Chapitre 34

La légende des Fatas et des Sangs-mêlés - Canto 4

Les Fatas s'unirent donc aux hommes, et en portèrent les enfants à leur grande surprise. Mais les enfants ainsi nés, ni tout à fait humains, ni tout à fait Fatas, n'héritaient pas de leurs vastes pouvoirs. Les filles avaient des dons, amoindris, immenses encore au vu des hommes, mais incomparables à ceux de leurs aïeules. Quant aux garçons, triste sort ! ils n'héritaient d'aucune disposition, mais les transmettaient à leurs filles.

Mais avant cela, tous furent des nourrissons vagissant, de petites choses molles qui avaient déformé le ventre et les seins de leurs mères affolées. Si toutes ne rejetèrent pas leur progéniture, la grande majorité des Fatas furent horrifiées de la créature rose et braillarde qu'on leur mit entre les bras, et qui les avait fait tant souffrir. Beaucoup abandonnèrent père et enfant à leur sort, et les hommes virent alors grandir parmi eux une génération disparate, héritière des fées et des hommes, des jeunes filles se découvrant tardivement des pouvoirs cherchés toute l'enfance, des adolescents mâles frustrés de ne pouvoir en disposer, et des nourrissons qui flottaient au dessus de leurs berceaux.

Ceux qui survécurent furent chanceux. Beaucoup, en effet, furent tués sur le champ, et la fée sans scrupule repartait à la recherche d'un nouvel amant. Des hommes qui avaient été aveuglés d'amour pour leurs belles se mirent soudain à les haïr de la même force, après avoir découvert le cadavre de leur petit enfant dans le couffin encore chaud, et la mère disparue. Le bruit courut vite que les Sang-Mêlés étaient rarement bien accueillis par les Fatas vengeresses, et des nouveaux-nés furent enlevés par leurs géniteurs affolés, prêt à tout pour les sauver. Donnés à des nourrices, déposés sur les marches d'un lavoir, les Sang-Mêlés furent disséminés, adoptés par des parents inconscients de leurs origines troubles. Parmi les fillettes abandonnées aux hommes, et qui manifestèrent leurs pouvoirs, les plus dociles périrent d'épuisement, sollicitées sans cesse pour leur magie, que l'on croyait intarissable.

Les Fatas ne se découvrirent pas seulement fécondes, au contact des hommes. Elles se découvrirent mortelles.

Qu'elles eurent ou non porté un enfant, toutes celles qui s'étaient accouplées avec un humain découvrirent avec stupeur, aux Nuées suivantes, des sillons de part et d'autre de leur bouche, et sur la largeur de leur front. La blancheur de leur peau se tâchait de brun sur les mains, puis aux tempes. Leurs seins, auparavant dressés jusqu'à l'arrogance, devenaient lourds, tirant avec eux la peau de leur cou qui se plissait, et pesaient sur les ventres déformés. Les joues perdaient leur toucher de satin, et des fils d'argent marbraient leur chevelure jadis flamboyante. Et plus elles changeaient d'apparence pour se donner l'illusion de la jeunesse, plus leurs traits réels déclinaient, et avec eux, leurs forces.

Pétries de honte et de colère, elles s'isolèrent, qui dans une grotte, qui sur un glacier, et durent accepter la mort. Certaines ne se retirèrent qu'après avoir commis de véritables massacres, enragées de leur déchéance. C'était trop cher payer l'amour.

 

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Isapass
Posté le 08/02/2018
Très chouette ! Décidément, ils sont très beaux les cantos de Follet.
Tiens, tiens, des filles sang-mêlé abandonnée et qui auraient des pouvoirs ?... interessant 
Et les seins dressés jusqu'à l'arrogance, on en parle ? Et oui, les gonzesses, fées ou pas, c'est ce qui nous attend toutes, les nénés qui pendent sur le ventre. Depuis, on a inventé le soutif, quand même. Elles en avaient pas, les fatas, des soutifs ?
Pas de pinaillage, tout est impec. 
Olga la Banshee
Posté le 08/02/2018
Quand elle ne peut pas pinailler, elle lance un débat sur le soutif... Mouahahah !
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