Chapitre 8

Notes de l’auteur : Bonne lecture et merci d'avance pour vos retours !

— Qu’est-ce que j’ai raté ? demande Logan, son bras autour de mes épaules.

Je suis arrivée il y a cinq minutes à peine, et la discussion animée entre Stanel et son père n’a pas avancé d’un iota. Visiblement, il digère très mal de se coltiner la valise rose bonbon de l’une de ses petites sœurs. Il a même lâché plusieurs fois « la honte abyssale ! » et « j’aurais dû être fils unique ! », ce à quoi son parent a répondu « tes deux frangines et tes cinq frères vont être ravis de l’apprendre ! ».

— Pas grand-chose, disais-je enfin.

— Tu plaisantes ? rétorque Zoé. On va partager notre chambre avec Solange, ça aurait été moins pénible d’avoir un rat comme colocataire.

— Elle t’a fait une crasse ?

Mon amie dévisage Logan comme s’il avait critiqué sa couleur de cheveux.

— Pourquoi ? Tu craques pour elle ?

Je contiens un sourire. Depuis notre premier repas ensemble au réfectoire, j’ai remarqué leur comportement respectif. Maman dirait : certains regards ne trompent pas.

— Même si je la trouve jolie, je n’ai pas le béguin pour cette fille, réplique Logan en croisant les bras sur son torse.

— Alors comme ça elle est jolie !

Et c’est reparti !

Après leur débat « pour ou contre les lasagnes à la viande ? », me voilà de nouveau l’arbitre de leur prise de bec. Chacun leur tour, ils me prennent à parti. Ben voyons, comme si j’allais choisir un camp ! De toute manière, ils ne font même plus attention à moi, trop têtus pour lâcher l’affaire. J’en profite pour m’éclipser et aller voir notre professeur.

Bloc-notes et stylo en main, Mr Brachet consigne les bagages des élèves. Je songe à rebrousser chemin, le déranger en plein inventaire n’est pas une bonne idée. Pourtant la semaine dernière, à la fin d’un cours, j’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai parlé de mes visions. Je ne m’attendais pas à être totalement comprise, mais son écoute et le fait qu’il m’ait pris au sérieux m’ont poussé à revenir le voir si jamais mes prémonitions me tourmentaient. 

Jelen surgit devant moi, une expression toujours blasée sur son visage de poupée :

— Pourquoi tu ne nous as pas dit que ton père était un sorcier ?

— Mais comment tu sais ça, toi ? m’exclamais-je, remontée contre son intrusion.

— Ça n’a pas été évident de le découvrir, les enseignants sont de vraies tombes… Enfin, tous sauf le prof de Sciences, il est fasciné par les mélanges génétiques.

Ça explique pourquoi il m’a autant interrogé ces derniers jours. En revanche, je suis dégoûtée qu’on ne m’ait pas demandé mon avis avant de parler de ma vie privée.

— Mêle-toi de tes affaires, Jelen. Ça ne te regarde pas, ni le prof de sciences, ni qui que ce soit d’autre. Mais apparemment, on ne peut pas garder grand-chose pour soi dans cette école !

— Pas la peine de dramatiser, soupire-t-elle.

— Non t’as raison, je devrais te remercier d’avoir fouiné dans ma vie personnelle, grognais-je, les poings serrés.

Je repense à toutes ces années de silence où je n’ai pas eu la moindre information sur mon père. Et maintenant que c’est enfin le cas, mes camarades en profitent, car un professeur n’a pas eu la décence de se taire.

— Et comment as-tu réussi à le soudoyer ? demandais-je, toujours tendue de sa curiosité mal placée.

— Il suffisait de le lancer sur le sujet. Que veux-tu, j’ai un charisme naturel, je n’ai pas besoin de le développer comme l’autre planche à pain qui me sert de rival.

À quelques pas de nous, Lysian lève les yeux au ciel.

— De toute façon, tu fais toujours partie intégrante des apprenties Vych, enchaîne Jelen. Tes pouvoirs paternels doivent être minimes, voire quasi inexistants.

— Heureuse de le savoir, grommelais-je avec sarcasme.

C’est difficile d’en placer une avec elle.

J’ai l’impression d’avoir en face de moi une deuxième Zoé, plus confiante et sans aucune retenue. D’une oreille distraite, je l’écoute m’expliquer combien elle est « cultivée » sur bons nombres de sujets dont je me fiche royalement. Ses coups d’œil vers Lysian ne laissent aucun doute, toutes ses piques lui sont adressées. Le concerné se contente de hausser les épaules avec désinvolture. Apparemment, Jelen en sait plus que tout le monde, elle n’hésite pas à me parler de sa généalogie constituée de puissants magiciens, et combien sa lignée a participé à faire d’elle une Kreath précoce.

J’ai l’impression d’être dans une mauvaise parodie. Mais j’ai beau me pincer, la voix suffisante de Jelen continue de piailler ses talents. Elle a surtout celui de se vanter avec de solides arguments, une bonne intonation et des tacles envoyés à tous ceux dont les têtes ne lui reviennent pas. En fait, en y réfléchissant, on dirait la version féminine de Mr Brachet… avec des cheveux. Je peux enfin respirer quand notre professeur nous indique qu’il est temps de monter dans le bus. Pendant le monologue de Jelen, je n’ai pas remarqué l’arrivée de tous nos camarades de classe, et je me demande comment autant d’élèves pourront se trouver une place. Bien sûr, j’en viens à oublier l’utilisation de la magie : ils vont agrandir l’intérieur du véhicule.

— Ça va, tu as eu ta dose de Jelen ? me glisse Lysian, amusé de me voir souffler de soulagement.

— Je ne vais pas crier victoire trop vite.

— Pourquoi ça ?

— C’est ma troisième colocataire.

Encore de mauvais poil, Stanel me tapote l’épaule en signe de soutien et me lâche :

— Bonne chance la chasseuse. Il va falloir t’accrocher avec les deux mégères lunatiques.

— J’aurais préféré l’oublier, marmonnais-je.

Partager ma chambre avec Solange et Jelen, les éternelles amies-ennemies, ne va pas être de la tarte.

— Au fait, par rapport aux Langues Anciennes…, lance Lysian.

— C’est sans doute en lien avec mon sorcier de père, baragouinais-je.

— Alors tu étais sérieuse sur le fait de me jeter un sort ?

Stanel nous observe sans aucune discrétion, son menton entre son index et son pouce.

Comme d’habitude, Lysian Athalion est impassible, je me demande s’il est aussi gêné que moi. D’ailleurs, je sens le rouge me monter aux joues, j’ai envie de me planquer sous une banquette pour fuir cette situation. Mais le destin semble avoir une dent contre moi – quel farceur celui-là – car la file dans le bus n’avance pas. Encore une altercation entre deux élèves pour une place, j’imagine ? La dernière fois, j’ai assisté à un règlement de compte entre deux Lycans, ils souhaitaient être à côté du fils du Bêta. Ça doit être les mêmes idiots.

Concentre-toi Meghan, tu n’échapperas pas à ton malaise !

La poisse !

— Pourquoi ? Tu n’étais pas contre ? disais-je en croisant les bras sur ma poitrine, afin de me donner plus d’assurance.

Peine perdue, je n’ai aucun mal à voir la future confiance en moi partir à l’autre bout de la planète. Si ça continue, je vais devoir prendre exemple sur Jelen.

— Ça dépend, tu avais une idée en tête ? répond Lysian, un éclat passe dans ses yeux bleus.

Soudain, c’est l’illumination. Plus grand que la moyenne, des traits fins et androgyne, les cheveux longs et brillants comme le soleil… Le stéréotype est évident. C’est un Elfe !

— Comme dissimuler tes oreilles pointues ? rétorquais-je.

Un sourire amusé étire ses lèvres.

Mon traître de cœur – qui faisait déjà des loopings – bat encore plus fort.

— Perspicace, je me demandais quand tu allais le remarquer ! soupire Stanel. Pour une chasseuse, tu es longue à la détente.

— T’aurais deviné que je suis une Vych ? m’étonnais-je.

— Pas si je n’avais pas entendu parler de ta mère, admet-il. Sinon, j’aurais pensé à une fée ! Une compatriote, quoi !

Il ajoute un « Bienvenue dans la team », en bombant le torse et son poing sur la poitrine.

Lysian et moi échangeons un regard. Comme depuis notre première rencontre, je suis intimidée, toute sorte de bourdes pourraient sortir de ma bouche, je devrais me la coudre juste pour éviter de dire n’importe quoi. Et au fond de moi, cette attitude ne me plaît pas. Je n’aime pas ma maladresse, elle me met dans l’embarras dans les pires moments. Mes amis d’avant me disaient :

— Ça fait partie de ton charme !

— Tu crées des situations uniques, ne changes rien !

Bah ouais, ils se marraient constamment dès que les mots dépassaient mes pensées. C’était la honte absolue. Mon manque de confiance en moi me dessert trop souvent. Et comme Lysian ne me laisse pas indifférente, je risque de faire des gaffes à longueur de temps ! J’ai très envie de m’enfuir et en même temps de ne pas trop m’éloigner de lui.

— Puisque vous avez décidé de retarder le voyage, veuillez vous installer à l’avant avec les professeurs, annonce Mr Brachet provoquant alors des « Oh non, monsieur s’il vous plaît » et « Promis, on ne recommencera plus ». (Je les imagine bien avec les yeux larmoyants et les mains jointes comme s’ils priaient leur déesse protectrice.) Mr Boyd, vous allez donc vous retrouver tout seul, un comble pour un potentiel prétendant au titre d’Alpha, mais peut-être seriez-vous plus à même de vous mettre à la place des loups solitaires.

Je n’ai aucun mal à visualiser la tronche de Scott Boyd. Quel affront pour le fils du Bêta ! Il n’a pas dû oublier sa récente convocation après avoir une fois de plus pris à parti Logan.

Je sens le regard perçant de Lysian sur ma nuque, mais je profite de l’intervention de notre professeur pour rejoindre mes amis déjà installés.

— Puisque tout le monde est là, nous pouvons enfin y aller, poursuit Mr Brachet dès les portes fermées. Et dans le calme, s’il vous plaît !

Il insiste sur les derniers mots, son attention portée sur les plus bavards. Le bus se met en route dans silence tout relatif, certains élèves se sont retournés sur leurs sièges pour discrètement à ceux de derrière.

Stanel et Logan sont en pleine discussion, ils sont curieux de ce qu’il nous attend au bout du voyage. Ils en viennent à émettre des hypothèses, Lysian se contente de les écouter. Je me demande bien comment va se dérouler leur séjour dans la même pièce. Qui de Stanel ou Logan va avoir le dernier mot ?

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Sistergrune
Posté le 23/05/2024
Coucou !
J'aime beaucoup ce chapitre ! On peut voir davantage de la personnalité des personnages, et même si j'ai toujours du mal avec les prénoms, je commence à m'y habituer X)

J'ai tout de même quelques remarques à te faire ^^

"et j’en profite pour m’éclipser et d’aller voir notre professeur."
-> Et j'en profite pour m'éclipser et aller voir notre professeur.
C'est plus français ainsi, petite erreur d’inattention, ça arrive

" ses piques sont toujours adressés à Lysian qui se contente de hausser les épaules "
"et des piques envoyées à tous ceux dont les têtes ne lui reviennent pas."
Là, personnellement, je trouve que la répétition des "piques" pour le même personnage et dans deux paragraphes très rapprochés, c'est un peu lourd. Je te suggère de chercher des synonymes ou une autre formulation pour un des deux ^^
-> ses piques sont toujours adresséEs

"Stanel, qui ruminait jusqu’à présent d’avoir été à court de reproches contre ses parents, est encore de mauvais poil pourtant il me tapote l’épaule en signe de soutien et me lâche"
Cette phrase est beaucoup trop longue. Je te conseille de la diviser en plusieurs parties pour laisser le lecteur respirer, ou de modifier légèrement. Par exemple :
-> Jusqu'à présent, Stanel ruminait d'avoir été à court de reproches contre ses parents. Encore de mauvais poil, il me tapote cependant l'épaule en signe de soutient et me lâche :

Après, je le répète, ce n'est que mon avis ! À toi de voir ce que tu en fais, ce que tu prends ou pas, si tu aimes ou pas. En tous cas, j'ai hâte de lire la suite !
SagaLee06
Posté le 24/05/2024
Hey !

Haha oui désolé, y'a beaucoup de noms 😅 Et encore, j'ai fais en sorte de réduire le plus possibles de personnages parce que les premières versions, bah je m'y retrouvais plus 😂

Merci pour tes remarques, je vais arranger tout ça ! Toute remarque est bonne à prendre, ça permet d'améliorer le texte donc je suis preneuse ! Je te remercie pour tes commentaires 😉
Sistergrune
Posté le 24/05/2024
Tu m'étonnes X)

C'est avec plaisir !
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