Chapitre 6

Notes de l’auteur : Réécriture

Kelly observait tout autour d'elle pour retrouver ne serait-ce qu'un point auquel se raccrocher. Un flou terrible l'enveloppait. Elle avait l'impression de flotter. Cette sensation ne lui était pas inconnue. Elle l'avait déjà expérimentée. Quand ? Aucune idée. Un déjà-vu.

Un rugissement perça ce qui aurait pu porter le nom de ciel, puis ensuite, une lumière aveuglante l’éblouit. Dans cette lueur, une vision s'anima. D'abord brumeuse, elle se fit de plus en plus claire jusqu'à l'immerger.

- N'embête pas ta mère.

- Je ne l'embête pas, je teste ses capacités de réflexions, très cher père, rétorqua malicieusement la petite fille, tout sourire.

Soupir. 

Son père l’attrapa par les aisselles pour la mettre sur ses épaules et éviter de nouvelles bêtises. La mini-Kelly ne se laissa pas faire, malgré la différence de taille, et elle s’extirpa de son emprise. Pas le temps de la rattraper : elle se tenait déjà sur la pointe des pieds au dessus du berceau de sa soeur.

- Ne la réveille p…

- Raaah, je sais, s’agaça-t-elle en se penchant un peu plus.

Une petite tête touffue dépassait de la couverture verte-et-oiseaux-bleus dans laquelle un bébé était enveloppé. C’était une Sylvoir, comme sa mère. En beaucoup plus petite.

- Quatre … c’est beaucoup, n’est-ce pas ? demanda rhétoriquement l’enfant sans quitter sa sœur des yeux. Trois c’est plus joli, pas de bagarres, pas de disputes, deux fois plus de cadeaux. J’ai pas ma place ici, hein ?

- Quatre c’est parfait, ma puce, la rassura sa mère en la prenant dans ses bras.

- Oui, mais …

La grande Sylvoir posa un doigt sur ses lèvres, un sourire sur le visage. Ses yeux pétillaient, si beaux, si verts, si vivants. 

- Tu es et resteras notre fille. Tout comme ton père est et restera un mauvais cuisinier. On ne peut pas le changer.

Sa fille gloussa, amusée.

- C’était quand même pas si mauvais, si ? protesta le Meneur de Temps. C’est vrai, c’était un peu … grillé, mais c’était mangeable !

- Brûlé est un meilleur adjectif, mon cœur, le contredit gentiment sa femme en venant déposer un doux baiser sur sa joue.

Il tenta de se défendre encore quelques secondes, mais dû s'interrompre.

- Papa, maman. Je vous ai jamais vraiment posé la question. Mais ... euh ... Vous m'avez trouvée comment ?

Un long silence suivit. Presque aussi long que ceux que ses parents lui imposaient quand sa petite sœur dormait. 

- Chérie, tu peux t'occuper de Saerlane ? Je vais lui montrer, se décida son père.

- Ne rentrez pas trop tard.

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- C'était ici.

Ils venaient de pénétrer dans une petite clairière perdue dans la forêt. Ce n'était pas très loin du village, juste assez pour ne pas s'y rendre fréquemment. Le visage de la petite se décomposa quand son père désigna un écart entre deux racines d'un érable.

- Papa. T'es vraiment pas drôle.

- Mais je ne plaisante pas ! C'est vraiment ici qu'on t'a trouvée. Tu étais juste là, très calme d'ailleurs pour un bébé seul dans la forêt. En hiver en plus ! Je n'ai jamais compris par quel miracle tu as survécu. D'autant plus qu'il neigeait ce jour-là. Tout autour de toi t'était favorable. Comme si toutes les forces de la nature s'étaient arrangées pour te protéger !

Elle soupira, déçue.

- Arrête un peu, t'exagères. C'était juste un coup de bol, rien de plus, répondit-elle, pas très crédule. On m'a abandonnée, mais vous m'avez trouvée avant. De la chance et rien d'autre.

Même petite, elle n'avait jamais été fascinée par grand chose. Elle ne se basait que sur du concret. Si on ne lui mettait pas les doigts sur les plaies, elle classait comme "faux", ou "à vérifier" l'élément problématique. Ici, la question ne se posait même pas. Son père était juste un peu trop aimant.

- Très bien. Si tu ne me crois pas, je vais te montrer, rétorqua-t-il.

- Tu vas utiliser ta magie ? s'étonna sa fille.

Jalousie. Sans surprise. Lui, il avait une puissance innée. Elle, elle n’était qu’une Technimage ratée.

Quoi qu'il en soit, lorsque son père posa deux doigts sur le sablier tatoué sur sa tempe droite, son souffle se bloqua dans sa gorge. La température changea, tantôt brûlante, tantôt humide. Le soleil parcourait des axes différents à une vitesse écrasante pour former un mandala dans le ciel d'azur grisâtre. Autour d'eux, le temps variait comme les secondes. Les branches des arbres se fracassaient dans un orage, puis se caressaient après une bise. Les saisons s'écoulaient comme un sablier cassé qui ne retient plus le sable. Et la minute d'après, tout avait repris l'ordre des choses, des années plus tôt. La météo était douce comme le printemps, même si elle se savait d'hiver. De la neige vierge recouvrait le sol de la clairière à certains endroits, mais disparaissait à d'autres, à la manière des éclaircies. Et puis il y avait le bébé. C'était elle. Petite, un peu plus grande que sa sœur au même âge. Elle dormait calmement, sans pleurer, sans trembler. Paisiblement. Puis elle ouvrit un œil, timidement. Ses iris de cuivre chaud fixaient sans comprendre le lieu dans lequel elle se trouvait. 

Avant de crier. Hurler comme elle aurait dû le faire depuis longtemps.

C'est ça. C'est ça qui attira ses parents à elle. Ils la trouvèrent, alertés, s'interrogeant sur ce qu'ils allaient faire d'elle. Puis ses tout petits doigts se sont entourés autour de leurs pouces, avec ses tout petits ongles qui griffent. Ils ne pouvaient tout simplement pas la laisser à quelqu'un d'autre. C'était elle. C'était leur enfant. Leur petite fille. 

- C'est impossible, murmura-t-elle devant ce passé. Remonte un peu en arrière. Je veux voir qui m'a abandonnée.

- C'est inutile.

- Pourquoi ?

- J'ai déjà essayé. C'est ... particulier.

- Je veux quand même voir, insista-t-elle.

- Très bien, céda-t-il dans un soupir.

Son père reposa ses doigts sur sa tempe et le temps dégringola de plusieurs minutes. L'ambiance avait entièrement changée. La neige : omniprésente. L'espace entre les racines : vide. L'air : glacial. 

Malgré tous les signaux, la jeune fille ne manqua pas une seconde de fixer cet écart. Cet écart au pied d'un érable où quelqu'un l'avait délaissée. Sa mère. Son père. Des inconnus, dans tous les cas. Sauf que personne ne vint la déposer là. Pas de regards fuyant, pas de regrets, pas de larmes. Personne qui ne tenait à elle. 

Elle était juste apparue. Comme dans une légende. Comme dans une histoire rêvée. Comme dans un conte où tout est imaginé.

La petite fille agrippa le bras de son père, les yeux ne lâchant pas sa forme miniature.

- Papa, je veux rentrer à la maison.

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De la paille tomba de la charrette quand Kelly se redressa brusquement. Son coeur palpitait dans sa poitrine. L’adrénaline parcourait son corps. Ses pupilles oppressaient ses iris. Un mauvais rêve. Rien qu’un mauvais rêve. Elle le supposait, tout du moins.

Il lui fallut quelques secondes pour se souvenir de sa situation. Elle était sur un chariot. Un chariot à l’arrêt. A l’arrêt car le paysan qui le conduisait se tenait devant elle.

- Vous vous réveillez à temps, mam'zelle. Nous sommes arrivés.

Vieux Coloreur au crâne dégarni, chapeau de paille troué, visage jovial. Il avait été impressionné par l’équipement de la Cape, en positif seulement. Pour lui, le Comte était sa bénédiction. Son repos. Que grand bien lui fasse.

Maintenant, face à ce petit personnage aux mains bourrues, elle se souvenait. Elle l’avait rencontré sur le bord de la route, alors qu’elle passait à cheval à côté. Aah, Kelly avait tout de suite compris à son regard admiratif qu’il allait lui parler. Effectivement. Il l’avait arrêté et lui avait demandé de l’aider. Une de ses deux juments avait fui, et seule, la deuxième était incapable de tirer la calèche. Kelly avait accepté de lui prêter Onyx. Pas par bonté de cœur. Elle n’y voyait là que l’avantage de pouvoir se reposer sur le tas de paille dans la charrette. Le vieillard avait essayé de lui faire la conversation pendant la première demi-heure, non-stop. Alors elle avait prétendu vouloir dormir et avait fini par réellement s'assoupir.

- Sais-tu où sont les écuries de ce Soste ? lui demanda-t-elle en descendant.

- Je peux vous y conduire, si vous le désirez, mam'zelle.

Kelly contourna la carriole et détacha Onyx qui s'ébroua lorsqu'elle le força à se séparer de sa colocataire de charette.

- Fais pas ta tête de mule, tu vas t'en retrouver d'autres des copains, siffla-t-elle agacée par la résistance de son cheval lorsqu'elle tirait sur son licol.

La chariot se remit en marche quand l'homme accompagna sa jument à avancer. Kelly le suivit, en silence.

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Le ciel était sombre. Sombre de nuages et bientôt sombre de nuit. Kelly venait de sortir des écuries et marchait. Les routes qui s’offraient à elle - larges, calées sur le fameux plan en damier - étaient éclairées au strict nécessaire par des lanternes et lampes à énergie pâle. Des hauts bâtiments en bois obscurs et en pierre rouges, ou, de temps à autre, en torchis, les encadraient. La plupart des insignes de magasins n'étaient pas allumés, et seules les lumières intérieures soulageaient les passants de la nuit noire. La soirée commençait à peine, comment voulaient-ils s’y retrouver s’il n’y avait plus rien pour indiquer ?

Ah. Un hôtel. Lui, il était bien indiqué. Tape-à-l'oeil, éclats de rire, voix bruyantes, musique. Il ne respectait en aucun point l'harmonie de la rue. Des guirlandes lumineuses entouraient les pancartes, décoraient les fenêtres, envahissaient la végétation accrochée aux murs. 

Kelly aurait apprécié pour sa huitième et dernière nuit à Tshendir se reposer dans une auberge. 

Nouveau cri, entre joie et étranglement.

Peut-être qu’une nuit de plus à la belle étoile, ce n’était pas si mal. Ou chercher un autre établissement. Kelly approuva son choix, avança d’un pas, mais se résigna. Au vu de la faible corpulence du Soste, cet hôtel était probablement le seul. Ravissant.

A contre-coeur, Kelly poussa les portes battantes. Son entrée aurait pu décemment faire taire tout le monde, comme à Dren, au vu de la couleur de sa Cape. Une ambiance tendue, presque de western.

Non.
Rien de tout cela. Les esclaffements, la musique joyeuse, les voix entraînantes, les danses folkloriques. Rien ne s'arrêta. Seule une autre Cape s'agitait à son arrivée.

Étonnant, au vu de sa charmante réputation.

Trentenaire. Uniforme vert pomme et sapin. Un administrateur. Il devait manier davantage les papiers que les armes. Attablé avec d'autres Capes, pour la plupart saouls, ses cheveux roux lisses retombaient sur ses épaules et ses yeux d'eau vive la fixaient, pensif. Lui, il avait une idée derrière la tête.

Kelly le survola sans grande préoccupation et oublia son existence assez rapidement. Ses couleurs n'avaient pas beaucoup d'importance et il ne représentait rien dans sa quête. 

Ne pas se focaliser sur les parasites. Passer à autre chose. Se concentrer sur son travail. Ignorer les regards. Trier les informations. Garder l'utile. Éliminer - de son esprit, ou littéralement - l'inutile. Ça, Kelly aurait adoré le faire. 

Elle n’y arrivait pas. Les regards l’attrapaient, la fisselaient dans leur toile. Provoquer, écraser, prouver, c’était son arme, sa manière qu’elle avait de se démarquer. 

Dans un effort, Kelly passa outre. Elle s’approcha du comptoir où une Eolkinos préparait des cocktails. La barman la jugea de ses yeux rose pâle, de haut en bas, puis de bas en haut. Deux fois. 

- Tout ce noir, c’est déprimant.

Voix plate. Ennuyée. Nouvel ascenseur de regards. 

- Ce sera ?

- Une chambre, exigea Kelly après avoir zieuté le tarif.

Elle fouilla dans sa bourse et en sortit deux cubes de vingt tyx, une pyramide de dix, et sept ptochos. 

- Autre chose ? s’assura l’Eolkinos en récoltant d’argent du bout de son aile droite.

Kelly allait refuser. Mais on la regardait. Avec insistance. Dérangeant. Inutile. Agaçant.

- La boisson qu'a pris cette Cape. Mets-en moi deux, répondit-t-elle en ajoutant quelques ptochos à l'addition.

- Je m'occupe de ça.

La femme ailée décrocha une clef avec un numéro joliment gravé dessus et la remit à sa cliente.

- Pour la chambre, à midi, je veux que ça soit remis en ordre. Les déchets, c'est dans la poubelle, pas à côté. Je ne tolère aucun retard, sous peine de doubler le tarif. S'il y a une prolongation, je veux être prévenue plus de trois heures à l'avance. Sur ce, j'apporte les boissons à la table de la Cape ?

Kelly oublia de répondre - ou n’en prit pas la peine - et se retourna jusqu’à croiser le regard du rouquin. Qui dévia, se releva, retrouva son opposant. Il hésitait. Pas particulièrement par peur, mais par indécision. Peu importe. Il avait insisté, pas de retour en arrière possible. Elle attrapa une chaise d’une table voisine et l’intercala près de son frère d’arme. Il n’eut pas le temps de se débiner qu’elle imposa son bras autour de sa nuque, comme s’ils étaient copains de toujours. 

- Alors, mon vieux, qu'est-ce que tu me veux ?

 Sourire froid. Ironique. Sans saveur.

Il ne répondit pas tout de suite, dubitatif.

- Dépêche. Je sais pas ce que tu fous, mais j’ai beaucoup de travail, et aucun temps à perdre. 

- Pourtant, si je peux un peu me permettre, vous avez pris du peu de temps que vous aviez pour venir me voir, moi, alors que, je suppose, qu’à vos yeux, j’ai peu d’importance. Mais cette question importe peu. Disons simplement que notre secteur est peu occupé, alors y voir une Cape est assez peu habituel.

- Tu me rappelles Ales. 

Froissement de paupières.

- Qu’est-ce qu’A …

- A toujours essayé de me faire perdre mon temps. Tu n’es pas sans savoir que déranger une Cape Noire a des conséquences. Aah, mais peut-être qu’être dans un Soste te donne des ailes ? Il me suffit d’un mot à Abald pour te renvoyer dans la capitale et pour que je m’occupe personnellement de ton cas. Alors crache le morceau, je m’impatiente.

- Je n’ai rien de plus à dire, répondit-il platement.

Kelly le dévisagea quelques secondes de plus, son regard agressif remuant l'eau vive dans les yeux de la Cape. Les Sostes n’étaient pas à son avantage. Effectivement, elle pourrait toucher un mot au Comte, mais la procédure lui prendrait trop de temps. Elle était vexée aujourd’hui. Pas dans deux mois. Elle laissa tomber et se releva. Les escaliers étaient si proches qu’elle ne se rendit pas compte qu’elle n’avançait pas.

- .. U DeV… aRr… Ter d’En…Ger lEs C … oiRes ..oU .. enDre Et f …Ni … otrE prOjet. 

Un chuchotement, d’une des Capes bourrées sûrement. Ses mots butaient, parfois inaudibles, parfois trop bruyants. 

Kelly comprit.
Puis essaya de comprendre.
Une nouvelle fois.
Ce n’était pas possible.
A peine imaginable.

Le rouquin avait essayé de … la recruter ? Pour quel projet ? Un que Abald ignorait. Comment pouvaient-ils … ? Pour porter l’uniforme des Capes, il fallait jurer fidélité au Comte. Non, pas seulement. Pactiser avec le Comte. Impossible de s’échapper d’un pacte. Impossible. Impossible. 

Et si … ?

Non. Elle devait retrouver l’Ukilibah, c’était sa seule certification, le reste n’avait pas d’importance. Aah, maudit pacte. 

Kelly aurait adoré s’allier à eux. Comprendre comment ils comptaient faire. Ce qu’ils comptaient faire. Voir le visage d’Abald se dégrader quand tout son système malsain s’effondrera. Est-ce qu’ils réussiront ? Tout dépendra de leur plan et de leurs effectifs. Avaient-ils des Capes Noires ? Probablement pas. Aah, encore une fois, maudit pacte. Elle avait un autre objectif, et lui, il ne pouvait pas attendre.

Dans son dos, un silence. Tendu. Les Capes autour de la table avaient fait taire leur collègue en lui donnant un peu plus à boire. C’est vrai qu’ils devaient se demander si elle avait tout entendu. Kelly aurait pu grimper simplement les escaliers, et ne plus jamais en parler. En temps normal, elle l’aurait fait. Mais devait-elle pardonner au rouquin tous ses regards perforants ?

Kelly se retourna. Sourire sadique, photocopié du sien

Aucune des Capes ne la regardait, les yeux enfoncés dans la table ou dans leur verre, et pourtant, chacune avait compris.

Sans s’attarder davantage, Kelly gravit les marches courbes de l’escalier de bois.

Une fois à l’étage : un long couloir. Des portes numérotées à droite, des fenêtres à gauche. Une quinzaine en tout, les chambres se répartissaient sur deux étages. De l’extérieur, l’hôtel n’avait pas paru si grand. Le nombre pyrogravé sur la clef n’était pas compris à ce palier. Au bout du corridor, une série d’autres marches irrégulières la narguaient.

Kelly grimpa jusqu'au second étage. Les chambres côté rue cette fois-ci, les portes-fenêtres en face donnaient sur le balcon.

11, 12, 13.

Elle y était. Une porte d’acajou sculptée de motifs corinthiens. Le prix ne valait pas la décoration. Peut-être était-ce le comportement du personnel qui baissait la note ?

La clef glissa dans la serrure et la chambre se découvrit. Propre, petite, lit une personne, table de nuit, armoire, douche, lavabo. Papier peint coloré. Dans l’excès. Bleu, mauve, violet, rouge, rouge-décroissant-vers-l’orange, orange, jaune, blanc. Et ça représente … ? 

Probablement rien. De l’art.

Quand elle n’en put plus de se perdre dans les motifs sans queue ni tête, Kelly déposa son sac et effectua une série d’étirements. Une fois sa séance terminée, elle confia tout son poids au matelas. Les ressorts s’en plaignirent, puis l’acceptèrent. 

Son regard se vida pour évacuer la journée. Huit jours qu’elle voyageait, elle n’arrivait pas à se détendre. Elle aurait pu se préparer, s’enfuir sous les couvertures et se réveiller à l’aube. 

Oui, c’est ce qu’elle devrait faire. Kelly se redressa, retira ses gants, attrapa dans son sac une barre de céréales protéinée et se rassit. A côté d’elle, un des cônes de son poing américain clignota, et l’icône des Audiokinésistes s’afficha. Une seconde de réflexion, et son index en caressa la surface.

- Heyo ! se lança l’enregistrement. C'est moi, ton félin préféré ! Heureuse de m'entendre ? Ouais, ouais, je sais, ça te fait grave plaisir ! Tu n'attendais que ça depuis des jours ! Alors, ta mission, comment ça se passe ? Ouais, ouais, je sais, t'es même pas encore à N'Revac, et alors ? Il aurait pu t'arriver plein de choses qui aurait fait les gros titres "Un regard de trop: Kelly Terroc provoque un ours dans un combat à main nue après qu'il l'ait mal regardée". Ahlalalala, t'es vraiment pas possible, je suis sûre que c'est une situation tout à fait plausible en plus ! OH ! En ce qui concerne notre vie, le réseau de téléportation est de nouveau opérationnel ! C'est trop pratique, j'ai bien fait trois sauts de Dren à Azor tellement j'étais heureuse ! Les autorités ont fini par me retirer ma carte pour que j'arrête de l'utiliser ! Tu te rends compte ? Ils sont vraiment pas drôles ! J'aurai adoré faire ça pendant des heures ! OH ! Et ta sœur, devine quoi ?! Elle part en mission bientôt !

Kelly se stoppa net, les pupilles dilatées.

- C'est quoi ce bordel ?

- ... énial ! poursuit l'enregistrement. Elle s'est entraînée comme jamais ! Ne t'en fais pas, j'ai bien veillé sur elle ! Elle est prête ! Elle est super forte ! Toujours aussi timide et serviable par contre ! Elle arrête pas de demander de tes nouvelles ! Elle a tellement hâte qu'on améliore une arme pour te parler à distance ! Mais je crois que le plus adapté serait ... genre sur la poignée d'un arc ... enfin tu vois de quoi je parle ? D'ailleurs ! Elle est grave douée au tir ! Je pensais qu’à cause de son handicap … tu sais … Mais non ! Elle se débrouille super bien ! C'est grave impressionnant ! Appelle-moi dès que possible Kell ! À plus ! Reviens vite !

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JimCobrel
Posté le 07/09/2024
Le style, il est vraiment plaisant. Le rythme, les contrastes, c'est dosé et intelligent. Tu réponds à certaines questions en avançant dans l'intrigue, mais d'autres demeurent en suspens ou viennent s'ajouter. Ne te décourage pas ! Tout est toujours perfectible, mais tu fais un bon travail et tu as une bonne histoire.

à très vite
Sistergrune
Posté le 09/09/2024
Merci beaucoup pour ce commentaire encourageant et constructif ! C'est vraiment touchant, ça me fait plaisir !

A très vite !

Grunie
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