La caresse de ses doigts sur ma peau. Ses murmures au creux de mes oreilles. Ses lèvres capturant les miennes. Jamais, je n’aurais cru qu’un homme puisse m’offrir autant de douceur dans ces moments aussi intimes. Ma tête repose sur le torse de Hans. Les yeux clos, je me laisse bercer par sa respiration. Un frisson me parcourt quand sa main remonte le long de mon dos pour se perdre dans mes boucles brunes. Son odeur, sa présence, ses bras refermés sur moi, la chaleur de son corps contre le mien, je n’ai besoin de rien d’autre pour me sentir à ma place.
- Elena, murmure Hans.
- Qu’est-ce qu’il y a ? demandé-je sur le même ton sans bouger.
- Rien, je pensais que tu dormais.
Je bascule sur mon épaule pour pouvoir croiser son regard. Depuis sa contamination, c’est la première fois que je retrouve cet éclat brillant dans ses yeux azurés que j’aime tant. La couleur turquoise semble s’être quelque peu assombrie, mais je ne me lasse pas de contempler cette teinte fascinante. Je souris.
- Qu’est-ce qu’il y a ? répété-je.
Il me rend mon sourire.
- Rien, je t’assure.
Mollement, je lève mon bras pour toucher son visage. Mes doigts glissent sur sa joue pour remonter sur sa tempe avant de redescendre sur son nez pour se poser sur sa bouche. Je les retire vivement et c’est avec difficulté que je retiens l’éclat de rire quand je remarque la bouche en cul de poule qu’il arbore. Cela ne dure qu’un instant avant qu’il me fasse une moue boudeuse.
- Tu n’es qu’une gamine.
Expression espiègle.
- Tu ne t’en tireras pas aussi facilement.
Il se redresse brusquement et plaque ses mains sur mes côtes. Je n’ai pas le temps de réagir qu’il s’empresse de me chatouiller. Le fou rire est vite incontrôlable. J’ai beau le supplier, il est sans pitié et son hilarité rejoint rapidement la mienne. Les chatouilles finissent par redevenir des caresses.
- Bourreau, soufflé-je en reprenant mon souffle.
- Tu l’as bien cherché.
- Mais bien sûr.
Le silence s’écoule avant que Hans déclare l’air de rien :
- J’aime ton rire.
C’est prononcé avec tellement de naturel que le rouge me monte aux joues. Qu’est-ce qu’il a à me dire ça ? C’est à mon tour de faire une moue boudeuse. Nouveau sourire de sa part. Il se rapproche de moi. Mon cœur manque un battement. J’ignore pourquoi je suis tout un coup troublée par sa nudité et sa proximité. Il est si beau et je ne cesse de me reprocher de ne jamais l’avoir remarqué avant. Il est désormais si prêt.
- Tu es toute rouge, relève-t-il un sourire en coin.
Je m’écarte légèrement.
- À qui la faute ? grommelé-je.
Il laisse échapper un rire. Même si j’ai toujours aussi chaud, la gêne disparait quelque peu. Quel doux son. Sa paume sur ma joue m’invite à tourner à nouveau la tête vers lui. Il se penche et ses lèvres se referment sur les miennes avec beaucoup de délicatesse. Je n’ai pas la même retenue et réponds avec fièvre à son baiser. À cet instant, je ne suis plus qu’émotion. J’en veux toujours plus. À peine avons-nous récupéré notre souffle que nous recommençons notre ballet sensuel. Les mains de Hans ont repris leur exploration. En écho à ses caresses, ses lèvres se font plus aventureuses tout en m’obligeant à calmer quelque peu la frénésie qui s’est emparée de moi. Son baiser devient lent. À l’inverse de moi qui ne suis impulsion, urgence, Hans aime prendre son temps. Je n’ai jamais aimé attendre. Tout peut arriver, alors autant ne pas trainer, mais en ce moment, je ne peux que comprendre Hans en souhaitant que cet instant rien qu’à nous deux dure le plus longtemps possible. Mon compagnon s’éloigne légèrement.
- Je t’aime, Elena, et rien ni personne ne m'en empêchera.
Je l’attire déjà à nouveau vers moi. Avide de son contact.
- Je sais. Moi aussi.
Je suis brusquement éjectée du rêve où j’étais plongée. Mon corps réagit de lui-même et c’est avec angoisse que je tâtonne le matelas comme pour m’assurer de sa présence.
- Hans, murmuré-je pleine d’espoir.
Aucune réponse. Mes gestes deviennent hors de contrôle. Il était là. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’il n’est pas là ? Le froid s’insinue en moi. La réalité m’arrive en plein visage et la tristesse me broie douloureusement le cœur. Pourquoi ? POURQUOI IL N’EST PAS LA ? Un cri étranglé m’échappe quand je comprends ma méprise. Ce n’était qu’un rêve. Un ignoble rêve ! Qu’est-ce qui lui a pris de me rappeler ces souvenirs si doux ? Je le hais. De tous, c’est bien mon esprit le plus cruel.
Lorsque la porte de ma cellule s’ouvre, c’est bien sagement que je patiente couchée sur mon lit. Corps parfaitement droit, les mains posées sur mon ventre. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit depuis mon réveil, me contentant de fixer un point au-dessus de moi. Je m’étais jurée de ne pas me laisser emporter par mes émotions et j’ai été lamentable sur toute la ligne. On me traite déjà de folle. Inutile de leur donner quoi que ce soit pour alimenter et confirmer ce mensonge. Quelqu’un pénètre dans la pièce et l’instant d’après le capitaine apparait dans mon champ de vision.
- Debout, 66, déclare-t-il d’un ton neutre. Le docteur Assic te veut en salle d’examen.
Sans un mot, je me redresse. Une boule pèse de nouveau sur mon estomac. La nausée me gagne et je regrette le maigre sandwich offert par Stephen que je me suis forcée à ingérer. Malgré l’absence d’appétit, j’aurais été stupide de me priver de viande, aussi pauvre, soit telle. À peine debout, un vertige me fait tituber et je manque de tomber. La poigne de Stephen me rattrape. Je relève légèrement la tête et croise le regard du soldat. Toujours aucune réaction et l’instant d’après il se détourne de moi dès qu’il s’est assuré que je resterai sur mes pieds. L’angoisse remonte soudain en moi et mes doigts se referment d’eux-mêmes aux vêtements de Stephen comme pour le retenir. Son expression se fait glaçante.
- Ne me touche pas, saleté.
J’ai l’impression d'être écrasée par une chape de plomb. Face à mon refus d'obéir, le capitaine se dégage. Il m’attrape par la peau du cou et me projette en avant.
- Avance !
Enrik, toujours à sa place habituelle, observe la scène avec une certaine surprise. Pour la première fois depuis la mort de Loïs, un fin sourire soulève les coins de ses lèvres. Cela ne dure qu’un instant avant qu’il ne disparaisse. Si par le passé, j’éprouvais une quelconque crainte, ici je suis à cent lieues de m’en préoccuper. Seule une insupportable vérité tourne en boucle dans mon esprit, je viens peut-être de perdre mon unique chance de quitter cet enfer. C’est dans un silence de plomb que nous nous mettons en marche.
Tandis que je suis retournée à la fixation du plafond, le noir s’abat brusquement dans la pièce. Le couvre-feu démarre. Plusieurs heures se sont écoulées avant que l’on me ramène dans ma cellule. Plus vide qu’autre chose, je n’ai pratiquement pas crié. J’ai passé les tests dans un état second. Mon envie de me battre semble s’être éteinte avec ce dernier espoir. Je croyais pouvoir lui faire confiance. J’ai eu tort sur toute la ligne. Je désirerais tant lui en vouloir, mais au fond de moi j’en suis incapable. Nous sommes semblables. Il est toujours plus facile de fuir que d’assumer nos responsabilités. Je pensais être pour lui cette prise de conscience que Hans a été pour moi. Je n’ai été qu’une source d’embarras. Je sursaute au moment où des pas se font entendre dans le couloir et quand Stephen entre dans ma cellule je ne sais plus comment réagir en sa présence. Il a de nouveau un paquet en main qu’il me lance.
- Poulet, m’informe-t-il. Mais je vous préviens, il n’a aucun goût.
- Comme si j’allais me plaindre, ricané-je.
Ça fait longtemps que j’ai arrêté de faire la fine bouche. Une seule question me brule les lèvres, mais sans doute par crainte de découvrir la réponse je déballe le sandwich dans lequel je mords à pleine dent. Stephen attend que j’aie avalé ma première bouchée pour me dire :
- Désolé pour mon comportement ce matin.
- Tu as agi comme il faut. Tu n’as rien à te reprocher.
Sourire triste.
- Vous savez, Elena. J’ai beaucoup réfléchi à notre discussion.
Mon estomac se serre et c’est la voix rauque que je réponds à sa place :
- Tu refuses, c’est ça.
Il grimace.
- J’aimerais. J’aimerais tellement, mais j’en suis désormais incapable.
D’un coup de menton, il me désigne.
- Ce n’est pas aux enfants de payer pour les actions de leur parent. Ni vous ni moi ne sommes innocents. Lui si.
- Tu… Tu acceptes donc de m’aider ?
Ma voix tremble sous le coup de l’émotion. Je n’ose pas y croire. Le capitaine s’autorise un sourire moqueur.
- Je vais vraiment finir par penser que vous êtes bouchée.
Je te disais donc, que j'avais ENFIN ! le temps de venir lire ce chapitre :D
Quel retour à la réalité horrible après un tel rêve >o<
Elle a ENFIN de l'aide, mais est-ce que ça sera suffisant ? Je ne sais pas, je l'espère, elle a plus que donner, il lui faut un peu de repos à cette petite <3