A côté de la barrique remplie jusqu'à la gueule qu'Osvald promenait avec aise, les seaux pourtant lourds que traînait Lotte avaient l'air bien mesquins. Chaque matin, avant le lever du soleil, elle puisait quantité d'eau depuis la Grand'Place, pour alimenter les Bains des Chimères. Il y avait bien un puits dans les cuisines du château, mais c'était une eau pure, que l'on réservait au boire et au cuire. Aussi, quand les soirées à la taverne du géant Osvald ne l'empêchaient pas de se lever de bon matin, Lotte ne refusait pas son coup de main.
A cette heure-ci, on ne voyait guère que quelques marchands qui amoncelaient des pains et des légumes sur les étals. Mais ce jour-ci, une foule était amassée aux grilles des Chimères, et rendait le passage difficile, surtout chargés comme l'étaient les deux compagnons.
« Place, s'il vous plaît, faites place ! » criait Lotte agacée, alors que la moitié de son eau se déversait à terre dans la cohue. La foule se calma sur un rugissement d'Osvald. Quand il criait, c'était à en faire tomber les oreilles. On leur dessina une brèche jusqu'aux grilles qu'un archer ouvrit suffisamment pour laisser passer le géant à la voix tonitruante, et personne n'osa se faufiler derrière lui.
« Millelunes, que se passe-t-il ? demanda Osvald à l'archer qui refermait bien vite derrière lui, alors que Lotte constatait dépitée que ses seaux étaient vidés de moitié.
– Ils veulent entrer, ils veulent aller au dispensaire, mais il n'est pas encore ouvert. Je ne peux pas les laisser entrer pour le moment... Personne n'est levé là-bas. » expliqua l'archer. De fait, hormis quelques gardes et une partie du personnel des cuisines, les Chimères dormaient encore.
Lotte avait complètement oublié l'ouverture du dispensaire. L'annonce de visiteurs arrivant des Cimes, la veille, avait monopolisé les conversations lors du dîner. Mais pour la foule qui se pressait aux barreaux de fer, cela ne pouvait être le cas : il y avait des sang-bleus, beaucoup, mais aussi des grippes, des blessures non guéries faute de pécule et qui commençaient à noircir, et sûrement ici ou là, un ventre rond qui aspirait aux limbes.
« Je crois que le mieux serait d'aller réveiller Olga, dit Lotte à Osvald qui trimballait sa barrique comme une chopine un peu encombrante, me porterais-tu mes seaux ?
– Laisse ça là, drôlesse, je m'en charge. »
Elle entra par la porte latérale qui donnait sur les cuisines, puis s'engouffra dans les escaliers de service. Quel dommage d'être ainsi bloquée aux Bains jusqu'à la mi-journée, regrettait-elle, alors que ses grandes jambes avalaient une marche sur deux. Elle aurait aimé accueillir les malades, aux côtés de la curieuse Olga, farouche mais généreuse, plutôt que frotter des dos paresseux ! Il en avait de la chance, son acolyte aux cheveux vermeils, celui qui se vexait si facilement. Il allait apprendre quantités de remèdes, et travailler sans avoir l'Intendante ou ses seconds sur le dos. Elle ne trouva Olga ni dans sa chambre, ni en cuisine, ni aux Bains où Osvald avait décidé de préparer le feu. Cet homme-là avait décidément le cœur aussi gros que le ventre, et dans son cas ce n'était pas rien.
Elle choisit d'abuser de sa gentillesse et l'envoya chercher la guérisseuse. A peine était-il parti qu'un homme qu'elle ne connaissait pas se présenta timidement. Il s'agissait du légat des Cimes, assurément : il avait la silhouette fluette et les cheveux souples des Lettfeti. Lotte le trouva bel homme, bien qu'il eut l'âge d'être son père. Elle adora les circonlocutions qu'il employa pour faire comprendre qu'il souhaitait prendre son bain seul, sans l'aide de quiconque. Ces gens des Cimes, décidément, méritaient leur réputation d'êtres civilisés et fort aimables.
Osvald finit par trouver Olga dans son laboratoire, qui entassait fiévreusement quantités de bocaux sur un drap posé à terre. Elle ne fut nullement surprise de voir débarquer ainsi sa large panse, suivie de lui-même : son pas lourd le trahissait systématiquement.
« Et bien, Demoiselle aux pieds-nus, c'est le grand jour ? En tout cas t'as déjà une sacrée louchée de greluchons qui s'entassent aux grilles à t'attendre. Une belle brochette de chiards et de vioques à deux doigts de caner. La journée va être remplie, m'est avis. »
La nouvelle accrut encore l'agitation d'Olga, qui se mit à vérifier le contenu de chaque étagère dix fois, dans sa peur d'oublier quelque chose. Une fois sur place, elle pourrait difficilement abandonner ses malades et courir jusqu'au laboratoire. Elle ajouta deux bouteille d'un liquide doré dans son baluchon improvisé, et tenta maladroitement de le refermer.
« On en loge dix des comme toi dans ce mouchoir, là ! » s'esclaffa Osvald, hilare, « Allez donne, je crois qu'on a bigrement besoin de mes bras aujourd'hui. »
Bon prince, le géant rassembla les coins du drap qu'il jeta par dessus son épaule, brisant au passage quelques pots, et partit de son pas inimitable en direction des prisons.
La gentille dame gracieuse qu’on voyait en Annwn au début est bien loin maintenant… Ce qu’on ne peut pas lui enlever, c’est que si elle est motivée, elle n’hésite pas à se souiller, ni à se salir les mains. Cette ermite est vraiment dégoûtante ; sa description et celle de sa hutte sont très réussies. Si Annwn croit nécessaire de ne laisser aucun témoin derrière elle, ça démontre qu’elle fait des choses pas très catholiques.
Mais c’est une catastrophe si Osvald brise des pots ! Bon, là il ne se passe pas grand-chose : on se prépare. Et quand on va ouvrir la grille, ça va être l’invasion. Comment Olga va-t-elle s’en sortir avec son assistant ?
Coquilles et remarques :
— une antique armature de branchage s'affaissait [Je mettrais « branchages » au pluriel.]
— A l'intérieur, presque rien [À]
— si noire qu'on la distinguait à peine, dans la poix de son logis [Je ne mettrais pas de virgule avant « dans ».]
— Annwn priait que ce fut vrai [que ce fût ; subjonctif imparfait]
— mais les Vents s'étaient levés, et une tempête effroyable l'avait enveloppée [La virgule avant « et » est superflue.]
— Sa bête avait voulu rebrousser chemin, et elle avait dût mettre pied à terre et la tirer par les rênes, marchant toute la nuit. [Pas de virgule avant « et » / avait dû / pour éviter d’avoir deux fois « et », je propose : « Sa bête avait voulu rebrousser chemin, si bien qu’elle avait dû mettre pied à terre et la tirer par les rênes, marchant toute la nuit. »]
— Son vêtement fut trempé de pluie, et le vent lui rappelait à chaque instant [était trempé / le lui rappelait]
— Pas d'urgence qui ne tienne dans les confins [qui tienne ; pas de « ne » explétif]
— qui dégouttaient sur le corps d'Annwn, et ne prenaient pas forme dans ses tympans [pas de virgule avant « et »]
— Les voix maintenant sifflaient comme des serpents, et l'ermite se mit à hoqueter [pas de virgule avant « et »]
— Si l'ermite ne voulait pas de ses politesses, elle n'insisterai pas [n’insisterait]
— nulle richesse qui ne tienne à ses yeux [qui tienne]
— Elle pourrait attendre quelque heures encore [quelques]
— Les tâches de sang n'avaient aucune incidence. [Les taches ; sans accent circonflexe.]
— Comme ce que tu es réellement venir m'offrir [venue]
.
— A côté de la barrique remplie [À]
— que l'on réservait au boire et au cuire [« cuire » ne figure pas dans les dictionnaires en tant que substantif]
— A cette heure-ci, on ne voyait guère [À]
— une foule était amassée aux grilles des Chimères, et rendait le passage difficile [pas de virgule avant « et »]
— Lotte constatait dépitée que ses seaux [il faut mettre « dépitée » entre deux virgules]
— Il allait apprendre quantités de remèdes / qui entassait fiévreusement quantités de bocaux [quantité de / tu emploies trop souvent cette expression]
— A peine était-il parti qu'un homme [À]
— bien qu'il eut l'âge d'être son père [qu’il eût ; subjonctif imparfait]
— Et bien, Demoiselle aux pieds-nus [Eh bien / aux pieds nus]
— Elle ajouta deux bouteille d'un liquide doré dans son baluchon improvisé, et tenta maladroitement de le refermer [deux bouteilles / pas de virgule avant « et » / d'ailleurs, tu pourrais mettre « son baluchon improvisé qu’elle tenta maladroitement de refermer »]
— le géant rassembla les coins du drap qu'il jeta par dessus son épaule [par-dessus]
Et Lotte est décidément attachante.
Détails :
"que l'on réservait au boire et au cuire." : je ne suis pas sûre que ça se dise. C'est très clair, mais l'expression fait un peu approximative. Je sais qu'on est dans une ambiance simple, puisqu'on suit Osvald et Lotte, et ça ne me dérangerait pas dans une de leurs répliques, mais dans la narration, je trouve ça un peu risqué. Ceci dit, peut-être que ça se dit, et que je ne l'ai juste jamais rencontré.
"et sûrement ici ou là, un ventre rond qui aspirait aux limbes." : ça veut dire une femme sur le point d'accoucher ? Je ne connaissais pas, c'est joli.
Une remarque : ça parait quand même incroyable cette histoire d'eau à aller chercher sur la grand place. C'est quand même mal fichu qu'il n'y ait qu'un point d'eau au château, non ?
Bon, comme à chaque fois, c'est trop couuuuuurt ! D'autres chapitres, sivouplé, madame !
Le boire et le cuire... Oui je sais pas, ça ne se dit clairement pas, mais j'aimais bien.
Alors, les limbres c'est là où iraient les bébés morts non baptisés dans la tradition chrétienne. Ici, je l'élargis ds une version laïque. Mais ça désigne du coup celles qui veulent avorter !
Euh, pour l'eau, oui c'est pas partique, mais en même temps on est dans un univers à la technologie pas super poussée... et la grand pace est juste en face du château.
De toute façon vu là où j'en suis je vais plus freiner des 4 fers devant les grosses modifs ahah ! J'avais aussi un peu arrêté de poster pour ça. Peur de voir toutes les coquilles alors que le manuscrit sera entre les mains de Galligallo... [sueur et angoisse]