Chapitre 49 : Elena

Par Zoju
Notes de l’auteur : J'espère que ce chapitre vous plaira ! Bonne lecture :-)

Quand Vincent entre dans ma cellule le lendemain pour son examen quotidien après mes tests, je devine rapidement à son expression qu’il a remarqué un changement chez moi. Il s’avance et dépose sa sacoche par terre.

- Je peux savoir ce qui te rend à ce point joyeuse ?

N’importe qui d’autre m’aurait trouvé la même mine affreuse que d’habitude, mais pas lui. Depuis le temps que l’on se connait, plus rien ne lui échappe. Qu’il lise aussi facilement en moi devrait m’effrayer. En général, je déteste ça, cependant… Avec lui c’est différent. Tout a toujours été différent avec lui. Pourquoi ? Cela reste un mystère pour moi. En l’entendant, je ne peux m’empêcher un bref sourire.

- Je ne peux vraiment rien te cacher.

Alors qu’il fouille dans son sac, il hausse les épaules avec un brin d’ironie.

- Allée, Elena. Crache le morceau. J’ai très peu de temps.

- Stephen est d’accord pour nous aider.

Impossible de masquer mon excitation. Vincent ne bouge plus. Les secondes s’écoulent en silence. Ne remarquant aucune réaction de sa part, j’avance ma main et lui donne une petite tape.

- Dis, tu m’écoutes ?

Il se tourne vers moi. Sa pâleur me saute aux yeux.

- Est-ce que tu lui as parlé de moi ?

Sa demande me surprend. C’est vraiment la première chose qui le préoccupe ?

- Bien sûr que non. Tu me prends pour qui ?

Je vois à son expression qu’il se détend quelque peu, mais c’est toujours avec une certaine tension qu’il me dit :

- Je me répète, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

- Quoi ? De m’allier avec lui.

Il hoche la tête.

- Il est trop proche de Tellin. Je ne lui fais pas confiance.

- Trop proche, dans quel sens ?

- Tu sais aussi bien que moi ce que cela signifie. Il est sous les ordres du major.  

- Comme moi dans le passé. J’étais soumise, pas loyale.

Il secoue la tête, contrarié.

- Dans ce cas, Vincent, je t'accorde cinq minutes pour m’exposer ton plan pour me sortir d’ici.

Comme je m’y attendais, il secoue une nouvelle fois la tête.

- Laisse-moi deviner, ricané-je. Je dois encore patienter ?

Aucune réponse. Je prends ça pour une affirmation. Je soupire.

- Je refuse.

- Parce que tu crois qu’avec ce capitaine, tu réussiras ?

- Ce sera toujours mieux que rien.

- Les soldats sont nos ennemis.

- Ne t’inquiète pas, je ne risque pas de l’oublier. Je reconnais que je continuerai à garder des doutes sur Stephen, mais j’ai décidé de suivre mon instinct.  

C’est à son tour de rire jaune.

- Alors, c’est ça ton plan ? Foncer dans le tas et te faire choper ?

- Bien sûr que non. Je suis peut-être diminuée physiquement, mais pas stupide.

- Jamais je ne te considérais comme tel, mais là, c’est de la bêtise pure !

- Un plan, on n’en a pas encore, avoué-je. Car j’ai besoin de toi.

- Écoute, je sais que tu veux fuir cet endroit, mais ce n’est pas le bon moment.

- Ce ne sera jamais le bon moment !

Sa colère prend le dessus.

- Franchement, Elena. Ce n’est quand même pas moi qui vais t’apprendre la prudence !

Encore et toujours ce refus d’avancer. J’en ai assez ! Je me mords la lèvre inférieure pour contenir mon ton que je crains trop sec. Quand je pense pouvoir maitriser ma voix, je reprends :

- Parce que jusqu’à présent la prudence m’a apporté quoi que ce soit ? Je ne fais que ça. Être prudente.

- Ta rébellion dans les couloirs était tout sauf ça. Je t’ai demandé d’être patiente. Tu ne m’as pas écouté. Regarde ce que ça t’a coûté !

À peine a-t-il prononcé ces mots que je comprends à son expression qu’il regrette, mais le mal est fait. D’instinct, je serre mes bras autour de mon ventre. La gorge nouée. Mon ami me fixe sans rien dire, les bras ballants et la tête baissée.

- Je suis désolé, Elena. Je ne voulais pas.

Incapable de répondre quoi que ce soit, je me contente d’un geste pour passer à autre chose. Le silence s’éternise le temps que je retrouve un certain contrôle.

- Stephen m’offre enfin un espoir. Alors que toi, tu es incapable de comprendre que j’ai atteint mes limites ? Je n’en peux plus.

J’enfouis mon visage dans mes mains.

- Je n’en peux plus, gémis-je. Je n’en peux plus.

Une nouvelle fois, mes émotions ont pris le dessus sur moi. Je m’étais promise d’être forte. Je m’étais promise de ne plus craquer. Je suis vraiment pitoyable. Mon ami ne réagit pas directement. Il finit par s’asseoir à mes côtés et m’envelopper de ses bras pour m’enlacer contre lui. Je me laisse aller.

- Pardon.

Sa voix est aussi fragile que la mienne. Il resserre son étreinte.

- C’est juste que je ne veux pas te perdre. Si on nous attrape, ils nous le feront regretter. Tu les connais. Tu sais de quoi ils sont capables.

Je passe mes bras autour de sa taille.

- Je sais. Si je le pouvais, je me débrouillerais seule. Je ne veux pas te perdre non plus. Traite-moi d’égoïste si ça te chante, mais je te demande ton aide et surtout…

Je déglutis.

- Et surtout, je veux que toi et Rose veniez avec moi.

Vincent s’écarte de moi tout en gardant ses mains sur mes épaules. Je relève le menton pour croiser son regard.

- Parce que tu crois que je vais rester ? Bien sûr que je t’accompagne.

- Je pensais que tu allais refuser.

- Moi aussi, j’ai changé. Je veux retrouver ma liberté.

- Et tes recherches ? C’est pour elle que tu avais refusé de nous suivre.

- Des laboratoires ce n’est pas ce qui manquent à l’extérieur. Avec mes notes, je pourrais les poursuivre. Je n’ai pas oublié la promesse que j’ai faite à Hans.

Comme à chaque fois que quelqu’un mentionne Hans, mon cœur rate un battement. Il me manque tellement. Je me ressaisis aussitôt.

- Je sais que tu y parviendras.

Il ne dit rien, mais son regard suffit. Je m’écarte.

- Et sinon, ta réponse pour nous aider avec Stephen.

- Tu connais ma réserve, mais tu peux compter sur mon aide. Je te demanderai juste de ne pas me nommer.

- Tu as ma parole.

- Et pour Rose, qu’est-ce que l’on fait ?

Je pense au côté instable de ma voisine.

- Rien. Moins de personnes sont prévenues, mieux c’est.

- Effectivement.

- Mais nous devons faire vite.

- Quand dois-tu revoir ton capitaine ?

- Stephen ? Cette nuit normalement. Il est de garde.

- Tiens-moi au courant dès que vous avez une piste solide. Je vous prêterai main forte pour nous fournir le matériel nécessaire et préparer les affaires pour survivre à l’extérieur.

- On est en été si je ne me trompe pas.

- Le 12 juillet pour être exacte et je peux t’assurer que dehors, les canicules sont particulièrement coriaces cette année.

Entendre cette date et ses informations sonne étrangement à mes oreilles. J’ai oublié ce que le temps signifiait vraiment. Ici, il coule sur vous. Il semble infini. Si mes journées n’étaient pas rythmées par les repas, les tests, les visites de Vincent et les couvre-feux, j’aurais depuis longtemps perdu tout repère.   

- Au moins, on ne souffrira pas du froid, relevé-je ironique.  

Nous nous taisons. Vincent en profite pour fouiller dans sa sacoche pour en sortir ses bandages habituels. C’est avec précaution qu’il panse mes plaies encore vives. Tandis qu’il est occupé à sa tâche, je lui demande :  

- Dis, Vincent. Tu penses que l’on va réussir cette fois-ci ?

- Aucune idée.

- Je vois que tu es optimiste.

- Moi, jamais. Je laisse ça aux autres. Je pensais que c'était aussi ton cas.

Je m’accorde enfin un sourire.

- Quelqu'un m'a appris à l'être. Alors je le serai pour nous deux.

Un silence passe avant que mon ami s'enquiert :

- Au fait, pourquoi ce soldat a finalement accepté de t’aider ?

Mon mensonge me revient en pleine figure. Il va falloir que je l'informe pour éviter toute erreur de sa part.

- Je lui ai dit que j’étais enceinte.

Le temps d’assimiler, il finit par soupirer.

- Je vois. Ne t’inquiète pas, il n’en saura rien.

- Merci.

- Mais tu ne pourras pas le cacher éternellement.

- À l’extérieur, je lui avouerai la vérité.

- Il risque de ne pas te pardonner.

- Je sais.

- Rien ne t’oblige à tout raconter.

Ce serait si simple en effet… Toutefois, je m’en sens incapable.

- Stephen a accepté de m’aider. Pour l’instant, le doute est permis, il fait encore partie de l’ennemi, mais si nous réussissons, je jure d’être honnête envers lui. J’ai menti à Isis. Je l’ai perdue. Je ne commettrai pas la même erreur.

Évoquer mon aide de camp ravive soudain une nouvelle douleur au fond de ma poitrine. C’est vrai, je n’ai jamais osé demander à Vincent ce qu’elle était devenue et je me sens tout à coup abjecte. Par peur d’en apprendre davantage, j’ai préféré rester dans l’ignorance. C’est comme si je l’avais poignardé moi-même de mes mains.

- D’ailleurs, Vincent, murmuré-je d’une voix chevrotante. Tu sais ce qu’elle est devenue ?

- Je suis désolée, Elena. J’aurais t’en informer aussitôt, mais elle a disparu.

Sa réponse me laisse perplexe.

- Comment ça ? Elle n’est pas dans la section médicale ?

- Non et je connais suffisamment cet endroit pour te certifier qu’elle n’est pas ici. Après que Tellin t’est envoyé dans la section médicale, il a ordonné l’arrestation de ton aide de camp pour l’envoyer rejoindre les autres cobayes. Elle était introuvable. Peut-être est-elle dans un cachot, mais ça m’étonnerait beaucoup.

- Si j’avais été Tellin, soit je l’aurais utilisé contre moi, soit je l’aurais envoyé dans la section médicale. Isis n’est rien pour lui. Il l’a lui-même dit. Juste du bétail bon à l’abattoir. L’armée se débarrasse des choses inutiles.  

- C’est triste à dire, mais tu as sans doute raison.

- Pourquoi ne m’avoir rien dit ?

- Dans ta situation, je ne voulais pas prendre le risque d’aggraver ton état. Tu venais de perdre Hans. Je suis désolé.

- Ne le sois pas.

- Qu’est-ce qui a bien pu lui arriver selon toi ?

- Aucune idée, reconnais-je avec sincérité.

- Tu penses qu’elle est vivante.

- Pour moi, elle était morte, mais grâce à toi, j’ai de nouveau espoir. Merci.

Il me sourit.

- Dans ce cas, on va la retrouver. Je vais mener mes recherches en parallèle. Toi, tu te concentres sur notre fuite.

Je suis toujours enfermée ici. Toujours aussi mal en point. Pourtant, je pourrais presque dire que je suis heureuse. Il y a peut-être une chance qu’Isis s’en est sortie. Cette espérance me suffit amplement pour continuer à tout donner. Patience, Isis. On se reverra bientôt !

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Sklaërenn
Posté le 22/04/2022
Plop !

J'ai du temps, alors je passe lire ce chapitre ;)

"- Allée, Elena. Crache le morceau. J’ai très peu de temps." Allez

"- Et tes recherches ? C’est pour elle que tu avais refusé de nous suivre." elles, comme il y en a plusieurs ;)

"- Des laboratoires ce n’est pas ce qui manquent à l’extérieur. Avec mes notes, je pourrais les poursuivre. Je n’ai pas oublié la promesse que j’ai faite à Hans." manque

"Il y a peut-être une chance qu’Isis s’en est sortie. " s'en soit

Bon, ça reprend du poil de la bête de ce côté. Est-ce que ça sera suffisant ? Je suis contente de savoir qu'elle compte emmener Rose avec elle <3
Zoju
Posté le 23/04/2022
Salut ! Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je vais corriger ça tout de suite. Désolée pour les petites fautes. Merci à toi de continuer à lire cette histoire, ça me motive beaucoup. Effectivement, Elena reprend courage et elle compte bien emmener Rose avec elle ! J’espère que la suite te plaira !
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