Accoudé à la fenêtre de sa chambre depuis la modeste habitation de Vorgate et Torlysse, Nathan observait le ciel étoilé. L’air de la nuit était doux et léger ces temps-ci à Oasys. On lui avait conseillé de profiter de cette douceur car ce n’était pas toujours ainsi. Il l’appréciait donc, comme si elle pouvait disparaître dès demain et être remplacée par une chaleur plus suffocante. Une chaleur qui avait certainement causé les paysages arides où il s’était promené la veille.
Le coeur tranquille, en territoire inconnu et à mille lieux de toute responsabilité potentielle, l’ex-étudiant respirait pleinement. Sa contemplation du calme nocturne le fit un instant dériver loin, très loin... vers des horizons plus universitaires. Il avait dû rater tellement de cours. Même si on lui offrait une quelconque opportunité de rentrer chez lui, il ne rattraperait plus facilement le retard accumulé et n’aurait désormais plus le choix que de redoubler. D’un côté, les études lui manquaient. Il avait peut-être un véritable avenir dans ce monde et sa place était probablement ici mais cela ne l’empêchait pas d’être nostalgique, de ressentir encore ce besoin de rentrer à sa maison, boire un p’tit thé tout en se plongeant dans un livre de linguistique.
À l’heure actuelle, Nathan n’avait pas la moindre raison de se sentir chez lui en Isoria. Il n’y était que depuis quelques jours, cela ne pouvait pas se comparer à vingt ans dans l’Autre Monde. Il avait construit quelque chose là-bas. Il y avait une vie… Ici, il n’avait que des doutes et des mystères à résoudre. Avant de se retrouver naufragé à Oasys, il était pourtant convaincu d’avoir rencontré des personnes formidables.
Vraiment formidables.
Puis un événement totalement inattendu s’était produit sur la Tapéinótita : Rose l’avait poignardé.
Il restait persuadé que c’était Rose. Il ne voyait pas comment cela aurait pu être autrement. Cela devait être elle. La femme qui l’avait jeté à la mer lui ressemblait en tout point. Même taille, même physionomie, même couleur et longueur de cheveux, même peau, même démarche nonchalante caractéristique de l’individu qui en a déjà tellement vu… et puis, n’étant pas dans un roman à deux sous, il n’osait pas imaginer que la Sentinelle Originelle, celle en qui il avait aveuglément placé sa confiance, puisse avoir une jumelle maléfique.
Non. Impossible. Bien trop cliché.
Enfin… pour le moment, il était coincé ici. Perdu sur un autre continent, probablement mort aux yeux de bien des âmes, à des centaines de kilomètres des préoccupations guerrières et des idéologies politiques.
Ce soir, les Pidoques étaient en fête. Raison de plus pour se focaliser sur des pensées plus réjouissantes.
Ils ne célébraient pas son sauvetage.
Non. Hors de question.
Ils fêtaient en fait la disparition d’un Zeaurageux. Apparemment, de ce que Torlysse avait pu lui expliquer, ces monstres étaient extrêmement rares. Si rares qu’il était vraiment exceptionnel que l’un d’eux se montre. Sa défaite par deux phénix était perçue par la population d’Oasys comme un excellent augure. Personne ne savait trop comment l’interpréter mais les amis avec qui Torlysse avait échangé s’accordaient à dire que le présage était positif. Positif, voire miraculeux.
Un vrai symbole d’espoir comme on en voyait peu dans une vie.
De un, parce que la bête avait succombé de ses blessures.
De deux, parce qu’il était désormais reconnu de tous que deux phénix étaient présents sur le navire, ce qui signifiait naturellement que des Sentinelles sortaient de leur isolement pour se soucier à nouveau des problèmes d’Isoria. La guerre étant aux portes du Grand Continent, une telle apparition ne pouvait être que providentielle.
Pour la société pidoque, c’était une raison suffisante pour festoyer.
De son point d’observation, Nathan ne pouvait pas discerner grand-chose mais, de toute évidence, il y avait une forte animation au niveau de la plage. On pouvait entendre des cris de joie, de la musique, et la forte lumière d’un gigantesque feu de joie illuminait l’atmosphère bleu foncé de cette nuit à la saveur estivale.
Curieux, il enjamba le rebord de fenêtre pour atterrir discrètement à l’extérieur. Ce n’était pas raisonnable de s’éclipser de la sorte, ni très reconnaissant envers ses hôtes, mais Nathan se sentait fortement attiré par l’ambiance de la plage, palpable malgré la distance.
Il résolut d’être prudent afin que son escapade ne passe ni vue ni connue. Il n’avait pas l’intention de s’attarder outre-mesure de toute manière. Il ne ferait qu’un petit tour jusqu’à la plage et serait de retour avant que le reste de la maisonnée ne soit debout.