Chapitre 50 : Elena

Par Zoju
Notes de l’auteur : Salut ! Après un silence beaucoup trop long ç mon goût voici la suite de l'histoire. Je suis vraiment désolée, mais j'ai eu très peu de temps pour moi ces derniers mois. J'espère retrouver un rythme normal. En tout cas, j'espère que la suite vous plaira. Bonne lecture ;-)

- Je peux savoir ce que vous faites ?

Je plisse les yeux pour m’accoutumer au faisceau lumineux qui jaillit de la lampe de torche que Stephan braque sur moi. En planche, je termine le décompte dans ma tête jusqu’à arriver à trois minutes avant de relâcher ma position. Du revers de ma main, j’essuie la sueur qui me coule sur le visage.

- J’ai décidé de reprendre l’entrainement. Il faut que je puisse être relativement autonome quand ce sera le moment.

- Je comprends votre démarche, mais faites tout de même attention avec ce genre d’exercice. Vous épuiser à la tâche ou vous blesser est bien les dernières choses dont nous avons besoin. Surtout que vous devez garder des forces pour les tests.

- Ne t’inquiète pas, j’essaye simplement de retrouver un semblant de forme.

Pourtant, malgré l’assurance que j’espère dégager, je sens que mon corps a du mal à suivre. J’enrage d’être à ce point diminuée alors qu’il y a à peine quelques mois, je pouvais enchainer les entrainements sans soucis. Prenant appui sur mes jambes, je me relève pour m’asseoir aussitôt sur mon lit. Inutile qu’il remarque, les tremblements secouant mes membres. Comme à son habitude, le capitaine m’offre son repas du soir que j’accepte avec gratitude. Jambon aujourd’hui. Après avoir coupé le sandwich en deux et avoir mis un morceau pour Rose de côté, je commence à manger.

- Il faudra que tu m’expliques comment tu réussis à faire passer cette nourriture.

Un sourire plein de malice étire les coins de sa bouche.

- Rien de plus facile ! Il me suffit de le glisser dans ma manche en l’aplatissant un peu et le tour est joué.

- Bon appétit, grimacé-je en imaginant un instant les aléas qu’a dû connaitre ce pauvre pain.

En m’entendant, le soldat rit de bon cœur avant de retrouver une certaine gravité.

- Mis à part ça, nous devons nous dépêcher d’entrer dans le vif du sujet. Je n’ai que très peu de temps.

J’acquiesce. Il a parfaitement raison.

- As-tu des idées ?

- Quelques-unes, mais c’est très maigre. Quand je vous disais que c’était insensé, je ne vous mentais pas. Tous les accès de la section médicale sont sous haute surveillance. Vous devez savoir comme moi que l’on ne sort pas de cet endroit sans passer par les soldats à l’entrée. Et si par miracle, on y parvenait, il faudrait traverser le reste de la base. Autrement dit, faire face à un nombre non négligeable de soldats.

- Sans parler des caméras, complété-je.

- Sans parler des caméras, répète Stephen, las.

- Autres choses ?

- Oh, je pourrais vous citer le renforcement de la sécurité depuis la dernière attaque rebelle avec une augmentation des effectifs lors des gardes, la clôture supplémentaire et je ne serais même pas étonné qu’il ait rajouté des mines sur le terrain vague qui nous entoure.

- Tu plaisantes ?

- Vous croyez que j’en ai l’envie ? Je vous le redis, c’est une mission suicide. Nous n’avons ni le matériel ni les effectifs nécessaires pour tenir tête à l’armée. Regardez-vous, vous tenez à peine debout. Vous savez tout le respect que j’ai pour vous, mais à l'exception du caractère, vous n’avez plus rien du soldat d’élite que vous étiez.

Je grimace face à ses propos. Il appuie là où ça fait particulièrement mal, mais comme pour le reste difficile de nier la réalité et il faut encore que je lui annonce que Rose nous accompagne. Vincent, on verra plus tard.

- Au fait, Stephen, j’aimerais que ma voisine de cellule vienne avec nous.

L’écarquillement de ses paupières me fait comprendre instantanément sa réponse.

- Vous êtes folle.

- Tu en doutais encore ?

- Arrêtez avec l’humour, Elena ! Vous, à la limite ! Vous avez de très bonnes notions en combat, mais pour elle je soupçonne que ce ne soit pas le cas.

- Je te préviens directement. Je ne pars pas sans elle.

Le regard de Stephen devient particulièrement dur. Je m’efforce de ne pas ciller, mais je suis entièrement d’accord avec elle. Ce que je lui demande est pratiquement irréalisable. Je m’attends à ce qu’à tout moment il tourne les talons et quitte la pièce en me claquant la porte au nez, mais il n’en fait rien et se contente d'expulser un soupir à fendre l’âme.

- Vous savez que rien ne m’oblige à vous aider, alors ne poussez pas le bouchon trop loin. Mourir pour vous n’est pas dans mes intentions.

- Je ne te demanderai jamais d’aller jusque-là.

- Vous me rassurez.

- C’est pourquoi nous devons établir un plan.

- Avez-vous des idées ?

C’est Hans qui a toujours été le pro de la stratégie, pas moi. Je n’étais qu’une suiveuse d’ordres, mais s’il y a bien une leçon que j’ai bien retenue, c’est qu’il faut envisager toutes les possibilités et la première chose à faire c’est d’identifier les obstacles. Le problème, c’est que dans ma prison, je suis incapable d’avoir une vue d’ensemble. Heureusement, me réjouis-je, j’ai mes yeux.

- Dis-moi, Stephen, dans la section médicale, qu’est-ce qui pourrait nous freiner ?

- Les caméras, le personnel soignant et les soldats qui montent la garde.

- Au fait, comment fais-tu pour venir aussi facilement ici si les caméras tournent ?

- Elles ne sont présentes que dans les couloirs centraux et entre vous et moi une nuit entière à fixer des écrans où il ne se passe quasiment rien de bien intéressant, ça fatigue. Mais on n’est jamais trop prudent.

- Combien de gardiens ?

- Deux, avec un roulement toutes les quatre heures.

- Les horaires ?

- À 20 h, à minuit et à 4 h.

- On pourrait assommer ceux de minuit aux somnifères ?

Stephen secoue la tête.

- Mauvaise idée. Si quelqu’un tombe sur eux, il risque d’avoir des soupçons et puis comme je vous l’ai dit les caméras ne sont que dans les couloirs centraux. Peut-être si nous jouons avec leurs angles morts ?

- Je doute que les angles morts soient suffisamment nombreux. Il faudrait les utiliser à notre avantage.

Pendant un instant, je me rappelle du tour de force des rebelles qui avaient réussi à trafiquer les vidéos de surveillances. Dommage que Liam ne soit pas de notre côté, s’il y a bien quelqu’un qui s’y connait en informatique, c’est bien lui. J’écarte aussitôt cette pensée de mon esprit. Inutile d’espérer l’impossible. Concentrons-nous sur ce qui est faisable.

- Tu penses que tu pourrais nous fournir des uniformes ?

- Parce que vous vous attendez que ce déguisement va fonctionner ?

- Pourquoi pas ?

- Réfléchissez deux secondes, je rentre seul dans un couloir et nous ressortons à trois ? On est très peu de soldats ici.

- Justement, tu dois faire en sorte de ne pas venir seul.

- En gros, vous me demandez d’amener deux collègues et je me doute qu’après il faudra les assommer.

Je souris un peu trop innocemment

- Tu as tout compris !

- C’est bien ce que je dis, vous êtes folle !

- Pour le coup, je suis parfaitement sensée. Deux contre deux plus l’effet de surprise, ça peut fonctionner.

- Votre état…

- Laisse mon état de côté ! le coupé-je, irritée. Donne-moi un poignard ou un flingue et crois-moi qu’ils vont se tenir à carreau. Je suis affaiblie, mais pas inoffensive. Ne me sous-estime pas.

Le capitaine se tait pour s’accorder un instant de réflexion.

- C’est risqué, mais pas impossible, finit-il par admettre. Il faudra simplement trouver la bonne raison pour qu’il m’accompagne.

- Propose-leur de venir passer du bon temps avec la Darkan.

Il me fixe outré.

- Ça ne va pas la tête ! Hors de question que j’utilise un argument pareil !

- Au contraire, il n’y en a pas de meilleur. Ces hommes n’ont pas dû pouvoir satisfaire auprès d’une femme depuis un sacré bout de temps. Ils seront ravis ! Surtout avec une célébrité telle que moi.

- À vous entendre, on dirait que tous les hommes sont des prédateurs sexuels.

- Parce que tu ignores ce que je vivais au quotidien quand j’étais colonel et c’était pareil pour Luna. Des regards lubriques, des propos obscènes, des humiliations sur notre genre, c’était normal pour eux. Et ici, ça ne s’arrête pas. C’est même devenu pire, car je n’ai plus le droit d’être humain.

Parler de ça m’est douloureux. Par le passé, j’ai été faible et j’ai cru à leurs belles paroles au point de baisser mes défenses face aux mauvaises personnes. Tellin est le pire de tous et j’ai ployé devant lui. Stephen fixe ses pieds.

- Je l’ignorais.

Je n’ai que de l’amertume en bouche. C’est toujours comme ça. Ils sont parfaitement éveillés quand il faut voir nos courbes, mais complètement aveugles face à nos souffrances.  

- Après tu as raison, reprenne-je un peu plus calmement, tous les hommes ne sont pas comme ça. Hans, Nikolaï ou encore toi vous m’avez toujours traité d’égal à égal, j’espère simplement que tu te rendes compte du calvaire qui est le nôtre à nous d’être née femme.

Ses mains frottent son visage comme s’il voulait remettre ses idées en place.

- Je suis désolé, Elena, dit-il dans un souffle avant que ses pupilles ne croisent les miennes. Mais je vous promets que vous pouvez me faire confiance sur ce point.

- À toi de me le prouver.

- Ils ne vous toucheront pas et si c’est le cas, je leur ferai regretter leur geste.

Je lui souris.

- Je te fais confiance. On part là-dessus alors ?

- Il reste un problème, souligne-t-il aussitôt. Et il est de taille.

Du doigt, il me désigne.

- Votre crâne chauve, il risque de ne pas passer inaperçu surtout que mes collègues ont des cheveux, certes courts, mais ils en ont.

- Une perruque ? hasardé-je.

Ses yeux se lèvent d’eux-mêmes vers le ciel.

- Mais bien sûr… Et je trouve ça où ?

Il faudrait que je demande à Vincent, songé-je. Lui pourra peut-être m’aider, mais comme mon ami l'a exigé, je vais éviter de le mentionner devant Stephen.  

- On verra bien. Il y a plus urgent dans l’immédiat. Des propositions pour sortir de la section et de la base ?

- C’est là que le bât blesse, reconnait le capitaine. J’ai beau travailler dans cet endroit, j’ignore tout de lui.

- Il doit bien exister un moyen. Les rebelles y sont arrivés, eux, et à plusieurs reprises !

- Je ne sais pas comment ils font. Mes supérieurs n’ont pas jugé bon de me relever ces informations. Et à mon avis, il vaudrait mieux passer par l’entrée principale.

- Et les soldats qui montent la garde ? Je doute que les uniformes suffisent à les duper ?

- Une idée de diversion ?

- S’ils ne sont pas stupides, un demeurera à son poste tandis que l’autre ira voir. Il faudrait vraiment quelque chose de gros, mais là on prend le risque de rameuter beaucoup trop de monde et nous voulons être discrets.

Je m’accorde un instant de réflexion, mais je reste bloquer sur ce point. Et puis, à bien y réfléchir, depuis le début, nous ne faisons que des suppositions, rien de concret et surtout rien de viable. Trop d’inconnus entrent en jeu. Stephen semble arriver à la même conclusion que moi, mais par égard pour moi, il se contente d’une autre question.

- Et si par miracle on réussit, on va où ? On fait quoi ?

Je grimace. J’aurais préféré qu’il continue à me traiter de folle. Car c’est bien là qu’il y a le plus gros problème. Où aller ? La seule personne que je connaisse c’est Magda, mais elle est aussi la femme de mon père. Même si je sais tout l’amour qu’elle me porte et le fait qu’elle déteste le maréchal, il y a de fortes chances qu’il la surveille. Mon père doit se douter que ce sera la première personne chez qui je trouverais refuge. Elle en payera le prix et ça, je le refuse. Je pense alors à Stephen, à Vincent et à Rose. Eux aussi, je les mets en danger… Je me dépêche de me ressaisir. Je ne dois pas penser à ça. Le capitaine me fixe toujours sans rien dire. Il attend une réponse.

- Se faire oublier de l’armée me semble un bon début. Il nous faut un plan de la forêt et…

Une idée s’impose soudain dans mon esprit. Pourquoi est-ce que je n’y ai pas pensé plus tôt.

- Et trouvons les rebelles !

Une nouvelle, Stephen écarquille les yeux.

- Les rebelles ? répète-t-il lentement comme pour s’assurer d’avoir bien entendu.

- Oui, les rebelles et…

- Parce que vous croyez qu’ils vont aider des soldats ? On passe notre temps à leur tirer dessus.

- Nous sommes ennemis. C’est logique.

- Justement et je ne pense pas que ce soit une bonne idée d’aller les voir.

- Laisse-moi finir, veux-tu ! Lors de notre fuite avec Hans, nous les avons croisés. Je connais quelqu’un qui pourrait nous aider.

Il n’y a plus qu’à espérer qu’Anna soit encore vivante ou je ne donne pas cher ma peau. Ses camarades me haïssent. Bon nombre se ferait un plaisir de me poignarder.

- Je doute que cela suffise.

- Ce ne sera pas gratuit, mais nous avons en notre possession des informations qui peuvent les intéresser. Ils se feront une joie de nous écouter.

- De nous enfermer, oui.

- Au moins ce sera toujours moins pire qu’ici.

- Qu’est-ce que vous en savez ?

- Ces gens aident les cobayes à s’échapper et je préfère être entre leurs mains plutôt que de rester à la merci d’Assic et de mon père.

Je remarque directement à son expression qu’il n’est pas convaincu.

- Dis-moi le fond de ta pensée, Stephen.

- Je suis désolée, Elena, mais comme je le craignais plus nous avançons plus je comprends que cette fuite est vouée à l’échec. Chaque étape est trop bancale et le moindre imprévu peut tout faire rater.

- En stratégie, il faut savoir parer les imprévus.

- Pas quand il y en a à ce point.

- Tu te défiles ?

Il secoue la tête.

- Non, mais je vous demande une dernière fois de m’accorder un délai supplémentaire. Si nous continuons comme ça, on va droit dans le mur.

- Que proposes-tu ?

- Laissez-moi trois, non quatre jours pour faire mes recherches. Ici, j’ai manqué de temps. Je pensais que ça suffirait, malheureusement on ne parviendra à rien si on base notre fuite que sur la chance.

- Quatre jours, répété-je.

- Pas un de plus.

Je m’accorde un instant de réflexion. Quatre jours. Ici, c’est une éternité. Pourtant, est-ce que j’ai le choix ? La réponse s’impose aussitôt. Non, je ne l’ai pas. Stephen me demande de lui faire confiance. Après tous les risques qu’il prend déjà, je lui dois bien ça. Au fond, quatre jours, ce n’est pas bien long.  

- Dis-moi que dans une semaine on sera dehors.

Il pose sa main sur la mienne. Je croise son regard.

- Je vous le promets comme je vous promets que dans quatre jours je reviendrai vous voir pour vous exposer mon plan. Je vous en prie, Elena. Tenez encore un peu.

Un coin de ma lèvre se lève vers le haut et presse ses doigts.

- Je compte sur toi.

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Sklaërenn
Posté le 18/10/2022
Coucou, désolée j'ai mis graaaaaaaaaaave du temps pour venir, mais je ne t'ai pas oublier !

" Inutile qu’il remarque, les tremblements secouant mes membres." pas besoin de virgule ici ;)

"Je m’efforce de ne pas ciller, mais je suis entièrement d’accord avec elle. " avec lui, non ?

"Mes supérieurs n’ont pas jugé bon de me relever ces informations." révéler plutôt que relever, non ?

"- Je vous le promets comme je vous promets que dans quatre jours je reviendrai vous voir pour vous exposer mon plan. Je vous en prie, Elena. Tenez encore un peu." Pourquoi j'ai l'impression que ça va pas se passer comme prévu ;-; ?
Zoju
Posté le 20/10/2022
Salut ! Aucun soucis, je suis déjà très contente de te retrouver sur cette histoire. Encore un tout grand merci pour ton assiduité qui me fait toujours autant plaisir. Je prends bien note de tes remarques. Je vais corriger ça ! J'espère que la suite arrive bientôt. Avec une IRL très chargée ces derniers mois, je n'ai pas pu beaucoup avancer. Pardon pour l'attente. En tout cas, j'espère que la suite te plaira !
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