Chapitre 4

Notes de l’auteur : En espérant que cette suite soit aussi cohérente que le reste, les remarques sont les bienvenues (merci de citer les exemples pour que je puisse bien repérer les phrases 😅)

Ma nouvelle amie me raconte ses aventures rocambolesques avec sa magie. Elle devient livide quand elle parle d’un incident avec son petit frère, et glousse en imitant les cris de sa mère après qu’elle ait inversé les pièces de la maison. Zoé a opté pour l’option Langues Anciennes afin d’éviter de transformer n’importe quel animal en chimère ou de changer l’emplacement des meubles. Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi ce cours, mais il a l’air d’être intéressant. À quoi ça va me servir au juste, dans ma quête de questions ?

Après avoir descendu les grands escaliers en colimaçon, nous contournons le piédestal en pierre sur lequel se tient la déesse Hécate. Ses bras sont levés au-dessus de sa tête et ses mains sont tournées l’une vers l’autre, une boule de feu volant entre elles. Je me demande qui a bien eu l’idée de la représenter aussi menaçante. Pour moi, cette posture veut clairement dire :

Si vous ne réussissez pas vos études, je vous condamnerai à brûler pour l’éternité !

Avec un rire diabolique.

De quoi dissuader les fainéants.

Malgré moi, je suis parcourue de frissons dès que je me retourne pour l’observer. Ses yeux vides semblent me renvoyer mon regard, alors je me détourne. Si les gargouilles sont vivantes, pourquoi pas elle ?

L’air chaud de cette fin d’après-midi me fait regretter la fraîcheur de l’école, et j’en viens me demander si les gardiennes de l’établissement sont sensibles aux températures.

Zoé et moi sommes sur le point de nous séparer devant le lycée quand elle m’annonce, une moue faussement contrariée sur son visage de poupée :

— Jelen m’a proposé d’être notre nouvelle colocataire, est-ce que tu serais d’accord ?

— Aucun prob…

— Ça tombe bien, je lui ai déjà dit oui !

Et elle me plante au milieu du trottoir, un large sourire satisfait sur ses lèvres, tout en se dirigeant vers un véhicule. Ce début d’amitié s’annonce haut en couleur !

Forcément, le souvenir de la gargouille revient dans mon esprit, et je me risque à lever les yeux vers le bâtiment principal. J’ai tout juste le temps de la voir disparaître, elle se déplace à l’arrière du toit, sans faire le moindre bruit. Est-ce qu’elle nous a accompagnés jusqu’à la sortie ? J’aurais dû insister pour avoir plus d’explications sur cette créature, peut-être n’aurais-je pas senti mon cœur s’emballer en l’apercevant s’animer. Je secoue la tête, et me dirige vers le bus à destination de Chanoble.

— Arkyn ? m’interpelle Solange, installée sur une banquette vide. Comme Fayë Arkyn ?

Je la dévisage un moment. À sa posture décontractée, je saisis bien qu’elle embrasse pleinement son espace, en gros, elle transpire la confiance en soi.

Le véhicule se met en route, une fois la dernière personne montée à bord.

— C’est ma mère, répondis-je après un instant d’hésitation.

— Donc tu es une future Vych.

Je n’apprécie pas le ton de sa voix.

J’y ai déjà eu affaire cet été, quand on a emménagé dans notre nouvelle maison. Lorsque des familles sont venues nous accueillir avec des cadeaux de bienvenue, quelques individus m’ont considéré avec cette même attitude intéressée. Elles étaient ravies de revoir maman, mais encore plus heureuses de me rencontrer. Et Solange me témoigne de la même attention gênante. Elle a donc entendu parler de la réputation de ma mère. Elle doit se demander, et ça ne me surprendrait pas : et finalement, si j’étais aussi prodigieuse qu’elle ?

Elle me détaille de la tête aux pieds.

— Pour une apprentie Vych, tu es plutôt petite, ajoute-t-elle en faisant claquer sa langue. Mais tu as sans doute un retard de croissance, étonnant pour une Arkyn.

Je me fige, tendue par cette pique gratuite.

Son sourire malicieux s’élargit, elle est satisfaite d’avoir touché un point sensible.

Nous sommes toutes deux des Vych nocives et pourtant, son attitude à mon égard ne me promet aucun soutien. Elle me considère déjà comme moins forte qu’elle.

— Tu ne peux pas t’empêcher d’emmerder les autres, c’est une seconde nature chez toi, réplique aussitôt le type aux boucles cuivrées.

— Je t’ai manqué cet été pour autant d’attention de ta part, Stanel ?

— Autant que les mycoses.

Elle lui adresse son majeur.

Stanel l’ignore, et se penche vers moi :

— Hé la chasseuse, tu devrais changer de place, les parasites de son espèce ont tendance à ne pas migrer.

Solange siffle.

Cette fille a une aversion envers beaucoup de gens. D’abord Jelen, puis Stanel, les Hybrides et mon « retard de croissance ». Les tensions ne m’intéressent pas, alors je pars m’installer ailleurs et enfonce mes écouteurs dans les oreilles.

Même si je m’efforce de ne rien montrer, les paroles de Solange me touchent. Si l’on rajoute à ça mes visions et les secrets autour de mon géniteur, j’ai l’impression d’être une anomalie. Les Vych, comme le sont la famille de Solange ou la mienne, sont obligées de se reproduire avec d’autres espèces, car leurs pouvoirs se transmettent uniquement entre femmes. La plupart des chasseuses souhaiteraient trouver un moyen d’enfanter seules. Elles ne supportent pas les hommes, qu’ils soient Kreathz ou pas d’ailleurs, et elles n’hésiteraient pas à abandonner le bébé si jamais c’est un garçon.

Alors je continue de me demander : ma mère a-t-elle eu le cœur brisé, ou s’est-elle simplement servie d’un inconnu ou encore suis-je le fruit d’un traumatisme ? La troisième option me tord le ventre, même si elle pourrait être possible.

Le trajet jusqu’à Chanoble n’a jamais duré aussi longtemps, j’ai ruminé tout du long et j’appréhende d’annoncer à maman la prochaine réunion parents-professeurs.

Pourtant, je ne traîne pas des pieds pour descendre le bus, une fois arrivé à destination, je salue le conducteur sans m’attarder et pousse avec satisfaction Solange. Elle me crie quelque chose tandis que je m’éloigne au pas de course.

Je rattrape Stanel et Lysian, en pleine conversation ou devrais-je dire tirades ! Mes deux camarades de classe me suivent du regard, et je leur adresse un signe de la main sans me retourner.

La rue des commerces est animée, surtout en terrasses. Je ralentis devant la boutique de ma tante, mais ne voyant ma mère nulle part, je reprends ma route. Plusieurs scénarios se tordent dans ma tête, le pire est toujours en première position. Même si je repousse cette éventualité le plus loin possible de mes pensées, je devine déjà sa réaction.

Je dépasse la dernière devanture où est exposée de la vaisselle en porcelaine, traverse le petit pont en pierre sous lequel un ruisseau s’écoule, et me retrouve chez moi.

J’ai à peine le temps de refermer la porte derrière moi que maman m’interpelle :

— Ah ! Te voilà enfin !

Même si l’on s’est quitté il y a quelques heures, elle me prend dans ses bras tout en me demandant comment s’est déroulée cette rentrée scolaire.

— Angoissante et plutôt intéressante. L’une de mes visions s’est réalisée à moitié, ma nouvelle amie est un stéréotype de sorcière, et mon professeur principal a le tacle facile.

Ma mère rit à ma description expéditive de la journée.

— Tu vois, ce n’était pas si terrible !

— C’est vrai…, marmonnais-je tandis que nous nous dirigeons ensemble dans la cuisine.

Une fois assise sur l’une des tabourets de l’îlot central, j’accepte le verre de limonade frais qu’elle me tend, elle s’accoude au plan de travail, face à moi.

— Donc tu n’es pas fâchée contre moi ? demandais-je.

— À propos de quoi ?

— D’avoir choisi cette école et pas l’autre ?

Elle penche la tête sur le côté, ses yeux verts m’observent avec attention.

Maman aurait préféré m’envoyer en internat, sur l’île d’Hellhar. Selon elle, j’y aurais été plus à l’abri, mais je ne souhaitais pas être aussi loin d’elle.

— Je ne vois pas pourquoi je t’en aurais voulu pour ça, déclare-t-elle. Je sais à quel à point c’est crucial pour toi d’avoir des réponses sur ta clairvoyance, et je suis désolée si ni ta tante ni moi n’avons pu t’aider… Peu importe l’école où tu serais allée, seul ton bien-être compte pour moi.

Elle me caresse la joue avec tendresse.

J’ai bien fait de ne pas partir, sinon son réconfort m’aurait trop manqué.

Maman attrape une enveloppe posée derrière la corbeille de fruits. Le sceau du lycée est cassé.

— J’ai reçu une convocation pour discuter de tes pouvoirs, annonce-t-elle. Elle est arrivée par courrier magique toute l’heure pendant que j’étais à la boutique, et je ne pouvais pas attendre ce soir pour t’en parler.

— Laisse-moi deviner : comme d’habitude, tu seras trop occupée pour venir.

— Non. Nous irons à cette réunion, achève-t-elle de dire, redressée de toute sa hauteur.

Je reste ébahie.

Mais que se passe-t-il aujourd’hui ? C’est trop facile, elle va forcément se rétracter au moment où elle reprendra ses esprits ! Je ne me serais pas mieux trompée.

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Edouard PArle
Posté le 25/06/2024
Coucou Saga !
Solange est bien détestable, je me doutais bien qu'on aurait pas que des persos sympathiques dans cette école^^ Stanel m'est plus sympathique, j'ai bien aimé son échange de piques avec Solange. Hâte d'en découvrir plus à son sujet.
Ce que j'ai apprécié dans ce chapitre, c'est d'avoir des éléments supplémentaires sur le passé de la narratrice et sa famille. La réunion à venir avec sa mère est aussi assez intrigante
Sympa aussi le petit passage sur la statut d'Hécate (=
Un plaisir,
A bientôt !
SagaLee06
Posté le 11/07/2024
Salut Edouard !
Haha et encore on en est qu'au début avec Solange ! Ça me fait vraiment plaisir que tu apprécies les répliques de Stanel, en même temps, c'est la grande bouche parmi les ados !

J'ai vraiment du appuyer sur les questionnements intérieurs de Meghan, après tout, on se poserait tous des questions ! À voir si la suite sera à la hauteur !

À bientôt !
Sistergrune
Posté le 16/04/2024
Hello ! Superbe chapitre, comme d’habitude !

Il me semble cependant que ce serait plus exact d'utiliser "tirade" à la place de "monologue" dans la phrase "Je rattrape Stanel et Lysian, en pleine conversation ou devrais-je dire monologue." Et à mes yeux, il faudrait mettre, autant si tu conserves monologue que tirade, le mettre au pluriel car si c'est une conversation, forcément il n'y aura pas qu'une seule tirade.

Voili voilou, après c'est évidemment à toi de juger de la pertinence de ma remarque X)

Bonne soirée !
SagaLee06
Posté le 16/04/2024
Salut !

Oui en effet, le mot tirade serait plus approprié ! Je te remercie de me l'avoir fait remarquer, je modifie ça de suite !

Bonne soirée à toi également et au plaisir de lire tes commentaires !
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