« Tu ne sais même pas nager Léo, si tu tombais dans l'eau...
– C'est marée basse. »
Elle lui saisit la main avec l'autorité dont elle déborde, dont elle doit avoir peur parfois, et le ramène jusqu'à la plage. Léandre se prend à sourire. Ses yeux courent le long du bras d'Enora, tendu derrière elle tandis qu'elle le guide sans se retourner. Il aime sans trop savoir pourquoi la façon dont son coude se fléchit, et son cœur se soulève d'une joie très simple qu'elle lui tienne la main. Il se sent moins pataud lorsqu'elle le fait. Et au fond, même si elle se rit, même si elle étend sur lui ses ordres capricieux, elle doit bien l'aimer comme son ami pour le tenir ainsi. Elle ne ferait pas ça avec Andrea, elle n'aurait pas peur qu'il se blesse, et elle ne tenterait pas vainement de cacher son sourire dans le vent et derrière ses cheveux trop bien nattés. Alors, tout à son enthousiasme, il tente :
« Tu sais, hier, j'ai fini le trois mâts. Je pourrais l'amener la prochaine fois si tu veux le voir. »
Il a tant de fierté pour cette maquette depuis que son père s'est écrié, en reconnaissant le modèle, « on croirait L'Amandine sortie des eaux ! », qu'il oublie l'animosité naturelle d'Enora envers ses miniatures navales.
« Je te le donnerai s'il te plaît. »
Leurs pieds s'enfoncent de nouveau dans le sable. Enora s'emporte vers lui dans un geste trop brusque qui veut imiter les grandes personnes. Dans ses yeux, Léandre est sûr qu'elle va parler ; il voit les mots se bousculer en elle, sans trouver le chemin qu'il leur faut. Alors, elle lui frappe le ventre. Un grand coup, fourbe, rapide, pas pour faire mal, mais qui le fait quand même, puis elle s'échappe en courant :
« Loup ! C'est toi le loup ! »
Elle crie si fort et court si vite. La main sous les côtes, Léandre cherche son souffle avant de s'élancer à sa suite. Il feinte la lenteur pour qu'elle baisse la garde. Il accélère, elle s'échappe de justesse. Elle rit si fort et si vite.
Depuis la dune, Maarjani se détend : ce sera finalement une bonne rencontre. Ce n'est pas toujours le cas, mais la gouvernante a reçu la consigne d'intervenir le moins possible. Elle n'est qu'observatrice sur cette plage, gardienne des souvenirs qui s'y créent semaine après semaine, lorsque le plus jeune fils du duc vient passer ses samedis à Drev.
Maarjani les observe jouer à se poursuivre, à s'attraper, à rire, mais elle regarde aussi sa montre fine, en or blanc, un cadeau de madame Trévien. Il est bientôt quatorze heures, il faut songer à rentrer. Enora a son cours de musique, et le jeune Léandre a très certainement des devoirs à terminer. La gouvernante se lève pour ranger les affaires du pique-nique. Ses mains colorées secouent la nappe et la plient avec soin. Léandre s'est arrêté de courir pour la regarder faire. Pendant un instant, ces mains brunes et la nappe ressemblent à un navire qui pourrait l'emporter.
Le jeune prince s'approche d'elle, sagement, avant qu'elle ait besoin de le demander. Il se retourne à mi-chemin pour voir si Enora le suit, mais elle continue sans lui ses inventions autour de l'épave d'un bateau de pêche que la marée retirée a couché sur le flanc.
« Mademoiselle Enora ! »
Maarjani a fait quelques pas en avant, mais sa voix n'atteint pas l'enfant qui escalade la coque et disparaît dans l'embarcation. Léandre se fâche : à cause d'elle, c'est toujours difficile de partir. Il n'aime pas être en retard.
« Monsieur Léandre, s'il vous plaît, voudriez-vous bien aller la chercher ? »
Il accepte avec sérieux et s'approche à grands pas du bateau, avec sur le visage un masque d'autorité courroucée emprunté à son père.
« Enora ! Ça suffit maintenant, il faut rentrer ! » lance-t-il au pied de la coque écaillée.
Elle ne répond pas. Ni ne prend la peine de se montrer.
« La marée va monter et... et tu vas être coincée ! »
Toujours rien. S'est-elle blessée ? Inquiet dans son début de colère, Léandre fait le tour du bateau et trouve qu'il est plus facile de monter par la poupe. Les planches sont usées et poisseuses, il doit prendre garde à ne pas glisser. Il se faufile à travers l'ouverture étroite de la porte de la cabine, trop abîmée et gonflée pour s'ouvrir au delà d'une trentaine de centimètres. Enora est là, agenouillée sur le plancher, dans le sable, les déchets marins et les fientes d'oiseaux.
« Mais qu'est-ce que tu fais ? Tu n'entends pas quand on t'appelle ? Tu pourrais répondre ! Tu vas être crottée maintenant, c'est malin !
– Chut ! »
Elle tourne son visage vers lui, le doigt sur la bouche et le regard noir, comme si c'était lui qui se comportait d'une façon inappropriée. Sa volonté le désarme. Léandre s'avance et découvre ce que son corps cachait à sa vue. Là, au centre d'un amas de cordage à droite de la barre, se trouve un nid où gît un oiseau mort. Une mouette dont le plumage se soulève encore sous les assaut du courant d'air. Enora la regarde avec gravité.
« Il faut que nous fassions quelque chose pour eux.
– Eux ? » répète Léandre, que cette vision de la mort bouleverse.
La fillette, bien plus brave que lui, saisit entre ses mains l'animal inerte.
« Arrête ! C'est sale ! Et plein de maladies ! »
Mais elle ne lui prête aucune attention, trop occupée à mesurer son geste. Elle dompte sa brusquerie habituelle pour la teinter de tendresse lorsque, sous le corps de l'oiseau mort, elle dévoile trois œufs que l'animal était venu couver une dernière fois.
« Tu vois : eux. Elle s'est sacrifiée, elle est revenue blessée, dans le froid, jusqu'ici pour les protéger. On peut pas les laisser là, il faut qu'on fasse quelque chose. »
Enora pose un silence chargé de la responsabilité qui leur incombe, la mère posée sur les genoux.
« Tu vas m'aider ? »
Elle a un regard terrible que Léandre voit pour la première fois.
C'est une question de vie ou de mort.
« Oui... oui, bredouille-t-il devant la violence de son courage.
– Bien, on va prendre les œufs et les rapporter à mon père. Il saura comment faire. »
Elle lui semble si sûre d'elle que Léandre acquiesce vivement.
« Tiens, porte la mère, je vais prendre le nid. »
Comme elle lui tend le cadavre dont la tête noire dodeline dans le vide, il grimace.
« Tu ne veux pas plutôt que je porte le nid ? »
Elle fronce ses sourcils d'un noir sauvage.
« Tu as peur ?
– Non, c'est pas ça... C'est juste que... j'ai plus l'habitude que toi de porter des choses fragiles. »
Enora hésite avant d'entendre cet argument.
« Très bien, prend le nid alors. Mais fais bien attention ! »
Elle se lève et sort de la cabine en tentant de forcer l'ouverture de la porte. Mais c'est inutile, le bois gonflé et les gonds rouillés résistent. Léandre ramasse avec précaution les trois œufs ainsi que le cordage qu'il aménage et resserre, de façon à maintenir le nid ensemble. Son manteau beige s'écharpe contre la pêne.
Maarjani guette leur retour, haussée sur la pointe des pieds, sa main gantée portée en visière. Enora saute lourdement sur la plage, tenant la mouette à deux mains devant elle. Léandre la suit avec plus de prudence, descendant par la poupe, une jambe après l'autre, genoux fléchis. Il n'essaie pas de rattraper Enora qui marche avant lui, le menton haut et l'air solennel. Maarjani n'a pas le temps de s'étonner de ce sérieux, elle voit l'oiseau mort dans les bras de l'enfant et recule avec un mouvement étrange qu'elle accompagne d'un mot qui veut éloigner la mal-fortune. De là d'où elle vient, on ne touche pas la mort ainsi. Elle dissimule néanmoins son trouble tandis qu'Enora annonce :
« Avec Léo, on va lui offrir des funérailles. »
La gouvernante roule son sourire les dents serrées et Léandre se demande si elle lui en veut de ne pas avoir dissuadé la fillette en chemin.
« Nous verrons cela avec vos parents, pour l'heure il faut vous changer pour votre cours de musique. »
La fille de l'armateur hoche la tête, scellant cet accord. Maarjani ne pose pas plus de questions lorsqu'elle voit le petit prince ducal passer devant elle avec le nid et les œufs. Elle ramasse son panier d'osier et le loge sur son coude. Le maître de maison saura quoi faire.
Comme Eryblack, je ne m'attendais pas à ce retour arrière malgré le changement de temps et j'ai d'abord cru que Léandre surveillait sa fille, ce qui était contradictoire avec mon impression qu'il n'avait pas d'enfant (cf. la "délicieuse" conversation avec son oncle à propos de l'éventuelle répudiation d'Enora...). Mais tu ne tardes pas à détromper ton lecteur et, une fois la question éclaircie, je me suis faite happer par le texte, comme à chaque fois.
J'ai trouvé le style assez épuré par rapport aux chapitres précédents. Ce n'est pas du tout un jugement dans un sens ou dans l'autre, simplement un constat. Ici, tu manies moins la métaphore et l'ironie, ce qui fait que j'ai ressenti la scène comme un tableau impressionniste : ça a d'abord l'air de former une image lisse, puis les composants deviennent apparents et chacun prend son importance. Comme on est dans le point de vue de Léandre qui se tient à l'écart d'Enora dans son enclos de sable, c'est assez passif. Mais à mesure qu'on avance dans le chapitre, on comprend un peu mieux ce que la personnalité de la fillette provoque chez Léandre, et sa personnalité à lui en est mise en exergue. Qu'il est déjà sérieux et conscient de ses responsabilités ! J'en ai presque été triste pour lui. Quand à Enora, je lui excuse volontiers son autoritarisme : face à un caractère comme celui de Léandre, ça doit être trop tentant ! Et puis elle n'a pas l'air d'en abuser quand même.
Contrairement aux deux autres commentateurs, je n'ai pas forcément ressenti l'apparition de la mouette morte comme une incursion du malheur ou une prémonition. Pour moi, c'est typiquement le genre de petit incident qui aident les enfants à appréhender l'idée de la mort. La plupart des enfants passent d'ailleurs par une phase un peu morbide qui est finalement plutôt de la curiosité. Mais si j'en crois ta réponse à Hastur, tu l'as bien mise là comme une prémonition, non ?
Quoi qu'il en soit, j'ai encore trouvé ce (demi) chapitre magnifiquement mené. Ta plume est délicate, tes constructions subtiles... Je suis fan ! ♥
J'ai repéré une ou deux coquilles mais (désolée), comme j'ai lu sur téléphone, je ne les ai pas relevées. Je me souviens juste de l'utilisation du verbe feinter là où, à mon sens, le verbe feindre serait plus adapté ("Il feinte la lenteur pour qu'elle baisse la garde." : il feint la lenteur)
Vivement la suite !
Je suis contente que tu aies perçu l'inspiration impressionniste de ce tableau d'enfance. Comme je répondais à Pluma, c'est un partie pris stylistique caché, mais chaque chapitre ou scène répond une composition picturale.
Pour la mouette, j'ai répondu "prémonitoire" entre guillemets, parce que ce qui m'intéresse c'est ce qu'on peut considérer comme prémonitoire a posteriori. Comment on explique certains moments de nos vies par un souvenir, un instant, une image ou une parole à un moment donné... C'est prémonitoire rétrospectivement, finalement. Dans l'après coup, on accorde un sens spécifique et prophétique à une découverte qui, finalement, est d'un caractère anecdotique toute à fait naturelle. Ce qui m'intéresse avec les Oiseaux, c'est de rendre visible et romanesque ce roman intérieur que se racontent les personnages. J'ignore si c'est très clair dit comme ça ! x)
En tout cas, je te remercie de ta lecture et de ton retour riche et intéressant !
A bientôt ~
Voilà un chapitre tout doux et tout lourd - d'une douceur et d'une lourdeur qui font du bien, qui réconfortent. (ne prend pas le terme "lourd" de manière péjorative, je trouvais juste que cet adjectif, à sa manière et par ses sonorités notamment, illustrait bien ce que je voulais exprimer) J'ai sincèrement adoré ce flash-back, avec cette atmosphère vaporeuse, fluctuante, rieuse… assez rafraîchissante en fait ! J'y ai vu quelque chose de poétique - on dirait que Léandre se rappelle de ces moments de façon nostalgique.
Enora (Quel prénom mélodieux !) est une enfant passionnée et passionnante, c'est avec beaucoup de facilité que je me la suis représentée. Je suis également curieuse d'en apprendre plus sur ces œufs, avec l'indice du titre, je pense qu'ils vont tout de même tenir un rôle assez important.
Et surtout, surtout… Wouaaaaah ! C'est vraiment admirable tous ces tableaux et toutes ces ambiances que tu peux dépeindre à travers ta plume - sans pour autant que cela perde de sa joliesse. Bravo, je suis bluffée ! <3
Autant avec le déjeuner funeste en compagnie de son oncle que dans les rues de Poléon (c'est bien ainsi que la ville se nomme ?) je n'ai eu aucune difficulté à assimiler puis imaginer les scènes que tu nous dépeignais - soutenue par ton vocabulaire riche et tes tournures de phrases oubliées des écrivains actuels.
J'ai frissonné à l'ambiance pesante du dernier repas.
J'ai vagabondé en compagnie de Léandre et de ses tracas. (il fume énormément d'ailleurs ! J'ai presque moi-même senti l'âcre odeur de la cigarette parfois…)
J'ai filé à son souvenir avec délice.
Je m'en veux un peu d'être si pauvre en remarques dans les commentaires que je t'adresse (mais si tu es comme moi, tu dois sûrement accepter avec autant d'enthousiasme les messages "guimauves"). Je n'ai donc rien d'autre à remarquer outre un léger abus de virgules parfois. C'est seulement avec ce dernier chapitre que je découvre aussi la narration au présent. Jusqu'alors, curieusement, elle m'avait toujours parue au passé.
Hâte de connaître la suite, et de voir où tout ça va donc nous embarquer !
Puisses-tu vagabonder éternellement aux côtés de ton univers, de l'inspiration, du rêve et des nuages !
Pluma.
Ton commentaire me fait énormément plaisir en tout cas, notamment parce que tu y emploies le mot de "tableaux" qui se suivent de chapitres en chapitres. C'est en effet comme cela que le roman est construit, autour de scènes et de chapitre qui offrent un tableau, qui ont leur propre technique de peinture, leur point de fuite, leur détail qui organise le regard et la composition. C'est presque un roman musée finalement !
Et effectivement, mes chapitres précédents sont bien écrits au passé, mais le souvenir, lui, est au présent. Une façon de marquer que, pour Léandre, peut-être que le passé est plus actuel, plus agissant, que son moment présent ;) C'est là-bas que se trouve les réponses qui lui manquent.
Merci beaucoup pour ta lecture et ton retour très enthousiaste !
J'ai été déstabilisée par l'usage du présent, puis rassurée quand j'ai compris qu'on se trouvait dans le passé. Ça rejoint ce que je te disais dans mon précédent commentaire : j'aime que ce chapitre flash-back ne soit pas annoncé par une date ni un titre évocateur du passé, j'aime avoir eu quelques instants d'incertitude avant de comprendre. Au tout début, j'ai cru retrouver Léandre dans le présent, de retour à Drev et surveillant sa fille, par exemple. J'aime bien être doucement détrompée de cette manière <3 Ça rend la lecture dynamique et exigeante pour l'esprit.
Et je suis ravie d'avoir rencontré Enora de cette manière !! Ça a l'air d'être un personnage très intéressant. Depuis Soledad et Maria, c'est le seul personnage féminin sur lequel un focus soit mis (hors la mère de Léandre et Andrea, mais comme elle est morte, ce n'est pas pareil). Du coup, je dois dire que j'en attends beaucoup et que je ne suis pas déçue jusqu'ici, au contraire. J'ai hâte de découvrir quelle femme a pu devenir cette enfant au fort caractère ^^ Je suis aussi curieuse de sa relation avec Andrea. Je me fais même un peu de souci pour Léandre : si sa femme, qui a l'air d'être un soutien essentiel pour lui, s'entend trop bien avec son frère, j'ai peur que ce soit difficile pour lui. Mais c'est bien ce qui est intéressant.
Quelle belle scène d'enfance, d'ailleurs. C'est un thème vers lequel je me sens de plus en plus portée, et j'admire la façon dont tu décris ici ces jeux, ces relations de domination, ces interactions souvent très "scénarisées"... Je ne cesse de me régaler de ta plume. Ton usage des zeugmes, en particulier, me fait sourire à tous les coups !
Oh, j'adore aussi cette ouverture que permet le personnage de Maarjani. Ton histoire a jusqu'ici un côté très intimiste, mais je développe une curiosité grandissante pour le monde dans lequel tes personnages évoluent.
Quelques coquill(ag)es relevé(e)s :
- "il comprend par une sagacité sensible la situation qui les unis l'un et l'autre." > unit
- "elle n'a rien contre en donner quelques uns" > quelques-uns
- "Qu'ils grandissent ensembles" > ensemble
- "cette colère là" > colère-là
- "Et au fond, même si elle se rit, même si elle étend sur lui ses ordres capricieux, elle doit bien l'aimer comme son ami pour le tenir ainsi." > c'est "même si elle se rit" qui me fait drôle. Ne devrait-on pas dire "même si elle se rit de lui" ? Ou bien j'ai mal compris la tournure.
- "au delà d'une trentaine de centimètres" > au-delà
Je ne sais pas trop où tu en es dans l'écriture, mais je serai ravie de lire la suite ! À bientôt j'espère :D
Tu mets le doigt sur la position très particulière du personnage d'Enora (et j'ai très hâte que tu puisses la rencontrer au chapitre 4 !). Épouse et soutien de Léandre, elle entretient aussi une relation d'amitié profonde et complexe avec Andrea. Elle dispose heureusement des qualités nécessaires à cette double loyauté.
J'aime également beaucoup cette scène de jeux d'enfants, si je puis me permettre de dire cela en tant qu'auteur ~ La suite du chapitre me demande encore un peu de travail pour me plaire autant que le début : toutes les thématiques qui entourent Léandre adulte s'y installent et s'y mettent en tension à travers les gestes de l'enfance.
Je note précieusement ces coquillages et crustacés que je m'en vais corriger rapidement !
Encore merci de ta lecture et de ton intérêt pour les Oiseaux, et à bientôt !
Quel plaisir de se laisser à nouveau emporter dans ce dédale de sentiments, d'hésitations et de sensations. Dire que l'on voit par les yeux du personnage, mais aussi par tout autre de ses sens, prend vraiment son ampleur ici !
Je trouve aussi que les comportements d'enfants sont très réalistes, en tout cas j'y crois complètement et je me laisse sans aucun problème emporté.
Malgré que nous ayons affaire à ce flashback de l'enfance de Léandre, nous retrouvons déjà une partie de son caractère, ce manque de courage peut-être, ou de spontanéité, ou d'envie de liberté, qui met mal à l'aise d'autant plus qu'il a 8 ans ici.
L'atmosphère générale est toujours aussi excellente. J'ai toujours l'impression de me trouver à la frontière de quelque chose avec le réel (je n'oublie pas le prologue :)), comme si le sentiment de morosité, de gris infini que j'imagine, allait finir par percer sur quelque chose de surnaturel et de bien plus sombre. Et c'est un petit peu ce que j'ai ressenti lors de la découverte de la mouette. D'un coup, sans prévenir, une noirceur s'invite avec l'espoir d'une promesse de vie dans les œufs, mais une promesse bien fragile.
Enfin bref, je me perds un peu dans mon enthousiasme hu hu !
Pour résumer, ca a été un vrai plaisir de retrouver ta plume que j'affectionne toujours autant ! J'espère que tu arriveras à remettre convenablement le pied à l'étriller dans le printemps qui s'annonce et que le résultat te satisfera ;).
A bientôt !
Je suis vraiment ravie que l'ambiance de ce chapitre fonctionne dans ce qu'il a de nostalgique, d'enfantin, mais aussi de "prémonitoire". J'avais pris un énorme plaisir à l'écrire, à découvrir cette frontière qu'on entretient adulte avec notre propre enfance, comment on la regarde, et comment on peut aussi y revenir. Et oui, Léandre était déjà un petit garçon trop sérieux et difficile à suivre pour une enfant aussi vive qu'Enora !
A très vite !