Le soleil se couchait. Nous rentrions à l’appartement. J’ouvris le divan-lit, y étendis quelques couvertures et posa l’oreiller de Julia.
— C’est ici que tu vas dormir, ça te va ?
Elle me regardait.
— Pourrais-je dormir avec vous, Monsieur A ?
— Je ne préférerais pas, ma Julia.
— Pourquoi ?
Je souris.
— Je ronfle beaucoup, tu sais.
Elle rit.
— Allons, dis-je. Va te brosser les dents et enfiler ton pyjama, c’est l’heure de dormir.
Elle obéit et revint en plongeant sur son lit. Elle s’installa et je plaçai les couvertures sur elle.
— Bonne nuit, ma petite.
— Je ne suis pas fatiguée, Monsieur A.
Je la regardai dans les yeux. Ils étaient encore vifs, lumineux.
— Et pourtant c’est l’heure de dormir.
— Racontez-moi une dernière histoire, s’il vous plaît. Juste une.
— Mes histoires ne sont pas des histoires qui aident les enfants à s’endormir.
— Et moi je ne suis pas un enfant comme les autres, n’est-ce pas ?
Je souris.
— Ça non, ma Julia. Tu n’es pas comme les autres.
— Moi ce qui m’aide à m’endormir, dit-elle, c’est de placer des trésors dans la bibliothèque de mon esprit. Allons, Monsieur A, une dernière histoire !
Je portai mon regard sur mon sac en jute, et gardai le silence un instant.
— L’entends-tu ?
Ses petits yeux foncés étaient fascinés.
— Entendre quoi ?
Je la regardai en mimant la stupeur.
— Un cri de vieux lion gris s’échappe de mon sac à trésors. Il veut que je te raconte une histoire. Il veut que je te raconte la seule histoire de l’humanité. L’histoire…