Dans un silence de mort, moi ainsi que les personnes qui m’entourent observons la colonne de fumée noire qui s’élève lentement dans les airs au-dessus de la base. Nous étions en train de venir en aide aux victimes d’Assic que le groupe de Louis était parvenu à sauver quand l’alarme s’est déclenchée, suivies de très près par une explosion assourdissante qui a illuminé les environs. Je déglutis péniblement toujours en fixant mon ancien lieu de travail. C’était donc ça la diversion de Liam ? Un attentat à la bombe ? Je me demande bien comment il a réussi à produire une telle déflagration. Pendant un instant, le doute s’empare de moi. Est-ce que c’était vraiment nécessaire d’en arriver là ? L’armée ne laissera pas passer ça cette fois-ci. Une bourrade me sort de ma torpeur. Andy est à mes côtés.
- C’est pas le moment d'être distraire, Isis. On met les voiles !
- Mais et les autres ? m’exclamé-je en empoignant mon sac qui m’avait échappée des mains. Le groupe de Luna n’est pas encore revenue !
Et surtout, pensé-je. Nous n’avons sauvé que trop peu de personnes. Au total, j’en ai compté une dizaine. Mon cœur se serre. Elena n’est pas l’un d’entre eux.
- Yvan reste avec les meilleurs tireurs pour les couvrir, m’informe-t-il. Nous, il faut à tout prix mettre les survivants à l’abri ! Occupe-toi de cette fille, me dit-il en pointant du doigt une silhouette toute frêle qui tremble comme une feuille. Puis rejoins-moi.
Après m’avoir communiqué ses ordres, mon ami tourne les talons pour venir en aide à d’autres personnes. Je m’empresse de lui obéir et accours vers la blessée. Je remarque qu’un de mes coéquipiers lui a déjà donné une paire de chaussures. Elle sursaute quand je pose ma main sur son épaule.
- Je suis Isis. Je vais m’occuper de toi, l’informé-je d’une voix calme pour ne pas la brusquer davantage. Comment t’appelles-tu ?
- Jude, murmure-t-elle si bas que je crains d’avoir mal entendu.
- Jude, répété-je.
- Pour Judith.
Malgré la température supérieure à la moyenne de saison, je remarque qu’elle est frigorifiée et tente vainement de se réchauffer en se frictionnant les bras. Je lui tends ma lampe de poche. Jude s’en empare, hésitante. J’ouvre mon bagage et sors un gros pull que je lui passe. Je croise ses yeux émeraude et elle me fait un pauvre sourire avant de me rendre la lampe et d’agripper le vêtement qu’elle enfile.
- Écoute, Jude. On va te mettre à l’abri. Es-tu capable de marcher ? demandé-je.
Elle acquiesce faiblement. Des cris s’élèvent soudain dans notre dos. Luna, le visage en sang, accompagnée d’un quart de son escouade débarque dans notre repaire.
- DÉGAGEZ ! beugle-t-elle. Ils sont à nos trousses !
C’est à grande peine que je parviens à maitriser la terreur qui s’empare de moi. Je n’ose même pas imaginer ce qui nous attend si nous sommes rattrapés par les soldats. Je déglutis difficilement pour récupérer un certain contrôle. Tim a décidé de me faire confiance en me proposant cette mission, à moi de lui prouver qu’il a eu raison de croire en moi. Pour me donner du courage, j’effleure des doigts le poignard d’Elena à ma ceinture en espérant recevoir sa force. Elle, elle n’abandonnerait pas. Comme pour faire écho aux paroles de Luna, des coups de feu sont tirés au loin. Si je parviens à me contrôler, il n’en faut pas plus pour instaurer un mouvement de panique parmi les rescapés de la section médicale. Si certains s’effondrent en hurlant, d’autres s’enfuient en courant dans la direction opposée. Craignant que Jude n’en fasse de même je reporte ma vigilance sur elle. Contre toute attente, elle ne bouge pas et se contente d’observer la scène qui se déroule sous ses yeux avec une étrange placidité.
- Que chacun garde son calme ! s’exclame Louis par-dessus le tumulte. Restez avec la personne qui s’occupe de vous et vous serez bientôt à l’abri.
Tout en donnant ses instructions, le rebelle a soulevé un cobaye évanoui au sol et le place sur son dos. Sa prise de parole semble avoir atténué quelque peu l’anxiété des nouveaux arrivants, mais je sens bien que leur panique ne demande qu’à exploser. Je passe mon bras sous celui de Jude et l’intime à se mettre en marche. Elle se laisse faire et en deux enjambées nous sommes aux côtés de Andy. D’autres coups de feu sont tirés. Des cris sont lâchés et certains sanglotent, mais pour la plupart ils parviennent à se garder un certain sang-froid. Après un dernier rappel à l’ordre, nous quittons enfin l’endroit où nous patientons. Comme convenu un peu plus tôt, nous nous préparons à nous disperser par groupe de huit, cinq rebelles pour trois rescapés. Après, c’est la formation que nous tentons d’appliquer. Nous sommes désormais plus qu’une vingtaine. Plusieurs personnes de l’escouade de Luna ne nous ont toujours pas rejointes. Inutile de réfléchir longtemps pour comprendre qu’ils ne reviendront pas. Alors qu’Andy s’accroupit pour permettre à la fille dont il s’occupe de monter sur son dos, Alan qui fait également partie de notre équipe propose à Jude de la porter. Toutefois, celle-ci s’empresse de refuser d’un mouvement de tête sans desserrer les dents. N’insistant pas, le rebelle se tourne vers le deuxième survivant, un jeune homme particulièrement chétif, qui accepte l’aide sans hésiter. Jude se rapproche de moi. Je replace mes lunettes de vision nocturne sur le nez et Andy donne une paire à ma voisine. Avant que nous nous mettions en marche, je parviens à lui glisser à l’oreille :
- Si tu as la moindre faiblesse, fais-nous signe immédiatement.
Je croise ses pupilles dilatées par l’obscurité quand elle pivote son visage vers moi.
- Je refuse d’être un poids pour vous, murmure-t-elle. Ne vous inquiétez pas pour moi.
Je souris et lui donne une tape dans le dos.
- Cela n’a jamais été mon intention de juger comme telle. En route.
Puis sans un mot, nous nous élançons entre les arbres en faisant tout de même attention malgré la menace qui nous poursuit à maintenir un rythme supportable pour les rescapées. La tension augment d’un cran quand nos alliés disparaissent de mon champ de vision. J’ai beau savoir qu’ils ne sont pas loin, je ne me sens pas tranquille à évoluer en si petit nombre au cœur des bois avec des militaires d’élite pouvant être tapi n’importe où prêt à nous abattre. Je tends l’oreille. Les tirs se sont tus et un silence inquiétant brisé uniquement par le bruit de nos pas ne m’apaise en rien. J’ignore si c’est par crainte ou pour me donner une certaine constante, mais je me rapproche un peu plus de Jude pour coller ses talons au plus près. Devant sentir ma présence, elle jette un léger coup d’œil interrogateur par-dessus son épaule. D’un geste, je la rassure et elle reporte son regard droit devant elle. Nous continuons de cheminer en silence avec Andy qui nous guide et Sandro qui ferme la marche. Une rafale de coup de feu est soudainement tirée au loin. Mon cœur s’accélère et une sueur froide glisse entre mes omoplates. Un hurlement déchirant est poussé à m’en exploser les tympans. Jude, calme jusqu’à maintenant, n’arrive plus à se contenir. Alan se précipite sur elle et plaque sa main sur sa bouche pour étouffer le cri et ne laisser passer que de pauvres gémissements. Plus rien ne bouge. Sandro s’effondre d’un coup en emportant dans sa chute le jeune homme qu’il portait.
- ABAISSEZ-VOUS ! vocifère Andy qui semble avoir compris avant tout le monde la situation dramatique où nous nous trouvons.
Je me jette au sol et à l’instant je m’écrase à terre. De nouvelles détonations résonnent. On m’empoigne le bras sans douceur pour me forcer à me relever. Pourtant, j’ai beau le vouloir, mon corps reste paralyser. Le visage de Hans m’apparait. C’est lui qui avait raison. Je n’ai pas ma place ici. Ne me voyant pas réagir, Alan qui a mis Jude sur son dos me tire rudement pour m’obliger à bouger. L’instant d’après, je suis de nouveau sur pied et nous nous enfuyons au pas de course. On hurle des ordres derrière nous. Alan est à mes côtés et Andy toujours devant nous. Nous arrivons en haut d’une colline que nous longeons. Nouvelle détonation. Une main empoigne la manche de ma veste et je me sens basculer vers la pente. Un cri se coince dans ma gorge alors que je perds l’équilibre entrainer dans la chute de la personne qui me tient. Ma vision se brouille tandis que mon corps roule sur lui-même. C’est impuissante que j’en caisse les obstacles qui se dressent devant moi. La douleur explose tout à coup dans mon bras. Toujours lancer dans cette course infernale, la peur reprend rapidement me faisant oublier ma peine. Le sol finit par s’aplatir et le monde autour de moi ralentit. Face contre terre, c’est avec difficulté que je retrouve mes esprits. Je déglutis plusieurs fois pour calmer la nausée qui me submerge. Les secondes s’écoulent avant que je ne ramène mes bras sous moi pour me relever. Je suis coupé dans mon élan par une brulure intense dans la main. Ma respiration se bloque et des étoiles apparaissent dans mon champ de vision. Le cœur au bord des lèvres, je place mon bras devant mes yeux. En voyant l’angle anormal de mon poignet, mon estomac se contracte et je vomis sans que je ne puisse faire quoi que ce soit. Je me retourne sur moi-même. Ne pas regarder ! Malheureusement pour moi, la souffrance palpitant dans ma main m’empêche de penser à autre chose. Prudemment, je me redresse. Et c’est là que je remarque un corps un peu plus loin. Malgré l’obscurité, je reconnais la carrure d'Alan. Je l’appelle. Aucune réponse. Inquiète, je me lève. Il doit être évanoui. Je me rapproche et pose ma main valide sur son épaule. Un liquide chaud imbibe son vêtement. L’angoisse me prend à la gorge et je le secoue. Toujours aucune réaction. Je le retourne sur le dos et glisse mes doigts sur son coup pour vérifier son pouls. Rien. Sous le choc, je recule brusquement et tombe à la reverse. Cela tourne trop. En oubliant mes blessures, je pose ma main meurtrie au sol. Un glapissement traverse mes lèvres. Ne pouvant me soutenir, mes bras cèdent sous mon poids et mon visage heurte violemment la surface dure à terre. Le noir m’engloutit
Petit coquille ici :) " C’est pas le moment pêtre distraire, Isis. On met les voiles !"
Bon, j'ai l'impression que ça a tourner au vinaigre cette histoire è-è Que va-t-il advenir d'Isis et Elena du coup ? Argh, ce suspense est insoutenable xD
Pauvre Sandro :'( J'étais pas particulièrement attachée à ce perso, mais il a connu une fin plutôt triste >.<