Chapitre 42 : Hans

Par Zoju
Notes de l’auteur : Je serai curieuse d'avoir votre avis sur ce chapitre. J'espère qu'il vous plaira. Bonne lecture ! ;-)

Tim est en train de discuter avec Luna quand je me présente devant sa tente. En me remarquant, il m’invite à entrer avant de revenir à sa nièce assise sur une chaise, le teint particulièrement blafard. Son oeil gauche est toujours recouvert d’un imposant bandage.

- Repos complet, Luna, et je ne me répéterai pas, l’avertit son oncle.

Elle ignore et se lève pour se placer devant moi. Elle attrape mes mains et c’est la voix enrouée qu’elle murmure :

- J’ai appris que vous les aviez retrouvées et qu’elles vont bien. Merci, Hans. Merci tellement.

En la quittant, j’étais furieux, mais désormais seul le soulagement d’avoir pu faire quelque chose persiste. Je resserre mon étreinte sur ses doigts.

- Je te dois des excuses, Luna. J’ai été injuste. Je sais que tu as tout fait pour tenir ta promesse. Tu ne méritais pas ces reproches.

Elle me fait un pauvre sourire avant de me faire remarquer légèrement ironique.

- Là, tu es trop gentil, Hans.

Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’elle s’écarte.

- Je vais d’ailleurs te laisser. Passe une bonne journée.

Je m’apprête à la retenir pour continuer la discussion notamment sur son œil qui m’inquiète, mais Tim est plus rapide.

- Luna ! s’exclame-t-il. S’il te plait, pour une fois fais-moi une faveur.

Elle lui décoche un regard noir.

- Des faveurs, je t’en ai déjà trop accordé.

Et sur ce, elle sort. Une tension particulièrement oppressante envahit soudain les lieux. Mal à l’aise, je décide de patienter le temps que le chef des rebelles choisisse de m’adresser la parole. Sans un mot, Tim se sert un verre et à mon grand étonnement un deuxième qu’il me tend. Je m’empare et directement l’odeur d’alcool me saute aux narines.

- Mon petit plaisir, déclare-t-il en notant ma surprise. On trinque ?

Je fixe le liquide transparent. Vodka, probablement. Je retiens une grimace. Je déteste ça. Je m’abstiens malgré tout de faire le moindre commentaire. Tim fait tinter nos verres.

- À votre mission de sauvetage.

Il avale une première gorgée. C’est avec réticence que je l’imite. La boisson me brûle le gosier. Comme si de rien n’était, mon vis-à-vis rajoute :

- Et à ton départ.

Je recrache ce que je venais d’ingérer et tousse violemment. Pardon ? C’est d’un ton neutre que Tim m’apprend :

- Avec ce qui s’est passé hier, je préfère que tu t’installes quelque temps au camp secondaire.

Je me ressaisis vite et dépose aussitôt sur la table le verre que je tiens en main.

- Et si je refuse.

Nouvelle gorgée et c’est toujours aussi imperturbable qu’il m’annonce :

- Ce n’est pas une proposition, mais un ordre, Hans. Louis t’y emmène demain matin. Une chose avant que tu ne fasses n’importe quoi, ne t’avise surtout pas de prendre clé des champs. Peu importe la manière, on te retrouvera.

C’est avec peine que je me contrôle. Mes ongles s’enfoncent dans ma paume pour tenter de calmer cette colère qui est sur le point d’exploser en moi.

- Déserter n’était pas dans mes plans. Puis-je au moins savoir combien de temps tu comptes m’imposer cet exil ? demandé-je d’une grave.

À mon étonnement, Tim sort un paquet de cigarettes et s’en fourre une entre les lèvres. J’ignorais qu’il fumait.

- Exil… Tout de suite les grands mots, soupire-t-il. Ce n’est qu’une simple mise à l’écart provisoire.

- Ne joue pas à ça avec moi. C’est la même chose. Combien ?

- Le temps qu’il faudra pour calmer tout le monde.

Il gratte une allumette et allume sa cigarette avant de tirer une grosse bouffée. La fumée n’arrange en rien mon humeur et m’irrite de plus en plus. C’est les nerfs à vif que je m’éloigne quelque peu de lui.

- Je vois que je n’ai pas le choix, constaté-je les dents serrées.

- Je suis désolé, Hans, mais je ne peux pas me permettre que l’on sape mon autorité. C’est ce qu’il y a de mieux pour tout le monde.

- Ça, c’est ce que tu affirmes. Tu sais qu’en agissant de la sorte, tu es le portrait craché du maréchal.

Les mots m’ont échappé, mais contre toute attente au lieu de s’emporter il se contente de hausser les épaules, las.

- J’aurais beau le nier, je suis après tout moi aussi un Darkan.

Nous nous toisons du regard. Je finis par tourner les talons et me diriger vers la sortie. Avant que je ne le quitte pour de bon, il m’interpelle une dernière fois.

- Tu en profiteras pour passer des examens approfondis chez Gleb. Tiphaine s’inquiète pour ton état.

Je ne réponds rien et dégage de ce lieu où je suffoque.

 

Je suis en train de fourrer mes affaires dans un sac quand Luna entre dans ma tente. Nous restons muets une longue période avant qu’elle ne me dise dans un souffle :

- Je suis désolée que cela se passe de cette manière. Tim a beaucoup de mal à se contrôler par moment, surtout quand on vient de subir un échec aussi cuisant.

- Tu n’hésites pourtant pas à le contredire.

- C’est parce que je ne suis pas en sursis, contrairement à toi.

Ce n’est pas un reproche, juste un simple constat. On a beau me faire davantage confiance que lors de mon arrivée, une certaine méfiance persiste. La hargne qui bout en moi s’atténue quelque peu en percevant la sincérité dans le ton de la sœur d’Elena. Un soupir m’échappe.

- Je n’ai aucun regret.

Le silence s’installe entre nous. Luna vient s’asseoir sur mon lit de camp. Je reprends mes préparatifs pour mon départ de demain. Après avoir plié un pantalon, je lui demande comme une banalité :

- Tu savais que Tim fumait ?

- Uniquement quand il supporte mal le Projet.

- J’ignorais qu’il souffrait à ce point.

Elle n’ajoute rien, mais tout est dit. Je pivote vers elle. La fatigue tire ses traits et c’est bien la première fois que je la sens aussi fragile. Elle remarque que je l’observe et me fait un pauvre sourire. Je désigne son œil.

- Comment va-t-il ?

La tristesse creuse un peu plus son visage et elle pose délicatement les doigts sur son bandage.

- Tellin l’a crevé. Je ne reverrais plus jamais avec.

En entendant la nouvelle, je suis comme paralysé et je me retrouve dans l’incapacité de dire quoi que ce soit. Elle poursuit avec détachement :

- Nous avons réussi à entrer dans la section médicale. Pendant que le groupe de Louis se chargeait de l’ail qui lui avait été désigné, nous montons la garde. Quand il est revenu, nous avons entrepris notre propre mission. C’est là que Tellin a débarqué. Il m’a tout de suite reconnu et s’est jeté sur moi pour me maîtriser après avoir déclenché l’alarme. Je me suis débattue et je ne sais par quel miracle je suis parvenue à lui échapper.

Elle se tait avant de m’avouer hésitante :

- J’ignore si mon esprit m’a joué des tours, mais peu avant que cette ordure nous arrête, j’ai cru entendre quelqu’un crier. C’était une femme.

Le peu de salive qu’il reste dans ma bouche s’assèche.

- Elena ? murmuré-je d’une voix blanche.

L’expression de détresse de Luna augmente d’un cran la tension qui enfle en moi. Si c’est elle et que Tellin était avec elle, je n’ose même pas imaginer ce qu’il lui voulait. Luna triture un peu plus frénétiquement son pansement.

- Je ne sais pas, Hans. Je ne sais vraiment pas. Tout s’est passé tellement vite.

Tout en parlant, ses doigts s’enfoncent dans son bandage qui vire écarlate. Je m’empresse de me redresser et écarte sa main ensanglantée de sa blessure. D’un mouvement sec, c’est en vain qu’elle essaye de se dégager de ma poigne. Elle éclate soudain en sanglots. Voir cette femme toujours maitresse d’elle-même malgré les drames que nous vivons perde ses moyens me fait l’effet d’un coup de poing dans le ventre. Mon corps réagit de son propre chef et c’est avec une force similaire au désarroi qui me frappe que je la serre contre moi. Mon amie ne me rejette pas. Au contraire, elle s’agrippe plus fermement à moi et se laisse aller contre mon torse. C’est incapable de retenir ses émotions plus longtemps qu’elle pleure tout son soûl.

 

J’ignore combien de temps nous sommes restés enlacés. C’est Luna qui s’écarte la première. Je croise son regard similaire à celui d’Elena et le poids de son absence n’en ait que plus douloureux. Alors que je fais mine de m’éloigner d’elle, ses mains s’agrippent à ma veste pour m’en empêcher. C’est quelque peu dérouté que je constate l’intensité presque effrayante avec laquelle Luna me fixe. Elle semble complètement ailleurs.

- Tu lui ressembles tellement, murmure-t-elle.

Elle ne dit pas son prénom, mais c’est inutile comme moi avec elle, elle voit mon frère à travers mon visage. Sa paume me caresse la joue et elle parait s’approcher. Un sentiment de panique monte en moi et je romps le contact pour de bon entre nous. L’incompréhension traverse ses prunelles avant qu’elle ne se rende compte de sa méprise avec un brusque mouvement de recul.

- J’… Je suis désolée, Hans, bafouille-t-elle. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris.

Une gêne nous gagne tous les deux. Nous savons tous les deux ce qu’elle cherchait. C’en est d’autant plus dérangeant que je n’arrive même pas à lui en vouloir. Je décide de passer outre ce malaise et je secoue la tête.

- Ce n’est rien, lui assuré-je. On subit tous le contre-coup. Moi aussi, il me manque. Mais fais-moi plaisir, va te reposer. Tu es fatiguée.

C’est encore sous le choc qu’elle ne parvient qu’à opiner mécaniquement du menton.

- Tu as raison. Ça doit être ça.

Elle se lève et sort de ma tente le pas lourd. Les minutes s’écoulent sans que je reprenne mon rangement, ressassant en boucle ce qu’il vient de se passer. Ce n’est finalement peut-être pas plus mal que je m’éloigne.

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Sklaërenn
Posté le 24/10/2021
Ma ha, je ne m'attendais pas à ça de la part de Luna 😅 Hans à super bien réagi, mais effectivement avec tout ça, il vaut mieux qu'il s'éloigne quelque temps 😅
Zoju
Posté le 25/10/2021
Salut ! Encore un tout grand merci pour ta fidélité sur cette histoire. Concernant le passage avec Luna, j’ai beaucoup hésité à le mettre à ce moment, mais je pense finalement qu’il a sa place. Luna subit pour l’instant un gros choc émotionnel. Elle n’a pas pu sauver sa sœur, la mission est pour une grande partie un échec et elle a perdu son œil gauche. Par tous les moyens, elle va chercher un réconfort et le fait que Hans ressemble par certains traits à Nikolaï n’a pas vraiment aidé.
J’espère que la suite te plaira ! ;-)
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