Chapitre III : Un peuple et son roi

Par Carmen
Notes de l’auteur : Même problème de guillemets. Mon Dieu, je crois que j'ai passé plus de temps à lire les pages wikipédia dédiées aux sagas familiales qu'à écrire ce chapitre, notamment celles des rois, dont Fagrskinna est un exemple de l'héritage viking. Vous saviez que cette série m'était venue de mon admiration au lycée pour Emile Zola et les Rougeon-Macquart ? Nouvelle tâche sur ma check-list : écrire une épopée en vers, (je plaisante à moitié), voilà un sacré projet pour mes vacances.

Chapitre III : Un peuple et son roi

"What kind of a dream is it," said Óðinn,
in which just before daybreak,
I thought I cleared Valhǫll,
for coming of slain men?
I waked the Einherjar,
bade valkyries rise up,
to strew the bench,
and scour the beakers,

wine to carry,
as for a king's coming,
here to me I expect
heroes' coming from the world,
certain great ones,
so glad is my heart” — Fagrskinna

 

Milan m’avait prévenu qu’il vivait dans une chambre de bonne, en haut d’un bâtiment à côté duquel je passais tous les jours, marqué par la sécession viennoise ; la poste de Vienne d’Otto Wagner, des peintures de Mucha sur les panneaux publicitaires du théâtre de la Renaissance : Médée et la Dame aux Camélias, la frise de Beethoven par Klimt, Gustav pour les intimes. L’art nouveau s’invitait chez votre mobilier, dans et sur les bâtiments public, je ne comprenais rien à toutes ces questions de design, “d’art total”, pas qu’elles m’intéressaient. J’avais un rapport très instinctif à l’art : il fallait que cela m’accroche, sinon ça n’avait aucun intérêt. C’était le cas de la fresque du palier d’entrée, une mosaïque murale représentant un soleil éclatant, presque brûlant mais inachevé de presque un quart des carreaux. Dommage, il aurait pu être le Kinich Ahau des Mayas ou bien un symbole de Râ mais il ne resterait à jamais qu’un brouillon d’architecte ou un dessin d’enfant. Des fois je me dis cependant, est-ce que certaines choses ne sont pas plus belles dans leur état d’imperfection ou de décomposition ? N’était-ce pas ainsi que Hubert Robert préférait les capturer ? La ruine des choses ? Les églises autrefois peintes, les statues des empereurs romains qui ont perdu leurs couleurs ? N’est-il pas plus aise de les observer, ces galleries blanches, parce-que leurs yeux sont vides ? Peut-être que l’histoire est aveugle et le créateur, un fameux sculpteur. De ses mains il nous tâte et prend la mesure de nos formes, des fois il nous brise, mais ce n’est jamais que de la glaise. 

Pouvait-on seulement vivre à trois dans un si petit endroit ? Ç’aurait été un miracle qu’ils parviennent à faire rentrer deux lits entre ces quatres murs, au lieu de quoi je trouvais un jeune homme de déjà dix-huit ans (mais peut-être me trompais-je), assis en tailleur en face d’une fillette d’une douzaine d’année qui lui ressemblait trait pour trait, ensemble sur le même lit. Ni l’un ni l’autre ne partageait de ressemblance avec Milan, en revanche ils avaient les mêmes yeux noirs méfiants ainsi que des longs cheveux raides et bruns, emmêlés à cause de ce qui ressemblait à une sieste prolongée. Je ne saurais dire à quel groupe éthnique ils appartenaient exactement mais en entrant je les avais entendu parler quelque-chose comme du russe, de l’ukrainien ou du bulgare. Éclairé par la lucarne et seule fenêtre de la pièce je découvris un drap posé à même le sol quoique plié nettement, sur lequel étaient posés une paire de lunette et un livre, à côté d’une lampe à huile.

Dès qu’il nous aperçut, le grand se leva pour venir nous accueillir chaleureusement, vêtu d’une chemise blanche trop large pour lui et d’un pantalon en toile rapiécé comme celui d’un petit ramoneur. 

“Milan tu as fait vite ! Tu as croisé cette dame sur ton chemin ?

"Oui, une heureuse coïncidence. Valérie je te présente Nicholas et sa soeur Talassa. Nous nous sommes connus du temps où “j’étudiais” en Russie avec Jakob. Nicholas, voici donc Frau Valérie Roijakkers, son épouse."

"Vous vous êtes donc connus en Russie, mais ce n’était pas il y a dix ans ?"

"Si, c’est le cas. Tout cela est très compliqué, c’est pourquoi je voulais vous faire venir ici malgré les conditions d’accueil. Cela risque de prendre du temps. Un verre, du thé ?"

"Thé, s’il-vous-plaît. Je crois qu’il ne vaut mieux pas attaquer les hostilités tout de suite.” 

 

J’avais déjà un mal de crâne atroce qui n’allait qu’empirer, Nicholas se dirigea avec obéissance jusqu’à la porte de l’appartement des maîtres.

“Les logeurs ne sont pas là donc on a l’autorisation de se servir de la bouilloire. Asseyez-vous donc sur le lit, Talassa est timide quand elle doit parler allemand mais ça ne la dérangera pas.”

 

 Je m’exécutai plus pour leur complaire que par réel besoin de m’asseoir. Milan pour sa part resta debout à faire les cents pas, le parquet craquant sous ses chaussures, cherchant visiblement ses mots, pâle et tremblant, comme si la nouvelle du décès n’avait pas été assez choquante. À mes côtés la petite s’était ensevelie sous la couverture pour faire semblant de dormir. Je me décidai à apporter mon aide avec une question facile, du moins je le croyais : 

“Pourquoi vivez-vous ici ensemble ? 

"Les enfants n’ont plus de parents, nous vivions ensemble en Ukraine avec ma soeur mais quand il a fallut que je parte pour Vienne ils ont choisi de me suivre. Talassa est domestique auprès des habitants de cet appartement, moi précepteur et un peu valet par la même occasion, Nicholas quant à lui fait du ramonage mais dès que nos revenus seront suffisants je souhaite qu’il trouve un autre travail, moins dangereux..."

"Vous êtes allés voir du côté des artisans ?"

"C’est une piste mais il ne veut pas rentrer en apprentissage pour le moment. Je m’en veux de ne pas pouvoir leur offrir mieux mais que voulez-vous."

"Une dernière chose que je ne comprends pas. Pourquoi vous infliger tout ce chemin ? Qu’avez-vous à accomplir ?"

"… Ils disent bien que le chemin du repentir est semé d’embûches…”

 

 Il cligna des yeux plusieurs fois comme pour chasser une poussière dans l’oeil et jeta un regard pour s’assurer que Talassa avait encore la tête sous les draps. Alors, il tira de son col un médaillon ancien en vieil or incrusté de minuscules grenats. De loin on y aurait vu un pendentif comme les autres, peut-être avec une photographie à l’intérieur, mais au lieu de quoi, il l’ouvrit pour en sortir une très petite clef. Ensuite, il s’approcha de l’horloge comtoise en coin qui prenait à elle seule une vaste partie de la pièce.

“C’est mon frère qui l’a confectionnée. Il fallait qu’elle soit plus large que la moyenne.”

Il tourna la petite clef dans la serrure et ouvrit la porte vitrée du pendule, à ce moment là l’aiguille arrêta de tourner, le tic-tac cessa. Il entra le bras à l’intérieur et retira ce que je compris comme étant un faux fond. D’un geste il m’invita à m’approcher, pour observer je ne sais quel trésor. 

Un tableau perdu, une statuette disparue, une lyre légendaire, bien sûr, ce n’était qu’un coffre après tout. Mais un cercueil…? En tenue de cérémonie, blanc comme un cygne et les cils poudrés, Jakob se tenait debout pieds et mains jointe pour la prière les yeux clos après dix ans de silence sans une trace de putréfaction.


 

“Jakob ?...” J’approchai ma main de ses mains, de son visage pour toucher sa peau, des larmes d’émotion me montèrent naturellement. “Tu es…?” Mais Milan me retint par les épaules, sûrement de crainte que je m’affole, mais par réflexe je me dégageai et le pris par la gorge. Mes pensées n’étaient plus claires.

“Que lui avez-vous fait ?!” rugis-je. “Êtes-vous un tueur ? Dois-je appeler la police maintenant, pour lui dire que vous détenez enfermé sous serrure le corps d’un homme disparu, mon mari, que cela fait dix ans que vous en faites un secret du monde ?” 

Quoiqu’il avait l’air de souffrir Milan ne se débattit pas, il avait même l’air assez faible. Soudain je le méprisais, j’avais envie de l’écraser et de lui faire admettre le mal qu’il avait commis, nous étions assez d’une criminelle ici. Talassa sortit du lit précipitamment pour aller chercher son frère, je ne l’en empêchai pas, écumante de colère. Articulant comme il le pouvait Milan tenta de s’expliquer : 

“Il est mort mais il ne repose pas, pas encore."

"Je vous demande pardon ?"

"Croyez-vous, Valérie, aux malédictions ?"

"Je crois que cet homme et vous êtes des diables et que vous ne reposerez jamais !"

"Ceci est juste, sûrement, mais encore je crois que vous n’avez pas tout vu, et qu’à ce moment seulement vous comprendrez pourquoi j’ai encore plus envie de mourir que vous n’auriez jamais voulu nous tuer.” Je le repoussai violemment, mais il ne recula que de quelques pas. Une fois encore je regardai l’homme que je connaissais, captif dans un corps d’une jeunesse éternelle.

“Cet homme est fou."

"Saviez-vous que la plupart des chevaliers étaient profondément traumatisés et qu’ils se mettaient à pleurer et à hurler dans leur sommeil ou lorsqu’ils entendaient des bruits de frottement métallique ?"

"Parlez plus clairement, on ne s’entend pas."

"Je veux bien être votre soldat.” 

Le soldat sert de main armée à son roi. Tandis que la deuxième, il peut la lever pour attirer les regards vers le Dieu penché au-dessus de lui, comme Carolus Rex de Suède, ou bien la poser sur la joue d’un de ses sujets, se préparent à lui accorder un baiser en signe de bénédiction ou la paumée en rite de passage. Il peut brandir l’épée et le sceptre, il peut se déclarer seigneur de paix ou de guerre, car sa loi est approuvée, sa justice se dit celle du ciel. Et pourtant toutes les têtes tombent. On oublie que tout le monde peut mourir, et certains oublient de vivre.

 

“Laissez-moi passer, je rentre chez moi avant de changer d’avis et de faire brûler cet appartement, avant que les enfants n’attrapent la tuberculose."

"Ne vous trompez pas d’ennemi Valérie, ils ont juré de détruire tout ce qu’il a, ils vous prendront tout, même Léon, ils ont ce pouvoir, vous ne vous en souvenez pas ?"

"Et qui vous a demandé de venir parasiter ma vie ?” Il posa sa main délicatement sur la vitre de verre et observa ce visage de porcelaine avec un je ne sais quoi de douleur et de nostalgie. Par la suite il remit la planche en place et le renferma dans son cercueil de glace et de bois."

 

“Lui bien sûr, Jakob l’a fait. Et ma conscience. Il ne connaissait pas l’amour mais une part de lui vous aimait toi et les Roijakkers, c’est certain. À mon avis il avait la conviction que quelque-chose en lui était mal monté, mais il ne l’a vraiment regretté qu’à la fin. C’est tout ce que j’entends de lui aujourd’hui, ses regrets. C’est affreux."

"Et maintenant vous êtes là."

"Il ne me laissera pas mourir donc je dois trouver un moyen de survivre à mes choix.”

 

Je ne pouvais plus l’ignorer, son discours de condamné. Plus qu’autre chose, cet homme est un danger pour lui même. Il y a un monde pour la somme de ce que je ne sais pas, et dans cet univers-là, des gens comprennent peut-être que Milan n’a jamais tué Jakob, ou bien par amour de lui, et encore une fois je ne veux pas savoir. 

Je m’approchai de la lucarne, le sang pulsant sous mes paupières à chacun de mes pas, ma tête allait exploser. “Est-ce qu’elle s’ouvre ?” Tournant avec force la poignée je parvins à l’entrouvrir et un courant d’air frais s’engouffra, me caressant le visage, ainsi que l’odeur des cheminées.

 

“Je vais voir ce que font les enfants, dit Milan, je reviens.” Pile ce dont j’avais besoin. Je préférais fumer seule, et même si je n’avais pas eu mon thé j’allais leur épargner de le faire dans la chambre. Néanmoins, ce sentiment de plénitude se dissipa trop tôt quand l’odeur de fumée devint de plus en plus entêtante. Il était déjà dix heures du matin et le ciel était encore teinté de gris, d’orange et de violet, comme si les nuages pouvaient entrer en éruption. Préoccupée, j’en convins qu’il était temps pour moi de partir. À l’entrée de l’appartement je trouvais Talassa qui avait donné une gamelle d’eau à Heidi ; j’avais été contrainte de la laisser nous attendre sur le pallier, pauvre bête si j’avais su. Nicholas et Milan quant à eux discutaient un peu à l’écart, ils se retournèrent quand ils m’aperçurent, l’air ni fâché ni contrarié, comme si la direction qu’avait pris notre conversation n’était qu’un contre-temps, ou bien étaient-ils habitués à ce type de violence. 

 

“Je crois que j’ai besoin de temps… mais je ne vous oublie pas. Mon fils m’attend.” C’est alors que Milan fouilla dans la poche de son manteau qu’il n’avait pas quitté depuis notre arrivée et en tira un carnet en cuir, celui qu’il déchiffrait le soir de notre rencontre.

 

“Je crois que vous auriez besoin de feuilleter ceci, c’était à lui évidemment.

"Merci… bonne journée, prenez soin de vous.”  Etait-ce pour me contraindre à le lui rapporter ?...

 

Tout n’irait que de mal en pis.

 

Quelque part dans le ciel la lave avait dû se durcir, bientôt elle tomberait sur notre région sous forme d’une pluie de soufre et de glace, ravageant l’espèce humaine dans un ouragan aux couleurs apocalyptiques, celles d’une étoile qui meurt. Ce n’était pas une invention de ma part, un feu se déployait bien sur les toits de Vienne dans une trainée de poudre. Je ne m’étais pas formalisée ; cela arrivait fréquemment l’hiver, avec les feux de cheminée et les cloisons en bois des vieilles maisons de bourg. Cependant en remontant les allées et les rues couvertes de verglas fondu sur lequel trébuchaient les chevaux des calèches, il me semblait presque que l’incendie se rapprochait, un mauvais pressentiment me fit presser le pas. J’arrivai ainsi, près d’une demi-heure après mon départ de chez Milan, à l’entrée de la propriété des Roijakkers, ou du moins de ce qu’il en restait. Je suffoquais à cause de mon asthme aggravé par la fumée, prise de quintes de toux sèches je ne pouvais plus voir où j’allais alors Heidi aboya et me tira par la laisse dans une direction indéterminée.

 

“Pas là-bas Heidi, kof kof, c’est dangereux il y a le feu, il faut retrouver beau-papa et belle-maman.” Mais elle ne lâcha pas l’affaire devant ma faible résistance, peut-être qu’elle avait senti ou entendu quelque-chose que je ne percevais pas. On aurait dit que tout avait fondu : les pierres, les briques, la tour du château s’était effondrée dans la cour, le drapeau ou la croix enseveli sous les décombres : le royaume avait chuté aux mains de l’ennemi. C’est alors que j’aperçus de mes propres yeux en haut des marches menant au balcon de façade, une silhouette à terre, enroulée dans un grand rideau pourpre. Visiblement inconscient, on aurait dit le vieux roi qui se laissait brûler avec le blason de son père, sa mère et sa famille qui observaient sa déchéance. Il pleurait.

 

“Léon ?! Chéri, c’est toi ?!” 

Il ne répondit pas, je montai donc les marches deux par deux en me servant de mes vêtements pour faire barrière aux cendres blanches et rouges qui étaient soufflées telles une neige éparse. C’est là que je le trouvai, le visage couvert de suie et les yeux clos brouillés de larmes, il pleurait dans son sommeil, j’espérais seulement qu’il n’avait pas fait une mauvaise chute. Comme Heidi était restée en bas et jappait comme jamais pour alerter les secours je le pris dans mes bras, ses jambes autour de ma taille et nous nous éloignions le plus vite possible. J’écartai les mèches emmêlées de son visage, constellé de tâches de rousseurs quand il prononça du bout des lèvres : “Ils... s..ont partis ? 

"Qui est parti ?"

"Les… enfants.” 

 

Quoique je n’en savais rien j’acquiesçai et lui fit signe de se reposer, mais il ne m’écoutait déjà plus, alors je lui posai un baiser sur le nez pour lui souhaiter un doux sommeil, enfin soulagée de le voir indemne. Mais ce n’était pas le seul qui m’inquiétait. C’est alors que je distinguais des voix braillardes par-dessus la bourrasque, causant les flammes ondulantes qui léchaient les arbres aux alentours. Des pompiers étaient arrivés avec une pompe à bras tirée par des chevaux. Les poumons en feu et des égratignures aux talons je rejoins le petit groupe où j’aperçus Erwin, un bras autour des épaules d’Agnès qui hyperventilait, une main couvrant ses lèvres tremblantes, le couple avait les yeux rougis par l’émotion, ou bien pleuraient-ils juste de la poussière comme une cheminée. Ils s’exclamèrent en nous apercevant : 

 

“Mon Dieu, fit Agnès en se penchant au-dessus de Léon pour l’envelopper de ses bras, tu l’as trouvé ! Nous avons eu si peur, impossible de savoir s’il était encore à l’intérieur.

"Les pompiers sont arrivés, mais tout ça pour quoi ?... On pouvait bien remplir autant de sceaux qu’on voulait, c’est un cauchemar…” Erwin se forçait à garder la tête haute tant que le danger n’était pas écarté.

 

Il avait dû se débattre comme un ours contre l’incendie, mais le sinistre avait pris une amplitude telle qu’un homme n’aurait pas pu lutter seul, je remarquai qu’il avait perdu l’un des boutons de sa manche, sûrement avait-il sauté quand il l’avait remontée avec précipitation. Leur monde, l’oeuvre de leur vie réduite en cendre en l’espace d’une heure à peine, et sans explication. Ou bien savais-je ce qu’il s’était passé ? Je ne pouvais pas leur dire cela, je ne pouvais pas accuser des enfants fantômes que Léon avait cru apercevoir à moitié dans les vapes. Leur fils unique, maintenant leur chez-eux, pourquoi fallait-il que le sort continue de s’acharner sur eux ?... Le court d’un instant, je fus prise de l’envie de les serrer contre moi, et de pleurer avec eux, d’absorber leur choc et leur douleur dans ma poitrine, mais une lueur de colère dans l’oeil glacial d’Erwin me figea sur place. Peut-être que sa fureur n’était pas dirigée contre moi, mais le sentiment que je ressentis sur l’instant était tout personnel. Ce pouvait-il… que ce soit de ma faute ? Milan ne m’avait-il pas prévenu ? L’univers avait envoyé des signes, mais pouvait-on jamais prévoir la catastrophe ? Quel pouvoir aura-t-on à la fin des temps lorsque sonnera l’heure de la Grande Tribulation ? On entend galoper les sept cavaliers de l’apocalypse, mais qu’en dira-t-on ? Qui écrira la fin de l’histoire, qui la lira ? “Tu es né poussière et tu redeviendras poussière”, la métamorphose en vaut-elle la peine, quand nous passons notre vie à ramper au sol. 

Et Milan qui se prenait pour un prophète de malheur, notre ange de la mort … Seigneur quel carnage.

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JeannieC.
Posté le 24/07/2023
Hello Carmen ! :D
Me revoilà pour ton troisième chapitre. :) Avant de démarrer, par rapport à ta note, comme je te comprends, pour les sagas familiales à la Zola et les épopées qui t'ont happée au milieu de l'écriture de ton chapitre <3

C'est parti ! Quelques bricoles au fil du texte :
>> "en haut d’un bâtiment à côté duquel je passais tous les jours, marqué par la sécession viennoise" > l'ordre des infos m'a troublée, perso j'aurais vu "d'un bâtiment marqué par la sécession viennoise, à côté duquel je passe tous les jours" mais là c'est vraiment une impression personnelle !
>> Ah tout le premier paragraphe ! *_* Klimt, l'Art Nouveau et l'Art déco, la sécession, Mucha (dont j'ai une repro dans ma chambre)... autant de courants et artistes que j'aime tellement ! Ils me font régulièrement me dire qu'un jour, il faudra que j'aille visiter Vienne. <3
>> "Des fois je me dis cependant, est-ce que certaines choses ne sont pas plus belles dans leur état d’imperfection ou de décomposition ? N’était-ce pas ainsi que Hubert Robert préférait les capturer ? La ruine des choses ?" C'est ultra intéressant ça ! Aimer davantage l'ombre des choses et le fantasme des choses, plutôt que les œuvres elles-mêmes quand des fois elles sont si mystérieuses. Je comprends cette sensation de Valérie. Et en même temps j'aime bien son côté cash à dire ce qui ne la touche pas du tout, comme cette fresque qu'elle rapproche d'un dessin d'enfant x)
>> "Peut-être que l’histoire est aveugle et le créateur, un fameux sculpteur. De ses mains il nous tâte et prend la mesure de nos formes, des fois il nous brise, mais ce n’est jamais que de la glaise. " > Oh j'aime ! Tiens ça me rappelle une chanson de Serge Reggiani sur Camille Claudel (la chanson s'appelle "Camille" je crois), il y a un vers qui dit "Et Dieu est un curieux sculpteur qui tue les statues qu'il préfère" -
>> "à quel groupe éthnique ils appartenaient exactement" > ethnique ?
>> "resta debout à faire les cents pas" > les cent pas
>> "Ils disent bien que le chemin du repentir est semé d’embûches…" > ahahah pardon, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, par rapport au titre de mon roman x) Mais blague à part, c'est touchant et ça serre le coeur ce qu'on entrevoie derrière cette semi-plaisanterie.
>> "Et qui vous a demandé de venir parasiter ma vie ?” Il posa sa main délicatement sur la vitre de verre et observa ce visage de porcelaine avec un je ne sais quoi de douleur et de nostalgie. Par la suite il remit la planche en place et le renferma dans son cercueil de glace et de bois." > je ne comprends pas les guillemets juste après "de bois". Vu qu'ils étaient fermés plus haut, je pensais que la suite était de la narration ?
>> "ravageant l’espèce humaine dans un ouragan aux couleurs apocalyptiques, celles d’une étoile qui meurt" > Oh ! Encore une belle phrase. <3 Et qui dans l'idée me fait un peu penser à un aphorisme de Nietzsche autour de l'idée de chaos/cataclysme et d'étoile : "Il faut un chaos pour accoucher d'une étoile qui danse."
>> "On pouvait bien remplir autant de sceaux qu’on voulait, c’est un cauchemar…" > seaux
>> "Ce pouvait-il… que ce soit de ma faute ?" > Se pouvait-il
>> "Milan ne m’avait-il pas prévenu ?" > prévenue
>> "notre ange de la mort …" > pas d'espace entre le dernier mot et le point de suspension
>> "Seigneur quel carnage.", pour le rythme, je verrais une petite virgule après "Seigneur"

Eh bien, beaucoup d'émotions fortes dans ce chapitre ! J'avoue, je ne suis pas sûre d'avoir bien compris pourquoi Valérie s'en prend tout d'un coup à Milan (elle pense qu'il a tué Jakob ?) et ce qu'il en est réellement de la relation entre Milan et Jakob. Ceci dit, c'est peut-être le texte qui entretient un peu ce mystère entre ce qui est arrivé et ce qu'en perçoit Valérie ?
J'ai beaucoup aimé le moment où Milan présente Nicholas et Talassa. Où Valérie les découvre, eux, leur habitation, et l'histoire qui les amenés là tous les trois. Et toute la fin avec Léon et l'incendie, ça arrive d'une façon si brusque, clairement ça surprend ! Là aussi les réactions sont très touchantes. Et en même temps c'est troublant, je trouve un côté assez distancié à la description de cet incendie et de ses conséquences, comme si Valérie était un peu en détachement. Elle s'émeut de Léon, elle trouve quelque chose de presque prophétique à cette catastrophe, mais on a finalement assez peu accès à des réactions de terreur autour - des passants qui fuient, qui crient, du tumulte, des secousses, des cohues, ce genre de chose. Je trouve intéressant cette intériorité, cette approche assez réflexive de ce qui arrive.

Toujours aussi curieuse de ton univers et de tes personnages ! Belle immersion dans cette époque, et dans les vies compliquées de toute une galerie de personnages. <3
À bientôt !
Vous lisez