Chapitre 8 : Les caméras

Par Lilisa
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Williams jubilait. Ses précieuses caméras étaient enfin prêtes, et elles seraient envoyées sous terre par ses hommes dans quelques heures. Ivre de joie, il se leva prestement de son fauteuil et sortit de son bureau en tourbillonnant sur lui-même. Un de ses hommes de main qui passait devant sa porte sursauta et laissa tomber la pile de livres qu’il tenait. Williams eut un sourire amusé en constatant qu’il avait fait peur à un colosse de plus de deux mètres qui faisait de la musculation trois heures par jour. Le colosse se ressaisit aussitôt et se mit au garde-à-vous.

- C’est bon, Marco, l’apaisa son patron. Je me suis laissé aller à une manifestation de joie, excuse-moi de t’avoir fait peur.

- C’est moi, patron, répondit Marco, je n’aurais pas dû avoir peur.

- Nous sommes tous humains, et donc faillibles, dit Williams avant de s’en aller vers le rez-de-chaussée, laissant Marco empli de gratitude.

Ce dernier n'avait pas l'habitude de voir son patron aussi magnanime. Habituellement, celui-ci punissait ses hommes de main pour oui pour un non. Qu'il ne le fasse était le signe d'une grande satisfaction.

Arrivé en bas des escaliers modernes mais néanmoins majestueux, il enchaîna quelques petits sauts en traversant le hall pour se rendre à l’endroit qui avait été choisi pour le lancement des caméras mobiles. Il attrapa la sacoche qui contenait les caméras d’un ample mouvement du bras et la mit en bandoulière. Puis il sortit profiter de la chaude journée d’été. Ou plutôt de ses derniers jours de tranquillité.

Car, quand le monde entier apprendrait qu’il avait découvert une nouvelle espèce intelligente, et mieux, qu’il avait communiqué avec eux, des milliers de journalistes se rueraient sur lui, implorant de lui accorder des interviews. Williams sourit en imaginant les mines suppliantes de ces journalistes presque agenouillés devant lui. Il sentit soudain un mouvement dans sa sacoche, accompagné de petits couinements, ainsi que de crissements. Interloqué, il ouvrit son sac et farfouilla parmi ses caméras mobiles. Ce qu’il vit alors l’horrifia.

Un rat.

Un énorme rat se trouvait à l’intérieur de sa sacoche de cuir, remuant pour s’échapper de cette prison étroite qui le comprimait.

Williams avait la phobie des rats. Il les avait en horreur depuis qu’il en avait découvert des dizaines dans le grenier de sa grand-mère, quand il avait une douzaine d’années. Il avait ouvert la porte dans un grincement désagréable et un rai de lumière s’était infiltré dans la pièce. Aussitôt les bêtes s’étaient tournées vers lui dans un mouvement parfaitement coordonné. Pendant plusieurs minutes, personne n’avait bougé, puis un rat s’était avancé en couinant et une vingtaine de ses congénères l’avaient suivi.

Williams, tremblant de peur, avait lentement reculé vers la porte et s’apprêtait à la refermer quand un rat s’était jeté sur lui et l’avait mordu au mollet. Tous les autres avaient alors bondi en avant et couvert ses bras et ses jambes de morsures. Williams avait hurlé, mais personne ne l’avait entendu. Terrifié, il avait tenté de repousser les rats, mais ils étaient trop nombreux. Dégoûté de tous ces animaux agrippés à lui, il les avait détachés un à un, avant de courir vers le rez-de-chaussée, non sans avoir verrouillé la porte auparavant. Sa mère étant partie faire des courses et son père travaillant, il s’était réfugié dans le jardin avec son chien, un labrador nommé Short, en raison de ses poils courts.

Depuis ce jour, il ne supportait plus de les voir, que ce soit une illustration ou qu’ils soient dans une cage, ni de les entendre, eux et leurs petits couinements en grattant sur les portes. Sa musophobie l’avait plusieurs fois empêché de faire des expériences, en cours de SVT par exemple. La plupart des élèves de sa classe le considérait comme un trouillard à cause de ça, et Williams l’avait mal vécu.

Plus tard, lorsqu’il était devenu riche et puissant, il les avait retrouvés et leur avait fait payer leur mépris. A l’inverse, il avait récompensé ses rares amis de leur fidélité, leur accordant des parts de tel ou tel marché, des actions dans telle ou telle entreprise, voire tout simplement une somme importante pour leur usage personnel ou des terres choisies pour leur rentabilité.

Mais Williams n’avait jamais pu se débarrasser de sa musophobie. Celle-ci étant un sujet de honte pour lui, qui détestait montrer ses faiblesses, très peu de personnes étaient au courant, et la plupart des hommes de main de Williams ne pensait pas à chasser un rat quand ils en voyaient un, ne se doutant pas de la réaction de leur maître à la vue des rongeurs.

Le rat avait la patte coincée dans l’une des caméras de Williams et, voulant à tout prix sortir, avait déjà arraché trois caméras à leur socle, leur infligeant d’importants dommages. Williams frissonna et, laissant tomber sa sacoche, s’enfuit en sprintant comme s’il était poursuivi par tous les malheurs du monde. « Pourquoi ? J’y étais, mes caméras étaient prêtes à être lancées et cette saleté de rat a réduit mon travail à néant ! C’est la moitié de mes bébés qui partent en fumée à cause de ce crétin d’animal ! Je voulais découvrir une nouvelle civilisation, être enfin respecté dans le monde entier et un stupide rongeur vient en reporter la découverte, me faisant courir le risque que quelqu’un découvre mes travaux. Ah, comme je hais ces bestioles ! »

Lorsque J.R. Williams arriva chez lui, trempé de sueur, ses gardes l’attendaient, visiblement anxieux, et il leur demanda la cause de ce stress.

- Eh bien, lui répondit un jeune garde qui semblait tout droit sorti d’une campagne perdue et qui tremblait de lui faire face, c’est que les caméras que vous nous avez confiées, tout à l’heure, l’un de nous les a, sans faire exprès pour sûr, laissées tomber il y a un quart d’heure, et il ne reste que celles que vous avez prises pour aller gambader en pleine campagne pour attendre le lancement.

Le garde avait un débit rapide. Sans doute pensait-il que son patron n’aurait pas le temps de comprendre sa responsabilité s’il parlait assez vite. Malheureusement pour lui, John R. Williams était doté d’un cerveau aguerri par de nombreuses prises de tête, qui avait pour principale qualité de ne pas se laisser troubler par les fausses vérités. Il savait donc très bien démêler le vrai du faux. Aussi comprit-il tout de suite que « l’un de nous » désignait la nouvelle recrue qu’il avait devant lui. Il appréhenda aussi que sa maladresse l’avait malencontreusement poussé à laisser tomber les précieux bijoux du maître des lieux. Il songea que le stress du premier jour avait également pu jouer.

Une question se posait mainetant : devait-il courir sauver ses caméras, laissées aux griffes du rat et remettre le cas du garde à plus tard, ou bien le punir sévèrement, pour en faire un exemple, et fabriquer de nouvelles caméras ? D'un côté, une nouvelle civilisation allait être découverte. De l'autre, Williams ne supportait pas l'erreur. Toute sa magnanimité s'était envolée, enfuie avec le rat.  Après quelques secondes de réflexion, Williams décida qu’il pouvait bien perdre un peu de temps. pour apprendre la discipline à ses gardes.

Le garde regardait son patron, anxieux, se demandant ce qu’il allait subir. Il espérait que l’expression d’agacement qu’il avait remarqué n’était que le fruit de son imagination.

- Discipline ! s’exclama soudain Williams d’un ton dur.

Les gardes s’entreregardèrent, inquiets. Ils n’avaient pas eu de « discipline » depuis bien longtemps, et s’effrayaient de ce que leur maître allait leur reprocher, et surtout de leur punition.

- Je n’ai pas l’intention de me répéter, gronda John Robert d’un ton menaçant.

Aussitôt les gardes se mirent en ligne, raides comme des baguettes, le regard rivé loin devant eux, les bras plaqués le long du corps. Ne restait au milieu que le pauvre nouveau, qui n’avait aucune idée de ce que pouvait signifier une « discipline ». Williams s’approcha lentement de lui, savourant la peur qu’il lui inspirait. D’un geste, il lui indiqua les autres gardes. Lentement, la nouvelle recrue se retourna et contempla les deux rangées alignées devant lui. Puis, il regarda à nouveau son chef. Celui-ci semblait jubiler. Alors, lentement, il rejoignit les hommes de main et se rangea parmi eux. Il sentit encore longtemps le regard de Williams peser sur lui.

Le maître des lieux remonta les rangées de gardes en les regardant attentivement. Si la plupart semblaient terrifiés, certains avaient une mine assurée, mais peut-être cachaient-ils simplement mieux leur peur que les autres. « Peu importe, s’ils sont capables de cacher leur peur ou de ne pas la ressentir, alors ils sont les meilleurs de leur groupe." pensa-t-il.

- Jim, Aiko, Charles, Daniel, Jago, Anastasia, Vladimir, Katy, Octave, Stéphane, Tao, Timothy, Edward, sortez des rangs ! appela Marco, le lieutenant de Williams. Les appelés s’avancèrent, murmurant des prières et se demandant quels forfaits ils avaient commis.

Pendant, les autres gardes soupiraient de soulagement. Les plus moqueurs, eux, riaient sous cape de voir d'autres qu'eux-même subir les foudres de leur patron.

Williams prit alors la parole.

- En récompense à vos bons et loyaux services, vous êtes promus au rang de gardes d’élite, ce qui vous rend supérieur aux soldats lambdas et aux capitaines. Le capitaine de cette garde d’élite sera Aiko Takashi, ex-soldat des commandos d’élite japonais.

Aiko sembla choqué, puis un sourire triomphant vint éclairer son visage et il s’agenouilla devant Williams pour recevoir officiellement son rang. Son patron sortit un brassard de sa poche avec écrit l’inscription « Capitaine d’élite » et lui accrocha au bras droit. Il fit de même avec tous les soldats appelés avec l’inscription « Soldat d’élite ».

Williams vit avec satisfaction la mâchoire des moqueurs se déboîter. "Ils pensaient que j'allais les punir ? Que cette stupéfaction leur serve de leçon." fit-il intérieurement.

La nouvelle recrue avait, pendant plusieurs minutes, pensé s’en sortir sans punitions. Mais en voyant Williams tourner son regard vers lui, il comprit qu’il n’en était rien. Il déglutit bruyamment quand Marco lui fit signe d’approcher, mais obéit rapidement, craignant de se faire réprimander plus encore s’il tardait. Le second l’attrapa sans ménagement par le bras pour le forcer à mettre un genou à terre devant son patron. Williams le dominait, le jeune soldat était terrifié et totalement à sa merci, il le savait et cela le réjouissait. Il décida alors de faire preuve de clémence, pour s’acheter à tout jamais la loyauté du soldat. Il se pencha vers lui et lui chuchota à l’oreille :

- J’ai décidé de faire preuve de bonté. Tu es nouveau ici, et tu ne dois donc pas connaître les lois. Viens ce soir à 20 h pile dans mon bureau, je t’y attendrai. Tu comprendras alors que la clémence n’est pas un vain mot dans ma bouche.

Fou de joie, le jeune soldat baissa la tête en signe d’humilité et de remerciement, et John Robert eut le temps d’apercevoir des larmes de bonheur avant de faire demi-tour et de quitter la salle. Il consulta sa montre, ayant perdu toute notion du temps, et constata avec surprise qu’il était déjà 16h03. Il était parti se promener avec les caméras juste après avoir mangé, vers 13h15. Il avait donc passé plus de 2h45 à se promener, se débarrasser du rat et faire une discipline. Tout ce temps gâché ! Les caméras auraient déjà dû être lancées à cette heure-là, le départ étant prévu à 15h30.

D’un pas lourd de déception, Williams regagna son majestueux bureau. Il eut un regard vide pour la montre de son père, brillant de tous ses rubis, se moquant de sa déception par sa beauté. En cet instant, il avait un besoin furieux de la jeter contre le mur, de la voir s’éclater en morceaux contre le mur. Il secoua violemment la tête, ulcéré par de telles pensées. Le dernier souvenir de son père, réduit à des éclats de verre par terre ? Jamais ! Williams avait juré à son père, sur son lit de mort, qu’il prendrait soin de cette montre comme de son enfant. Il n’avait jamais compris en quoi elle était si importante pour son père, mais respectait sa volonté. Epuisé, il s’effondra dans son fauteuil de cuir et son regard se perdit parmi les nombreuses étagères de la pièce.

Il avait encore quelques heures à tuer avant la venue de la nouvelle recrue.

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Deslunes
Posté le 15/11/2023
Je trouve le passage de « Eh bien, lui répondit un jeune garde … JUSQU’A …. Williams décida qu’il pouvait bien perdre quelques caméras pour apprendre la discipline à ses gardes. » lourd. A mon humble envie, tu pourrais envisager des phrases plus courtes car il y a dans ce passage beaucoup de ressenti aussi bien du jeune garde que de Williams. (Sur mon premier roman publié sur Plume d’Argent, je faisais des phrases bien trop longues et la réécriture m’a pris du temps. Je n’ai même pas republié la nouvelle version. Mais je n’ai pas refait la même erreur les tomes suivants). Il vaut mieux faire 2 phrases qu’une seule qui risque d’avoir de la lourdeur ou pire, obliger le lecteur à lire 2 fois pour en sortir toutes les infos)
Toujours pour info :
Pendant plusieurs minutes, personnes n’avait bougé - Pendant plusieurs minutes, personne n’avait bougé
Tous les autres avaient alors bondi en avant et avait couvert ses bras et ses jambes de morsures. - Tous les autres avaient alors bondi en avant et avaient couvert ses bras et ses jambes de morsures.
Sa mère étant partie faire des courses et son père en train de travailler - Sa mère étant partie faire des courses et son père travaillait OU était en train de travailler
La plupart des élèves de sa classe le considérait comme un trouillard - La plupart des élèves de sa classe le considéraient comme un trouillard
Lilisa
Posté le 18/11/2023
Hello !
J'ai essayé, comme conseillé, de faire des phrases plus courtes. J'espère qu'il n'est plus nécessaire de relire trois fois une phrase pour en comprendre le sens :-) ! Je ne pense pas changer le reste, en revanche. Peut-être ai-je tort. Je ne sais pas. De tous ceux qui ont lu cette histoire ( et je ne parle pas que de Plume d'Argent ), tu es le premier à m'en faire la remarque. J'y réfléchirai.
Merci de m'avoir signalé ces erreurs, aussitôt corrigées. Pour la dernière, ce n'est pas une erreur de ma part : j'ai choisi d'accorder "considérer" avec "la plupart" plutôt qu'avec "des élèves".
Bonne lecture !
Deslunes
Posté le 19/11/2023
Salut,
Tu fais bien "Je ne pense pas changer le reste, en revanche." car je parlais que de la phrase citée (autrefois, je faisais des phases trop longues très souvent, trop souvent. ce qui n'est pas ton cas. Mon exemple servait à argumenter mon propos).
Vois aussi avec tes béta-lecteurs mais je trouve tes corrections bien faites.
J'ai apprécié la relecture des 3 autres chapitres précédents.
Lilisa
Posté le 19/11/2023
Hello !

Je n'ai pas de bêta-lecteurs pour l'instant, je ne m'en sers que lors de la réécriture.
Contente que mes corrections te plaisent !
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