Impossible de dire combien de temps il était resté inconscient. Il faisait sombre. Le jour ne s’était pas encore levé. Ottar reconnut le carrelage d’or et de marbre rose de sa chambre. Il se releva sur ses coudes avec difficultés. Son corps était engourdi et sa tête douloureuse. Il porta sa main à l’arrière de son crâne. Celui-ci était sec. Il s’en tirait avec une simple bosse. À sa droite, l’armoire qui lui était tombée dessus avait l’air d’avoir tenu le choc. Sa chute avait certainement provoqué un immense fracas, mais les gardes qui vadrouillaient normalement dans le couloir n’étaient mystérieusement pas intervenus.
Il n’était pas seul dans la chambre. Assise sur le rebord de la fenêtre, une femme lui tournait le dos. Sa femme. L’incident de la veille lui revint brutalement en mémoire.
Koré était venue le déranger à une heure tardive, même pour lui qui travaillait souvent bien après minuit. Elle était paniquée, presque hystérique, comme si elle émergeait tout juste d’un cauchemar. Elle lui jeta des propos incohérents sur l’Absalu, le monde des Larmes. Il n’avait retenu que des brides de ses paroles. Elle mentionna plusieurs fois qu’ils étaient en danger, sans expliquer pourquoi. Il essaya de lui parler calmement, non sans condescendance. Ottar et Koré Akhylis étaient mariés depuis trois ans, mais leur relation n’avait guère évolué. Ils se voyaient un peu moins de cinq minutes par jour, et encore, seulement parce que Koré y tenait. Immanquablement, la reine empruntait chaque matin le couloir qui reliait la chambre d’Ottar à la salle du Conseil. Elle lui posait alors une question qu’il laissait le plus souvent sans réponse. Il ne pouvait jamais prévoir ce qu’elle allait lui demander. Elle pourrait aussi bien, un matin, lui demander qu’elle était sa couleur préférée, puis le lendemain, elle voudrait savoir ce qu’il pensait de l’influence de l’armée mezdhienne sur le gouvernement. Plus d’une fois, il se dit qu’elle devait s’ennuyer de pied ferme pendant ses journées pour avoir une telle ténacité à venir gâcher les siennes.
Leur relation était loin d’être parfaite, mais elle restait cordiale. Du moins, Ottar le pensait. Cette entente superficielle se fissurait pour la première fois.
Ottar répéta que les Larmes n’existaient pas et qu’en tant que roi et reine de Mezdha, ils étaient en perpétuel danger. Seulement, leurs ennemis étaient bien humains. De nombreux Mezdhiens s’opposaient à ses lois d’égalisation des droits pour les enfants de Shamash. Ce n’était un secret pour personne. Koré finit par se mettre en colère. Elle le saisit au col de ses deux mains, le regardant droit dans les yeux :
« Vous savez autant que moi que les Larmes sont réelles ! Arrêtez de mentir aussi éhontément. Vous êtes roi de Mezdha, personne ne le nie ! Vous ne perdrez pas le trône à le reconnaître, alors pourquoi mentir ? Vous êtes vous-même à moitié Larme ! » Sans réfléchir, il la saisit aux avant-bras, sentant le sang de son visage se retirer. Koré relâcha son col de surprise, mais elle ne pouvait se dégager de ses mains. Comment savait-elle ? C’était impossible. Ceux qui connaissaient sa vraie nature étaient morts depuis des années. Il s’était toujours fait passer pour un enfant de Shamash depuis la mort de son père. Mammitu, Enkiku, Marduk… aucun de ses amis n’était au courant.
« Qu’avez-vous dit ?
— Je vous le répète depuis le premier jour. Je suis une enfant de Sïne, je peux me rendre en Absalu. On m’a parlé de l’histoire d’une Larme à la peau de salamandre qui s’était éprise d’un pécheur d’Harrad et qui eut un enfant… Aaah ! »
Sans qu’il réalise ce qu’il faisait, les mains d’Ottar se recouvrirent de flammes. Koré hurlait sous la douleur foudroyante, mais elle ne pouvait pas se dégager. Il la tenait fermement. Un fol instant il se dit qu’il serait si simple de la tuer. Ne serait-ce pas un mal pour le bien commun ? Il mettrait définitivement un terme au règne des Akhylis, devenu despotique au moins depuis Rafael V, l’arrière-grand-père de Koré. Il vengerait des milliers de victimes et leur famille par ce geste. Ottar n’eut pas le temps de laisser sa conscience reprendre le dessus. Sa lourde armoire d’ébène s’abattit sur son dos.
Koré avait dû l’entendre se relever, mais elle ne bougeait pas. Chancelant, Ottar arriva à sa hauteur. Avant même de voir son visage, il posa son regard sur des bandages de fortune qu’elle s’était enroulée autour de ses avant-bras, fait de ses draps de lit, et sur la bassine d’eau et de sang posée à ses pieds. L’odeur de fer lui monta au nez, le frappant d’un coup de poing dans son estomac. Ottar n’avait pas émis de flammes depuis ses huit ans. Il était effrayé. De son pouvoir, de son manque de contrôle, de sa violence, de ses pensées meurtrières envers Koré… et de ce que la reine légitime de Mezdha pouvait faire pour se venger.
Koré se retourna lentement vers lui et le dévisagea. Il fallait qu’il s’excuse d’une manière ou d’une autre, mais ce regard doré le cloua au sol. Elle le regardait avec un mépris distant. Il aurait préféré de la colère, mais il n’avait pas à se sentir mieux. Son cerveau finit par identifier une priorité sur la marche à suivre.
« Je vais chercher le maître soigneur. Restez ici. »
Il sortit de la chambre comme s’il fuyait. Il n’aura pas l’occasion de lui demander comment l’armoire s’était renversée sur lui ou pourquoi la reine n’était pas allée chercher de l’aide. À son retour, la chambre était vide. La longue liste de ses regrets ne faisait que débuter.
Au moins, ce rêve était court.
Tiens, j'avais oublié cet élément de question à poser chaque matin. On en avait pas eu, depuis le qu'elle avait dit qu'elle le ferait, ou j'ai juste oublié ?
"Au moins, ce rêve était court." -> ce qui me fait me demander qui rêve. Je ne me l'étais pas encore demandé depuis le début, c'est vrai que j'étais plus, dans ma tête, ancrée dans une histoire parallèle que dans un rêve.
Quelques remarques sur la forme :
○ "Elle était paniquée, presque hystérique, comme si elle émergeait tout juste d’un cauchemar. Elle lui jeta des propos incohérents sur l’Absalu," -> tant que tu es dans le récit de chose qui se sont produites avant et qui sont rapportées, il faut conserver le passé antérieur. Donc "elle lui avait jeté des propos..." etc.
○ " Elle pourrait aussi bien, un matin, lui demander qu’elle était sa couleur préférée, puis le lendemain, elle voudrait savoir" -> elle pouvait aussi bien.
○ "qu’elle s’était enroulée autour de ses avant-bras" -> qu'elle avait enroulé?
○ "Il n’aura pas l’occasion" -> n'aurait pas
À bientôt !