Chapitre 35 : Hans

Par Zoju
Notes de l’auteur : Désolée pour le temps d'attente un peu plus long. J'ai eu beaucoup de chose à faire ces derniers jours. J'espère que ce chapitre vous plaira. Bonne lecture ! :-)

Je fais le vide dans mon esprit et expire lentement. Mes jambes se campent bien dans le sol, tandis que je tends mon bras derrière moi en pivotant mon buste. Cette fois-ci, c’est la bonne. C’est avec puissance et vitesse que ma main tranche l’air. Je lâche le galet que je tiens et celui-ci rebondit sur la surface du lac. Je grimace quand il disparait après le cinquième ricochet. Raté. Je soupire. J’ai peut-être visé trop haut avec sept. Je m’abaisse et empoigne un autre caillou que je place devant mes yeux. Rond et bien plat, il devrait faire l’affaire. Je me remets en position. Nouvelle tentative. Nouvel échec. Six, j’y étais presque. Je m’apprête à laisser tomber, mais je me ravive aussitôt. Je déteste rester sur une défaite. Je m’accroupis et inspecte avec la plus grande concentration les différents projectiles qui s’offrent à moi. Quand j’ai repéré celui qui me convient, j’avance ma main pour m’en emparer. Cependant alors que mes doigts se referment sur la pierre, deux paumes s’abattent soudainement sur mes épaules. Je sursaute et me retourne violemment. Pris dans mon élan, je perds l’équilibre et tombe sur le dos. Je n’ai pas le temps de comprendre ce qu’il m’arrive que la personne derrière moi part dans un fou rire monumental. Je retiens une flopée de jurons en reconnaissant mon agresseur. Je pose mon regard sur lui.

- Très drôle, Orso, grommelé-je. Ça ne va pas la tête de surprendre les gens de cette manière. Tu m’as fait peur.

- Désolé, Hans. C’était plus fort que moi, déclare-t-il pas le moins navré du monde.

Je ne prendrai même pas la peine de répondre et décide de passer à autre chose.

- Tu reviens de mission ?

- À l’instant. Je m’apprêtais à rejoindre le camp principal quand je t’ai vu. Mais dis-moi, qu’est-ce que tu fous ici seul à l’aube à jeter des cailloux dans la flotte ?

Tout en parlant, Orso me tend sa main que j’empoigne sans hésiter. D’une traction, il me remet sur pied.

- Je n’en pouvais plus de patienter dans ma tente en attendant le retour des escouades envoyées à la base, déclaré-je. Il fallait que je prenne l’air.

- C’est vrai que c’était cette nuit.

Mon interlocuteur porte sa montre devant ses yeux.

-D’ailleurs, nos amis ne devraient plus trop tarder à revenir.

Je fourre mes poings dans mes poches.

- S’il n’y a pas eu de problèmes, marmonné-je.

Dans un geste fraternel, l’ancien soldat pose sa main sur mon épaule.

- Hans, je comprends ton inquiétude, mais fais un peu plus confiance à Luna et ta sœur. Je suis persuadé qu’elles ont géré comme des chefs.

- Anna n’a pas pu prendre part au raid, l’informé-je. Elle a fait un malaise et a été remplacée par Louis en dernière minute.

Un pli soucieux creuse le front de l’ancien soldat.

- Rien de grave, j’espère. Comment va-t-elle ?

- Elle va s’en remettre. Je suis allé lui rendre visite hier. Elle a repris connaissance, mais elle reste très faible. Tiphaine lui a imposé un repos complet pour au moins une semaine et encore c’est parce que sa patiente a refusé un délai supplémentaire. Tu connais Anna. Elle déteste être inactive.

La tension qui émane de mon voisin s’atténue quelque peu sans toutefois disparaitre entièrement.

- Qu’elle ait déjà accepté d’attendre prouve tout de même qu’elle était vraiment à bout. On sait à quoi cela est dû.

- Le surmenage et le Projet n’ont jamais fait bon ménage.

- Malheureusement. En tout cas, j’approuve Tim. Louis était le meilleur choix à faire.

Pour toute réaction, j’opine du menton. Nous nous mettons en route pour regagner le camp. Après quelques pas, je demande :

- Et toi, ta mission ? Comment s’est-elle passée ?

- Pas trop mal, m’avoue-t-il. Nos alliés devraient encore nous soutenir pendant un petit moment.

- Tant mieux, me contenté-je comme réponse.

Inutile d’escompter plus de précisions, je sais que je n’en aurais pas. Sujet tabou au sein du camp, mise à part Tim et ses bras droits, personne ne connait la véritable identité de ces fameux alliés. Au début, j’ai bien tenté d’en apprendre plus, mais j’ai vite saisi que c’était sans espoir. Anna s’est montrée catégorique et m’a enjoint fortement à ne jamais fourrer mon nez dans cette affaire. Comprenant que j’étais face à un mur, j’ai laissé tomber pour l’instant. Il n’en reste pas moins que j’ai quelques idées sur leur identité. Il ne serait pas impossible que ce soient des gens très haut placés. Ce sont probablement eux qui nous fournissent les armes, vivres et médicaments nécessaires à notre survie. Les armes à feu ont beau n’être que d’anciens modèles, elles sont de qualité. Et puis, il y a un autre point qui me dérange. L’armée a toujours su où ils étaient plaqués. Quand je vivais à la base, je me suis souvent demandé pourquoi nous ne faisions rien de plus pour anéantir l’ennemi. Ces alliés pourraient expliquer bien des choses. Je me tourne vers Orso au moment où celui-ci reprend la parole.

- J’ai également fait une halte au camp secondaire.

- Comment se porte Laurine ?

Il me sourit, pourtant j’ai l’impression d’y voir une certaine anxiété.

- Aussi bien que son état lui permet. Elle est très fatiguée, mais elle tient bon.

- Je suis sûr que tout ira bien pour elle.

- Je l’espère, soupire-t-il.

Le silence s’installe entre nous avant que mon interlocuteur ne m’apprenne comme pour changer de sujet :

- Au fait, j’ai demandé à Gleb des nouvelles en ce qui concerne ton cas.

À ma grande honte, Laurine passe aussitôt au second plan.

- Il en est où ? m’enquiers-je plein d’espoir.

- Il sent qu’il est sur la bonne piste, malheureusement c’est loin d’être concluant. Je suis désolé, Hans, rajoute-t-il en voyant ma mine déconfite. Mais je peux t’assurer qu’il fait tout son possible pour t’aider.

- Je n’en doute pas, lui assuré-je en portant mon regard sur le camp qui émerge devant nous. C’est juste que j’en ai assez d’être mis de côté, car il ne trouve pas la raison de mon état.

- Ne dis pas ça, tu en fais déjà beaucoup pour nous. Tu nous as donné les armes pour nous opposer aux militaires et ça, c’est inestimable. Sois patient et tu seras bientôt récompensé.

- Si tu le dis, soupiré-je.

 

Alors que nous pénétrons dans le camp, je suis immédiatement surpris par le remue-ménage qui y règne. Mon estomac se contracte violemment. À cette heure, cela devrait être le calme plat. Orso et moi échangeons un regard. Ils sont sans doute de retour. C’est au pas de course que nous nous élançons entre les tentes. Nous atteignons rapidement notre destination. Notre supposition se voit confirmer quand nous remarquons l’attroupement plutôt mal en point qui s’est amassé devant l’infirmerie. Sans prendre la peine d’avertir Orso, je m’avance au milieu des nouveaux arrivants. C’est avec frénésie qui mes yeux sautent d’un visage à un autre. Je vais bien finir par l’apercevoir. Pourtant, au fur et à mesure de mes recherches, elle reste introuvable. Je me hâte de terminer la peur au ventre. Nulle part. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Ce n’est pas possible, j’ai dû la manquer. Une idée s’impose dans mon esprit. L’infirmerie, c’est là qu’elle a dû être emmenée. Je me dirige vers l’entrée. Une main m’empoigne le bras m’empêchant de faire un pas de plus. L’espoir explose en moi, mais s’écroule sur-le-champ quand je reconnais Luna. L’inquiétude me gagne lorsque je remarque le large bandage qui enserre sa tête et qui recouvre son œil gauche.

- Nous n’avons pas réussi à la ramener, m’annonce-t-elle sans attendre. Je suis désolée, Hans.

Je l’observe sans rien dire. L’information refuse d’atteindre mon cerveau. Cela ne peut pas être vrai. Elle ment. Elena est ici. Cela ne peut pas en être autrement. Avant que je ne puisse protester, Luna poursuit :

- On a réussi à entrer, mais avant que mon escouade et moi ne parvenions à inspecter notre secteur, Tellin nous est tombé dessus et a donné l’alarme. On n’a dû prendre la fuite.

À peine a-t-elle mentionné mon ancien supérieur que le peu d’espérance qu’il me restait s’évanouit. Ne laissant au creux de ma poitrine qu’un trou béant. Ma mâchoire se serre à m’en faire mal et mes poings se mettent à trembler. Tellin, encore lui.

- Quelles sont les pertes ? m’enquiers-je d’une voix rauque signe de ma fureur.

- Pratiquement toute mon équipe. Tellin en a abattu plusieurs. Et pendant notre retraite, nous avons eu quatre morts et six disparus, dont…

Mon interlocutrice déjà très pâle le devient plus. D’un geste, je l’invite à continuer, toutefois elle se mure dans le silence. Une évidence s’impose soudain à moi. Je détourne mon attention de la jeune femme et survole le lieu du regard. L’instant d’après, je reviens à la sœur d’Elena.

- Luna, où est Isis ?

Toujours aucune réponse. J’insiste, même si je crains d’avoir deviné la raison de son mutisme. Luna finit par craquer :

- Je l’ignore. Elle était avec le groupe d’Andy, mais ils se sont faits rattraper. Seul Andy, Ulrich et un rescapé s’en sont sortis. Sandro s’est pris une balle tandis qu’Isis, Alan et une victime d’Assic sont portés disparus.

L’horreur de la situation m’apparait soudain. Je savais que c’était une mauvaise idée d’envoyer Isis pour ce raid. Jamais, je n’aurais dû faire confiance à Tim lorsqu’il m’a assuré que tout se passera bien. Protection, tu parles ! Je viens peut-être de perdre un autre de mes proches et cette vérité m’est tout simplement inacceptable.

- Elle était sous ta responsabilité, Luna ! hurlé-je.

La foule, autour de nous, s’est tue. Je n’y prête pas attention. Les joues de mon vis-à-vis ont viré écarlates.

- Parce que tu imagines que j’avais que ça à faire ? J’ai fait tout mon possible pour la protéger !

- Pas suffisamment à ce que je vois.

Je tourne les talons pour m’éloigner. Mon interlocutrice me retient.

- Minute, Hans. Qu’est-ce que tu comptes faire ?

- La chercher et crois-moi, Luna. Personne ne m’empêchera de quitter le camp.

- Je t’arrête tout de suite ! Avec les militaires qui rôdent, ce serait du suicide. Si elle n’est pas morte, ils doivent l’avoir capturé.

Je me dégage et plante mon regard dans le sien.

- J’ai été incapable de venir en aide à Elena. Ne t’attends pas à ce que je reste les bras croisés en attendant des nouvelles d’Isis.

- Ça suffit, Hans, fait une voix derrière moi. Luna a raison. Agir de cette manière ne t’apportera rien de bon.

Je fais volte-face et tombe nez à nez avec Tim.

- Je n’ai aucun ordre à recevoir de toi, craché-je.

La contrariété apparait sur le visage du chef rebelle. Il s’avance vers moi et attrape ma veste. Il m’entraine à sa suite.

- Viens un peu par ici.

Dans un premier temps, je me débats. Toutefois, je me rends bien vite compte que cela ne sert à rien. Il me force à entrer dans le bâtiment dédié d’intendance. Il me lâche uniquement quand il a refermé derrière lui. Je remarque qu’Orso est sur ses talons et que Luna est à mes côtés. Tim soupire.

- Je comprends ton inquiétude, Hans, mais retiens bien une chose : c’est la dernière fois que tu t’opposes à moi en public.

J’ignore son avertissement.

- Tu as fait une faute, à toi de l’assumer, rétorqué-je sans cacher ma hargne.

- Isis savait les risques qu’elle encourait en acceptant cette mission. Elle n’est pas la seule qui manque à l’appel.

- Même si tu es contre, je pars la retrouver.

Le poing de Tim s’abat sur le mur.

- C’est non, Hans ! Tu ne bougeras pas d’ici.

Alors que j’ouvre la bouche pour riposter, c’est Orso qui intervient à la surprise générale.

- Je vais l’accompagner, Tim.

- Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi, Orso !

Son interlocuteur secoue la tête.

- Peu importe tes interdictions, Tim. Cette fois-ci, il ne t’écoutera pas. Dès que tu auras le dos tourné, il ira la chercher.

Les prunelles de l’ancien soldat atterrissent sur moi.

- J’ai raison, n’est-ce pas, Hans ?

Je ne trouve rien à répondre, car comme dans la plupart des cas, il a visé juste. Orso se redresse et vient se placer à mes côtés.

- Mais écoute-moi bien, je nous accorde deux jours, maximum. Si passé ce délai, on ne l’a pas retrouvée, on rentre sans discuter au camp. Est-ce clair ?

C’est la première fois qu’il dégage une telle froideur avec moi. Il me suffit de croiser son regard pour savoir qu’il ne me fera aucune autre concession. Je déglutis avant de hocher la tête. Satisfait, mais en gardant toujours cette gravité, il reporte son attention sur son supérieur.

- Cela te convient, Tim ?

Je suis fusillé du regard.

- Je ne vois que je n’ai pas le choix, remarque le rebelle à contrecœur. Très bien, deux jours, pas un de plus. Allez vous renseigner auprès d’Andy pour savoir s’il se souvient de l’endroit où ils ont été séparés.

- Très bien, déclare son subordonné avant de revenir à moi. Hans, va préparer tes affaires. Je m’occupe d’interroger Andy et de récupérer les vivres nécessaires pour cette mission. Retrouve-moi devant l’infirmerie dans une demi-heure. Je dois d’abord parler à Tim.

Comprenant que ma présence n’est plus souhaitée, je les quitte sans un mot. Luna me rattrape juste avant que je passe l’entrée.

- Je suis vraiment désolée, Hans. Je t’avais promis de veiller sur elle et j’ai échoué.

Sur le coup, en voyant le remords qui l’envahit, je regrette les paroles dures que je lui ai adressées. Pourtant, malgré cela, je ne parviens pas à lui pardonner, en tout cas pas pour l’instant. C’est pourquoi je n’arrive qu’à lui tapoter le dos de sa main avant de m’écarter et de la laisser là.

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Sklaërenn
Posté le 23/06/2021
Bon, je me dis que ça va encore bouger maintenant qu'Hans à décider de ne plus faire profil bas. En bien ou en mal, seule la suite nous le diras ^^" Pas de soucis pour le temps d'attente, je suis un peu sous l'eau en ce moment donc vraiment pas de stress ;) On fait tous comme on peut. En tout cas, j'ai hâte de lire la suite.
Zoju
Posté le 23/06/2021
Effectivement, Hans a fait le choix de passer à l'action. Je te laisse découvrir la suite ! Merci à toi de continuer à lire cette histoire ! J'espère que la suite continuera à te plaire. Elle arrive bientôt j'espère ;-)
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