Communications galactiques

Communications galactiques

Ulys frappa à la porte du poste de pilotage, impatient de savoir pourquoi le capitaine les avait convoqués. Celui-ci leur ouvrit, puis prit place en face d’eux dans le fauteuil de pilotage. Contrairement à leur précédente visite, il leur fit signe de s’asseoir. Ulys obtempéra sans pouvoir empêcher ses pieds de battre la mesure ; la mine grave de Skull le rendait nerveux, d’autant que son esprit était en pleine ébullition après les mises en garde de Tancred.

– J’ai pu joindre la Terre, commença le capitaine. D’après les renseignements qu’ils m’ont envoyés, je pense que je peux me fier à ce que vous m’avez raconté.

Il marqua un silence.

– D’autre part, reprit-il, l’astroport terrien où vous avez embarqué a confirmé votre disparition.

– Nos parents sont restés là-bas ? demanda avidement Ulys. Ils nous attendent ?

– Non, le Firebird avait déjà décollé, juste après nous, quand l’alerte a été donnée. Et il n’a pas fait demi-tour, sans doute pour tout un tas de raisons.

– Alors ils sont partis sans nous ? souffla Teddy, le menton crispé.

– Oui, mais l’astroport doit avoir contacté leur navette pour leur dire que vous êtes sur le WOW, maintenant.

– On va pouvoir leur parler ? questionna Tan.

– Pas directement non. Deux vaisseaux ne peuvent pas communiquer entre eux, sauf s’ils se trouvent vraiment tout près l’un de l’autre. Il faut passer par des relais sur les planètes. J’imagine que vous vous rendez compte de l’énormité des distances qui séparent les mondes habités ?

– Bien sûr ! s’exclama Ulys, au nom du groupe.

– OK. Donc, en considérant ce paramètre, vous devez comprendre que les communications peuvent prendre énormément de temps. Dès qu’ils auront mon message, vos parents vous enverront probablement une réponse, mais elle mettra peut-être plusieurs semaines à arriver. Par rapport à la Terre, nous avons pris la direction opposée à la leur, ou presque, ce qui rallonge encore les délais.

La vision fugace des deux vaisseaux s’éloignant l’un de l’autre dans l’immensité de la galaxie contracta la gorge d’Ulys, mais il parvint tout de même à réfléchir à tout ce qu’ils venaient d’apprendre. Savoir que l’inquiétude de son père et de sa mère ne durerait plus très longtemps le soulageait beaucoup. Pour le reste, il pouvait attendre.

– Évidemment, nous aurions bien aimé leur parler de vive voix, dit Tan, mais on est déjà très contents qu’ils sachent que nous allons bien.

– Et on ira encore mieux quand on recevra des nouvelles d’eux ! ajouta Ulys.

Oxan s’éclaircit la gorge :

– Est-ce que vous… euh, tu peux nous dire ce qu’il y avait, dans ton message ?

– Je leur ai dit que je vous amènerai sur Dianaël dès que possible.

Cinq exclamations de joie saluèrent cette réponse. Ulys décida aussitôt que malgré l’air contrarié qu’il affichait dès qu’il les posait les yeux sur eux, Skull était un homme bien.

– On va les retrouver, alors ? s’écria Teddy en trépignant.

– Oui, mais il vous faudra de la patience. Le WOW a des contrats à honorer. À notre prochaine escale dans le système de Procyon, nous devons livrer du matériel médical prioritaire, puis nous participerons à un chantier. Ensuite, nous irons rejoindre votre famille, en espérant pouvoir rentabiliser ce voyage. En tout, ça devrait nous prendre moins de six mois. Je sais que ça doit vous paraître long, mais impossible de faire autrement : sans le chantier, je n’aurais pas les finances pour aller jusqu’à Dianaël.

Six mois ? Une demi-année ? Ça paraissait comme une éternité… Pourtant, c’était infiniment mieux que de ne pas savoir du tout s’ils les reverraient un jour. Ulys sentit d’ailleurs son ventre se détendre. A ses côtés, il perçut les soupirs de soulagement des autres.

– Très bien, approuva-t-il. Merci.

Skull l’arrêta d’un geste agacé.

– Garde tes remerciements, je tiens à me débarrasser de vous aussitôt que possible ! Cinq bouches supplémentaires à nourrir, ça coûte ! Sans compter les ennuis que je pourrais récolter à trimballer des enfants sans preuves d’identité sur mon cargo. Et si je vous ramène avec un décalage temporel, ça risque de me retomber dessus !

Rendus muets par sa tirade — qui ne s’adressait pas vraiment à eux, mais plutôt au destin qui les avaient mis sur sa route —, les Sailor ne bougeaient plus un cil.

– Un décalage temporel ? questionna enfin Ulys qui soupçonnait un gros problème. Qu’est-ce que c’est ?

Skull soupira et lui jeta un regard en coin.

– C’est lié au temps relatif. Vous connaissez cette notion ?

– Euh…

– Le temps ne s’écoule pas de la même manière partout. Plusieurs facteurs font varier sa vitesse : la distance par rapport au centre de la galaxie, l’orbite de la planète sur laquelle on séjourne, sa rotation… Et c’est encore plus compliqué si on voyage, parce que la vitesse de déplacement entre aussi dans l’équation. Il existe un calendrier partagé par une partie des mondes rattachés à la Communauté Galactique et par les voyageurs : c’est le TU, temps unifié. Mais il n’est pas réel : il permet juste d’avoir des repères communs en matière de dates. En fait, pour une année à un point de l’espace, il peut s’en écouler trois fois plus dans un autre endroit.

– Je ne comprends rien ! s’exclama Ulys. Quel est le problème pour nous ?

– C’est que le temps ne passera peut-être pas à la même allure pour vous et pour vos parents. Il faut que vous les retrouviez le plus vite possible, pour éviter que le décalage ne devienne trop grand.

Ça faisait beaucoup d’informations d’un coup, qu’Ulys n’était pas sûr de bien saisir. Il en revint à ce qu’il comprenait.

 – Mais tu nous emmèneras sur Dianaël juste après la prochaine escale ? s’assura-t-il en rivant ses yeux dans les prunelles dépareillées du capitaine.

Skull confirma d’un hochement de tête.

– Alors il n’y a pas de quoi s’inquiéter ! trancha Ulys.