Interlude

Par AGL

Je sortis de la chambre et trouvai Béatrice dans le couloir. Constatant ma tristesse, elle ouvrit ses bras pour m’enlacer. Je m’écroulai sur elle, tel un enfant inconsolable.

— Ah ! Béatrice ! Je n’en ai pas la force !

— La force pour quoi, Monsieur A ?

— Pour la laisser.

— Alors, ne la laissez pas. Il y a de la place pour trois dans cette maison.

Je parlais avec difficulté dans le creux de son cou.

— Et pourtant…

— Et pourtant, il le faut.

Je soulevai la tête pour la regarder dans les yeux.

— Béatrice, dites-moi, suis-je en train de commettre une erreur ?

— Vous savez, il fait mal de quitter ceux qu’on aime, mais il coûte plus grand encore de trahir sa plus grande volonté. J’ai de l’expérience dans le domaine. Il y a cinq jours, vous avez accompli ma plus grande volonté en m’emmenant cette enfant. Je n’ai jamais été plus heureuse.

Je souris.

— Ah ! Béatrice ! Je savais que vous étiez la mère qu’il fallait à cette enfant ! Je n’ai jamais vu Julia plus heureuse qu’aujourd’hui. Comme elle sera bien à vos côtés !

— Et vous ?

J’essuyais mes yeux en hochant la tête.

— Et moi, il me faut vous quitter.

— À cause de la nouvelle religion ?

Je poussai un petit rire.

— Vous nous avez écoutés ?

— Je n’ai pas pu m’en empêcher. Quelles émotions votre voix a-t-elle pu m’apporter ! Ce n’est pas rien ce que vous lui avez raconté là. Disons que ce n’est pas le genre d’histoire à endormir les enfants !

— C’est bien parce que Julia n’est pas une enfant comme les autres.

— Ça, j’ai bien pu m’en rendre compte ! Je lui ai moi-même appris à jouer aux échecs, tout à l’heure. Je la battais, et sans même être mauvaise perdante, elle regardait son Roi mourir en disant : « mort aux Rois ! ».

J’étais ému.

— Vous serez sa mère, Béatrice, mais je resterai toujours son père.

— Oui, et vous serez toujours le bienvenu ici. 

Je hochai la tête en la remerciant.

— Avez-vous du papier lettre, ma chère ?

Elle me désigna une pièce sur notre gauche.

— Il y a un bureau, juste ici. Vous trouverez tout ce qu’il vous faut.

Je l’enlaçai une dernière fois.

— Merci pour tout, Béatrice.

— Merci à vous, Monsieur A.

— Le piano devrait arriver demain matin. Après, vous pourrez contacter le Département de la protection de la jeunesse pour finaliser l’adoption. Vous direz à la police que la petite est parvenue chez vous toute seule, et que je me suis enfui.

Béatrice ne comprenait pas.

— Un piano ? Et vous ? Ne deviez-vous pas rester une semaine ?

— Vous avez fait vos preuves, Béatrice. À moi de faire les miennes.

 

Et quand j’eus prononcé ces mots, je la quittai et entrai dans le bureau. J’allumai la petite lampe, trouvai un papier et un stylo, et m’installai dans la chaise. J’écrivis le titre…

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