Aube courut à travers le jardin, les prairies et le terrain derrière chez Jeanne. Le plus vite qu’elle put pour ne pas trop penser à sa vieille amie absente. Elle s’enfonça dans les bois et escalada la pente vers la tanière des esprits-animaux. Elle n’avait pas besoin de regarder où elle posait les pieds. Elle se laissait guider par les battements du cœur d’Éfflam. Ils étaient de plus en plus forts à mesure qu’elle approchait de chez lui.
Soudain, un cri éclata devant elle, comme un ricanement. Aube se figea, à bout de souffle. Un renard bondit et la bouscula. La fillette se retourna pour se protéger des petits crocs acérés de l’animal en colère. Trop tard. Il l’avait contournée pour la déstabiliser et lui mordit une cheville. Elle tomba à genoux, les larmes aux yeux. Que lui voulait ce renard ? Pourquoi l’agressait-il quand Éfflam était incapable de la défendre ? Pourquoi s’en prendre à elle alors qu’elle venait de protéger la colline ?
Pour toute réponse, le renard poussa à nouveau son terrible glapissement et s’élança pour la faire tomber. Un autre cri aussi perçant et aigu fondit du ciel. Un hibou s’était interposé. C’était le hibou qui avait attaqué les souris avant l’expédition contre les ondes des maisons. Le renard roula en boule pour éviter ses serres et se mit à l’abri sous une souche, prêt à bondir. Le rapace se posa sur une haute branche.
« Qu’est-ce que tu fais là ? » siffla le renard.
« J’espérais encore dormir, mais tes cris stupides m’ont réveillé » répondit l’oiseau.
« Si tu m’avais laissé terminer, il n’y aurait bientôt plus eu de cris par ici ! »
« C’est ce que tu crois ? » rétorqua le hibou. « Tu écoutes mal les silences de la colline. Elle aspire à respirer, pas à régler ses ennuis par la ruse et la violence. »
Aube se releva en tremblant. Le dialogue entre les deux animaux ennemis n’avait aucun sens pour elle. Il y a quelques heures à peine, cela l’aurait mise en colère. Mais, à présent qu’elle avait la tâche de ramener son ami blessé auprès de sa sœur, cet incident l’emplissait de tristesse et d’inquiétude.
— Que se passe-t-il ? Que me voulez-vous ? Laissez-moi passer ! implora-t-elle.
« Une demande et deux questions ! La fillette est toujours aussi exigeante ! » s’amusa le hibou.
« Tu vois ! » enchérit le renard. « Elle réclame encore le droit de passer chez nous. Elle est déjà trop passée par ici ! »
« À ta première question, tes yeux et tes oreilles peuvent répondre » reprit le rapace donneur de leçons. « À ta deuxième question, je réponds que je ne te veux rien sinon t’aider à mener ta mission à bien. Si tu veux connaître les raisons du renard, adresse-toi à lui. Apparemment, c’est lui qui te refuse le passage. »
— Mais pourquoi ? demanda-t-elle à la boule de poils roux tapie dans le sous-bois. Qu’est-ce que je t’ai fait ?
Elle fit un pas vers lui, mais se figea aussitôt. Le renard glapit et lui montra ses crocs, avant de s’adresser à nouveau à l’oiseau sur sa branche.
« Elle est responsable. Elle a mis la colline et ses gardiens en danger » plaida-t-il. « Cela nous coûte. Comment va-t-elle payer ? »
— Je suis désolée si je vous ai causé des ennuis, répliqua Aube.
Elle s’adressa elle aussi au petit juge sur sa branche.
« Être désolé n’efface pas le passé » l’interrompit son contradicteur rusé.
— Mais je voulais juste aider, continua-t-elle.
« Qui nous protégera à l’avenir des conséquences négatives de ces bonnes intentions d’aujourd’hui ? » demanda le renard.
— Je promets d’être attentive ! s’écria Aube.
Le renard souffla.
« Paroles d’humain. »
— Qu’en disent les animaux qui m’entendent ? s’enquit la fillette auprès du hibou.
Celui-ci tourna la tête vers le haut de la colline et se lissa les plumes du cou.
« L’enfant est responsable des actes qu’elle a posés. Pas des intentions des êtres mauvais qui nous menacent » conclut le rapace nocturne. « Qui sait si sans elle, nous serions plongés dans le jour ou dans la nuit ? »
La mâchoire du renard claqua.
« Je m’incline, mais vous avez tort » ajouta-t-il. « Chacun ici sait qu’Ernec reviendra. La vengeance est le sang qui coule dans ses veines. »
« Comment sais-tu pour Ernec ? »
« Tu oublies que la nature communique bien mieux et bien plus vite que n’en sont capables les humains. »
Il disparut entre les troncs, comme le dernier rayon de soleil de la journée derrière l’horizon.
« Mais Ernec est loin » s’exclama Aube. « Les corbeaux l’ont emmené. »
« Qui sait de quoi sont capables les êtres-esprits ? » répondit le hibou. « Va vite ! Ton ami a besoin d’aide. »
Il cligna des yeux. La voie était libre. Aube reprit l’ascension de la colline vers la tanière des êtres-chats.
Zoïg l’attendait, terrée dans l’entrée de leur cachette. Elle tendit les bras pour accueillir son frère. Aube frissonna de plaisir quand leurs trois corps se touchèrent. Elle sentit un courant passer entre les deux enfants-chats. Une chaleur qui se communiqua au corps de son ami blessé. Éfflam tressaillit et ouvrit les yeux.
« Pourquoi ne m’écoutes-tu jamais ? » lui demanda sa sœur.
« Parce que j’aime inventer mes histoires moi-même » répondit-il avant de se blottir contre elle.
« Heureusement que ton amie a pu te ramener jusqu’à moi » ajouta Zoïg. « Tout ira bien maintenant. »
La jeune fille-chat s’avança et frotta son front contre la joue de la fillette en ronronnant. Aube rougit. Jamais personne ne l’avait traitée avec autant de tendresse.
« Tu avais raison pour mon père. Il était en danger, mais... »
« Je n’avais pas raison » l’interrompit Zoïg. « Je ne fais qu’interroger les choses. À présent, je vois qu’il faut que tu te reposes. »
Elle recula vers l’intérieur du terrier de sa famille. Aube se tenait sur le seuil pour ne pas les quitter des yeux. Éfflam se redressa et lui sourit.
« Merci ! » lui dit-il.
Dans leurs deux esprits, les mêmes images lumineuses de courses sur la colline, d’arbres à escalader et de papillons à poursuivre s’allumèrent en même temps. C’était une belle manière de prendre rendez-vous. Aube rentra chez elle, heureuse et rassurée.
J'avale la fin ce soir, c'est décidé !
Ohh j'adore la tendresse de Zoïg, elle est tellement douce et tellement grande soeur en même temps !
J'ai moins compris pourquoi le renard s'en prenait à Aube et la tenait pour responsable de ce qu'il s'était passé alors qu'elle a tout fait pour protéger la colline. Pourquoi s'attaque-t-il à elle alors qu'il en veut à Ernec ? Ou peut-être il fait un amalgame avec les autres humains ?
Je file lire la suite.
A tout de suite, donc !
J'ai tout mis sur le dos du pauvre renard, mais j'avais besoin de rappeler que tous les animaux ne partagent pas le même avis et que certains voient d'un mauvais oeil les interventions de Aube (alors oui il fait un amalgame).
A bientôt
En cette soirée placé sous le signe d'un froid plus que conséquent, ce chapitre a su me faire chaud au cœur. Voir Efflam reprendre du poil de la bête est une très bonne nouvelle, autant pour Aube que pour la colline et nous autres qui vivons leurs aventures avec eux.
Les renards ont bien souvent mauvaise réputation et pourtant ce sont des animaux si malins, intelligents, vifs (oui je sais, je les idolâtre sûrement beaucoup trop mais ils me fascinent réellement) alors bien qu'il ait un peu un mauvais rôle sur ce moment j'ose espérer qu'il saura lui aussi être tôt ou tard du bon côté de cette histoire.
Je n'ai pu m'empêcher de sourire en voyant le nom de Ernec mentionné et suis ravie à l'idée que nous puissions le retrouver un peu plus tard!
Encore un merveilleux chapitre de lu et sans grande surprise, j'ai hâte de découvrir la suite!
Désolé d'avoir joué de la mauvaise réputation des renards ! Mais j'avais besoin de montrer que toute la nature ne parlait pas de la même voix et n'avait pas la même stratégie. Le hibou a droit à une évolution puisqu'il a appris à connaitre Aube et accepte de lui accorder plus de crédit après l'avoir vu agir. Mais le renard ne connait pas encore Aube et ne lui fait aucune confiance a priori... ce qui en fait quand même un malin quand on se rappelle que Aube appartient au genre humain ! ;-)
Bon je m'en vais réfléchir à ce que tu me dis et essayer d'apprivoiser ce renard pour la suite !
Je suis vraiment désolée pour mon côté pro-défenseur de la cause des renards ahah, mais il est vrai qu'ils ont souvent le mauvais rôle mais en soit ils sont vraiment plus malins que la moyenne et oui, le fait de se méfier des humains fait grandement partie d'une preuve d'intelligence indiscutable!