La librairie des horizons

Notes de l’auteur : Maintenant que les guides sont après elle, Maïwenn n'a plus le choix. Il est temps qu'elle découvre leurs archives, qui cachent bien sûr autre chose...

Ce matin-là, Maïwenn avait un mal de tête horrible, la rencontre de la veille lui avait laissé des séquelles. Pourtant, il s’envola lorsqu'elle constata que le petit-déjeuner était déjà disposé sur sa table de cuisine, mais plus une trace de Mathias.

Avant de prendre son premier café, elle se rendit en peignoir jusqu'à la boite aux lettres pour y retirer le courrier et le journal que sa grand-mère recevait tous les matins. Une lettre de sa mère était là. Légèrement bombé, Maïwenn devina que la chevalière se trouvait dans le pli. Elle l'ouvrit et trouva effectivement le bijou à l’intérieur. Cette dernière était de forme carrée avec au milieu une améthyste entourée d’une spirale. C’était bien la même, pas de doute possible.

Au bord des larmes, elle la plaça dans la poche de son peignoir, comme pour oublier son existence et partit dans la salle de bains se préparer. Elle entreprit ensuite un grand ménage du salon avec la télévision en toile de fond :

— Alors Gwendal, des nouvelles de l’affaire Godest me dit-on ?

— Tout à fait, tout à fait. Nous avons appris la mise en garde à vue d’un homme et tenez-vous bien, il semblerait, je dis bien, il semblerait, car tout cela reste du conditionnel, qu’il s’agisse du fils caché de Pierre Godest.

— Un fils caché ?

— C’est cela, un fils caché qui pourrait avoir aidé son père, Pierre Godest, à fuir la France et les inspecteurs pourraient l’interroger sur son éventuelle implication dans la mort de son oncle, Victor Godest.

— Concrètement, est-ce que cela change quelque chose dans la vie de l’entreprise ?

— Et bien oui et pas qu’un peu. Pour faire un petit rappel de l’histoire familiale des Godest, Victor, le créateur et propriétaire du LaGo a deux frères, Pierre et Richard. Les deux enfants de Victor ont accepté la semaine dernière de vendre leurs parts à leur oncle, Pierre, pour un montant confidentiel. Sans enfant, s’il part en prison et sauf avis contraire du conseil de l’entreprise, c’est à Richard, le dernier frère, que tout reviendrait. L’apparition d’un héritier changerait donc beaucoup de choses.

— A-t-on, Gwendal, une idée du mobile de ce meurtre ?

— Et bien à l’heure d’aujourd’hui rien n’est confirmé, mais l’argent et le pouvoir semblent être des motifs plausibles.

Soudain, le téléphone sonna dans le salon. Maïwenn n’eut pas envie de décrocher car elle ne voulait pas entendre ce qu’on allait lui dire, mais elle fit tout de même:

— Maïwenn, il s’est passé quelque chose ce matin, annonça sa mère avec gravité. Ton père vient d’être arrêté par la police pour être interrogé.

— On en parle au journal télévisé.

— Bon. On ne t’en a jamais parlé, mais ton grand-père était en fait le frère de ce Victor.

— Mamie me l’a dit, oui.

— Ah d’accord. Elle aurait pu nous demander notre avis quand même, s’indigna Madeline.

— C’est surtout vous qui auriez dû m’en parler plus tôt, tu ne crois pas ? Enchainons.

— Oui… Enchainons… Lorsque nous sommes allés à Quimper voir l’exposition sur la cathédrale, ton père en a profité pour y rencontrer son géniteur, Pierre. Ça n’était pas la première fois, mais compte tenu des faits qui ont suivi, la police veut l’interroger pour savoir s’il a un lien avec le meurtre de Victor ou la fuite de Pierre.

— Ils vont le garder combien de temps ?

— Je ne le sais pas encore.

— De toute façon, ils ne vont rien trouver, si ?

— Non, bien sûr que non. Je voulais juste que tu le saches, car l’inspecteur qui est venu ici m’a parlé de toi… Et de ton séjour en hopi… Maison de repos.

— Comment me connaît-il et qu’ai-je à voir là-dedans pour lui ? Bizarre.

— Apparemment il t’a vue avec Jeanne. Inspecteur Guengat.

— Ah oui, je vois. Pas très sympathique.

— Ne te fais pas remarquer hein, prends bien tes médicaments.

— Bien sûr, pour qui me prends-tu ? Appelle-moi quand tu auras des nouvelles pour papa.

Maïwenn abrégea cette conversation, car le manque de confiance qu’avait sa mère l’agaçait quelque peu.

Sous les coups de quatorze heures, Mathias sonna à sa porte. Il était venu la chercher pour qu'elle l'accompagne aux archives de la ville close. L’homme la conduit en face de la devanture de la Librairie des horizons.

— Ma voisine m'avait justement conseillé d'aller y faire un tour, s'exclama la jeune fille.

— Et bien, ta voisine a de bons goûts, mais nous ne sommes pas vraiment là pour ça. Cela me parait tout de même bizarre qu’elle connaisse cet endroit, le gérant ne fait pas de publicité.

— Elle m’a parlé du site internet, il me semble, précisa Maïwenn.

— Crois-tu vraiment qu'il y ait un site ? Ce magasin est une couverture pour nos archives qui se trouvent au sous-sol. Tu as dû mal comprendre. Renaud, le gérant, est l'un de nos sympathisants. Pierre a fait beaucoup pour sa famille. Il n’est pas Guide, mais il est dans la confidence. Entrons.

La petite sonnerie retentit sur leur passage et Renaud apparut presque instantanément. Il reconnut tout de suite Mathias qui lui fit une accolade chaleureuse.

Maïwenn allait le saluer à son tour lorsqu'elle fut surprise par un oiseau voltigeant autour de lui.

— N'aie pas peur, c'est Flik Flak mon pivert domestique.

Il tendit son poignet, recouvert d'un grand bracelet de cuir, et l'animal se posa dessus. Il y resta quelques minutes puis reprit son envol dans la librairie le plus naturellement du monde pour enfin se poser sur une des poutres du plafond telle une gargouille.

— Je ne savais pas que les piverts se domestiquaient, s’étonna la jeune femme.

— Dans le cas présent, je dirais plutôt que c’est lui qui a dompté toute la famille, plaisanta le gérant, il est libre. Au fait, désolé pour mon attitude l’autre jour, s’excusa le gérant tout en se dirigeant dans le fond du magasin.

Elle vit alors Renaud, soulever une tenture représentant une étagère remplie de livres. Sous celle-ci se trouvait une porte en bois. Il l'ouvrit et leur fit signe d'emprunter l'escalier devant eux. Quelques marches plus bas, ils arrivèrent dans une pièce sombre, la réserve du magasin. Elle était relativement grande et remplie de cartons en tout genre pour le réapprovisionnement de la boutique.

Bien qu'au départ il ne s'agissait que d'une couverture, Renaud avait peu à peu pris au sérieux son rôle de gérant et était maintenant fier de la petite réputation de son magasin. Il s'avança au fond de la pièce et écarta quelques cartons posés contre un mur.

— Les ancêtres de Mathias étaient des petits malins... Il tient ça d'eux, dit-il en jetant un œil à Maïwenn.

Mathias secoua la tête pour réfuter ce qu'il venait de dire, pourtant sa moue espiègle laissait penser le contraire.

Bien sûr que c'est un petit malin, pensa Maïwenn.

Renaud poussa ensuite le mur qui pivota, laissant entrevoir un couloir au bout duquel se trouvait un autre escalier. Sa tâche achevée, il les laissa poursuivre seuls. Maïwenn et Mathias suivirent alors ses indications jusqu'à atteindre une grande porte en chêne massif aux gonds énormes. Le jeune homme poussa l'une des pierres sur le mur qui s'enfonça laissant ainsi apparaître celle en dessous, en partie creuse. Il fouilla dans sa poche de pantalon et en sortit ensuite une cordelette, avec un aimant au bout, qu'il plongeât dans le trou de la roche pour en remonter une clé. Il ouvrit la porte avec. Une fois les néons du plafond allumés, Maïwenn put découvrir une pièce beaucoup plus moderne qu'elle ne l'imaginait : carrelage imitation ardoise au sol, étagères en teck remplies de vieux livres, deux tables au milieu et trois ordinateurs dans le fond. Cet endroit n'avait rien à voir avec les archives poussiéreuses qu'elle pensait trouver. Mathias s'assit sur l'une des tables et contempla la pièce avec fierté.

— Voilà, nous y sommes, nos archives. Bien sûr tout n'est pas ici, il y en a partout à travers le monde, mais nous avons les plus anciens registres.

— Tu veux dire que depuis des siècles, vous consignez ce qu'il vous arrive ?

— Oui, Victor le fait toujours, mais cela se perd un peu de nos jours. J'espère que tu te rends bien compte du privilège que tu as.

— Un privilège ? Moi qui croyais que tu avais besoin de moi pour lire à ta place.

Il sourit sans répondre.

— En fait…ce n’est pas vraiment pour cela que je t’ai conduite ici, j’ai autre chose à te montrer, avoua le Guide.

Ils longèrent l’une des allées de livres jusqu’à arriver au mur, puis Mathias appuya sur celui-ci qui s’ouvrit sur une nouvelle pièce.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Maïwenn nerveusement.

Devant elle se trouvait un Fauteuil médical avec tout autour plusieurs machines éteintes. Mathias entra dans la pièce en premier et les alluma puis il entra un code sur la porte d’une armoire qui s’ouvrit aussitôt. À l’intérieur, se trouvait un casque qui ressemblait à une araignée avec ses multiples pattes de métal.

— C’est une blague ? Ne me dis pas que c’est le machin dont tout le monde parle ?

— Si, voilà le Visio-nerf, lui annonça Mathias avec fierté.

— Vous gardez un prototype de plusieurs milliers d’euros au fin fond d’archives dans la ville close ? Je rêve, s’exclama la jeune femme.

— L’un des prototypes en fait et qui viendrait le chercher ici honnêtement ?

— C’est vrai, admit-elle.

— Et on est plus proche des millions d’euros d’ailleurs, rectifia Mathias.

— Ôte moi d’un doute, tu ne t’imagines toute de même pas que je vais poser cela sur ma tête ? s’offusqua la brunette en faisant mine de se recoiffer.

— Je ne m’imagine pas non… Tu vas le faire parce que je veux des réponses… Et toi aussi, répondit le Guide avec autorité.

— Jamais de la vie.

— C’est indolore, affirma Mathias.

— Qu’en sais-tu ?

— Personne ne s’est plaint, sourit-il sans cacher sa mauvaise foi.

Renaud apparut dans la pièce et commença à vérifier les différentes machines.

— J’ai fermé le magasin, comme ça je peux me concentrer à cent pourcent sur vous, annonça-t-il.

— Ah ben me voilà rassurée, ironisa le futur cobaye.

— Allez assieds-toi Maïwenn, dit Renaud en tapotant le siège médical.

— Non vraiment, merci, mais sans façon.

— Ne t’inquiète pas, j’ai l’habitude avec Victor et Pierre. Je sais très bien m’en servir, tenta de la rassurer le propriétaire de la librairie.

— De toute manière, tu ne sortiras pas tant que tu n’y seras pas passée, déclara le Guide en verrouillant la porte d’entrée.

— Putain, vous faites chier ! vociféra Maïwenn.

Elle devait se rendre à l'évidence, ils ne la laisseraient pas partir, alors elle capitula et s'allongea sur le siège.

— Quelle vulgarité ! ricana Mathias.

— Ne t’en fais pas, tout va bien se passer, ajouta Renaud en plaçant le casque.

Ceci n’avait pas suffi à détendre Maïwenn qui était crispée sur le fauteuil. Quelques minutes plus tard, Renaud était prêt à démarrer et dès les premiers instants, la jeune femme sentit des petits picotements sur ses tempes.

— Détends toi Maïwenn et raconte nous ce qui s’est produit ce soir-là, lui demanda Renaud.

Pendant ce temps-là, Mathias scrutait les différents écrans. Il n’avait rien voulu laisser paraître, mais il n’était pas du tout à l’aise avec cette technologie et n’avait aucune idée de ce qu’il ferait de Maïwenn si l’expérience tournait mal. Le bruit que Renaud fit en tapant sur l’un des moniteurs pour le faire fonctionner le sortit de ses rêveries.

— Ok. Alors, je suis sur mon parking, il fait nuit. Je vais remonter chez moi, mais j’entends un bruit qui vient de la ruelle alors je m’approche. La lumière du lampadaire vacille.

Mathias souffla et se détourna quelques secondes des écrans. Renaud lui toucha alors l’épaule pour attirer son attention et pointa l’écran. Mathias souffla de nouveau.

— Alors, je prends mon portable pour m’éclairer et là je le vois. Il y a un homme en costume. Il est à terre et il a plein de sang sur lui. Je l’aide à se déplacer sous le lampadaire.

Maïwenn s’arrêta de parler.

— Continue, lui demanda Mathias après plusieurs secondes de silence.

— Je n’ai pas de sang sur moi. Comment est-ce possible, il saigne beaucoup pourtant. Je veux appeler les secours, mais il veut d’abord me donner une chevalière. Ce bijou est pour Mathias Omnès. Il y a des voix ensuite. L’homme me dit que ce sont ses agresseurs qui arrivent. Je suis cachée derrière une voiture et là, ils ont des cagoules. L’un d’eux sort un couteau argenté. Non ne faites pas ça ! hurla Maïwenn.

— Calme-toi, tu es en sécurité ici, lui dit Renaud. Va lui prendre la main Mathias.

Le jeune homme s’exécuta et s’approcha d’elle.

— Que fait-il ? demanda-t-il.

— Il, il l’attrape par les cheveux et… Et…

— Je crois qu’on a compris et on a ce qu’on voulait, dit Renaud, j’arrête tout.

— Je suis sur la plage, reprit la brunette, ce chien court vers moi et cette femme avec de longs cheveux roux… Elle est bizarre, menaçante.

— Attends avant de couper, intervint le Guide soudainement intéressé.

— Elle me dit que je ne dois faire confiance à personne. Esco, c’est le nom du chien.

— J’arrête maintenant, ça suffit, affirma Renaud.

Il s’approcha alors du siège et retira le casque de la tête de Maïwenn.

— J’ai mal au crâne, dit-elle, j’ai tellement mal.

Mathias semblait contrarié. Il l’aida à se relever, mais celle-ci tituba et dû se rasseoir sur le siège.

— Qu’est-ce qui lui arrive ? chuchota Mathias au gérant.

— Je n’en sais rien. C’était la première à le tester, répondit-il sur le même ton.

— Quoi ! Tu m’avais dit que…

— Chut, fit Renaud en montrant Maïwenn du doigt, faut pas l’affoler.

— Les gars, je ne me sens vraiment pas bien là.

— Tu devrais la ramener chez elle, conseilla Renaud.

Mathias était aussi de cet avis. Il ramena la jeune femme chez elle pour qu’elle se repose.

— Alors, qu’a dit la machine, mes résultats sont bons ? s’inquiéta la jeune femme lorsque Mathias la glissa dans son lit.

— Repose-toi, on verra cela plus tard.

À son départ, Maïwenn reprenait doucement des couleurs, mais il ne pouvait pas s’éterniser, car il avait quelqu’un d’autre à voir.

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Den ar vilin
Posté le 18/06/2024
Salut ! Ton histoire prend une tournure particulière avec toutes ces histoires de familles, c'est intéressant.
Par contre, c'est moi ou il se passe un truc entre Mathias et ta protagoniste ?
Sinon, je me demande ce que devient Brieuc, il avait bien dit qu'il ne la laisserait pas partir aussi facilement. J'ai du mal à croire que ce n'était que des paroles en l'air.
À bientôt ^^
Portequigrince
Posté le 16/07/2024
La famille et l'esprit de clan auront une place à part dans l'histoire c'est vrai mais en restant sur la même ligne, alors j'espère que ce sera clair!
C'est un peu le jeu du chat et de à la souris entre Mathias et Maïwenn mais sans, normalement, perdre de vue leurs objectifs!
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